Une lecture passionnante interrompue par une ombre piquante | Jasper L. Greengrass

La semaine passait vite, jeudi pointait déjà le bout de son nez. Et plus les examens approchaient, plus le temps défilait à vitesse grand V, de la même façon que le stress s'insinuait dans les esprits studieux. Beaucoup de discussions étaient orientées sur les évaluations à venir – ou au contraire sur les vacances pour ceux qui semblaient que peu se préoccuper de cette période - . Certains élèves cherchaient à se rassurer en demandant à leur camarade comment avançaient leurs révisions, tandis d'autres abordaient déjà le sujet des matières qu'ils étaient persuadés de rater et celles pour lesquelles l'échec était impensable. Kelsey ne se mêlait que peu à ses conversations. Elle révisait la plupart du temps dans son coin, faisant son maximum pour obtenir les meilleures notes possibles et surtout ne pas avoir de regret en se répétant « J'aurais pu mieux faire » .

Aujourd'hui pourtant, elle s'accordait une petite pause en ce bel après-midi ensoleillé. Elle était dans le parc, assise sur l'herbe parfaitement entretenue où nulle mauvaise herbe n'avait le temps de percer la terre pour voir la lumière du jour et sentir la chaleur des rayons solaires. Baignée de soleil, elle lisait un livre d'un auteur moldu qu'elle appréciait particulièrement, envoyé par sa mère la semaine d'avant. Il s'agissait d'un livre policier, genre qu'elle dévorait lorsque les personnages étaient intéressants et que l'intrigue mêlait suspense et  rebondissement. Celui-ci était rédigé dans un style agréable à lire, original par moment, mais sans prétention. Les sorciers étaient peut-être plus efficaces que les moldus dans de nombreux domaines, mais en matière de lecture, il était indéniable qu'on pouvait dénicher de vrais perles des deux côtés. La jeune sorcière avait un tas de livres variés chez elle, dont la moitié au moins était rédigée par des moldus. En même temps, que l'auteur n'ait pas de pouvoir magique n'avait rien de péjoratif selon elle et l'imagination et la syntaxe ne dépendaient pas de ce critère. Sa mère elle-même étant dépourvue de don surnaturel, Kelsey avait grandi dans les deux mondes à la fois ; elle les connaissait donc très bien. Sa génitrice lui avait appris à ne pas recourir de manière abusive à la magie pour la facilité mais à utiliser ses mains et son énergie, comme lorsqu'il s'agissait des tâches ménagères. Ce n'était pas plus mal après tout, cela rendait plus responsable et mature. Quoi qu'il en soit, elle n'avait rien à reprocher à l'éducation que ses parents lui avaient apporté, bien au contraire. Avec un mode de vie et une philosophie tels que les leurs, il était certain que le monde s'en porterait mieux. Mais comme le dit le dicton « Il faut de tout pour faire un monde » ... quoique pour Kelsey c'était plutôt « On trouve de tout, mais il ne faut pas de tout » .

Plongée dans sa lecture, les bruits alentours ne semblaient être que des murmures qui s'éteignaient à peine naissaient-ils. Les jeunes élèves qui s'amusaient à courir à droite à gauche ne la dérangeaient pas, elle ne s'en préoccupait même pas. Ce fut comme si elle était dans son monde, à s'imaginer mentalement son histoire, à se représenter les personnages à partir des multiples descriptions qui s'étaient étalées sous son regard pétillant. Ses yeux étaient absorbés dans les pages, défilant sur les lignes qui l'amenaient un peu plus vers la fin. La chaleur apportée par le soleil ne semblait pas être désagréable et elle ne craignait pas l'insolation. Elle était un peu bronzée, mais cette petite différence était malgré tout nettement visible, son teint habituel étant très pâle, ce qui lui valait souvent des remarques du genre « Tout va bien ? Tu as l'air souffrante... » . Lorsqu'un tel commentaire était balancé par une personne peu fréquentable dans le but de l'agacer, elle ne se gênait jamais pour lui rétorquer une phrase du genre « Désolée, c'est ta face qui me donne la gerbe » . Ce n'était pas elle qui ressentait de la colère au final.

Elle tourna une nouvelle page du bouquin qui débutait par l'apparition d'un nouveau personnage ; un cocher de petite taille et aux traits fins, décrit comme une personne acariâtre.
Une ombre s'approcha de la jeune fille qui ne releva même pas la tête. Elle était plongée dans cet univers et ne s'était même pas aperçue que la lumière du soleil ne l'éblouissait plus.

HRP: