IF [with Evie DeWinter]

Un jour froid et neigeux, comme il y en a mille en hiver. Tout le monde traînait des pieds en grelottant. Sauf un gai luron, qui avait une bonne raison de sauter au plafond. Une exclamation victorieuse s’évapora de la Volière gelée. Perchoir cristallisé par les tempêtes aux gros flocons. Les oiseaux tournèrent une tête intriguée vers cette effusion. Décidément, les humains étaient pas commodes. Le jeune blond quitta la tour au galop, glissant, se ramassant plusieurs fois sur le sol givré. Rien ne pouvait entamer son moral, pas même le froid mordant ses joues. Un sourire ravi collé sur le visage, il cavala jusqu’à sa salle commune. Le Lion jeta son manteau et son écharpe rouge et or sur son lit. Il mourrait de chaud à cause du brasier qui s’était allumé dans son ventre. Elle avait dit oui !

Calmons-nous, Steven. Ça voulait rien dire, dans le fond. Tu l’avais harcelée pendant près de trois semaines ; à quoi tu t’attendais ? Elle a accepté par charité, par pitié pour toi, mon garçon. Fais-toi une raison, Evie s’en tape de toi. Rappelle-toi comme elle soupire, comme elle lève les yeux au ciel quand tu lui parles. Te voile pas la face, Grant ; tu l’auras jamais. Peut-être dans un moment d’égarement, à la limite. Beaucoup de choses passent sur un malentendu. Mais pas ça, pas ce que tu aimerais envisager avec elle. Ne nie pas, pas à moi. Il secoua la tête, puis relu le mot. Elle avait dit oui. Pas question de se laisser emmerder par des pensées parasites.

Tout nerveux qu’il était, il savait pas trop par où commencer. C’était la première fois qu’il sortait, comme ça, avec une fille. Maintenant que c’était sur le point d’arriver, il se sentait mal. Tout rabougri à l’intérieur. En fait, il y croyait à peine. Et si c’était son ultime façon de le rembarrer ? Il se pointerait ce soir, et y aurait personne. DeWinter se moquerait alors de lui dans le dortoir des filles, gloussant avec ses copines. En même temps, ça lui ressemblait pas, ce genre de coup de pute. Elle avait plutôt l’air de régler ses comptes bien en face. Une vraie Lionne quoi. Au pire ; rien à foutre, rien à perdre. Ça le foutait en boule de réagir comme ça. Où était passé le Stevie qui avait le monde à ses pieds ? C’était pas une nana qui allait lui retourner le cerveau. Non monsieur.

La nuit était descendue tôt dans le ciel. La température avait suivi, comme d’habitude. Une neige fine s’échappait des nuages, voilant les alentours. Avec les lumières orangées de Pré-au-Lard, ses maisons en vieux bois, ça rendait bien. On aurait dit un de ces villages imaginaires de conte. Il avait le cœur léger et l’âme en paix. Quoique, son impatience lui faisait faire les cent pas dans la neige. Stevie suivait ses propres empreintes, en levant le nez de temps à autre. Allez, grouille-toi d’arriver. Le bout de ses doigts était presque congelé, mais il s’en rendait pas compte. Au loin, une petite silhouette se découpait dans l’ombre. Reste cool, Steven.

« - C’toi DeWinter ? Tu fais quoi dans le coin ? » demanda-t-il faussement surpris. Autant essayer de la faire marrer.

Sans se presser, ils arrivèrent aux Trois Balais. Le jeune Lion préférait l’ambiance glauque de la Tête de Sanglier. Mais là, c’était pas tellement le type de soirée recherchée. Il se débarrassa de son gros Perfecto, et de son écharpe. Un instant, il observa sa compagne d’un soir. Avec les flocons fondus dans sa tignasse, elle ressemblait à une créature d’un autre temps. Stevie se surprit à sourire niaisement, et à effacer vite fait bien fait cet air béat. Voilà, c’était comme ça que leur rendez-vous avait commencé. Dans un silence gêné, avec un léger malaise. Il se racla la gorge.

« - Je boirais bien une Biéraubeurre, moi. Tu prends quoi ? »