Through the Looking Glass, Cheshire Cat & White Rabbit

Finalement, la réunion pour réfléchir à une grève, dans l'école n'avait pas été si inutile, pour Eleonora. En se rendant dans la Salle sur Demande, elle ne se doutait pas un instant y faire l'une des découverte les plus importante de sa vie de sorcière.

Bien sûr, la discussion lui avait semblé stérile et parfois débilitante. Il fallait bien admettre que Lilianor n'avait rien fait pour améliorer la situation, avec ses perfidies habituelles.
Elo était cependant restée jusqu'à la fin des débats, à prendre des notes. Lorsque les échanges furent terminés, elle fit un tour dans la pièce, observant les différentes étagères. Les lieux lui étaient étrangement familiers. Elle laissa glisser ses doigts fins sur une commode poussiéreuse, avant de s'arrêter brutalement. Derrière la vitrine d'une étagère, il y avait cette petite boîte en bois de rose, sur laquelle était gravé son nom. Piquée par la curiosité, la jeune préfète n'avait pu faire autrement que d'ouvrir la vitrine et de prendre la boîte. Elle détacha le fermoir en argent et l'entrouvrit. A l'intérieur, elle ne vit qu'un reflet. Pas de piège ? Tant mieux, c'était pour cette raison qu'elle l'avait ouverte, encore entourée par d'autres élèves.

Elle la glissa sous sa cape et retourna rapidement vers la salle commune. Arrivée là, elle était au comble de l'excitation. Elle souleva une nouvelle fois le couvercle de la boîte, près de l'âtre de la cheminée. A l'intérieur, elle trouva deux petits miroirs, ainsi que quelques mots griffonnés, par une main inconnue.
Offre lui le deuxième. Quand tu voudras lui parler, dis son nom.
Elle resta longtemps à les regarder sans comprendre. Elle sortit quelques livres pour tenter de savoir ce qu'étaient ces miroirs, mais elle ne trouva rien.
Lentement, tous les élèves quittèrent la pièce, en direction des dortoirs.
Après quelques dizaines de minutes seule, un craquement la tira de sa rêverie. Un elfe de maison venait nettoyer la salle commune. Un instant, il hésita. Mais il reconnut Eleonora, qu'il connaissait depuis quelques années déjà.
Mademoiselle McPhee, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, pardonnez Timmy.
Gênée, elle se releva et fit glisser un des miroirs par terre. Heureusement, l'elfe réagit promptement et le rattrapa par magie, avant qu'il ne se brise.
Il le prit en main et le tendit à la Poufsouffle.
Des objets puissants, vous avez là, Mademoiselle. Les Miroirs à double-sens sont rares, même dans les familles de l'aristocratie sorcière. Prenez-en soin, pas comme ce soir !

Après quelques échanges de questions et de réponses, la curiosité d'Elo fut rassasiée. Elle ne savait toujours pas comment les miroirs s'étaient retrouvés dans une boîte à son nom, mais elle en savait assez pour essayer de s'en servir. Timmy avait été rassurant, il n'y avait pas de magie noire, là dedans. Il en était certain.

Elle passa une partie de la nuit, à réfléchir au miracle de cette découverte. Au matin, elle avait bien une idée. Lorsqu'elle s'était rendue dans la Salle sur Demande, elle n'espérait pas sortir de Poudlard, ce qu'elle souhaitait vraiment, c'était avoir l'occasion de discuter de vive voix avec Hazel. Plus uniquement par courrier. Et la salle magique, avait exaucé son voeu le plus cher, quand elle avait franchi sa porte.

Au réveil, elle hésita à montrer sa découverte à un professeur. Mais elle craignait trop qu'on lui confisque. Elle ne se sentait pas la propriétaire légitime de ces objets. Elle tairait donc leur existence, jusqu'à nouvel ordre. Il ne lui fallut pas longtemps pour filer vers la volière et envoyer par hibou, le deuxième miroir à son ancienne baby-sitter et modèle. La lettre, qui accompagnait le cadeau, contenait les instructions d'emploi expliquées par l'elfe la veille. Il lui tardait vraiment d'utiliser les glaces magiques. Elle avait proposé à Hazel de s'en servir deux jours plus tard, vers 8h30 PM.
L'attente fut longue, pour la jeune Poufsouffle, mais le soir venu, elle s'installa dans le couloir menant aux dortoirs, s'assit en tailleur et sortit le miroir de sa poche. Elle le mit devant elle et pensa à son amie.
Hazel ?
Le ton était emprunt de curiosité, d'angoisse et de nervosité. Cela faisait tellement longtemps qu'elles ne s'étaient plus parlées, simplement.
Le reflet de son visage disparut pour être remplacé par une autre image. Un mur et un plafond, ainsi que ce qui semblait être une lampe de chevet.
Elle rappela son aînée. Un peu plus fort, cette fois.
Hazel?
L'image dans la glace bougea et elle reconnut rapidement le visage, qu'elle adorait.
Une larme perla presque aussitôt sur sa joue. Ça fonctionnait ! Par tous les apprentis de Viviane et de Mélusine, elle adorait la magie...

« Nora ! »
Le cœur d’Elo se mit à battre plus fort, beaucoup plus fort dans sa poitrine menue et le sang afflua dans ses joues qui rosirent presque immédiatement. La larme coula sur sa joue.
« Ne pleure pas ma petite jonquille ! Je suis tellement tellement contente de te voir, tu m'as tellement manqué ! Tu me vois bien ? Dis donc tu as grandi non ? Tu es encore plus jolie que la dernière fois qu'on s'est vues ! Tu m'as manqué, tu sais ? »
Bien sûr, il n’était pas utile de pleurer, mais c’était tellement agréable, de retrouver un visage ami, une personne en qui la jeune fille pouvait avoir une totale confiance. Elles avaient souvent échangé des nouvelles cette année, mais depuis des mois, elles ne s ‘étaient plus parler. Elo en avait presque oublié, à quel point elle aimait la chaleur dans la voix de sa nounou.
« Tu me vois bien ? Tu m'entends bien aussi ? Alors dis moi. Raconte moi absolument tout. »
Elle sourit de l’angoisse de son amie. Mais il fallait bien admettre qu’elle n’avait pas encore répondu à son interlocutrice. Elle retrouvait ses moyens et prit une longue inspiration. Du dos de sa main libre, elle essuya sa joue. Enfin, ses lèvres reformaient leur sourire habituel.

Evidemment que je te vois et que je t’entends. Mais tu ne me laisses presque pas de temps pour te répondre…
Tu n’imagines pas à quel point je suis heureuse de te retrouver. Les journées sont longues et stressantes, avec l’approche des examens. Sans compter mes diverses occupations annexes. Et même avec Molly, je ne partage pas tout. J’ai toujours un peu peur qu’elle répète les choses à sa sœur et à ses amies Serpentard.
Malheureusement, c’était vrai. Molly était une excellente amie et elle avait toujours été présente pour Elo, mais elle fréquentait aussi Lilianor, Alycia et leur groupe de vipères. Molly était trop candide et naïve. Elle avait déjà répété une partie des propos tenus dans la salle commune de Poufsouffle. Et Hazbelle avait une place à part. Elle était sa famille de cœur, celle que l’on choisit et que l’on conserve tout au long sa vie. Une cousine, une sœur, une confidente et un modèle. Bon, Elo ne lui avait jamais dit, à quel point elle plaçait son aînée sur un piédestal. Cependant, ses proches savaient à quel point Haz comptait pour elle.

Sinon, la soirée des Pouffy approche. Je me réjouis tellement de pouvoir enfin danser, sans complexe, avec les autres. Orion viendra, je croise les doigts. Tu devrais le voir. Tu comprendrais pourquoi je craque sur lui. Il est... presque parfait. Il sort avec une autre préfète. Plus âgée. Une fille que je n'arrive même pas à haïr. Elle est vraiment chouette. Malheureusement pour moi.
Un moment, elle pensa à ses échanges et ses patrouilles avec Alda. Elles s'entendaient plutôt bien, malgré une certaine gêne qui existait entre les deux.
J’espère qu’il ne se passera rien de grave pendant la soirée…
Elle resta silencieuse, se rappelant les drames précédents et perdit son sourire. Un voile léger glissa lentement devant ses yeux. Elle expira longuement par le nez, faisant vibrer ses narines.
Mais assez parlé de moi. Comment ça se passe à Haveirson ? Tu as rencontré un garçon ? Elo n’avait pas envie de parler de l’actualité moldue ou sorcière, même si l’avis de Hazel était probablement celui qui avait le plus d’importance à ses yeux. Le seul qui lui semblait digne d’intérêt. Elle était juste, honnête et sincère. En plus, elle voyait les choses avec un regard neuf et impliqué dans les deux mondes qui se côtoyaient sans jamais se croiser. Mais ce soir, Elo cherchait de la légèreté. Et elle ne doutait pas, que la belle Haz fasse tourner les têtes.
Il est comment ? Parce qu'il y en a forcément un! Et ne me mens pas, je demanderai la vérité à Ben. Je te rappelle qu’il vient ce week-end !

Hazel riait. D'un rire un peu enfantin, un peu incontrôlable. Elle contemplait son amie, sa plus proche amie dans le miroir que celle-ci lui avait fait parvenir, et elle sentait des bouffées de chaleur l'envahir. L'intensité de son amour pour la petite poufsouffle était presque palpable, et c'était très certainement le plus grand bonheur qui lui avait été offert depuis plusieurs semaines. Elle pouvait la distinguer très clairement, comme si Eleonora se trouvait juste derrière la glace, juste là, à portée de main. C'était tellement bon, tellement doux de retrouver ce visage familier, amical et fiable. Parce que peu importaient les relations qu'elle se faisait à Avalon, à Haveirson. Aucun des sorciers qu'elle croisait, qu'elle croiserait, aucun de ces amis qu'elle se faisait n'arrivait à la cheville d'Eleonora. Elle était une part d'elle, une part de son histoire, de son enfance, de son adolescence. Et de loin une des plus belle.

Bien sûr, il y avait des choses qu'elle ne parvenait pas à lui confier. Des choses de grandes personnes. Des choses qu'elle lui aurait sans doute dites si elle l'avait vu grandir. Mais la jolie Nora restait sa protégée, la petite fille qu'elle avait gardé en attendant le retour des parents d'une sortie quelconque. Celle a qui elle avait montré un film d'horreur, une fois, alors qu'il lui avait été formellement interdit de se laisser aller à ce genre de passe temps en compagnie de la petite Eleonora d'alors, et avec qui elle avait du dormir pendant deux nuits pour calmer ses frayeurs avant qu'elles n'alertent les adultes de la maison. Elle se revoyait danser avec elle, portant ses pieds menus sur ses chaussons. Elle la revoyait dans ses bras, et se laissait aller à la nostalgie. Elle en aurait presque oublié qu'il valait mieux se saisir de l'instant présent et savourer la compagnie que lui offrait Nora à travers ce miroir. Hazel riait. Hazel était heureuse.

La jeune écossaise se moqua gentiment d'elle et la sorcière ne put réprimer une moue un peu gênée, mais toujours très amusée. Peut être était-elle effectivement un peu trop enthousiaste. Et alors que les mots se pressaient dans sa gorge pour répondre aux premières phrases d'Eleonora, elle se fit violence pour la laisser poursuivre et rester silencieuse. Elle l'écouterait jusqu'au bout sans ciller, puis elle s'élancerait à son tour. Elle se contenta de hocher la tête régulièrement, accompagnant ces mouvement de mimiques tantôt compatissantes quand elle parlait de l'impossibilité de se confier sur tout même à sa meilleure amie, tantôt peinée à l'idée que Nora puisse être si touchée par la guerre pour s'inquiéter de ce qui pouvait lui arriver dans l'enceinte de ce château qui semblait inviolable. Parfois même, elle se montra amusée, attendrie par la façon dont la jeune fille parlait de ce fameux Orion. Pour ce qui était du reste... Hazel préférait attendre de devoir y répondre pour y réfléchir. Chaque chose en son temps.

« Tu as peut être pris un peu trop de responsabilités pour cette année ? Les BUSEs ont l'air très importantes et éprouvantes, j'imagine à quel point tu dois être fatiguée. Tu dors bien au moins ? Tu sais que c'est très important le sommeil en période d'examens ? Plus encore que les révisions. »

Elle gloussa un peu, s'amusa de cette façon qu'elle avait de la prendre pour une enfant, de se comporter en adulte avec elle quand elle ne se considérait même pas encore tout à fait comme telle. Est-ce que Nora mangeait équilibré ? Est-ce qu'elle pensait à boire beaucoup quand elle se laissait hypnotiser par des livres bien trop gros ? Est-ce qu'elle faisait bien attention à ne pas s’abîmer les yeux sur des  écritures bien trop petites ? Elle garda toutes ces questions pour elle et soupira doucement, avant d'esquisser un sourire doux.

« Je comprends ce que tu veux dire ma Nora. Il n'y a rien de mieux qu'une super baby-sitter pour se confier, hein ? Mais on se voit bientôt en vrai, et moi aussi j'ai beaucoup de choses à te raconter, de choses que je ne peux pas dire à ce grand dadais de Benjamin. »

Elle haussa les épaules et grimaça en réalisant que cela faisait bouger le petit miroir et qu'elle risquait de donner le mal de mer à Eleonora avec des gestes comme ça.

« Cet Orion est forcément un garçon très bien, s'il te plait. Et cette fille avec qui il sort... Je ne la connais pas et bien que je me fie à ton avis en général, je suis certaine qu'elle a quelque chose qui cloche. Un gros nez ? Un besoin maladif de se ronger les ongles à table ? Ou bien elle n'aime pas les animaux. Ou les elfes de maison. Oh d'ailleurs ! Je n'en avais jamais vu encore, et j'ai rencontré mon premier elfe de maison il y a quelques jours ! Je n'en avais jamais vu et ils sont réellement adorables ! Leur magie est spectaculaire ! »

Elle avait été absolument subjuguée par la créature croisée dans le village sorcier d'Avalon, apparemment mis à la rue par son maître. Comment pouvait-on blâmer les moldus pour les bûchers et réduire en esclavage un tel peuple ? Le martyriser, le malmener, le torturer, même. Elle fit la moue en y repensant. Il lui avait montré un mouchoir comme si c'était un objet diabolique. La source de tous ces maux. C'était à vous briser le cœur en milliers de petits morceaux.

« Je ne sais pas trop... Je ne sais pas trop ce qui leur arrive quand ils n'ont plus de maison ? Tu crois qu'il y a un endroit où ils peuvent aller ? Où ils peuvent vivre tranquillement ? Est-ce qu'ils doivent espérer un nouvel assujettissement? »

Elle se laissa absorber a sa réflexion une seconde et se força à sourire de nouveau, à reprendre le fil de leur conversation de façon un peu plus joyeuse.

« Mais je suis certaine que ta soirée va très bien se passer. Et peut être que cet Orion te remarquera et qu'il réalisera à quel point sa vraiment chouette copine est quelconque à côté de la parfaite préfète que tu es ! »

Un court silence. L'acceptation des années qui passe, de la maturité flagrante d'Eleonora. Alors. Les amours, c'était bien ça ? Et Haveirson. Commençons par le plus simple.

« Tout se passe bien à Haveirson. C'est vraiment un poste super, le professeur Larkin est un homme très cultivé et il me laisse beaucoup plus d'autonomie que ce à quoi je m'attendais. Je suis chargée de fournir des pistes de réflexions aux étudiants, je tente de répondre aux questions qu'ils peuvent avoir sur les devoirs et ça me fait étudier aussi. Il me fait lire les devoirs qu'il compte exploiter pour les cours suivants, c'est vraiment passionnant. Il y a eu quelques complications avec l'article de la gazette, forcément, mais comme je te l'ai dit j'ai décidé de riposter et depuis ça se passe bien mieux. Enfin avec ceux qui en valent la peine du moins. Et niveau garçons, il n'y a rien. Enfin, il s'est passé quelque chose avec un homme, un professeur. Mais ça n'a pas abouti. Je me suis fait ce que je pense être un excellent ami par contre. Un garçon plutôt bien dont la sœur est cracmole, donc j'imagine que ça le rend compréhensif. Il m'a offert ça »

Elle passa son poignet devant le miroir pour montrer le bracelet offert par Chris, et sourit. Elle l'ôta, le serra entre ses doigts et sourit.

« Attends je te montre, il est génial. »

Un peu de concentration et devant le miroir, elle le fit se métamorphoser. Collier d'abord, puis boucles d'oreilles puis de nouveau en un bracelet qu'elle passa à son poignet.

« C'est plutôt cool non ? C'est pour mon poste d'assistante je crois. Je ne sais plus trop en fait, ça ne m'a pas vraiment marquée. Comme j'étais assez perturbée par la lettre dans la gazette qui remettait en question mon statut de sorcière, ça m'a juste réconfortée. Parce que je doute qu'un moldu puisse sentir la magie dans ce bijou, mais moi oui, tu vois ? Enfin bref. C'est le président de Sinistros, tu as du entendre parler des élections ? Et un ancien poufsouffle. S'il a pu fréquenter la même maison que toi, c'est forcément quelqu'un de bien. »

Et puis une question, brusquement, sans rapport, lui brûla les lèvres.

« Tes parents, ils vont bien ? Ils ne sont pas atteints par tout ça ? »

Pouvoir parler à Hazel. De tout et de rien, mais surtout de l’essentiel. C’était ça, qui était génial dans leur relation. Cette simplicité, cette spontanéité et surtout ce sérieux dans les détails insignifiants de la vie.
Parfois, il est utile de parler à quelqu’un pour faire avancer sa propre réflexion. Hazel était évidemment de bon conseil, mais elle avait surtout une excellente oreille et une épaule encore meilleure pour s’épancher sur ses malheurs adolescents.

Parler d’Orion et d’Aldabella ou de Molly l’aidait à fixer ses sentiments et ses problèmes. Et elle savait d’instinct que sa soeur de coeur ne la jugerait pas, même si elle saurait la remettre sur le droit chemin, en cas de déraillement.
Elle avait senti une petite nuance dans la voix de son amie, quand elle cherchait des défauts à la préfète de Gryffondor. Elo savait bien que Haz avait entendu qu’elle ne la haïssait pas. Et que son adversaire était géniale. Mais Haz voulait sûrement rappeler à Elo, que malgré des défauts, elle avait trouvé un mec comme Orion. Et que la Poufsouffle aurait aussi sa chance, un jour, avec ce garçon ou un autre. Les choses évoluent à leurs âgés, rapidement, parfois.
D’ailleurs, quand sa Baby-sitter raconta sa vie à Haveirson, Elo se dit la même chose. Elle admira une nouvelle fois les compétences et les activités de Hazel, ne doutant absolument pas du regard du Pr Larkin. Il avait vu son talent, s’il l’avait engagée. En souriant, elle se demandait s’il était bel homme. Même si un professeur, brrrr. Elle frissonnait rien qu’à cette idée. Ces gens là étaient à peine humains. D’ailleurs, en dehors des écoles ou universités, avaient-ils seulement le droit de sortir ?
La réponse ne tarda pas à venir. Et Elo rougit subitement, quand Hazel parla de son aventure avortée. Elle toussa et manqua de s’étouffer. C’était, comment dire, dérangeant.

Heureusement, elle parla d’un autre garçon. La description lui parla rapidement. C’était Chris. Évidemment. Et Elo hésita. Il était un peu coureur, dans ses souvenirs. Mais il avait offert un superbe cadeau à Haz. Le genre d’objet qui nécessitait des heures de travail, voire des journées entières. Compte tenu de son âge, Chris ne devait pas en avoir fait des masses. C’était peut être le premier et le seul.  Il avait dû réfléchir à qui il voulait l’offrir. Et il n’avait pas choisit sa mère ou sa soeur. Encore moins une quelconque bimbo croisée en soirée. Mais il avait bien choisi la jolie fille de l’autre côté du miroir.
Et Haz ne citait pas son nom. Juste ses talents, son appartenance à Poufsouffle, le fait qu’il était président de sa confrérie. Et terminait par un simple « c’est forcément quelqu’un de bien.»
Elo sentait bien que Haz cherchait un peu l’accord de sa petite protégée.
Elle sourit et secoua la tête tranquillement.
Elle esquiva la question sur ses parents et revint à l’essentiel.

Haz... Ce mec t’a offert un cadeau génial. Ce truc est unique et a nécessité un boulot d’enfer. Si ce garçon te plait, il ne faut pas qu’il reste un ami. Il faut que tu mettes le grappin sur lui. Et fait le avant qu’il ne désespère et se jette dans les bras d’une idiote. Tu es la plus belle chose qui puisse lui arriver. Tu sais ça ?
Elle plongea ses yeux dans ceux de son amie, de l’autre côté du miroir. Elle ne voulait pas voir les joues rosir ou les lèvres se plisser. Et elle cherchait à convaincre Haz.
Tu es magnifique et extraordinaire. S’il ne le sait pas encore, prouve lui qu’il est myope et fonce...

Elle ne se lassait pas. Cela faisait déjà de longues minutes qu'elles discutaient, échangeant sur des broutilles et des sujets plus graves, moins doux. Et tout ce temps, Hazel ne quittait pas son amie des yeux. Caressant du regard la surface lisse du miroir, elle notait tout. Elle aimait la voir rire tandis qu'elle parlait, tenter de déceler le rouge qui teintait tout doucement ses joues lorsqu'elle parlait de ses problèmes de cœur. Tout au long de cet échange, Eleonora vivait. C'était étrange, dit ainsi. Mais cela n'avait réellement rien à voir avec les lettres que les hiboux acheminaient inlassablement, ou même avec le téléphone. Bien sûr, les moldus avaient une technologie similaire. Mais la visioconférence n'était pas quelque chose qui se faisait entre les fermes galloises et les ports écossais.

Alors elle profitait. Elle ne perdait rien. Pas un haussement de sourcils, pas un soupir. Nora lui avait tellement, tellement manqué... Et pourtant, même après des semaines de calmes et de courriers moins fréquents qu'elles ne l'auraient souhaité, tout était naturel. Peut être un peu trop même, à en croire l'expression de la jeune poufsouffle lorsque Hazel mentionna James. Elle était restée vague et la réaction que ses mots avaient évoqués chez l'adolescente la conforta dans l'idée qu'il n'était pas nécessaire de s'éterniser sur cette histoire de toute façon trop brève pour en écrire un roman. Elle s'amusa, un peu, avant d'aborder un sujet qui lui tenait à cœur. Elle se sentait comme une enfant, à se vanter de son cadeau, à l'exhiber, à le décrire et expliquer combien Chris était absolument génial. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. L'objet était absolument parfait, probablement l'un des objets les plus précieux en sa possession. Le plus rare juste après son retourneur de temps en tout cas, c'était certain.

Les mots d'Eleonora lui arrachèrent un rire nerveux et elle esquissa une moue à mi chemin entre le plaisir et l'embarras, tâchant de ne pas penser que ses joues s'empourpraient.

« Tu es adorable ma jonquille. »

Elle rit plus franchement, l'effet des compliments un peu dissipé.

Chris était un homme très intéressant, et adorable. Et elle appréciait énormément sa compagnie. Mais il était un ami, et encore. Lui sauter dessus ? C'était peut être un peu prématuré. Et absolument pas dans ses intentions, d'abord ! Enfin, pas vraiment. Pas trop. Pas encore. Bref.

« Tu mets la charrue avant les bœufs là ma grande. Quand est-ce que je t'ai dit qu'il me plaisait, mh ? Et puis je ne suis pas sûre de savoir gérer ça, ce serait un peu bizarre quand même, une assistante qui fréquente un étudiant, non ? Et puis je ne pense pas l'intéresser. C'est juste un cadeau, parce que je lui en ai fait un pour sa nomination en tant que président. Il a dû se sentir un peu obligé, tu vois ? »

Elle voyait probablement, et certainement pas ce qu'Hazel tentait de lui démontrer. Mais la galloise ne se démontait pas. Non, il n'y avait rien entre Chris et elle. Ils s'étaient croisés quelques fois, et avaient apprécié le temps ensemble. Comme elle avait apprécié la discussion avec Ash, ou comme Chris appréciait sans doute les instants partagés avec Isolde, ou Novenka ou... oh et puis elle ne savait même pas vraiment pourquoi elle tentait de se justifier envers elle-même.

« Tu es trop maline pour mon bien toi. Orion et Chris sont deux idiots, voilà. Et quand tu verras Ben, ne lui parle surtout pas de ça. Crois moi, ce garçon a beau être l'une des personnes que je préfère au monde, il peut être terriblement lourd lorsqu'il le décide, et assez possessif. Il se fera des idées, en parlera à Chris qui se fera des idées, et les gens se font déjà bien trop d'idées fausses à mon sujet avec ce qu'ils peuvent lire dans la gazette. »

Elle hésita et changea de sujet, brutalement.

« Tu penses que c'est une bonne chose que le Secret Magique n'existe plus ? »

Alors que Hazel tentait de se justifier, Elo maintenait son idée de départ. Il y avait probablement quelque chose de beau, qui naissait entre son amie et Chris. Par contre, la jeune préfète sentait aussi la gêne dans les propos de son aînée. Et lorsqu’elle parla de la Gazette, Elo sut instinctivement qu’il valait mieux éviter de poursuivre dans cette voie. Il était des plaies, qui méritaient de se refermer calmement, sans être bougées, ni même pansées.
La Poufsouffle laissa un moment ses yeux dans ceux de Haz, lui signifiant son soutien moral et sa présence, à la vie, à la mort, auprès de sa sœur de cœur.

La jeune femme offrit à Elo une occasion de changer de sujet et cette dernière en profita sans complexe. Par contre, la question la mettait dans une situation difficile. D’habitude, elle comptait sur Haz pour se faire une opinion. Depuis son enfance, elle suivait les idées de son amie, à quelques détails près. En plus, lorsqu’il s’agissait de politique, elle était sûrement bien mieux placée, étant donnée son emploi à Haveirson. Elo fut fière, qu’on lui demandât son opinion, d’adolescente, d’élève enfermée loin de l’agitation du monde. Pour Haz, était-elle assez mature pour avoir un avis utile sur ce sujet ?
Elle bafouilla un moment, avant de proposer une réponse.

Et bien, à Poudlard, nous entendons surtout parler du conflit entre les radicaux moldus et sorciers. Il y a eu des morts dans les familles des élèves. Je pense donc, que nos sociétés n’étaient pas prêtes à connaître la vérité.
Malheureusement…
Elo fit une pause, repensant aux événements passés et à ses angoisses concernant ses proches. Ses yeux commençaient à briller, alors qu’ils regardaient le vide.
Tu sais, Haz, depuis que je sais que je suis une sorcière, j’ai envie de parler de ma vie et de mes expériences avec ma famille, mes amis d’enfance. Cette année, j’ai même eu l’occasion de le faire. Et aujourd’hui, je crois que j’ai eu tort. Pour certains, je suis devenu une sorte de monstre dangereux. Les discours politiques des extrémistes de tous bords ont contaminé mes amis. Mes parents ont aussi souffert de la situation.
Ma mère ne me le dira pas, mais je sais qu’elle a perdu une partie de sa clientèle, à cause de ce que je suis.
Sur notre île, je n’ai jamais connu de racisme ou de discrimination. Mais là… Je me sens comme un centaure ou un gobelin dans la société magique. Une citoyenne de seconde zone. Et à Poudlard, parmi les sorciers, c’est aussi le cas. Je reste une née-moldue. Une foutue Sang-de-Bourbe, comme ils disent. Certains sont tellement imbus de leurs pouvoirs magiques. Alors qu’ils ne savent même pas ce qu’est une automobile ou un téléphone. Franchement. Comment peuvent-ils vivre à ce point hors du monde normal ?
Le secret, ce n’était pas si mal, après tout…

Elle se redressa pour regarder à nouveau son interlocutrice dans le miroir. Au cours de son discours, elle s’était progressivement tassée. Ses épaules étaient rentrées et son dos s’était plié. Des mèches étaient tombées sur ses yeux. Elle les éloigna d’un geste agacé, avant de passer la main sur sa joue gauche, sur laquelle une larme avait coulé.
Elle inspira un grand coup et se tourna vers Hazel. Ce qu’avait vécu Elo devait être minime, en comparaison de son amie.

Et à Haveirson, qu’est-ce qu’on en pense ?