Dernière ligne droite ! | TERMINE

Le bois craqua sous ses jolies et légères courbes qui s’était avancées tout le long des étagères de la bibliothèque jusqu’à finir par s’asseoir sur cette chaise en bois. Ni une, ni deux, la plume gratouillait déjà le papier blanc et immaculé. Cela dit, il n’était pas vraiment blanc, peut-être plus crème. Ou écru. Peu importe. Cette élégante plume blanche à pointe noire ne cessait de se mouvoir, de danser avec ce parchemin qui se laissait graver de son encre, vestiges de ce moment qu’ils avaient passé ensemble. Sans relâche, le contact se faisait, se défaisait et les lettres puis les mots se gravaient au fil des secondes et des minutes. Dans la tranquillité de la bibliothèque, les mouvements de plumes venaient perturber le silence, le tiller sans le faire céder. Cette paix relative était, sans aucun doute possible, dû aux révisions imposées par l’approche des BUSEs qui n’étaient plus qu’à quelques jours de venir terrifier les élèves qui n’avaient pas assez révisés. Quiconque faisait un minimum attention aux autres pouvait percevoir cette odeur de stress qui venait serrer l’estomac des étudiants, leur front était plissé et leurs mains tremblaient parfois s’ils pensaient trop au retard qu’ils avaient accumulé depuis le début de l’année.

La jeune Serpentard n’était pas de ces gens capables de ressentir les émotions des autres. Ou du moins, elle faisait en sorte de ne pas en faire partie. Elle-même vivait en permanence avec une anxiété qu’elle tâchait de contrôler du mieux dont elle était capable. La peur d’échouer la tourmentait, de jour comme de nuit, cela venait la hanter. Le plus difficile était de ne pas y penser, de ne pas penser tout court. A partir du moment où on se laissait submerger par cette idée insoutenable que nous n’allons pas être prêts à temps et que l’échec est inévitable, plus rien n’est possible, on tétanise, on se bloque et on perd du temps de travail.

Les visages étaient crispés mais pas celui d’Anastasiya. Elle avait le regard calme, presque tendre. Etudier, écrire, prendre des notes, c’était sa manière à elle d’exister depuis des années maintenant. Cela ne la gênait pas de travailler et au contraire-même, cette part de stress était partiellement dissipée le temps où son esprit était occupé à compléter des lacunes qu’elle seule voyait. Il ne faisait nul doute quant à sa réussite aux BUSEs, elle avait toujours été félicitée pour son travail et certains la considéraient même comme une intello coincée dans ses livres. Tout cela, elle s’en moquait et était persuadée qu’à trop se reposer sur les compliments des autres, elle finirait pas freiner son rythme d’apprentissage voire même à stagner et devenir une sorcière médiocre comme tant d’autres. Plus elle étudierait, plus elle serait respectée et reconnue.

Contrairement à d’autres de son âge, elle n’envisageait pas vraiment de carrière spécifique. Quand certains voulaient être Auror ou Ministre de la magie, elle n’avait pas encore décidé de quelle manière elle deviendrait la plus grande sorcière de ce monde. Tout lui allait, à vrai dire. C’était une curieuse de nature et une vie ne suffirait pas à combler tous ses désirs. Si elle le pouvait, Anastasiya aurait fait tous les métiers possibles et imaginables même si, elle était contrainte de l’admettre, elle n’était pas très douée pour tout ce qui touchait de près ou de loin au manuel et à l’artistique. Son terrain c’était son intelligence et l’art de la baguette. Magique, pas de pain. Pour maîtriser certains sorts, elle n’hésitait pas à les travailler pendant des heures, sautant parfois des repas pour ne pas être déconcentrée dans son travail. Elle était dévouée et cela contrastait franchement avec son visage rêveur et tranquille qui ne laissait pas deviner tant d’acharnement et de détermination.

Elle avait même l’air fragile lorsqu’elle maitrisait cette longue baguette dont beaucoup aurait dit qu’elle l’avait volée. Ce n’était pas commun des baguettes aussi grandes, encore moins dans la main de jeunes filles comme Anastasiya. Si la déception l’avait saisie lorsqu’elle l’avait choisie lors de sa première visite sur le Chemin de Traverse, elle pensait désormais que c’était un signe de destin. Cette baguette hors du commun était faite pour être entre les mains d’une personne exceptionnelle. Et puis, ça faisait parler d’elle, des rumeurs circulaient même sur le fait qu’elle avait profité d’un homme plus vieux qu’elle, le séduisant pour l’assommer une fois le dos tourné et lui voler sa baguette. Tout cela n’était que des ragots, bien sûr, mais ça construisait déjà sa légende. Pourquoi diable aurait-elle été volé une baguette aussi particulière ? On l’aurait vite retrouvée…

Toutes ces histoires l’amusaient plus qu’autres chose mais là, il n’y avait plus de temps pour les distractions, quoiqu’elle se sentait de plus en plus prête. Elle n’avait qu’une hâte, que ses examens soient finis pour être enfin libérée… Et pouvoir étudier de nouveau sans la pression d’une échéance qui venait gâcher son plaisir !

Spoiler:

Satané B.U.S.E.. Oui, Matthew n'avait pas changé d'avis à ce sujet. Il trouvait toujours que c'était absurde de faire passer ces examens surtout que ceux la ne provoquaient que du stress. Et pire que la dernière fois où il l'avait pensé, la date était plus proche des examens. Il n'était pas question d'attendre le jour J sans rien faire. Il savait qu'il devait obtenir des résultats convenables pour poursuivre ses études et ainsi rester maître de ses choix même si jusqu'à présent, il subissait plutôt la vie qu'il la dirigeait réellement.

Cette fois, il n'allait pas réviser en plein air. Ca ne lui avait pas réussi la dernière fois malgré la rencontre qu'il avait fait. Pour discuter, c'était bien mais pour réviser... Il valait mieux aller à la bibliothèque, un endroit fermé où on ne pouvait pas parler fort. Et puis, tous ces libres, ces élèves qui étudient sérieusement, ça aurait inspiré le jeune Poufsouffle à faire de même et non à se déconcentrer et se perdre dans ses pensées comme il avait l'habitude de le faire.

Marchant dans les couloirs du quatrième étage avec son sac, l'étudiant se dirigeait vers la bibliothèque. Il en était plus très loin. Quelque secondes plus tard et le voilà devant la porte. Finalement, n'était-ce pas mieux de réviser seul dans son dortoir et tant pis pour les livres qui auraient pu l'aider ? Non, ce n'est pas parce qu'on aime pas forcement les gens, qu'il faut s'isoler et s'empêcher de réviser dans les meilleures conditions ! L'élève prit une grande inspiration avant de poser sa main sur la poignée et ouvrir la porte.

Comme on pouvait s'y attendre, la salle était remplie de monde. Surtout des élèves de cinquième et septième année en train de réviser leur B.U.S.E. et A.S.P.I.C.. Un point commun entre eux ? Tous l'air stressé, le nez plongé dans un bouquin. Des garçons avec des livres, des filles avec des livres, Anastasiya avait des livres... Anastasiya ? Décidément, chaque fois que Matthew prenait une bonne résolution, elle était là.

L'élève de serpentard était assis à une table, seule. Vu que les deux élèves étaient de la même année, peut-être qu'ils pourraient réviser ensemble. Non, cette fille était dans son bulle quand elle étudiait ses cours. Quand Matthew l'avait dérangé dans le parc, elle n'avait plus été capable de réviser. Il valait mieux la laisser tranquille et puis elle était sûrement plus avancée que lui dans les révisions. Il n'aurait fait que de la freiner et le jeune Poufsouffle ne voulait pas passer pour un boulet.

Il partit donc à la chasse d'une table qui serait libre. Celle la ? Non. Celle ci ? Non plus. En fait, toutes les tables étaient prises. Ce n'était pas de chance, il ne restait plus qu'à faire demi tour. Et puis quoi encore ? Il avait fait tout ce chemin pour réviser, il était hors de question de partir sans avoir ouvert un livre. Il regardait la table où Anastasiya était. Après tout, il lui avait déjà parlé un peu, c'était donc moins difficile de l'aborder pour lui demander s'il pouvait s’asseoir également. Et puis il ne l'aurait pas déranger plus que ça, peut-être même qu'elle pouvait l'aider sur les choses qu'il ne comprenait pas. C'était décidé, il allait rejoindre la Serpentard.

- Bonjour Anastasiya. Excuse moi, je peux m’asseoir ici ? Il n'y a plus de places nul part.

Il avait fait sa demande avec son air tout timide. La peur de recevoir un refus de la jeune fille. Si elle ne voulait personne à côté d'elle pour réviser, Matthew l'aurait compris. Il espérait cependant que la réponse soit positive. Avec un peu de chance, ils n'allaient pas rester chacun dans leur bulle à réviser et peut-être même qu'ils allaient avoir une conversation comme l'autre fois. Une conversation où la jeune fille parlerait à nouveau de choses que le jeune Poufsouffle trouvait fascinantes.

C’était toujours la même chose pendant cette période. Ce paradis du livre et de la tranquillité se transformait en véritable champ de bataille. Les étudiants se battaient pour avoir une place sur les tables qui paraissaient soudainement en sous-nombre alors que d’ordinaire elles étaient délaissées. Certains visages venaient pour la première fois de l’année dans cette partie du château, c’est à peine s’ils s’y retrouvaient dans tout ce brouhaha. Pour les habitués, ce n’était pas beaucoup plus simple, adieu la paix relative de ce lieu de travail, on leur volait leur place, leur silence et leurs habitudes. C’était comme ça que marchait la vie. Ce n’est pas parce qu’on est là depuis bien plus longtemps que les autres qu’ils ne peuvent pas venir un jour et tout nous rafler sans que l’on puisse dire sur cela. Par chance, Anastasiya n’avait pas eu à chercher de place et aucune colère n’a pu naître en elle sur cette éventuelle injustice que d’autres connaitront sans doute. Déjà qu’elle avait dû changer de place, encore heureux qu’elle en ait au moins une !

Et voilà qu’on vint se l’approprier. Elle n’était pas là depuis bien longtemps qu’on lui demandait de céder une des places qui l’entourait. Sauf que la personne qui faisait cette requête, ce n’était pas n’importe qui. Enfin si, presque. Matthew. C’est tout ce qu’elle connaissait de lui, si on met de côté son manque de confiance digne d’un ver de terre affrontant un moineau (quoique le pauvre ver a, lui, des raisons de ne pas avoir beaucoup d’estime en ses capacités de combat rapproché…). Elle ne savait pas si c’était leur rencontre passée qui lui donnait le courage de venir l’aborder mais une chose est sûre, il aurait mieux fait de ne pas venir. Ou du moins pas de cette manière. Anastasiya pestait assez comme cela contre les bruits amenés par ces nouvelles têtes pour ne pas l’attirer lui-même. D’un regard noir, elle vint refroidir le ton de Matthew avant de lui faire signe de s’asseoir.

Il ne la dérangeait pas, qu’il y ait du monde autour d’elle ou pas, elle travaillerait. Elle n’avait aucune raison de le repousser, d’autant plus qu’il semblait déterminé à travailler, ça aurait été à l’encontre de ses principes que d’empêcher quelqu’un de se surpasser intellectuellement. Anastasiya releva le nez une nouvelle fois pour plonger ses yeux dans ceux de Matthew, cherchant à lire ses pensées. Sa main se décolla du parchemin et vint inscrire quelques mots sur le coin d’un parchemin gribouillé qu’elle avait mis de côté.

« Bonjour. Enfin décidé à devenir quelqu’un ? »

On ne pouvait pas nier qu’elle avait un certain don pour rentrer dans le vif des choses sans perdre de temps. C’était comme si leur précédente conversation revenait sur le tapis sans perdre de temps, Anastasiya n’était pas du genre à mettre les formes juste pour bien faire et parler pour ne rien dire. Elle voulait le provoquer, piquer son orgueil, qu’il réagisse enfin, s’il avait une vie ce n’était pas pour rien en faire.

Pourquoi fallait-il que les élèves révisent au même moment, au même endroit ? Ne pouvaient-ils pas réviser ailleurs pour laisser cette bibliothèque pour le pauvre Matthew ? C'était des pensées absurdes mais elles avaient le don d'amuser le jeune Poufsouffle. Enfin, un petit temps puisqu'ils étaient vraiment au même endroit et avaient pris toutes les places possibles. Un service de réservation où les élèves auraient eu accès à cette pièce pendant une heure de la journée selon l'année où ils étaient. Ca aurait été une belle solution. Pratique uniquement pour Duke mais pas pour les autres et on n'allait pas changer un système qui marche pour un seul élève.

S'il y avait eu ce changement de système, peut-être que le jeune Poufsouffle aurait pu avoir un place sans rien demander à personne sans avoir à se retrouver de nouveau à aborder Anastasiya. Elle allait sûrement le trouver lourd. La première fois car un papier tombe dans ses affaires et maintenant car il n'y a plus de place. On aurait dit de vulgaires techniques de dragues. Enfin, c'est ce qu'on aurait pu penser si elle ne venait pas de cet étudiant. Matthew n'avait rien d'un dragueur et ça se voyait par son air effrayé chaque fois qu'il parlait à quelqu'un.

Après avoir adressé la parole à la Serpentard, il sentit son coeur battre de plus en plus vite. Il craignait sa réponse. Un non devant tout le monde avec un air agressif aurait été humiliant et Matthew essayait d'éviter les situations embarrassantes à la mesure où il le pouvait. Il croisait le regard de la jeune fille. Elle ne semblait pas contente. Le regard était noir, le genre de regard pouvant rendre mal à l'aise le plus confiant des élèves. Ca y est, elle allait lui hurler dessus, lui dire de la laisser tranquille une fois pour toute. N'ayant pas le courage d'affronter de face cette réaction, il fermait les yeux et attendait que les cris passent.

Il attendit quelques secondes et vit que les cris n'arrivaient pas. Il ouvrit les yeux et vit que la Serpentard lui fit signe de s'asseoir. Il se sentit soulagé. Elle ne l'avait pas éjecté au contraire. Après tout, il ne la dérangeait peut-être pas. A moins que c'était simplement par pitié ? Non, elle ne semblait pas se soucier assez des gens pour agir de la sorte. C'était le genre de personne à dire directement ce qu'elle pensait. Content du geste de la fille, il lui sourit et s’assoit à la même table en posant son sac à ses côtés.

- Merci.

Il commençait à installer ses affaires de travail. Quelque livres, un parchemin pour écrire des notes, une plume et de l'encre. En s'installant, il vit qu'elle écrivait sur un parchemin. Il la regarda puis lit ce qu'il y avait écrit sur le parchemin. Elle ne passait pas par quatre chemins pour demander quelque chose. Décidé à devenir quelqu'un, peut-être pas. Le jeune Poufsouffle révisait juste pour éviter d'échouer à ses examens et pourquoi pas grappiller un ou deux Optimal. Contrairement à la fille, Duke n'écriva pas sa réponse.

- Plutôt décidé à obtenir mes B.U.S.E. pour le moment. Il faut bien commencer par là.  

Il regardait les livres qu'il avait posé sur la table. Il y en avait plusieurs sur différentes matières. Par laquelle allait-il commencer ? S'il y avait bien quelque chose de pénible quand on révisait pour examens, c'était choisir par quelle matière il fallait commencer. Il mit ses mains sur ses joues en lisant dans la tête les différents titres, espérant que cela allait le motiver à commencer par quelque chose.

Que pouvait-il bien se passer dans la tête de ce garçon ? La plupart des gens ne supportaient pas qu’on leur parle sur un ton aussi direct, à la limite de l’agressivité. Ils ne se sentaient pas à l’aise, poussés dans leurs retranchements et souvent, cela coupait court à la conversation. Ils n’avaient pas forcément tort, Anastasiya n’était pas du genre à se laisser marcher dessus non plus et ne tolérait pas qu’on se permette de la juger. A la place du Poufsouffle, elle se serait rebiffée et aurait répondu violemment pour montrer qu’on ne lui marchait pas dessus. Pas lui. Le jeune homme était calme, presque heureux d’avoir une réponse. Sa personnalité était si peu affirmée qu’il se contentait de la moindre attention qu’on pouvait lui porter même si cela impliquait qu’on lui adresse la parole avec ce ton si condescendant que pouvait avoir Anastasiya par moment.

Malgré tout, les intentions d’Anastasiya n’étaient clairement pas mauvaises, le jeune homme n’avait aucune raison d’être méprisé, quoique de nombreux Serpentards se permettent de toiser les autres sans aucun prétexte, juste par plaisir  d’être désagréable. Elle, ne fonctionnait pas comme cela, quelqu’un qui ne mérite pas son attention, elle le snobait propre et net, à quoi bon perdre son énergie pour enfoncer des gens dont on se fiche ? Et puis, elle n’avait jamais compris ce malin plaisir qu’ils avaient de se moquer des autres et de faire souffrir les autres élèves. Ce plaisir dans la souffrance d’autrui, c’était tout simplement incompréhensible, bestial. Cela révoltait Anastasiya que l’on puisse obéir à des pulsions aussi stupides, parfois pendant toute une vie ! Et avec fierté, qui plus est !

Les mots continuaient à affluer le parchemin propre, la plume ne cessait de se mouvoir sur le grain fin du papier encore vierge. Le temps passait et Anastasiya pensait aux paroles du garçon. Tout en étudiant, elle réfléchissait et analysait chaque expression qu’il avait pu utiliser. Ce « Merci » tout d’abord représentait bien son côté jeune premier qui ne cesse d’être formel. Comme s’il avait besoin de la remercier de le laisser s’assoir sur une chaise qui était autant à elle qu’à lui ! Trop bien élevé, manque de caractère, elle ne comprenait pas que l’on puisse être enfermé à ce point dans des codes et des peurs insufflées depuis son plus jeune âge. Elle voulait lui faire comprendre qu’il pouvait vivre, vivre pleinement, arrêter de se soigner du regard des autres et des bonnes mœurs qui étaient des poids plus que des ailes.

Elle n’en fit rien.

Le garçon répondit plutôt mal à sa question, encore une fois, il était sur la réserve. Vision à court terme et ambitions moindres, ça ne l’étonnait pas mais ça avait le don de l’énerver, encore et encore, sans cesse. Anastasiya relevait la tête en sa direction et ne put s’empêcher de soupirer. Une chose était sûre, il y avait un sacré fossé entre les deux jeunes gens. Il ne manquerait plus qu’il soit partisan dans des deux ordres égomaniaques du moment et ça serait la cerise sur le gâteau. Toujours sur son bout de parchemin mis en travers, elle s’aventura.

« Quelle ambition, on ne peut pas dire que tu te précipites en tout cas… Que penses-tu de LUI ? »

Le sujet était lancé, elle voulait voir ses idées mais aussi ses limites. « Lui » suffirait à comprendre de qui la jeune fille parlait, celui dont tout le monde parlait secrètement depuis des années sans oser prononcer son nom : Voldemort. Cette question était un test d’Anastasiya mais pour une jeune fille aussi individualiste, demander l’avis de quelqu’un d’autre, c’était déjà un signe d’estime.

Pourquoi dialoguait-elle uniquement par parchemin ? Etait-ce un mépris qu'elle montrait clairement ? Le jeune Poufsouffle ne méritait pas d'entendre sa voix ? Etait-ce pour perfectionner son écriture ? Ou car elle craignait que cette conversation soit captée par quelqu'un d'autre ? Tant d'hypothèses et peut-être qu'aucune d'entre elles n'étaient bonnes. Enfin, il y avait une discussion. Un peu bizarre mais une discussion quand même et il n'en fallait pas plus pour ravir Matthew.

Il continuait de lire les titres de ses livres pour trouver la motivation d'en ouvrir un mais quelque chose captiva son attention. C'était la jeune fille. Elle avait repris le parchemin et écrivait à nouveau dessus. Matthew ne put s'empêcher de sourire. Elle continuait la conversation. Après tout, ce n'était pas grave s'il ressortait sans avoir ouvert un de ses livres. Avoir passé un moment à discuter avec elle, c'était mieux. Il se sentit vivant. Une personne qui engageait une vraie discussion avec lui. Elles étaient rare dans la vie du pauvre garçon à cause de son caractère qui l'empêche d'aller vers les autres.

La fille avait arrêté d'écrire. Le message était fini et il pouvait le lire. La réponse ne l'avait pas satisfait, c'était à prévoir. La réponse du jeune homme montrait une nouvelle fois qu'il ne comptait pas exploiter ses capacités au maximum et qu'il ne visait pas loin. Viser que les B.U.S.E. alors qu'il ne s'agit que d'une étape dans la vie qui serait plus qu'un souvenir dans quelque jours. Mais il n'avait pas encore le courage de répondre réellement à la question et de tout faire pour viser ce qu'il souhaitait.

L'écriture du parchemin ne s'arrêtait pas là. Il lit la suite et le sourire de son visage s'effaça. Il regardait la fille, toujours plongé dans son travail puis regardait à droite à gauche avant de réaliser que c'était qu'un écrit. Personne d'autre que lui avait pu lire ça. C'était sûrement la raison pour laquelle elle écrivait. Pour aborder des sujets sensibles en toute tranquillité. Où voulait-elle en venir ? Il allait lui répondre en parlant mais il se ravisa. Il valait mieux faire comme elle et répondre par écrit. Il prit alors un parchemin et écrivait.

"Je trouve que c'est une horrible personne. Quelqu'un qui avait un objectif épouvantable et qui a provoqué des horreurs pour tenter de le réaliser."

Lui, il ne s'agissait que de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Aussi brillant soit-il, en aucun cas, Matthew pouvait approuver ses actions. On ne pouvait pas nier que ce sorcier était un génie et qu'il faisait tout son possible pour réaliser ce qu'il voulait. Mais en aucun cas, le jeune Poufsouffle voulait lui ressembler. Même s'il devait rester comme ça, c'était toujours mieux que de devenir comme ça.

Ecrire c’était le moyen de graver des propos, de les stabiliser. Ce n’était pas comme une parole dite dans la fraction de seconde car une réponse était obligatoire. Le papier et l’encre ne disparaissaient pas et ce procédé permettait de prendre le temps de réfléchir au lieu de dire une ânerie. En abordant de tels sujets, il était important d’être sûr de ses prises de position pour ne pas le regretter par la suite. Anastasiya pouvait révéler qu’elle était partisane (et ainsi montrer ô combien elle pouvait être manipulatrice) ou au contraire, qu’elle détestait les mangemorts. Le jeune Poufsouffle ne dut pas comprendre tout l’enjeu de cette question puisqu’il répondit dans la foulée sans perdre de temps. Anastasiya sourit, contre toute attente. Décidément, ce gars-là avait beaucoup à apprendre avant de devenir quelqu’un. C’était un instinctif, il ne prenait pas le temps d’analyser la situation, il aurait pu très bien tomber dans le piège d’Anastasiya. Heureusement pour lui, il répondit bien, Anastasiya ne s’attendait pas à ce qu’il soit affilié au Seigneur des ténèbres mais c’était toujours bon de voir comment il l’exprimait.

Sa façon de s’exprimer était très simple, presque enfantine. Il disait les choses comme il les vivait, ne cherchant pas le grandiloquent, se contentant d’idées pures et sans détour. Anastasiya ne sut pas vraiment si ce fut de la bêtise, de la naïveté ou simplement une innocence rare. Leur discussion prenait un chemin bien plus intéressant qu’auparavant, c’est à ce moment qu’elle allait vraiment voir ce qu’il avait dans le ventre. Elle allait tout d’abord éplucher ses opinions premières puis les contredire, les violenter pour qu’il se retrouve dans ses retranchements et s’exprime dans la contrainte, de temps et de forme. La première étape était la plus simple, détester Voldemort, ce n’était pas chose rare, encore moins chez les Poufsouffle. La prochaine question risquait de l’étonner d’une bien autre manière puisque peu de personnes oserait la poser.

« Et que penses-tu de Dumbledore ? »

Son poignet avait écrit avec grâce et fermeté, elle savait où elle voulait en venir et les mots s’inscrivaient sans perdre de temps, juste après la réponse du jeune homme. C’est dans ce genre de discussions qu’Anastasiya excellait, elle déstabilisait les gens sans pouvoir l’être tant elle avait réfléchi à cette thématique. Le bien, le mal, Dumbledore, Voldemort, cela revenait sans cesse dans sa tête et en aucun cas, aucun angle de vue, elle ne parvenait à comprendre tout cela. Pour elle, ce n’était que deux égocentriques, bergers d’âmes perdues, en quête d’un objectif qu’ils préfèrent trouver chez un autre qu’au fond de leurs tripes.

« Qu’est ce qui les différencie ? »

La deuxième question était venue instantanément après la première, il ne fallait pas qu’il ait trop de temps pour réfléchir entre chaque interrogation. Anastasiya regardait son interlocuteur avec insistance, comme pour lui faire comprendre qu’elle n’attendait pas une réponse simple, il fallait qu’il se creuse l’esprit s’il voulait répondre convenablement à cette question. Elle n’espérait pas une simple confrontation entre le bien et le mal, elle voulait qu’il cherche dans le détail et pas juste dans l’apparence. Allait-il en être capable ?

Qu'est-ce que la jeune fille recherchait avec ce genre de conversation ? Etait-ce pour déstabiliser le jeune homme ? Voulait-elle voir si il avait une belle écriture ? Car c'était le genre de personne à prendre des renseignements sur tout le monde et de faire des fiches sur chaque personne rencontrée ? C'était étrange mais le pire, c'est que le Poufsouffle continuait de lui répondre. Tombait-il dans un piège ? Il ne le savait même pas. Cette fille, il lui avait adressé qu'une seule fois la parole et les questions qu'elle lui posait devenait de plus en plus sensible. Qui de normal allait aborder le sujet du seigneur de ténèbres avec un inconnu ? C'était le genre de sujet dont on parlait avec des personnes de confiance. Comment la jeune fille voyait Matthew ? Comme quelqu'un de confiance ? Ou jouait-elle simplement avec lui ? Comment pouvait-elle poser une telle question puis en sourire juste après ? Le jeune homme agissait-il selon ses attentes ? Etait-elle en train de le tester ?

Elle reprenait l'écriture. Qu'allait-elle mettre cette fois ? Il aurait été logique qu'elle donne son avis sur la question. L'inverse aurait fait penser au jeune Poufsouffle qu'il était en train de subir un véritable interrogatoire. Il vit les premières lettres apparaître. Elle ne semblait pas troubler, elle écrivait d'une manière claire et nette. Aucune hésitation. La serpentard écrivait comme elle parlait, sûr d'elle. Elle arrêta enfin et le jeune homme put lire ce qu'elle venait d'inscrire sur le parchemin. Il fit les grands yeux. Elle était sérieuse avec ses questions ? Existait-il un lien pour elle entre la première et la dernière question ? Il avait même pas le temps d'avoir réfléchi à la question qu'une nouvelle apparaissait. Elle trouvait bien un lien entre ces deux questions.

Le jeune homme semblait de plus en plus mal à l'aise, regardant une nouvelle fois à droite et à gauche. Il regardait la jeune fille et se mit à réfléchir à ce qu'il pouvait répondre. Ce n'était pas comme une conversation orale où les réponses avaient pour habitude de s'enchainer rapidement. Il s'agissait d'abord d'un travail de reflexion où il fallait être sûr de ce qu'on allait exprimer sinon l'écrit ne se ferait pas. C'était donc ça qu'elle voulait ? Une conversation où la reflexion était obligatoire. Il prit sa plume et la fixa comme si elle connaissait la réponse qu'il fallait mettre. Il prit une grande respiration avant de se lancer dans son écrit.

"Dumbledore a aussi des objectifs qu'il veut accomplir par plusieurs moyens. Mais contrairement à Tu-Sais-Qui, il n'oeuvre pas dans la destruction pour accomplir les siens. C'est ce qui les différencie, l'un combattant pour un monde sans massacre et l'autre les provoquant."

Il ne regardait pas la jeune fille, toujours concentré sur ce qu'il avait écrit. Il ne savait pas s'il avait bien répondu ou non et à vrai dire, il s'en fichait. Il avait juste répondu ce qu'il pensait à ce moment. Hors de question de répondre quelque chose qu'il ne pensait pas. Elle lui avait laissé le temps de la réflexion et c'était pour avoir son avis.

"Et toi, que penses-tu de tout ça ? Et pourquoi ces questions ?"

Pas question non plus de laisser la discussion se dérouler ainsi. Il n'y avait que lui qui donnait son avis. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Matthew voulait le savoir. Il regardait la fille pour voir sa réaction en espérant que cette fois, elle aussi allait donner son avis.

Des courbes et des points. Des traits et des lignes toutes aussi travaillées les unes que les autres. Le poignet était maîtrisé, chaque mouvement était étudié pour offrir les plus belles lettres à son interlocuteur. Notre écriture, notre manière de nous exprimer sur du papier étaient tout aussi important que notre ton lors de nos prises de paroles. Le paraître était tellement important pour Anastasiya, cela pouvait changer tous les préjugés que les autres allaient avoir sur toi, leur manière de percevoir tes paroles et de les accepter ou non. Pour une sorcière avec tant d’ambitions et de soif de reconnaissance, chaque chose comptait et son apparence, ce qu’elle dégageait et ce qu’elle laisserait de visible resteraient gravés dans l’esprit des gens.

Le temps passait et le jeune homme lui répondait toujours, sans prendre le temps de s’interroger sur les motivations de la Serpentard qui ne le lâchait pas une seule seconde du regard, comme pour lui mettre une certaine pression et qu’il n’oublie pas à qui il s’adressait. C’était assez étonnant cette confiance qu’il lui accordait, il n’y avait pas vraiment de raison à cela et pourtant, il ne remettait pas en question la légitimité de cette supériorité perceptible qu’Anastasiya imposait en menant la danse des interrogations. Ils allaient là où elle voulait aller et ne répondait que lorsqu’elle le souhaitait vraiment. C’était une posture tout à fait instinctive et plaisante pour la Serpentard qui n’aurait échangé cela pour rien au monde, tout se passait à merveille et si elle ne reculait devant aucun débat, c’était tout de même plus agréable d’entendre ce qui lui plaisait.

La première partie de la réponse de Matthew lui convint, il aurait dû continuer sur cette voie, c’est là qu’elle voulait l’amener, là que la vraie réponse était. Au moins, ce n’était pas entièrement perdu, le jeune homme était déjà bien moins naïf que beaucoup d’autres. La deuxième partie de sa réponse avait bien moins d’intérêt, pour ne pas dire aucun. C’était exactement ce qu’on apprenait à tout le monde depuis des années maintenant, elle ne pouvait pas tellement lui en vouloir d’avoir cherché plus loin. Tout le monde n’avait pas la présence d’esprit, ou la sournoiserie, de chercher la véracité dans tout ce que l’on nous enseignait. Anastasiya avait tendance à toujours vérifier ce qu’on tentait de lui faire comprendre, quitte à graver quelque chose dans le marbre de notre esprit, autant que ça soit quelque chose de véridique.

Et voilà qu’il l’interrogeait, enfin un peu de réaction, de caractère ou même de curiosité. Il était tant qu’il se manifeste et cherche enfin à renverser la conversation à son avantage. Bon, ce n’était qu’une demande de réponses aux mêmes questions qu’Anastasiya avait posé, elle n’allait pas être prise au dépourvu mais au moins, il commençait à avoir un peu de répondant. Elle eut un rictus, comme un froncement de sourcil, une moue de mécontentement. Il ne fallait pas qu’il oublie que c’était à elle de poser les questions et si elle répondait aux siennes avec plaisir, il finirait par les poser et ne plus se laisser acheminer par Anastasiya.

« Ils ne valent pas mieux l’un que l’autre. »

Elle avait répondu à une question, c’était déjà beaucoup. S’il voulait en savoir plus, c’était à lui de montrer qu’il avait le cran nécessaire pour insister et redemander encore et encore la même chose jusqu’à ce qu’Anastasiya finisse par céder.

Elle ne semblait pas perturbé. Aucun signe de nervosité. Toujours le même air indéchiffrable. Pour Matthew, c'était l'inverse. De plus en plus de gêne, des gestes de la main moins précis et a se ressentait sur le parchemin. Les lettres devenaient de plus en plus tremblantes, en restant lisibles tout de même mais elle montrait clairement le stress de Matthew. Pourtant il ne s'agissait que d'une conversation écrite mais c'était bizarre. Il n'y avait que elle qui posait les questions et ce n'était pas des questions ordinaires.

Fallait-il laisser les choses se passer ainsi ou fallait-il tenter de renverser la tendance ? La première idée était l'option de facilité. Une mauvaise habitude que le jeune Poufsouffle avait pris depuis toujours. Laisser les autres prendre le commandement et ne faire que suivre sans âme ce que l'autre faisait. Mais cette fois, il n'était pas question de se plier à ça. Matthew était résolu à changer les habitudes et s'était risqué à poser une question. Il avait fermé les yeux après l'avoir écrit comme s'il craignait les représailles. C'était le genre de geste qu'il voulait éviter. Il en avait marre d'avoir peur de tenir une conversation. Il fallait que ça change.

Il regardait donc la fille après avoir écrit sa réponse. Qu'est-ce qu'il y avait d'intimidant chez cette fille ? Ce n'était qu'une étudiante comme lui. Jolie avec des questions bizarres certes mais elle restait une élève de Poudlard. Pourtant, il craignait un peu la réponse qu'elle allait faire. Elle ne s'attendait sûrement pas que le Poufsouffle ose une question et le jeune homme la connaissait trop peu pour savoir comment elle allait réagir. Il la voyait maintenant écrire sur le parchemin. C'était court mais elle avait surement prit un temps pour réfléchir. Il attendait un petit instant en la regardant mais vit qu'aucune réponse n'arrivait. Ce n'était pas possible. Non seulement la réponse était courte mais en plus, elle avait zappé une question. Le faisait-elle exprès ?

Semblables ? Dumbledore et Voldemort semblables ? Le fait qu'ils étaient tous les deux d'incroyables sorciers aux grosses ambitions, oui. Mais les manières de faire étaient différentes. Les protocoles se ressemblaient cependant, il était vrai. Les deux hommes dirigeaient un camps et se battaient pour l'accomplissement de leur objectif. Mais l'un voulait provoquer un massacre tandis que l'autre faisait tout pour l'éviter. C'était quand même une différence à souligner.

Matthew prit directement sa plume pour répondre à la phrase puis se ravisa. Répondre à sa question tout de suite alors qu'elle ignorait une des questions ? Non, c'était lui montrer clairement qu'elle était la dominatrice. C'était un peu le cas mais il n'était pas question qu'elle choisisse les questions qu'elle veut sans répondre aux autres. Le jeune Poufsouffle répondrait à ses questions, elle devait faire de même.

"Pourquoi ces questions ?"

Il avait reposé la question dans l'espoir qu'elle y réponde cette fois. Matthew était décidé à continuer à la poser tant qu'elle n'y répondait pas et tant pis si ça devait mettre fin la conversation. Il fallait qu'elle comprenne que ses questions méritaient autant de réponses que les siennes. Duke se surprit lui même à agir comme ça. D'habitude, il aurait répondu tout gentiment sans prendre en compte le fait d'avoir été ignoré mais cette fille le faisait agir différemment. Il ne voulait pas paraître faible devant elle.

La question avait été posée de nouveau, elle allait devoir lui répondre. Tout se passait comme Anastasiya le souhait, elle ne pouvait pas demander mieux. Elle était satisfaite des réactions du jeune homme mais aussi contente de voir qu’elle pouvait le diriger où bon lui semblait, avec facilité et sans résistance. C’était un esprit fragile, il allait avoir du fil à retordre avec l’esprit solide et pervers d’Anastasiya. Solide puisqu’il ne parviendrait sans doute jamais à l’atteindre tant elle était fermée aux autres. Pervers tant elle allait tester toutes ses limites, cherchant dans les moindres recoins de son cerveau pour y trouver les informations qu’elle jugerait intéressantes à exploiter. Ce n’est pas tant qu’elle instrumentalisait les gens mais elle ne pouvait s’empêcher d’analyser les gens, voir ce qu’ils avaient dans le ventre.

Elle ne savait pas encore ce qu’elle allait lui répondre, c’était une question pertinente mais compliquée, presque piège. Après tout, elle avait le temps, rien ne la pressait, il n’allait sans doute pas la pousser à répondre dans la précipitation, c’était loin d’être son genre. Anastasiya prenait donc son temps, réfléchissait calmement tout en continuant à prendre des notes sur son cours, laissant clairement Matthew de côté pour un instant. Il ne fallait pas qu’il s’attende à tout avoir tout de suite avec Anastasiya, ça ne se passerait sans doute jamais comme cela dans une quelconque relation qu’ils pouvaient avoir. Généralement, c’était les autres qui espéraient, pas elle.
Les minutes passaient et le crépitement des plumes sur le parchemin emplissait la bibliothèque. Anastasiya ne se rendait même pas compte de l’attente qu’elle infligeait, elle reprenait ses études jusqu’à en oublier même la présence du Poufsouffle, du moins, c’est ce qu’elle dégageait comme image. Elle était concentrée sur son travail, ça ne fait pas de doute, pour autant, elle continuait à réfléchir à la question.

« Je ne suis pas sûre que tu aies l’envie ou le besoin de le savoir. »

Encore une fois, elle avait été froide, bien trop. C’était aussi son moyen d’empêcher les gens de trop s’attacher à elle. Elle ne voulait pas avoir trop d’attaches, cela aurait été bien trop compliqué à gérer pour elle et elle ne tenait pas vraiment à avoir un grand réseau. Plus Anastasiya repoussait les gens, mieux elle se sentait. Même quand elle montrait de l’intérêt pour quelqu’un, elle tâchait de laisser une distance de sécurité, de ne pas le faire rentrer trop précipitamment dans une sphère où elle pourrait être plus facilement déstabilisée.

« Sois en plutôt satisfait, je ne pose pas ce genre de questions à tout le monde. Ca me montre un peu tes capacités et ce que tu as dans le ventre. »


Les choses étaient maintenant claires, limpides. Elle jouait franc-jeu avec le jeune homme, ça avait de quoi être perturbant. Anastasiya n’était pas vraiment du genre à avoir des secrets et à mentir, elle le démontrait une nouvelle fois ce jour là.

Pas sûr qu'elle allait répondre à sa question. Elle, qui était en position de meneuse de conversation, ne comptait sûrement pas changer les rôles. Matthew regardait la jeune femme en espérant pouvoir déchiffrer quelque chose mais rien. Elle restait calme à réviser tranquillement tandis que lui attendait impatiemment qu'elle poursuive la discussion, oubliant presque la raison première pour laquelle il était venu. Les révisions n'allaient pas se faire tout seul et il en pris conscience. Il regardait à nouveau les livres qu'il avait apporté et pensait aux matières où il avait le plus de difficulté avant de repenser à la discussion qu'il avait avec Anastasiya.

Le jeune Poufsouffle était perturbé. Il n'allait pas pouvoir réviser dans ces conditions. Il avait pleins de questions qui flottaient dans sa tête et la Serpentard n'était pas disposé à y répondre. Elle l'avait ignoré la première fois et prenait son temps la seconde. Sans le savoir, le jeune homme était petit à petit entré dans son jeu. Il s'en était rendu compte mais il n'arrivait pas à en sortir pour autant. Il faut dire qu'il y mettait de la mauvaise volonté. Cette conversation le captivait. Il était rare de voir Matthew se retrouver dans ce genre de situation. Il ne savait donc pas forcement les gérer mais ça l'intéressait quand même.

Ayant un livre au hasard qu'il ne lisait même pas, le jeune homme ne s'était pas rendu compte que sa voisine de table avait repris sa plume pour écrire sur le parchemin. Combien de temps s'était-il écoulé ? Il ne le savait pas tellement il était perdu dans ses pensées comme à son habitude. Il continua à regarder les pages de son livre mais il était évident que ça ne l'intéressait même. Il était beaucoup plus concentré sur les mouvements de la plume d'Anastasiya que sur les mots qu'il avait en face de lui.

Elle avait écrit des mots qu'il s'empressa de lire. Comme il s'en doutait, elle n'avait pas encore répondu à la question. Il allait lui reposer la même question mais se dit que ça n'avancerait à rien. Elle avait ses raisons de ne pas répondre et reposer la même question allait finir par bloquer la discussion. Mais que pouvait-il dire d'autres ? Il ne s'agissait clairement pas d'une simple conversation où on allait parler du beau temps où de ce qu'elle ferait après les révisions. C'était compliqué mais heureusement pour lui, la plume de la serpentard allait le délivrer.

Elle n'avait pas fini et la plume continua à gratter le parchemin pour y ajouter de nouvelles lettres. Il ne regardait même plus son livre. Il ne faisait que de regarder la plume et la jeune femme jusqu'à qu'elle ait fini d'écrire. Il ne put s'empêcher de croire qu'il n'était qu'un simple sujet d'expérience à la lecture du parchemin. Que voulait-elle réellement ? Qu'attendait-elle de lui ? Matthew n'avait rien d'exceptionnel, il le savait. Il n'avait rien à montrer, c'est ce qu'il pensait. Mais apparemment, son avis intéressait la Serpentard.

"Il faut avouer que ce n'est pas le genre de question qu'on pose à tout le monde. Veux-tu savoir autres choses ?"

Peut-être qu'en lui permettant de poser les questions qu'elle voulait, elle s'ouvrirait un peu plus ? C'était la nouvelle stratégie de Matthew... Enfin, il fallait dire qu'il n'avait pas vraiment le choix s'il voulait poursuivre la discussion et il voulait continuer à lui parler. Malgré qu'elle soit froide avec lui, il s'intéressait à la jeune femme et allait tenter d'obtenir le plus d'informations possibles sur elle malgré que pour l'instant, c'était elle qui obtenait ce qu'elle voulait.

Cela ne lui plaisait pas, pas du tout. Elle ne voulait pas que toutes les portes lui soient ouvertes, il fallait qu’il y ait un minimum de défi, de barrières à abaisser, sinon quel plaisir elle en tirerait ? Bien sûr, c’était courageux de sa part d’offrir une honnêteté si complète mais ne devait-il pas se méfier ? Surtout en ces temps de crise. Il était tout simplement inconscient et ne se rendait pas compte qu’ils ne vivaient que leur deuxième rencontre. Les choses allaient bien trop vite, Matthew ne se rendait même pas compte mais il attribuait sa confiance à une parfaite inconnue dont il ne savait rien.

Le temps passait et une bonne heure s’était déjà écoulée sans que les deux étudiants ne le notifient l’un à l’autre. Anastasiya le savait mais l’exprimer serait mettre en valeur le fait qu’elle était restée en sa compagnie tant de temps. Toutefois, sa dernière réponse avait eu le goût de la décevoir et cela lui coûterait sans doute cher. A l’heure actuelle, ça l’avait complètement refroidie et elle se dit sans la moindre gêne mentale qu’il était temps de le laisser un peu mariner, c’était le seul moyen pour lui de se remettre en question et de prendre du recul sur leur discussion si singulière.

C’était sans aucun doute cruel mais elle ne prendrait pas le temps de se pencher un peu plus sur son cas pour aujourd’hui, elle ne répondrait même pas véritablement à sa question, ni à toutes les interrogations qui devaient germer dans son esprit au moment où ils se parlaient. Anastasiya rangeait ses affaires, délaissant subitement sa plume pour plier bagages et mettre un terme à ce rapport qui s’éternisait bien trop pour la Serpentard. Elle avait aussi besoin de digérer tout ce qu’il avait pu lui dire et se faire un jugement plus précis du personnage qui l’intriguait tout de même, quoi qu’elle en dise.

Pour la première fois, elle prit la parole de vive voix, cherchant à perturber le jeune homme. C’était le moment de lui faire comprendre qu’il faisait une grande erreur de donner sa confiance à une personne comme Anastasiya, d’autant plus qu’il ne pouvait se douter de ce qu’elle pourrait faire de sa naïveté.

« Non, j’en sais assez pour l’instant. Tu devrais faire attention tout de même, tu n’as aucune idée des intentions que j’ai à ton égard, tu ferais mieux d’y réfléchir un peu… »

C’était moralisateur, condescendant mais ça avait au moins le mérite d’être honnête. Elle le prévenait et rien que pour cela, elle montrait une nouvelle fois l’intérêt qu’elle lui porte. Ce n’était pas dans le but d’être méchant mais plutôt pour le secouer, qu’il remette en question l’approche qu’il avait avec Anastasiya.

D’un geste élégant et vif, elle se leva de ses chaises et réunit ses livres dans un large sac pour prendre la fuite. Ce n’était pas qu’elle ne l’appréciait pas ou qu’elle ne le supportait plus, seulement si elle épuisait toutes les conversations avec lui dès le début, elle finirait par se lasser, elle le savait.

Elle posa sa main sur l’épaule de Matthew, comme un geste réconfortant, montrant qu’il n’avait aucune raison de s’énerver contre elle ou de se sentir vexé, c’était loin d’être son objectif. Elle voulait le pousser à bout… de ses limites.