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 Not all those who wander are lost

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MessageSujet: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyVen 23 Sep 2016 - 16:58


Not all those who wander are lost

9 Septembre 1997


L’automne était déjà là.

Freya piétina les feuilles mortes qui s’amoncelaient sur son chemin sans même y réfléchir, son regard effleurant sans cesse les visages des personnes qu’elle croisant, guettant la lueur dans leurs yeux qui lui confirmerait ce qu’elle avait déjà deviné depuis des semaines à présent ; son visage était connu de tous, et pas uniquement de ceux qui avaient juré de lui faire payer sa traîtrise – et c’était le moment de se demander laquelle, car il y en avait eu tant.

Mais, en réalité, personne ne la dévisageait. Personne ne l’interpellait dans la rue, personne ne lui jetait des insultes ou des sortilèges ; elle n’était personne, ici. Et les vestiges de la Marque, qui demeurait incrustée dans sa chair, pâlie et patinée par le temps et par la mort de celui qui l’y avait gravée, n’étaient pas suffisantes pour lui donner cette identité qu’elle cherchait depuis le moment où elle avait décidé de se rendre aux Aurors. Car si le mot « Mangemort » était lié à son nom, il était loin d’être le seul – elle possédait tant d’épithètes, tant de qualificatifs qui s’amoncelaient sans qu’elle ne puisse en discerner un qui soit totalement faux, ni même totalement vrai.

Resserrant machinalement les sangles de son sac à dos rempli de vêtements, de livres et de carnets, Freya releva la tête lorsque la première goutte de pluie s’écrasa sur sa main ; et elle fut forcée de les fermer, immobile au milieu de la rue pavée qu’elle arpentait, lorsqu’une autre tomba juste à côté de son œil. Elle prit le temps d’essuyer la pluie de son visage d’un mouvement brusque, se faisant presque mal au passage, avant de se décider à bouger.

C’était la dernière étape qu’elle avait prévue. Une des plus importantes, sans aucun doute. C’était le socle, car c’était par lui que tout avait commencé, d’une façon ou d’une autre ; c’était lui qui lui avait donné l’élan nécessaire pour se propulser, pour se défaire des barrières qu’elle s’était elle-même imposées alors qu’elle n’avait que quatorze ans et un esprit bien trop brillant, trop avide de connaissances et de vérités pour son propre bien. Il était la première personne à avoir cru en elle ; elle voulait qu’il soit la dernière personne qu’elle verrait avant de partir.

Car, après tout, il ne lui restait plus rien ici – plus d’attaches, plus de projets, plus rien. Et, comme la dernière fois, elle allait chercher ses réponses ailleurs.

Alors sa main s’abattit trois fois sur la porte de bois.

« Salut » articula-t-elle lorsqu’elle s’ouvrit. « Ça faisait longtemps. »

Presque une éternité.

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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyLun 10 Oct 2016 - 18:10

Cartons. Cartons. Fenêtre sans rideaux. Mur dénudé. Pièce presque vide. Clemens se tenait immobile au milieu de son nouvel appartement, tournant lentement sur lui-même pour observer l’amoncellement de caisses qu'il avait à ranger. Il n'avait sorti que quelques vêtements et objets de vaisselle, afin de survivre pendant ces deux premiers jours à Avalon. A présent, il lui restait environ six heures avant de prendre son service au Parker's, et autant de temps pour installer un brin d'intimité dans cet endroit blanc et aseptisé.  Il frémit. La dernière fois que l'ex-joueur-de-Quidditch-et-aspirant-professeur-de-métamorphose s'était installé dans un appartement propre, il ne l'avait quitté que pour une chambre d'hôpital qui ressemblait, de façon très dérangeante, à l'ambiance de ce nouveau trois-pièces.

L'Allemand passa une main hésitante dans sa chevelure mal coiffée, et retroussa les manches de sa chemise. L'heure était venue ; il fallait choisir un carton, l'ouvrir, sortir son contenant et le ranger dans ses quelques meubles. Seulement une fois cette étape passée pourrait-il se consacrer à un brin de décoration et à l'ambiance dont il souhaiterait entourer son nouveau bout de vie. Il poussa un soupir tout en s'agenouillant près d'un carton, choisit au hasard, et il sourit quand ses doigts, arrachant le Colletou Magique, rencontrèrent l'étoffe cotonneuse de ses pulls. Au moins, ne serait-ce pas un début trop difficile. Il se redressa, les bras encombrés d'une pile de vêtements hivernaux, qu'il trimballa distraitement vers ce qui serait sa chambre, avant d'entreprendre de fourrer les habits sans ordre dans les tiroirs.

En chemin pour la fournée suivante, il manqua de glisser sur sa cape de Serdaigle, échouée à mi-chemin entre son paquet et sa commode. Clemens venait de la récupérer lorsque trois coups secs frappés à la porte l'interrompirent dans sa tâche. Perplexe, il observa la porte pendant quelques secondes, avant de s'y rendre par réflexe. Cette fois, il n'avait pas caché l'endroit où il s'installait ; dès la location, il avait partagé son adresse à ses proches, mais il ne s'était pas imaginé que l'un d'eux prennent l'initiative de débarquer. Pas si tôt, pas après un si long silence, que chacun d'entre eux avait maintenu comme une sainte relique durant tout l'été. Sa cape chiffonnée à la main, il déverrouilla la porte.

Freya.

Ses yeux bleus voguèrent sur la jeune femme, derrière elle, comme s'il s'attendait à ce qu'une silhouette encapuchonnée et sinistre ne l'ait accompagnée, sur son visage à nouveau puis, étrangement sur ses mains, ses cheveux. Son avant-bras. Elle paraissait en forme, un peu fatiguée peut être, mais définitivement en bonne santé. Son regard tomba une nouvelle fois vers l'avant-bras de sa … son… il secoua la tête, ne sachant plus comment définir la jeune femme, et s'écarta pour la laisser entrer.

« Deux mois et demi, en fait. Techniquement, on a connu pire comme situation, mais tu as raison. On dirait que ça fait plus longtemps. »


Il ressentait une fureur tamisée, similaire à ce sentiment brûlant qu'il s'était découvert lorsque Rowan lui avait avoué son allégeance aux ténèbres. L'été avait néanmoins adoucit la désagréable découverte – qui n'avait, en fait, pas véritablement été une surprise – et il ne se sentait de toute façon pas la force de se battre une nouvelle fois pour une ère qui était terminée. Voldemort était tombé, l'appartenance aux mangemorts, surtout après une telle rédemption, importait-elle encore ? Malgré son cœur lourd et rassuré à la fois, Clemens portait un regard dur et froid sur Freya.

« Je ne m'attendais pas à te voir ici. »

Mais, quelque part, je suis content de te voir. Après tout, ils étaient encore si semblables. Deux âmes en peine et définitivement solitaire.
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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyJeu 13 Oct 2016 - 23:46



Comme tous les autres, son regard glissa vers son avant-bras gauche, comme si elle n’était plus réduite qu’à cela ; ce tatouage qui dévorait se chair, boursouflé, rosé, impossible à effacer avec autre chose que du temps et de la patience. La preuve de ses égarements, la preuve de ses erreurs, la preuve de sa rédemption. Sa signification changeait selon les jours, selon les personnes à qui elle s’adressait, selon l’humeur dans laquelle elle se trouvait. Elle n’était pas certaine de ce qu’il signifiait pour Clemens, encore ; elle n’était pas certaine d’avoir envie de le savoir.

Alors elle s’engouffra dans son appartement sans prendre le temps de le détailler comme elle aurait aimé le faire, comme elle ressentait le besoin de le faire ; dirigeant sa frustration sur les murs blancs et impersonnels qui l’entouraient, sur les cartons qui s’amoncelaient, parfois vides, parfois pas encore ouverts ; sur la cape de Serdaigle qu’il tenait à la main, souvenir de leurs années à Poudlard – et de beaucoup d’autres choses. Sur ses mots, enfin, sur ce qu’il articula, une intonation étrange la teintant ;

« Oui, c’est vrai. Le temps m’a paru long » répondit-elle en haussant les épaules, peu désireuse de s’aventurer sur ce terrain.

Car évoquer son enfermement forcé, d’abord dans une cellule dans l’attente de son jugement, puis dans un centre pour s’assurer qu’elle ne serait un danger pour personne, n’était pas quelque chose qu’elle avait envie de faire en sa présence ; cela ne serait que remous douloureux et dangereux, menaçant de la faire basculer, de détruire le réconfort qu’elle était venue chercher ici sans être véritablement sûre de pouvoir l'obtenir – ou même d’avoir le droit de le faire.

Lorsqu’elle releva les yeux, s’arrachant à la contemplation de la commode que Clemens était apparemment en train de remplir, le regard qu’il posait sur elle annihila tous les doutes et les toutes les illusions dont elle aurait éventuellement pu se nourrir en entrant ici.

C’était mérité, en un sens.

« Visiblement. »

Et sa main se crispa sur la lanière de son sac à dos avant de retomber le long de son corps. Elle avait supporté le regard de tant de personnes dans les dernières semaines – parfois en se forçant à lever le menton, à tenter d’imiter l’attitude que Rowan avait parfois avant que toute cette histoire ne commence et dont elle se moquait, qu’elle utilisait pour le tourner en dérision et le qualifier de vampire ; mais elle avait fini par comprendre qu’il s’agissait d’une armure, et qu’elle avait besoin d’en fabriquer une, maladroite peut-être, pour ne pas se laisser écraser et briser par les jugements qui allaient peser sur elle. L’armure était pourtant inutile, face à Clemens. Elle n’avait aucune raison d’être, et elle ne songea pas même un instant à tenter de l’enfiler – c’était une tentative vouée à l’échec, tant ils se connaissaient. Mais aussi parce qu’elle ne s’était pas préparée, qu’elle ne s’était pas attendue à tant de froideur de la part de l’ancien Serdaigle ; pas après les confessions qu’ils avaient pu échanger au creux des ombres de l’Allée des Embrumes, pas après ces promesses qu'ils n'avaient pas eu besoin de formuler.

Cette pensée l’irrita, lui fit serrer la mâchoire et enrouler une de ses tresses autour de ses doigts alors qu’elle relevait finalement son visage vers Clemens, pleinement, complètement.

C’était mérité, et elle allait devoir continuer à chercher cette rédemption dont elle avait besoin – mais elle ne pouvait pas supporter cette douleur qui étreignait sa poitrine lorsqu’il la regardait ainsi.

« Je croyais qu’on s’était promis de ne pas se juger » commenta-t-elle, la voix tremblante, frustrée et blessée, hésitant à sortir tout de suite de cet appartement avant que tout n’empire. « T’en fais pas, va, je ne t’impose pas ma présence longtemps. » Sa voix s’affermissait. Légèrement. « Je suis juste passée te dire au revoir. »

C’était sans doute comme un pansement qu’on arrachait – il valait mieux faire ça rapidement au lieu de s’imposer cela trop longtemps. Elle n’était visiblement plus la bienvenue, et ce n’était pas un sentiment qu’elle voulait ressentir une minute de plus.

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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptySam 15 Oct 2016 - 17:11

Le temps l'avait été, long, pour lui aussi. Deux mois et demi de silence, d'incertitude, de doute et de menace. Sa fuite à Raven Heaven n'avait été dirigée contre personne d'autre que lui-même ; Clemens se faisait peur et se cherchait, sans avoir pourtant jamais oublié tous ces visages qui lui étaient chers malgré leur plongée dans la tourmente. Pourtant, l'été s'était écoulé comme un murmure, discret dans la solitude. Après le départ de Hope du domaine Westminbrook, l'Allemand avait passé des journées entières sans échanger le moindre mot avec personne. La solitude ne lui pesait pas, l'ignorance, en revanche…

Il avait appris l'issue du procès dans les journaux, et, sans avoir osé prendre contact avec eux, de peur que leurs courriers soient lus ou surveillés, il n'avait jamais vraiment su comme Rowan et elle avait vécu leur sentence. Il avait supputé beaucoup de choses, du moment de leur libération à l'endroit où ils choisiraient de réapparaître, aux contacts qu'ils décideraient de garder et le mode de vie qu'ils décideraient de reprendre. Freya avait été comme lui – était comme lui – une fugitive de l'esprit ; jouant avec les règles et les identités. Jamais il n'avait pu établir la certitude qu'elle rentrerait à nouveau dans le rang, et reviendrait fouler le sol d'Avalon et les environs de Haveirson. Non, il ne s'était pas douté qu'elle viendrait un jour, sans prévenir, sans un mot ni un préavis, taper à sa porte.

L'Allemand se détourna après un moment de silence, alors que la jeune femme l'affrontait du regard. Blessée, angoissée ou déçue, il n'aurait su le dire, mais la lueur qui brillait dans ses yeux faisait naître en lui un sentiment confus de fatigue qui étouffait peu à peu la colère née lors de son entrée. Il l'écouta parler, malgré son dos tourné, tandis qu'il fouillait au hasard dans ses armoires jusqu'à retomber sur les quelques verres qu'il avait déjà déballé. Il en remplit deux d'eau avant de revenir vers Freya, et de lui en tendre un.

« Si j'avais su que tu passerais, je me serais arrangé pour avoir au moins du thé, ou quelque chose. »  De plus fort, ajouta-t-il en son for intérieur. « Je croyais aussi que promettre de ne pas se juger promettait de se faire confiance. » Sa voix était plus fatiguée.

Clemens soupira, avant de retrouver la force d'accrocher le regard de sa visiteuse. Leur rencontre dans l'Allée des Embrumes vibrait encore dans son essence comme si elle ne datait que d'hier ; retrouver une telle résonance de cœur et d'esprit dans un de ses moments les plus sombres l'avait nourri d'espoir, lui avait fait croire en sa capacité à une forme de renouveau. Freya était tout à la fois son Phénix et son Sinistros ; représentant le soutien dont il avait besoin pour retrouver la rage de renaître et le présage d'une nouvelle chute à venir.

« Tu sais pourquoi je n'étais pas présent à vos procès ? Je connaissais l'allégeance de Rowan ; j'aurais pu lui tomber dessus comme une ombre et lui faire payer son choix et ses motivations. Je n'étais pas là parce que je lui avais promis de prendre soin de Hope durant son absence, et parce que j'étais de facto, complice. »

Il but une gorgée d'eau, sans lâcher la jeune femme du regard.

« Mais je l'ai appris de son propre aveu. »

Il s'interrompit, un rire ironique accompagnant le silence alors qu'il se remémorait leur dispute, la crise, la réconciliation inattendue dans la mer. L'échange de leurs secrets les plus chers qui avait scellé leur statut de frères. Clemens inclina légèrement la tête.

« Pourquoi ? »
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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:40



Elle aurait aimé redevenir Sparrow.

C’était la voie de la facilité, c’était l’identité qu’elle s’était forgée pour se protéger, pour éviter de s’exposer, de laisser les autres avoir une prise sur elle pour la déchirer, pour détruire tout ce à quoi elle tenait. Freya n’existait pas lorsqu’elle était dans l’Allée des Embrumes, à part une seule et unique fois, lorsque l’une des rares personnes qui avaient toujours su comment avoir une prise sur elle s’était aventuré à la faire glisser, à lui faire quitter le sentier qu’elle arpentait avec nonchalance et sérénité –mais après tout, c’était toujours ce qu’elle avait toujours apprécié chez lui ; cette façon qu’il avait de lui faire quitter la voie. Sparrow prenait sa place, la faisait disparaître, était une promesse que tout allait bien se passer.

Elle ne pouvait pas redevenir Sparrow devant Clemens. Parce qu’il l’en avait toujours empêchée, mais aussi parce qu’elle n’était pas certaine de parvenir, ni même de véritablement désirer l’exhumer, l’extraire du passé qu’elle avait tenté d’oublier avant qu’il ne l’engloutisse, avant qu’il ne l’empêche d’avancer un peu plus loin, de glisser sur cette voie qu’elle était désormais la seule à maîtriser, maintenant qu’elle n’était plus enchaînée à qui que ce soit.

Ses yeux suivirent les gestes de Clemens alors qu’il servait deux verres d’eau, s’accrochèrent à sa main alors qu’il lui en tendait un, sans véritablement comprendre pourquoi il agissait ainsi. Elle le porta immédiatement à ses lèvres, comme si cela allait lui permettre d’apaiser la frustration qu’elle ressentait de ne pas comprendre – car c’était là le cœur du problème ; elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, ce qu’il pouvait bien penser, et cela ne faisait qu’attiser sa nervosité. Il aurait été plus simple qu’il la jette simplement dehors. Tout aurait été réglé, et elle aurait pu continuer à marcher, quelle que soit la direction qu’elle aurait prise.

Mais cela ne fonctionnait jamais comme ça, avec Clemens.

Alors elle écouta silencieusement ce qu’il lui disait, à moitié dissimulée par son verre, tentant de bloquer les images qui survenaient lorsqu’il évoquait la confiance (trahie, bafouée, qu’elle n’avait jamais réussi à maintenir avec qui que ce soit durant les derniers mois, pas même avec Rowan), les procès (atroces mais mérités, qu’elle avait affrontés en tentant de ne pas pleurer à chaque fois qu’ils listaient ses crimes et ses fautes – mais elle finissait toujours par trembler sous le poids des souvenirs, à un moment ou à un autre) et la complicité, les aveux, et elle dut fermer les yeux un instant pour garder un semblant de contenance, pour ne pas se remettre à frissonner et à serrer si fort la mâchoire que c’était douloureux.

Elle ne tenta pas de boire une nouvelle gorgée, de peur de s’étrangler. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Et, encore une fois, se répéta-t-elle, il était mérité.

« Je ne voulais pas t’impliquer. » Le murmure était douloureux, car elle avait l’impression que sa propre voix lui râpait la gorge, la brûlait comme de l’acide et la laissait à vif, rougie et douloureuse. « Je ne savais pas comment tu réagirais. » Ce qu’elle avait lu dans ses yeux et ses gestes, quelques instants auparavant, était précisément ce qu’elle avait redouté. « Je pensais que je pouvais m’en tirer seule. »

Elle reposa le verre sur la table, sans délicatesse, la main tremblante, effrayée à l’idée de briser quoi que ce soit plus qu’elle ne l’avait déjà fait. Et la pièce ressemblait à un deuxième tribunal, désormais, sans qu’elle ne sache véritablement ce qu’elle en pensait ; quelque chose – encore une fois, toujours, cette voix qui ne la lâchait plus depuis des mois et des mois – lui susurrait que c’était ce qui devait arriver, qu’elle ne pouvait pas lutter contre la tempête, qu’il lui fallait baisser la tête et accepter les conséquences de cette pluie qui s’abattait sur sa nuque.

Passant ses mains sur ses paupières, comme pour en chasser la fatigue, elle s’assurant qu’elle n’était pas en train de pleurer tout en maudissant le destin et ceux qui y croyaient. Ce n’était pas son cas. Cela n’avait jamais été son cas.

« C’était idiot et stupide. »
Elle s'arrêta quelques secondes, butant sur les mots, avant de finalement les prononcer. « Je suis désolée. »

Peut-être que tenter de préserver ce qu'elle n'avait pas encore tout à fait détruit était plus important que son orgueil, finalement.

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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyMar 1 Nov 2016 - 22:14

Il aurait été plus simple d'être encore nourri par la rage et d'avoir le cran de le jeter dehors. Clemens ne s'était jamais imaginé comment tournerait cette rencontre, car il ne l'avait jamais envisagée sérieusement. Freya avait mystérieusement disparu de sa vie après leur rupture des années auparavant, et même alors qu'ils vivaient encore dans la même école, ils ne se croisaient plus, ne se fréquentaient plus. Comme si leurs vies étaient devenues mutuellement exclusives. Alors, après leur rencontre fortuite dans un endroit où ils cherchaient tous les deux à être un alterego, et une terrible révélation sous le regard même du Seigneur des Ténèbres, il avait cru ne jamais la revoir.

La vérité était bien moins définie. Si l'Allemand avait du s'avouer comment il considérait véritablement Freya, il aurait du s'avouer qu'il était incapable de lui tenir rigueur de quoi que ce soit. Elle était son premier amour et jouissait d'un statut tout à fait spécial, qui, visiblement, faisait que tout lui était pardonné d'avance. Sous la baguette du plus grand mage noir qu'ils avaient connu, Clemens n'avait pas hésité une seconde avant de se mettre en danger pour se jeter dans une diversion ridicule et espéré lui donner une chance de retrouver un semblant d'abri. Son cœur avait battu avec force et terreur pour la jeune femme, sans même se questionner sur la raison de sa présence à la lisière de la Forêt Interdite.

Elle l'avait trahie, d'une certaine manière. Mais était-ce que le pansement avait déjà été arraché avec l'aveu de Rowan, ou qu'il ne ressentait de toute façon par la trahison de la même manière avec elle ? Il n'aurait su le dire, mais la déception était plus présente dans son esprit que tout autre sentiment. Cependant, ce n'était pas la déception de son attitude à elle, de son échec ou de son mensonge, mais celle, propre à lui-même qu'il ressentait quand il n'avait pas été capable d'être un roc pour les siens. Quand, par mégarde, il avait cessé de veiller sur eux et n'avait plus perçu les affres dans lesquels ils s'étaient enfoncés.

La réalité était par conséquent, complexe. Clemens avait besoin de comprendre, et si ses questions visaient des explications, une partie minoritaire de son esprit réalisait que son attitude pouvait passer pour une exigence de justification et de repentance. Il jonglait ainsi entre deux comportements contradictoires et qui le rendaient lui même confus. Il cligna des yeux, lentement, pour tenter de ne pas laisser percevoir dans ses yeux une émotion qu'il ne ressentait pas vraiment, sans savoir s'il y parvenait.

« Je l'aurais été de toute façon, à un moment ou à un autre. Mais... » Son visage s'apaisa. « Je comprends. »

Il aurait été ingrat et malhonnête de lui reprocher un réflexe de survie qu'il adoptait lui-même. Freya et lui ne parvenait décidément pas à se différencier vraiment au fil des années, malgré les gouffres qu'ils s'étaient reprochés. Leurs contrastes n'étaient que superficiels.

« Ce qui est idiot est généralement stupide, oui. On fait tous des conneries, t'as juste réussi à en faire une plus grosse que nous tous. » Un nouveau rire, mi-ironique, mi-amusé franchit ses lèvres. « Tu as toujours fait plus fort que les autres, n'est-ce pas ? »

Il n'avait pas eu réponse à sa question. Il ne savait pas pour quelle raison elle s'était tournée vers les Ténèbres, en quoi leurs exactions lui avait paru être des solutions à certains… problèmes. Clemens n'avait jamais pensé qu'elle était violente, ou dangereuse. Tout au long du procès, malgré la surprise, il n'avait jamais eu le moindre doute. Il devait y avoir autre chose, même s'il faudrait probablement des années avant qu'elle ne les admette, et ne raconte. L'Allemand savait qu'il était inutile de forcer les confidences. Surtout dans une situation aussi inconfortable et artificielle. Il aurait souhaité pouvoir lui proposer de s'asseoir, de prendre un café, de se détendre. Debout ainsi, au milieu des cartons, avec pour seul lieu vraiment habité l'intimité de sa chambre, il en savait comment agir.

« Qu'est ce que tu vas faire, maintenant ? »

Sans trop savoir pourquoi, il se laissa glisser vers le sol, son verre d'eau toujours en main, et s'installa en tailleur sur le parquet griffé. D'un vaste geste de la main, il l'invita à trouver sa place par terre, sur un carton ou ce qu'il lui plairait.
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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyMer 2 Nov 2016 - 12:42



Elle attendait. Il lui semblait que sa vie n’avait été tissée que par la patience et le silence, depuis cette nuit du 24 juin ; elle avait vécu dans l’attente de voir son ancien maître découvrir sa trahison, dans celle de voir son jugement se dérouler, dans celle de s’extirper enfin de ce centre dans lequel elle était été enfermée après avoir été relaxée (un bien délicat mot pour exprimer l’idée qu’elle était coupable, mais qu’ils renonçaient à la poursuivre). Si son Epouvantard changeait régulièrement de formes, il avait toujours la même signification, qu’il représente une gigantesque cage qui se dirigeait vers elle ou des liens qui s’enroulaient autour de ses poignets ; et, si elle avait toujours eu un talent certain pour toujours demeurer en mouvement, pour ne jamais se laisser entraver, elle avait trébuché une première fois presque un an auparavant, en Décembre, et s’était écroulée pour de bon en Juin.

Seulement Freya n’était pas quelqu’un de patient. Elle s’y était contrainte, car son besoin de toujours arpenter les chemins qu’elle choisissait plus loin et plus fort avait été dépassé par celui de s’amender, de tenter de réparer les choses qu’elle avait piétinées sur son passage alors qu’elle tentait de demeurer debout, d’éviter une chute inéluctable et douloureuse, mais nécessaire. Les mots que Clemens prononça dépassèrent pourtant ce qu’elle espérait.

Il ne pouvait pas véritablement comprendre, pourtant. Pas même Rowan ne le pouvait – il n’avait jamais été volontaire. Mais ce n’était pas important. Ce n’était vraiment pas important. L'important était qu'il était toujours là.

Le reste... Elle s'en accommoderait.

Alors sa remarque lui attira un sourire, et elle secoua la tête, comme si elle ne parvenait pas à croire ce qu’il venait de lui dire, comme si elle tentait de dissimuler le soulagement qui l’avait envahie, si puissant qu’elle se sentait fébrile, qu’elle n’avait qu’une seule envie ; s’écrouler par terre avant que ses jambes ne s’écroulent les premières.

« Faut croire » concéda-t-elle, ramenant machinalement ses tresses en arrière. « Tu me connais. »

Elle avait toujours été la plus audacieuse, la plus brave lorsqu’il s’agissait d’expérimenter de nouvelles choses, la plus téméraire quand elle se laissait glisser dans des gouffres desquels elle n’était jamais certaine de parvenir à s’échapper, une fois qu’elle y serait plongée ; elle n’avait jamais laissé aucune barrière se dresser entre elle et son don – sa raison de respirer, ce qui l’avait toujours habitée depuis ce premier jour en cours de potions, où, alors qu’elle faisait face à son tout premier chaudron, tout s’était détruit autour d’elle ; le monde s’était déconstruit, car sa vie tout ce qu’elle avait vécu avant de toucher ses premiers ingrédients n’avaient aucun sens – jusqu’à aujourd’hui.

Suivant le mouvement qu’il initia avec soulagement, elle s’assit à même le sol, se délestant de son sac à dos qu’elle portait encore, et reprit le verre entre ses mains pour boire une nouvelle gorgée, gagnant du temps avant de répondre.

« Je ne sais pas. » Et c’était déjà la deuxième fois qu’elle peinait à trouver sa voix, qu’elle hésitait sur le chemin à suivre, le but à donner à sa vie. « Enfin, je veux dire, je vais partir. Je comptais repartir juste après t’avoir vu. Je ne sais pas où je vais, mais… On verra bien. »

Elle s’arrêta quelques instants, avant de reprendre la parole, comme si cette hésitation n’avait jamais existé.

« Je suis pas certaine de vouloir continuer dans les potions après… tout ça. »

Tout ça était une délicate façon d’envelopper les trafics dans l’Allée des Embrumes – visqueuse, atroce et poisseuse, dont l’air malsain s’infiltrait jusque dans les os pour y laisser une trace indélébile – puis les potions, plus dangereuses encore, qu’elle avait porté à ébullition dans les cachots du Manoir Jedusor, et dont elle rêvait encore.

On ne se débarrassait de l’odeur de l’Allée, au bout d’un long moment ; mais pas de l’adrénaline qu’elle procurait. Elle doutait de parvenir, un jour, à ne plus laisser ses cauchemars déchirer ses nuits.

« Enfin, j’ai plein de projets et d’idées, ce n’est pas le problème. »
Inventer n’avait jamais été le problème ; il y avait toujours une nouvelle limite à repousser, à plier et à dominer. « Je ne sais pas. » finit-elle par répéter, car le problème était plus complexe encore, plus intime. Et les longues secondes de silences qui s’écoulaient entre chacune de ses bribes de phrases le hurlait suffisamment pour qu’elle n’ait pas besoin de l’exprimer. « Et toi ? »


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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyMar 8 Nov 2016 - 18:54

Une douce chaleur s'écoula dans son torse quand il répondit à sa pique avec un sourire, et une attitude nonchalante. Ils parlaient pourtant d'un groupe terroriste et meurtrier, mais nul témoin n'aurait pu le déceler. De l'extérieur, ils devaient ressembler à des amants trompés qui ne savaient pas encore s'ils avaient envie de se refaire confiance. Pour Clemens, cette réponse si simple était le signe que la tension s'était un brin désamorcée, que peut-être ils allaient pouvoir recommencer. Pour de vrai, cette fois. Pourtant, malgré ce soulagement, son sourire s'était effacé ; la connaissait-il vraiment ? Parfois il l'avait cru, mais à chaque fois qu'il s'était laissé aller dans cette confiance là, elle lui avait rappelé avec un terrible électrochoc qu'elle serait toujours un électron libre.

Installé sur le parquet, il réalisa enfin que Freya était venue avec un sac à dos, image qui le frappa alors qu'elle prononçait le mot 'partir'. Il tenta de rester stoïque, de chasser la joie qui était née en lui, quelques secondes auparavant seulement, à l'idée qu'ils pourraient reconstruire un lien, une amitié, une relation quelconque, mais il s'agissait visiblement d'un nouvel au-revoir. Alors il soupira, lassé que dans son entourage – lui-même y compris – il ne se trouvait nulle âme qui ait le courage de tout vivre de face et de front. Outre Rowan peut-être… mais les règles n'étaient, pour lui, pas vraiment les mêmes. Il cilla néanmoins à la confidence, car le parallèle les heurtait à nouveau.

« Ce ne sont pas vraiment les potions, le problème... » Sans trop savoir pourquoi, il baissa le regard vers ses propres mains, observant ses paumes pendant quelques secondes alors qu'il réfléchissait à la décision qu'il aurait pris si la situation avait été inverse. Aurait-il arrêté de pratiquer la métamorphose, si le busard dont il était si fier était devenu une arme, ou un engin d'espionnage. Il secoua la tête. « Arrêter les potions te rendra malheureuse, mais il n'effacera pas le sentiment de culpabilité, de honte, de regret, ou quel que soit celui que tu ressens. »

Il arrima son regard bleu acier, froid et dur, aux yeux si familiers de Freya. Il se savait abrupt, mais s'il était une chose qu'il connaissait avec certitude à propos de la jeune femme, c'était qu'elle vivait, brûlait même, pour pratiquer son art. Elle était même probablement plus fervente que lui – ce qui n'était pas peu dire – et interrompre son envol la ferait seulement dépérir. Clemens en était persuadé, et il refusait de lui laisser l'opportunité de douter sur cette part d'elle-même.

« J'ai pas d'idées, ni de projets, mais ça change pas vraiment à mes études, hein ? Je vais rester à Avalon pour le moment, j'ai assez… subi Haveirson pour les années à venir. Et je ne pense pas avoir vraiment besoin du Comte et de ses sbires pour continuer à atteindre mes objectifs en matière de métamorphose. »

C'était un demi-mensonge, et son regard s'accrocha au mur derrière Freya. Il n'avait pas de vrai plan d'avenir, ni en ce qui concernait son futur académique, ni les métamorphoses, mais après son laïus un brin moralisateur, il aurait été mal venu de le reconnaître. D'autant qu'il ne doutait pas que les idées reviendraient, quand son esprit se serait apaisé. Il ne comptait pas abandonner, c'était une simple… pause.

« Je vais travailler au Parker's, peut-être que je chercherai aussi un job comme entraîneur de Quidditch, ou consultant pour des matches, quelque chose comme ça. » Il haussa les épaules. « On verra quand notre monde se sera apaisé un peu. On a tous des plaies à lécher. Où est-ce que tu comptes aller pour lécher les tiennes ? »

Froid et brutal, Clemens ne l'était que rarement. Mais toujours avait-ce un sens, même s'il n'en était lui-même pas toujours conscient.
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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyMar 8 Nov 2016 - 21:21



L’absence de réaction à son départ lui fit froncer les sourcils, incapable de savoir comment elle devait véritablement l’interpréter, et son soupir l’intrigua bien plus qu’il n’aurait dû ; mais ce qu’il lui répondit la toucha exactement comme il avait toujours su le faire. Sans jamais lui vouloir le moindre mal, et pourtant en parvenant à faire voler en éclats toutes les certitudes qu’elle tissait, qu’elle construisait, qu’elle polissait tout autour d’elle ; les brisants en morceaux irréguliers, aux rebords tranchants comme une lame, et les écrasant soigneusement les uns après les autres pour s’assurer qu’il ne resterait rien. Seulement des poussières de rêves desquels elle allait pouvoir extirper les nouveaux.

Et elle n’écouta qu’à moitié ce qu’il lui disait ensuite, son esprit habituellement si agité, survolté, était soudainement devenu horriblement silencieux alors que Clemens liait leurs regards, fermement, sans aucune douceur ; mais ce n’était pas de douceurs et de pleurs dont Freya avait besoin en cet instant précis. Ses paroles n’en étaient qu’amplifiées, comme si quelqu’un avait jeté un Sonorus, comme si elles étaient répétées mille fois par l’écho qui heurtait cet appartement trop vide, trop blanc – semblable aux pages blanches d’un carnet qui n’attendait que d’être rempli. Et elle en avait rempli tant, avant de pratiquement tous les laisser derrière elle comme on semait des cailloux pour tenter de retrouver son chemin.

La vérité, et elle venait seulement de s’en rendre compte, de la reconnaître et de lui donner forme, était qu’elle n’était pas en train de semer des cailloux, mais de brûler tous les ponts qui pourraient lui permettre de revenir en arrière. Et cette sensation, alors qu’elle avait passé sa vie à dévaler des pentes de plus en plus abruptes et démesurées, lui donna une impression atroce de vertige avant qu’elle se reconnecte brutalement à la réalité en entendant la question que Clemens lui posait, visiblement aveugle au brasier qui se déroulait juste devant lui.

Elle ne pouvait pas lui en vouloir, décida-t-elle en refermant cette bouche qu’elle prenait juste conscience d’avoir laissée entrouverte depuis tout ce temps. Sans avoir prononcé le moindre son, écorché sa gorge avec la moindre syllabe.

« Mes plaies »
répéta-t-elle dans une tentative de se raccrocher à une réalité dont les froides paroles de Clemens l’avaient si brutalement arrachée. « Je ne sais pas » réalisa alors Freya, alors qu’elle tentait de formuler une réponse cohérente, de ne pas donner l’impression d’être perdue dans une hallucination, de s’être tout juste extirpée d’un songe.

Peut-être que ces incendies qu’elle avait allumé sur sa route flambaient encore suffisamment pour qu’il puisse éclairer son chemin de retour ?

Et son esprit sembla repartir subitement, heurtant à toute vitesse les projets qu’elle s’était construits durant les derniers jours ; volontairement vagues, sans aucun but autre que celui d’errer à la recherche des réponses à une question qu’elle n’avait pas même besoin de se poser, qu’elle n’aurait jamais dû se poser. Alors elle brisa ce lien visuel que Clemens avait créé pour que son regard se fixe sur son sac à dos, juste à côté d’elle, l’observant comme si elle ne l’avait jamais vu, comme si elle découvrait subitement sa présence, questionnait son utilité, sa raison d’être.

« Peut-être pas si loin que ça, finalement »
articula-t-elle après un silence.

Elle n’avait pas besoin de plusieurs brasiers pour la guider. Un seul lui avait toujours suffi – et il avait toujours brûlé bien plus ardemment que les autres. Accrochant de nouveau son regard à celui de Clemens, elle sentit toute la tension qui avait filé ses épaules de plomb se dissiper, le poids de ses hésitations s’évaporer brusquement ; et ce fut avec un sourire qu’elle parla, cette fois-ci.

« Tu crois que le Comte accepterait que je lui file mon dossier d’inscription en retard ? »

Avec l’impression que l’inspiration qu’elle prenait était la première depuis des mois, elle se demanda si Clemens pouvait déceler le tumulte qu’il avait déclenché, le trouble qu’il avait engendré en elle par ses mots et sa dureté ; elle était une enfant du chaos, se lovant dans les violents remous d’une rivière comme un autre se serait contenté d’un chemin aux pancartes soigneusement visibles, au chemin que l’on ne pouvait quitter, qui ne présentait aucun embranchement, aucun carrefour.

Et elle avait failli louper le sien, réalisa-t-elle. Sans lui, elle se serait laissée glisser dans le mauvais gouffre, alors qu’elle venait à peine d’escalader la paroi pour sortir du premier.

Dans une autre situation – une où elle n’aurait pas eu besoin de l’apprivoiser de nouveau, une où elle n’avait pas bafoué sa confiance – elle l’aurait sans doute serré dans ses bras, si fébrile et tremblante qu’elle lui aurait fait mal sans le vouloir en serrant un peu trop fort, en s’agrippant un peu trop à lui ; mais elle ne fit qu’ouvrir à nouveau la bouche et esquisser un mouvement, avant de se raviser et de tenter d’accepter le chaos qu’il avait ravivé en se contentant de le contempler, le regard enfiévré et le cœur menaçant de faire exploser les os qui l’enfermaient injustement maintenant qu'il s'était à nouveau éveillé.


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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost EmptyJeu 17 Nov 2016 - 9:23

Clemens s’était inconsciemment tendu, de plus en plus fort, au fur et à mesure que ses froides semonces venaient faire trembler la pièce. Il était convaincu du bien fondé des paroles qu’il prononçait, mais il ne manquait pas à ce point d’empathie pour penser qu’elles seraient forcément bien accueillies. Malgré toute l’affection qu’il éprouvait pour Freya – et c’était, étrangement, exactement pareil avec Rowan – il n’était que rarement source de douceur pour eux. Cette paire-là se voulait bien plus dure et butée qu’ils ne l’étaient réellement, ou du moins, qu’ils ne voulaient l’être dans certaines situations, et l’Allemand n’avait pas trouvé de façon plus délicate de les ramener à la vérité que des coups de boutoir déplacés qui finissaient toujours par faire explorer le marbre derrière lequel ils s’étaient camouflés.

Cela ne lui plaisait pas pour la cause. Ses muscles se relâchèrent petit à petit, tandis que la jeune femme digérait ses paroles sans fuir, ni exploser. Son regard s’adoucit, et bien qu’il ne souriait toujours pas, il se moulait progressivement dans une attitude plus ouverte, la tête légèrement penchée sur le côté, dans l’attente des nouvelles conclusions à tirer. Finalement ses épaules s’affaissèrent complètement sous le poids du soulagement.

« Je suis certain qu’il ne peut se passer d’une potionniste telle que toi pour ses plans machiavéliques » commenta-t-il avec un enthousiasme fade. « Mais… Fais attention à toi quand même. Je ne suis pas tellement convaincu que ce soit un lieu plus apaisant ou plus sur. Ma porte t’es toujours ouverte. »

Il sourit enfin, songeant qu’avec Freya, Rowan et Isolde toujours coincés dans cette académie détestable, il allait devoir faire quelques doubles de ses clés. Peut-être était-ce ce qui leur avait toujours manqué, l’année dernière. Un lieu refuge, un endroit où prendre du recul pendant quelques jours, et réfléchir à l’entité Comte à l’écart des yeux et oreilles indiscrets – pour autant qu’ils ne soient pas surveillés aussi loin qu’Avalon, ce dont il n’était pas sur. En revanche, il était persuadé que la pression imposée avait joué un rôle considérable dans les erreurs qu’ils n’avaient pas manqué de faire ces derniers mois. Lui compris, et ce n’était pas sans raison qu’il avait réfuté la possibilité de retourner s’installer à Londres.

Le silence s’installa, seconde après seconde, alors qu’ils s’observaient avec cette distance étrange imposée depuis leurs retrouvailles. Ils n’étaient ni proches, ni étrangers, leur relation se résumait à un entremêlement de liens indéfinissables qui leur était, peut-être, si caractéristique en vérité. Avec Freya, rien n’avait jamais été simple, mais tout lui avait toujours paru naturel. Alors, refusant de reconnaître la présence d’un éléphant dans la pièce, il se leva et observa la pièce, grande et lumineuse.

« Qu’est ce que tu penses que je devrais faire de cette pièce ? J’ai choisi cet appart un peu par hasard, mais je sais pas trop quoi en faire, en vérité. La chambre c’est réglé,  j’ai mis ça dans la plus petite pièce, et la plus sombre aussi, histoire de pas m’étaler dans un espace trop vaste. » Elle devait se souvenir de son incapacité à être organisé de manière rationnelle. « La cuisine c’était prédéfini » indiqua-t-il avec un geste vague en direction des meubles déjà installés. « Mais il reste ça, et puis y a une autre chambre là, plus grande, mais je pense pas me prendre un colocataire. » Finit-il en désignant une autre porte, fermée.

L’Allemand se tourna vers Freya, le regard interrogateur. Ils étaient amis, elle pouvait bien participer à son installation, non ?
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MessageSujet: Re: Not all those who wander are lost   Not all those who wander are lost Empty

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