Curiosité naissante | Libre / Remus

La rentrée rapprochait et cela se sentait de plus en plus dans les habitudes d’Anastasiya qui quittait plus régulièrement le domicile familial pour rejoindre le Chemin de Traverse ou Pré-Au-Lard. Le mois de juillet avait été plus calme, elle était restée cloitrée, isolée de tout ce qu’il pouvait y avoir de magique, hormis ses livres bien sûr. Elle avait été dégoûtée de ce monde qui s’entretue et qui assassine des enfants pour servir l’intérêt d’hommes qui ne pensaient qu’à leur propre personne. Ecoeurée de voir les gens se suivre sans chercher à comprendre, à réfléchir. Ce n’était qu’un monde de courant d’air où les feuilles des arbres se détachaient de pleine conscience pour venir rejoindre le mouvement et s’envoler jusqu’à ne jamais retrouver leurs racines mêmes, leurs idées premières. Toutefois, se refermer sur elle-même était synonyme d’abandon de ses ambitions, elle ne pourrait devenir une sorcière si elle s’interdisait tout contact avec la magie.

Les rencontres se multipliaient pour Anastasiya, elle passait tant de temps à l’extérieur que c’était inévitable. Toutefois, contre toute attente, la jeune Serpentard se plaisait à reformer des liens, à partager ses idées et cela l’aidait à sortir du cocon moldu qui commençait à l’asphyxier avec le temps. Aujourd’hui, elle avait même pris les devants. C’était assez inhabituel mais une envie l’avait prise dès le matin, elle souhaitait sortir, parler avec des gens sensés et elle connaissait la bonne personne pour cela.
Une belle plume, une lettre soigneusement rédigée puis envoyée, il serait prévenu bien assez tôt pour être à l’heure du rendez-vous s’il souhaitait, lui aussi, la voir.

Ils s’étaient rencontrés au hasard d’une rue et la conversation avait commencé de manière assez instinctive. C’était assez plaisant pour Anastasiya de discuter avec quelqu’un dont elle connaissait beaucoup plus de choses qu’il ne pouvait dire réciproquement. Il apprenait à la connaitre quand elle le connaissait déjà. Remus Lupin. Le fameux lycanthrope professeur de Poudlard. Rien que par sa nature de loup-garou, il passionnait Anastasiya. Elle ne cautionnait pas forcément tous ses choix ou opinions mais ne pouvait s’empêcher de chercher le loup en lui.

Evidemment, elle n’était pas directe et scrutait chaque détail qui laissait apparaître le loup en lui. Ils ne s’étaient rencontrés qu’une seule fois mais une énergie positive s’était installée entre les deux, c’était une évidence. Anastasiya ne savait pas vraiment ce qui l’intéressait lui mais peu lui importait, elle parviendrait bien à en savoir plus sur la lycanthropie. C’était un sujet assez obscure et dont aucun livre ne pouvait transmettre les sensations aussi bien qu’un loup garou lui-même !

Anastasiya avait de l’avance, comme souvent. Elle flânait dans les librairies à la recherche d’un vieux livre qui parlait de sujets obscures ou quelque chose dans ce genre-là, quelque chose qu’elle serait une des seules personnes à connaître le sujet, aussi inutile puisse-t-il être.

Sa main glissait de livres en livres et ses pensées vagabondaient sans réel but, laissant le temps s’écouler jusqu’à ce qu’arrive l’attendu Lupin.

Les livres étaient ses premiers amis, ils avaient toujours été lorsqu’elle en avait besoin, dans les pires moments, ils la soutenaient et la réconfortaient, sans jamais la juger. Elle pouvait communier avec eux sans peur de quoi que ce soit, c’était un refuge, des amis et en plus de ça, ils l’aidaient à devenir meilleur, à la rapprocher de ses ambitions. Elle leur devait beaucoup, cette relation qu’elle entretenait avec était primordiale, nécessaire pour qu’elle puisse vivre pleinement. Voilà, c’était une part d’elle, une portion de son être. Cette atmosphère si solennelle entre elle et les livres se brisa en un instant.

Il était là.

Toujours aussi discret, presque effacé, pourtant la réputation qui le précédait aurait dû lui donner une certaine confiance en lui. Même si sa lycanthropie n’était pas un secret, il était tout de même reconnu ou en tout cas, connu. Les gens devaient l’arrêter souvent, lui poser des questions, et pourtant, il ne s’y était sans doute jamais fait. On ne pouvait pas dire qu’il était particulièrement à l’aise, dans sa voix comme dans ses mots, il était poli, sobre. Tout laissait croire qu’il était plutôt tranquille mais Anastasiya sentait qu’un manque de confiance vivait au fond de lui. Malgré son âge et son histoire, une telle particularité le mettait en marge de la société sans retour possible. Il ne serait jamais Remus Lupin les jours de pleine lune, cela sera toujours différent.

Et cela passionnait la jeune fille.

Chaque personne vivait avec le poids de son passé, tout le monde n’avait pas la même masse sur les épaules mais personne n’y échappait réellement. Certains avaient vécu la disparition d’un parent, d’un être proche, d’autres avaient été battus, lui, c’était bien plus singulier. C’était un cas d’école. Jamais elle ne verrait d’autres loup-garou travaillant comme professeur à Poudlard. Il s’était intégré, malgré tout, preuve de son talent, de son intelligence et de l’intérêt que pouvait lui porter Dumbledore. Anastasiya n’aimait pas le vieil homme mais elle ne lui enlevait pas pour autant ses qualités de jugement et s’il avait pris le risque de nommer Lupins professeur, c’est qu’il savait ce qu’il faisait.

Contact visuel.

Elle se retourna et feint de le reconnaitre, bien sûr, elle avait déjà compris de qui il s’agissait. Un pincement de lèvres, plus qu’un sourire, c’est ce qu’elle lui offrit. Si elle aimait discuter avec Lupin, on ne pouvait pas dire pour autant que sa compagnie lui offrait une joie indétrônable. Il était l’assurance d’un moment intellectuel plaisant, de conversations sensées et d’un jeu d’observation inévitable. Pour tout ce qui touchait à l’affect, il était loin d’en être encore là. Elle le considérait intellectuellement, c’était platonique à souhait et elle ne pouvait voir l’homme qu’était Lupin, trop focalisé par l’Homme que l’Histoire avait fait de lui.

C’était une relation à la limite du malsain, elle savait très bien ce qu’elle pensait de lui. S’il n’avait pas son histoire et s’il n’était pas lycanthrope, peut-être qu’elle ne lui aurait jamais donné rendez-vous ce jour-là. Tout cela, elle se doutait que Lupin le savait pertinemment. Malgré tout, elle respectait son expérience et ne pouvait se permettre d’être condescendante avec lui comme elle pouvait l’être avec tant d’élèves qu’elle côtoyait au quotidien. C’était une des seules relations où elle ne partait pas en se plaçant d’office dans une position de supériorité à la limite de la domination.

« Bonjour, monsieur Lupin. Je vois que vous n’êtes pas du genre à être en retard, ça ne me surprend pas. J’étais justement en train de me laisser tenter par l’achat d’un livre, des conseils ? »

C’était son passe-temps favori : poser des questions. Des questions mais pas binaires, elles étaient complexes, permettaient tout le temps de juger l’autre et de voir ce qu’il était au fond. Lupin n’y échappait pas. Anastasiya le faisait toujours d’une manière si naturelle que ce jugement à venir n’était pas évident : après tout, elle ne demandait qu’un conseil…