Comment bien démarrer une nouvelle carrière...[absolument libre]

Après quelques jours de vie à Haveirson, Isaac commençait à se repérer instinctivement dans les couloirs du Château et s'il n'avait pas encore exploré toute la propriété, les vieilles pierres lui semblaient maintenant assez familières pour qu'il ne demande plus son chemin aux étudiants, voire même qu'il puisse répondre à une question sur la location d'un amphithéâtre ou de la bibliothèque à un élève fraîchement arrivé ou à un visiteur. Il avait pu faire connaissance avec la majorité de ses collègues et avait même croisé quelques têtes connues, quelques anciens camarades et relations. Haveirson lui plaisait, en fin de compte.

Il n'aimait pas particulièrement le mystère qui enveloppait le maître des lieux et n'avait pour le moment pas plus envie de chercher à comprendre les intrigues du château, peu certain d'apprécier ce qu'il découvrirait. Après tout, il y avait deux options pour que leur bienfaiteur tiennent à garder son identité secrète : soit il avait de bonnes intentions mais voulait rester discret par pudeur ou par crainte des forces du mal, soit il avait de mauvaises intentions et tenait à garder son plan final privé pour arriver à ses fins. Et dans ce deuxième cas, Isaac préférait ignorer les faits. Il voulait enseigner, il voulait mener sa vie, ses ambitions dans son coin. Il voulait profiter de l'opportunité et n'était pas assez impliqué pour se laisser toucher par d'éventuels dommages collatéraux. Alors il restait dans son monde, il appréciait la vie qu'on lui offrait, se sociabilisait un peu, et les journées étaient bien assez remplies comme cela.

Il était donc arrivé depuis quelques jours et était en pleine préparation de son tout premier cours, ce qui le poussait à faire de très nombreux allers-retours entre la bibliothèque et son bureau. Il devait être assez routinier dans cette façon de faire, puisque ses va-et-vient avaient laissé le temps à de petits malins de lui préparer une petite surprise, une façon de tester son sens de l'humour, de lui souhaiter la bienvenue de façon assez originale ou peut être bien l'exact contraire. La matinée était déjà bien entamée et Odysseus ne s'était pas montré depuis l'aube, sans doute parti chasser quelques oiseaux ou trouver un chien à faire enrager, comme à son habitude. Isaac avait passé une petite heure dans son bureau à griffonner quelques références et pistes de réflexions pour le cours et avait filé à la bibliothèque, collecter quelques ouvrages sur l'Histoire qu'il ne pouvait trouver dans sa collection personnelle.

Peu habitué à la collectivité, il n'avait pas verrouillé sa porte et en revenant étudier les ouvrages dénichés, il compris que c'était une habitude qu'il allait devoir réviser. En poussant la porte du bureau, il découvrit un spectacle assez impressionnant. Son mobilier, tout son mobilier, avait pris vie. Les pieds ronds des meubles leur permettaient de se dandiner, les livres battaient de leur couvertures pour voler (ce qu'ils faisaient avec une grâce assez étonnante d'ailleurs), et d'autres objets tournoyaient dans les airs ou rampaient au sol, escaladaient les rideaux et, au son des livres qu'il venait de faire tomber sous la surprise, se précipitèrent vers lui. Abasourdi, il s'écarta machinalement pour laisser passer le premier essaim d'objets qui se répandit dans les couloirs comme une nuée de lutins de Cornouailles s'échappant de leur cage.

Il fallut quelques secondes à Isaac pour sortir de sa torpeur et d'un sortilège murmuré, il referma la porte de son bureau afin d'enfermer la plupart de ses biens qui n'avaient pas encore eu le temps de prendre le large. Un nouveau sort lui permit de figer sa bibliothèque et, voyant passer devant lui la caisse qui permettait à Odysseus de ne pas sortir du bureau quand la météo ne lui convenait pas (je ne vous fais pas un dessin, si?), il décida que cet objet-là serait sa priorité et se lança à sa poursuite.

Qui aurait cru qu'une satané litière pour chat ensorcelée puisse être si agile ? Il avait beau être un duelliste convenable, ses deux premiers sorts ratèrent leur cible. Ils touchèrent heureusement deux autres de ses possessions qu'il renvoya d'un coup de baguette précipité vers la porte de son bureau, mais cela laissa le temps à la caisse de tourner au détour d'un couloir, laissant comme seule piste les gravillons qu'elle perdait sur son passage. Sa vie à Haveirson commençait bien. Quelques élèves le regardaient passer avec un étonnement assez mal contenu et Isaac souffla.

« Si l'un de vous veut me donner un coup de main, qu'il se fasse plaisir, je promet de lui payer un verre ! »

C'était une catastrophe, encore pire qu'une de ces mauvaises sitcoms moldues que regardait Isabella. L'apocalypse selon Haveirson. L'espace d'un moment, dans sa course pour rattraper la litière ensorcelée et éviter quelques livres qui l'assaillaient de temps à autres, il se demanda si les autres professeurs avaient vécu une épreuve de ce genre, à leurs débuts. Il n'avait pas le souvenir qu'un professeur ait subi une telle blague des sept années qu'il avait passé à Poudlard. Peut être que les autres professeurs – ceux que la naïveté n'étouffait pas – verrouillaient leurs bureaux quand ils s'absentaient. Une chose était sûre, il prendrait l'habitude de le faire et ce dès aujourd'hui.

Il gagnait du terrain, observé avec amusement ou incrédulité par les sorciers dont il croisait le chemin et il aperçut enfin la caisse fugueuse quand l'impensable se produisit. Il avait à peine levé sa baguette qu'une jeune fille utilisa un objet qu'il n'eut pas le temps d'identifier pour stopper la course de la litière et la collision fut terrible. Le bac se désolidarisa de son couvercle dans une explosion de granulés et Isaac bénit la Ménagerie Magique pour commercialiser un modèle auto-nettoyant visiblement assez efficace puisqu'il fut recouvert de poussière de litière. Il savait que l'étudiante n'avait pas prévu ce résultat. Du moins il le souhaitait de toute son âme mais malgré cela, il sentit la fureur l'envahir. Il y eut des rires étouffés, es exclamations pas très rassurées dans l'assistance et Isaac inspira longuement, peu désireux de passer pour un tyran. Il avait déjà l'air idiot, il n'avait pas besoin d'être un idiot despotique. Observant le résultat de cette intervention peu réfléchie, puis examinant l'assaillante, il identifia l'arme du crime. Cette petite gourde avait utilisé un livre. Certains auraient usé de magie, ou de n'importe quoi d'autre, mais il avait fallu qu'elle utilise un bouquin qui de plus était loin d'être miteux. Enfin il avait dû l'être avant d'être recouvert de poussière grisâtre. Et s'il en croyait ses propres sensations et la vitesse à laquelle la saleté se propageait sous ses vêtements, il devait y avoir de la poussière entre les pages, coincée dans la reliure, le rendant beaucoup moins beau.

« Vous... » commença-t-il d'une voix un peu tremblante, partagée entre la colère et la honte. « Vous avez l'impression que c'était judicieux ? »

Il serrait ses doigts sur le manche de sa baguette ne parvenant toujours pas à déterminer comment il allait réagir, presque tétanisé par les regards des spectateurs qui pour la plupart n'avaient pas l'air d'en mener large. Il ne savait pas quelle serait la meilleure réaction, celle digne d'un professeur compétent, celle qui pousserait tout le monde le considérer comme un enseignant respectable. Parce qu'il avait besoin d'être respecté là, il ne fallait pas qu'une telle chose puisse se reproduire. Et blâmer la jeune femme ne semblait pas cohérent. Elle n'avait pas fait preuve d'une jugeote éblouissante mais en toute honnêteté, il ne savait pas comment il aurait réagi à sa place, chargé par une énorme caisse ensorcelée.

- Je suppose que c'est mort pour le verre ?

Il allait céder à la fureur quand la jeune sorcière éclata de rire. Il n'y décelait pas de moquerie, juste de l'amusement, comme le celui que sa propre fille laissait échapper quand elle voyait quelqu'un tomber de façon ridicule. Contagieux, ce rire gagna Isaac. C'était atroce et c'était ridicule. Il en entendrait très certainement parler pendant des semaines et il détestait l'idée d'être perçu comme l'imbécile qui s'était fait avoir, comme un professeur minable à peine capable de gérer une blague estudiantine. Il ne voulait pas manquer d'humour mais ne voulait pas non plus paraître laxiste. Il voulait faire bonne impression, comme il s'efforçait de le faire à chaque fois qu'il arrivait quelque part. Mais dans ce couloir, au milieu de ses futurs étudiants, des gravillons de litière dans le moindre repli de ses vêtements et jusque dans sa barbe, il abandonnait. Il laissait tomber l'idéal du professeur qu'il avait imaginé, il oubliait les modèles de Poudlard qui l'avaient influencés et à qui il avait tenté de ressembler en vain. Il n'était pas un enseignant. Il ne l'avait jamais été, et il n'allait pas l'être avant un bon moment. Et tant pis. Il avait un certain nombre de connaissances, il était pédagogue et il était humain, cela devrait suffire. Alors peu importait s'il était ridicule et si rire de ce désastre n'était pas digne d'un enseignant. Autour d'eux, les autres étudiants semblèrent se détendre un peu à leur tour et la majorité d'entre eux quitta simplement  les lieux, désirant probablement mettre de la distance entre le lieu du crime et eux avant que le professeur ne recouvre la raison. Mais pour Isaac, la raison était parfois une vertu surévaluée.

« Vu la situation actuelle, je pense qu'il serait plus juste que ce soit vous qui me l'offriez, non ? »

D'un coup de baguette machinal, il lança un récurvite qui fit disparaître poussière et gravillons et même s'il ressentait le besoin impérieux de prendre une douche au plus vite, ne serait-ce que pour le principe, il était aussi propre qu'il pouvait l'être et la démangeaison dans sa barbe n'était que psychologique. Il sourit à la jeune fille et désigna d'un geste les quelques grains de sable qu'elle avait dans les cheveux.

« Et puis visiblement, vous avez aussi payé les frais de votre ... manœuvre. Même si vous êtes bien moins touchée. Ce n'était peut être pas très judicieux comme réaction, j'espère au moins que ce livre était à vous ? Je doute que le bibliothécaire accepte de le récupérer dans cet état, mademoiselle... ? »

Connaître son nom avant de la recruter pour l'aider à poursuivre le reste de ses biens lui semblait une bonne idée. Il ensorcela de nouveau la litière maintenant vide pour qu'elle retourne sagement l'attendre à la porte du bureau puis proposa avec amusement :

« Si vous acceptez de m'aider pour le reste et que vous promettez d'assister ne serait-ce qu'à mon premier cours, j'oublierai que vous avez tenté de m'ensevelir sous cette saleté et je vous paierai une bièraubeurre quand vous le voudrez. »

Est-ce qu'ils n'avaient pas l'air insensés tous les deux, à rire de cette saleté comme si c'était la chose la plus drôle qui s'était produite depuis longtemps ? Pour être honnête, Isaac ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait été victime d'un tel fou rire. Il souriait fréquemment, avait le rire facile, mais c'était un rire assez calme, souvent bref. Le dernier fou rire avait probablement été causé par Charlie, ou par Odysseus, mais l'animal n'était pas d'une humeur très agréable depuis leur emménagement à Haveirson et Charlie lui manquait depuis qu'elle passait plus de temps à réviser et à travailler sa vie sociale qu'à chercher à passer du temps avec son vieux père. Isaac avait été absent une bonne partie de la vie de la jeune fille et il ne s'était pas préparé à l'adolescence. Est-ce que cette étrange métamorphose allait faire d'elle une jeune femme assurée, un poil effrontée, l'air bien dans ses baskets et peu inquiète des conséquences de ses paroles comme semblait l'être la sorcière devant lui ?

Il avait tenté de répondre par l'humour à sa répartie et à en croire l'air exagérément révolté qu'elle arborait, il avait visé juste. Bien qu'il peine à comprendre son humour concernant l'usage de la caisse, assez peu habitué à ce que l'on s'adresse à lui comme ça, il haussa les épaules. Un haussement de sourcils, un sourire et il rétorqua

« Crois moi, je n'en ferai plus rien, j'ai appris ma leçon. Même une tempête aux proportions jamais égalées s'abat sur tout le Pays de Galles, Odysseus – c'est le nom du chat – devra sortir dorénavant. »

Peut être un peu naïf, il n'avait pas saisi le sous entendu. Que ferait-il avec une litière de toute manière s'il n'avait pas de chat ?

« Et oui jeune fille, je pense qu'un verre en dédommagement n'est pas cher payé, même si j'étais déjà ridicule avant ton intervention. Et puis au point où j'en suis de ne rien faire comme un professeur digne de ce nom, autant me faire offrir une bièraubeurre par une élève, non ? »

Comme ça, tout aurait été fait de travers. En éternel optimiste, Isaac se disait que cela lui ferait une rencontre plutôt bien terminée et surtout qu'après cela, il ne pourrait que faire mieux. La sorcière prenait un ton plus plus posé, un air un peu plus calme et concéda qu'il était effectivement en droit de réclamer son verre. Enfin non, elle se contenta d'un « OK », mais Isaac préféra le percevoir ainsi que comme une jeune fille qui devait avoir la moitié de son âge et qui cédait devant l'insistance – certes blagueuse – de son professeur sensé être en position d'autorité. Plus ou moins. La conversation s'éloigna peu à peu de cette histoire de bar et les remarques de la blonde le laissèrent un peu décontenancé. Il ne parvenait pas à déterminer si elle était sérieuse ou nom et cet aplomb qu'elle montrait, ce caractère qui lui semblait maintenant naturellement provocateur le fit hésiter. En tant que professeur, en tant qu'amoureux des bibliothèques et de leur système, du privilège dont il se sentait honoré de pouvoir emprunter des livres, quelque soit leur sujet, d'accéder à une connaissance qu'il ne pouvait pas se permettre financièrement... S'il laissait cette idée omniprésente l'emporter, il devrait se retenir de lui prendre le livre des mains et de lui faire la morale. Mais à quoi bon ? Changerait-elle d'attitude ? Et sa remarque concernant les têtes de ses camarades dont elle se serait volontiers servi comme bouclier, était-elle sincère ? Est-ce que toutes les adolescentes étaient comme ça ? Ne pouvait-il pas avoir eu un fils, plutôt ? Un rire lui échappa à cette idée et songeant que l'étudiante prendrait cela comme une réponse à ses réflexions, il haussa les épaules.

« Si tu as un souci au moment de le rendre, n'hésite pas à dire que je suis impliqué. »

Il hésita une seconde et esquissa une moue ironique.

« Même si plus je t'entends parler, plus je te crois capable de le faire même sans mon consentement. »

Elle se présenta et son nom de famille illumina un souvenir dans son esprit, sans qu'il ne parvienne à l'identifier clairement. En tout cas, il avait déjà entendu ce nom, et il l'associait à tous ceux dont il savait qu'ils appartenaient à des personnalités influentes. Pour autant, il aurait été incapable d'en dire plus. O'Neill restait un patronyme loin d'être rare et avec toutes ses escapades, il connaissait assez peu le gratin du Monde Magique anglais. Bien sûr, il connaissait le nom du Ministre de la Magie, celui du directeur du bureau de la Justice Ma... non, pas celui là en fait. Mais s'il s'intéressait parfois à ceux dont il pensait qu'il ferait l'Histoire dans l'ensemble et à ceux dont il admirait les discours – et Merlin savait que les discours ne manquaient pas depuis quelques temps – il pouvait plus facilement parler de ceux qui avaient vécu le siècle passé qu'à sa propre époque.

L'écoutant d'une oreille distraite, perdu dans ses tentatives de remémoration, il réprima un rire à sa réflexion. Une matière à dormir debout ? Il n'y avait que peu de doute sur le fait qu'elle considérait certainement l'Histoire de la Magie ainsi, comme beaucoup de sorciers. Comme tous les sorciers ayant eu le professeur Binns à vrai dire. Il connaissait beaucoup de choses, en grande partie parce qu'il les avait personnellement vécues selon l'avis de beaucoup, mais son large champ de connaissances n'avait d'égal que la monotonie de ses cours.

« Je suis nouveau, effectivement. Isaac Perks, Professeur Perks, il faudrait peut être que je prenne cette habitude. Peu importe. Et avant toute chose, je tiens à préciser qu'il n'y a pas de matière à dormir debout, ce sont les enseignants qui le sont. Je donne des cours d'Histoire de la Magie. Je ne sais pas s'ils sont obligatoires dans ton cursus mais qu'il le soient ou non, essaye au moins d'assister au premiers cours d'accord ? Tu pourras juger par toi-même mais je promets que je n'ai rien en commun avec le professeur Binns, si ce n'est le titre. Et puis cela me donnera l'occasion de faire peut être meilleure impression qu'aujourd'hui, je ne serai pas couvert de saleté cette fois. »

Il sourit, finalement totalement détendu puis ajouta rapidement

« De plus, ma génération et la tienne s'apprête à écrire une page de l'Histoire Magique, et pas des moindres. C'est peut être intéressant de savoir ce qui compte pour déterminer le meilleur moyen d'action non ? »

Quel que soit le camp, même si Isaac avait bien plus d'estime pour l'un que pour l'autre, c'était un conseil qui s'appliquait. Et peut être que cette idée convaincrait Megan ? Elle semblait assez affirmée pour prendre parti pour le camp qu'elle jugeait juste. Finalement, elle lui rappela la perte de ses possessions, qu'il avait presque oubliée tant il s'était focalisé sur l'incident de la litière et il frotta sa barbe, un peu gêné.

« J'imagine que c'est un genre de message de bienvenue, un bizutage assez costaud pour mon arrivée ici. Certains de tes camarades doivent avoir un humour assez prononcé, et ont trouvé un moyen de me faire comprendre qu'il est judicieux de verrouiller son bureau lorsque l'on s'absente. Heureusement, la majorité de mes affaires est restée prisonnière de mon bureau. Pour le reste... Tu as déjà participé à une chasse aux lutins de Cornouailles ? J'ai connu un homme une fois qui tentait de les domestiquer et qui leur avait rendu leur liberté dans son salon en pensant qu'ils seraient assez attachés à lui pour ne pas prendre la fuite. C'était une très mauvaise idée et avec le recul, un excellent entraînement pour aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui me manque, ni vers où c'est parti. Je sais qu'il y a une chaise et plusieurs livres mais en dehors de cela... Tu as croisé d'autres objets fous ? »

Il rit. Il avait beau ne pas être certain d'approuver qu'une élève tiennent ce genre de propos concernant ses professeurs, elle visait juste et le rassurait, en un sens. Et en même temps, il prenait la mesure de sa naïveté. A quoi s'était-il attendu? Haveirson n'était pas Poudlard. Dans l'antre de Dumbledore, les sorciers entraient enfants, l'autorité professorale remplaçant celle des parents. Chez les élèves de première  année, il n'était pas rare que certains ressentent un manque et recherche l'affection de certains de leurs professeurs. Les plus grand avaient grandi dans ce cocon et même s'ils défiaient l'autorité, ils restaient dépendants de ces limites et de ce cadre. Ici, tous étaient majeurs et, pour la plupart d'entre eux, adultes. Ils n'avaient pas le même rapport aux professeurs, ils n'avaient pas les mêmes besoins, les mêmes attentes. Isaac était même à peu près certain que certains de ces élèves, pour ceux issus de familles influentes du moins, considéraient les professeurs comme leurs propres employés. Alors la hiérarchie était sans doute un peu plus floue, les positions de chacun et les libertés n'avaient rien à voir avec l'enseignement qu'il connaissait. Pas étonnant que Megan ne se sentent pas mal à l'aise de parler ainsi de ses professeurs.

Il s'amusa aussi de son aveu concernant le bouquin qu'elle devait rendre à la bibliothèque. Bien sûr, tous n'étaient certainement pas comme elle. La société adulte était extrêmement nuancée. Mais maintenant, ils avaient une plus grande emprise sur la réalisation de leurs ambitions, une plus grande connaissance de leurs intérêts personnels. L'année promettait d'être riche en enseignements, tant pour lui que pour eux. Plus le temps passait, moins il doutait de son nouveau choix de carrière. Lui qui vivait pour l'acquisition de nouvelles connaissances, il était au bon endroit.

Il apprécia qu'elle accepte d'assister à son cours, même s'il y avait autant de chance qu'elle y soit contrainte par son cursus que de possibilités qu'elle lui dise ça juste pour lui faire plaisir et qu'il n'insiste pas, mais elle sembla intriguée par ce qu'il lui disait et il n'en fallait pas plus pour qu'Isaac se lâche un peu. Passionné, sûr de ses convictions, il n'hésita pas une seconde avant de répondre.

« Agir. » Il marqua une pause, réfléchissant à la meilleure formulation possible pour exprimer son idée, peu habitué à l'évoquer à voix haute. « C'est la leçon qu'il est capital de tirer de l'Histoire à vrai dire. De notre Histoire, celle de la Communauté Magique, mais aussi de celle des moldus, plus généralement. L'Histoire Mondiale. Les guerres sont très certainement inévitables, mais je pense que le premier à agir de façon organisée et cohérente a un avantage. Et il est évident que chaque fois qu'un tyran émerge, les nations et leurs dirigeants attendent bien trop longtemps.

« Tu sais, c'est aussi ce qui me pousse à vouloir enseigner ici. Ce n'est pas ma vocation à l'origine. J'ai aimé voyager plus que tout et j'aurais très certainement continué si les choses avaient été différentes. Mais je pense qu'il est très très important d'aider notre société à lire dans le contexte passé et actuel les signes qui nous invitent à réagir, à nous lever et à ne pas nous laisser faire. Au fond, c'est valable quelles que soient nos ambitions, bonnes ou mauvaises. Il faut avouer qu'à notre niveau, cette notion de gentils et de méchants est très floue, et susceptible d'interprétations. Est-ce que l'on peut dire que les moldus impliqués dans les événements d'Avalon sont des êtres foncièrement mauvais ? Je sais que certains d'entre vous vous êtes trouvés mêlés à ça et j'en suis désolé, tu as peut être des amis qui ont été blessés ? Mais malgré tout, je pense qu'ils ont agis guidé par la peur et non par l'éducation. Tu vois, c'est ça qui est important. C'est pour ça que l'étude des moldus, l'étude de la société et de sa politique, l'étude des différents événements historiques et de la façon dont nous avons fait face est nécessaire. Même l'étude de la magie noire en un sens. Pas des sorts en eux même, mais des mécanismes. Comprendre pour ne pas avoir peur,comprendre pour cohabiter mais aussi pour combattre les différentes menaces. Il faudrait que les gens cessent de se dire que cela va passer si l'on n'y prête pas attention. Quand des fanatiques décident de tuer d'autres personnes pour ce qu'elles ont dans les veines, dans le crâne, leur allure, leurs croyances, alors ils doivent être stoppés, pour le bien commun. »

Il rit, passa une main dans ses cheveux et haussa les épaules.

« C'est un peu brouillon sans doute, et je ne sais pas si c'est la réponse que tu attendais. Je ne peux pas conseiller à une jeune fille comme toi de faire quoi que ce soit qui puisse la mettre en danger. Parce que je détesterai que quelqu'un embrigade ma fille et que ce n'est pas mon rôle. Mais je peux t'assurer que si je savais comment agir autrement qu'en essayant d'éclairer vos jeunes esprits, je le ferai. Attendre de voir si l'inévitable va arriver n'a aucun sens. »

Isaac hésita un moment. Il savait qu'il fallait surveiller ce que l'on disait compte tenu du contexte, mais comment se méfier d'une adolescente ? Elle lui avait prouvé pouvoir être dangereuse, du moins quand elle était armée d'un livre et d'une litière, mais en dehors de ça ? Il avait du mal à imaginer qu'Haveirson puisse être habité par de jeunes partisans mangemorts et pourtant il avait étudié les guerres, il avait vu les ravages en Allemagne et ailleurs, il avait étudié les Jeunesses Hitlériennes moldues et ce que la propagande pouvait faire aux jeunes esprits malléables. Après tout, c'était aussi pour cela qu'il était là, non ? Semer les graines de la mémoire collective et encourager la prise de conscience aux côtés de ses collègues professeur.

Tout cela étant dit, ce n'était peut être pas le moment de s'éterniser sur le sujet. Il y avait un temps pour refaire le monde, un autre pour poursuivre des meubles fous. Et là, c'était un peu plus urgent, il n'allaient pas anéantir Voldemort avec du mobilier. Quoi que... les armes incongrues étaient parfois les plus efficaces. Il se retint de rire lorsqu'elle lui raconta avoir été chargée par un portemanteau et consentit à la suivre, sur ses gardes. Ils croisèrent quelques babioles immobilisées au sol, probablement figées par d'autres élèves et soupira en constatant que l'aventure avait brisé quelques trésors. Il ramassa les débris qu'il logea dans son sac

« J'étais assez populaire à Poudlard, ou peut être que les farces étaient différentes à l'époque. Mais crois moi, j'ai compris mon erreur... »

Ils n'avaient pas eu le temps de beaucoup avancer quand il entendit quelques étudiants râler devant eux et qu'un vol de livre se précipita vers eux, bien trop vite pour qu'il n'ait le temps de prononcer un sort.

« Baisse toi ! »

Joignant le geste à la parole, il s'accroupit et pointa sa baguette sur la nuée de bouquins, attendant qu'ils ne soient plus au dessus d'eux.

« Finite incantatem »

Ils s'effondrèrent et Isaac se retourna vers Megan

« Tu n'as rien ? »

Megan n'avait pas répondu à son monologue, mais son visage trahissait quelques unes de ses pensées. Isaac devinait qu'elle n'appréciait pas sa façon de l'infantiliser, cette idée qu'il avait d'elle comme d'une jeune fille à défendre. Il n'avait pas à être un maître d'empathie pour lire cette émotion cachée sous ses traits : il éduquait une adolescente. Et puis avec le contexte actuel, les épreuves que les jeunes enduraient... Puisqu'ils n'étaient pas épargnés par les malheurs, il était très certainement imbécile de les tenir éloigné des combats potentiels. Mais Isaac ne pouvait pas se résoudre à conseiller clairement à une enfant, à l'enfant d'un autre, de se battre.

Ils se mirent donc en quête des objets perdus dans un calme relatif. Ils ne croisaient plus grand monde, les autres ayant sans doute préféré s'éloigner de ce capharnaüm, et Isaac s'en réjouissait. Il y avait déjà assez d'élèves qui avaient assistés à sa douche de granulés provoquée par Megan, sans compter ceux que la rumeur atteindrait tôt ou tard pour qu'il ne souhaite pas plus de spectateurs. Et malgré tout, il n'était plus en colère. C'était une mauvaise expérience, mais elle s'était avérée instructive et intéressante puisqu'elle lui donnait l'occasion de faire connaissance au moins avec une de ses élèves.

Rapidement, ils rencontrèrent leurs premières proies. Les livres avaient été les premiers à fuir le bureau d'Isaac et visiblement, l'enchantement les avait poussé à se regrouper pour voler en nuée. Avec un peu de chances, ils s'étaient donc tous regroupés et d'un coup de baguette, ils étaient tous là, gisant sur la pierre. Il  se relevait pour les amasser contre le mur quand il entendit un bruit sourd qui le fit sursauter. Isaac se retourna juste au moment ou Megan immobilisait une lourde malle d'un coup de baguette. Il grimaça en regardant la malle heurter le sol du couloir et machinalement, fit un pas vers l'objet pour s'assurer qu'il n'y avait pas trop de casse.

Il ne fallut que quelques secondes, quelques pas, pour qu'il réalise que le bruit était survenu avant que le coffre heurte la pierre et qu'il comprenne ce que cela voulait dire. Il y avait eu un autre choc. Megan. Il reporta alors toute son attention sur l'étudiante et grogna, contrarié. C'était vraiment n'importe quoi, cette histoire. En moins d'une semaine, c'était la deuxième fois qu'il était confronté à un étudiant blessé, et il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pouvait faire pour atténuer la douleur. Il fallait absolument qu'il demande au professeur de médicomagie de lui enseigner les bases. Après tout quitte à vivre dans une école, autant en tirer profit.

Il frôla la main de la jeune femme, mal à l'aise à l'idée d'être la cause de cette blessure et recula brusquement  ses doigts en remarquant sa grimace.

« Je suis vraiment désolé Megan, je n'imaginais pas que tu pourrais te faire mal en m'aidant. Je pense qu'on a retrouvé le principal et tant pis pour le reste, j'épinglerai un mot sur le tableau d'affichage pour qu'on me rapporte ce qui manque. Je t'accompagne à l'infirmerie ? »

Il lança un sort afin que les livres aillent d'eux mêmes s'enfermer dans la malle et soupira. Faire payer ? Il n'était pas certain de l'intérêt de la chose et surtout, de sa capacité à le faire. Il doutait que les coupables viennent frapper à sa porte pour se dénoncer ou qu'ils lui aient laissé un petit mot avec leurs noms dans son bureau.

« Je ne vois pas comment je pourrais agir. Je n'ai pas la moindre idée de qui cela peut être et je doute qu'ils aient attendu d'avoir des témoins. Peut être qu'un tableau aura vu ou entendu quelque chose. Pour le moment, il faut s'occuper de ta main. Je m'occuperait de l'investigation et des sanctions plus tard, d'accord ? »

Isaac Perk & Megan O'Neill

Le côté paternaliste du professeur Perks agacée un peu la jeune femme, habituée à sa liberté de penser et d'agir comme bon lui semblait. Pourtant Isaac semblait être un professeur sympathique, doux et attentionné à première vue. Certes elle ne le connaissait pas puisqu'il s'agissait de leur première rencontre, et elle ne pouvait et ne voulait pas tirer de conclusions hâtives. Il ne la considérait peut-être pas comme une enfant -bien qu'elle était l'une des plus jeunes étudiantes à Haveirson- et qu'il se comportait comme ça avec tout le monde.

Alors qu'elle s'était fait mal à la main, il préférait laisser tomber les recherches. Megan jeta un coup d’œil à sa main. C'était douloureux certes, mais elle avait connu pire. La jeune femme n'était pas en sucre et les affaires d'Isaac étaient toujours dispersées dans le château, pouvant blessés des étudiants. En toute bonne Gryffondor qu'elle était, Megan ne pouvait se résoudre à laisser des objets ensorcelés en liberté dans le château, aux risques de voir des camarades blessés.

«-Ça va aller professeur, ça n'est pas cassé. » dit-elle en regardant sa main douloureuse. « Et je ne pense pas que ce soit une bonne idée de laisser vos affaires se promener dans les couloirs, sauf si vous souhaitez ramasser des élèves à la pelle pour les emmener à l'infirmerie ? » ajouta-t-elle en laissant un sourire amusé apparaître sur son visage tout en levant les yeux vers lui. « Mais... Avez-vous tenter de rassembler vos affaires avec un sort d'attraction ? »

L'idée venait de lui effleurée l'esprit. C'était beaucoup plus simple de rassembler les objets éparpillés aux quatre coins du château avec un sort, plutôt que de chercher à l'aveuglette. Mais ce qui étonnait clairement Megan, c'était vraiment la naïveté d'Isaac. Il avait non seulement laisser son bureau accessible à tous, et en plus, il n'avait même pas poser de sort de détection. La jeune femme ne put que se mettre à rire, sans mauvaise intention.

« -Professeur, je crois que vous devriez surtout revoir les bases de protection de votre bureau... Et au passage, par précaution, poser des protections sur vos appartements ! » lui conseilla-t-elle sincère, « Surtout si vous ne tenez pas à voir des effets personnels que vous ne voulez pas qu'on voit se promener dans les couloirs... »

- Adrenalean 2016 pour Bazzart

La jeune sorcière avait beau dire qu'elle n'avait rien, Isaac n'était pas convaincu. Ce n'était pas parce qu'il n'y avait pas d'os brisé qu'il n'y avait pas de mal, et l'idée d'avoir une élève blessée par sa faute, par sa bêtise, même si c'était bénin, lui était détestable. Il ne s'était pas attendu à ça comme première expérience et sa manie de se sentir responsable pour tous et de tout le poussait à prendre les choses trop à cœur. Comme maintenant. Pourtant, la jeune fille semblait sure d'elle et n'avait pas tout à fait tort. Il était assez inconscient de laisser tout ce bric à brac se trimballer dans les couloirs. Elle avait failli être embrochée par un portemanteau, avait été heurtée par une malle et lui avait eu la malchance d'avoir une litière qui s'était déversée sur sa tête. Il était certain qu'il ne pouvait pas laisser d'autres incidents du genre se produire ou l'infirmerie se remplirait de ses pauvres victimes.

C'était un raisonnement noble et un peu précipité, digne d'un rouge et or. Isaac sourit à cette idée, se demandant si Megan avait appartenu à la même maison que lui autrefois. Et pourtant, s'il avait beaucoup des caractéristiques de cette maison, il lui semblait souvent que ce n'était pas la chose la plus raisonnable, parfois pas la plus efficace. Cette propension à agir à la hâte, comme investi d'une tâche importante, avait aussi ses inconvénients. Isaac soupira.

« Tu as raison et je n'ai pas l'intention de laisser ce genre de choses arriver, mais je ne tiens pas non plus à t’entraîner plus que ça dans cette histoire, j'ai fait assez de dégâts avec toi pour aujourd'hui. Et pour autant, telle que je pense que tu es, je me doute que tu n'as pas l'intention d'abandonner maintenant et qu'argumenter avec toi ne serait qu'une perte de temps. Alors soit. Mais la prochaine fois, laisse moi accuser le choc, compris ? »

Il sourit d'un air amusé. C'était peut être peu digne d'un professeur de laisser une étudiante l'emporter, avoir le dernier mot mais peu importait. Elle était plus chez elle que lui ici, elle connaissait mieux les couloirs, elle avait un esprit qui pouvait lui être utile. Et à entendre son interrogation suivante, elle avait de bonnes idées. Même si malheureusement, cette proposition ne semblait pas vraiment réaliste à Isaac.

«  J'y ai pensé oui, brièvement. Le problème étant que je ne sais pas exactement quels sont les objets manquant et que je n'ai pas pris le temps de faire un inventaire avant de pourchasser la litière d'Odysseus. Et puis... J'ai peur que ce soit encore plus dangereux pour tes camarades, Tout ça est déjà assez périlleux quand mes affaires n'ont aucun but, tu imagines si le portemanteau me revient à toute vitesse ? Il risque de nous amener avec lui quelques sorciers qui n'apprécieront probablement pas le tour de manège. » Il hésita et haussa les épaules « J'avoue aussi ne jamais avoir tenté un sortilège d'attraction sur autant d'affaires à la fois, sans idée de leur localisation, de leur nombre. Imagine une erreur d'expression du sort. Si je dis simplement « mes affaires », je risque d'empirer les choses en rendant la « vie » à ce que j'ai déjà retrouvé. Le plus sensé serait certainement de retourner à mon bureau pour voir ce qui manque encore. Je ne suis pas certain que la notion d'affaires perdues soit très efficace pour un tel sort, alors ça ne me semble pas efficace. »

Il soupira, secoua doucement la tête et passa une main dans ses cheveux, sans même le réaliser. C'était un de ses tics, ça, et ça ne lui donnait malheureusement pas l'air plus malin, plus responsable. Mais la gamine avait raison sur bien des points, et lui avouer qu'il n'avait pas assez réfléchi et qu'il se sentait démuni, même si c'était la réalité, avait quelque chose d'ennuyeux. Presque humiliant. Il rit de sa propre bêtise.

« Là où je vivais avant, je n'en avais pas besoin. Parce que ma maison en plein Londres est incartable, mon ancien domicile était moldu et était verrouillé à clé, sécurité qui suffisait et j'ai vécu dans la nature pendant quelques temps, à plusieurs reprises. Bref, verrouiller  une cabane dans un arbre, une hutte au cœur d'un village ou tout le monde partage tout...je suppose que j'ai perdu l'habitude. Mais il va effectivement falloir que je me penche sur le sujet, il y a quelques affaires auxquelles je tiens et que je ne voudrais pas perdre bêtement comme aujourd'hui. »

Il marqua une pause, réfléchissant au meilleur plan d'action pour le moment. Laisser les objets vagabonder était risqué, mais leur courir après sans idée de leur position et de leur nombre n'avait aucun sens. Bien sûr, il était assez peu probable qu'ils se soient vraiment aventurés trop loin, mais ils pouvaient être partis dans des directions totalement opposées les uns des autres. De plus, les objets qu'il avait retrouvé l'attendaient normalement devant sa porte. Il doutait que les plaisantins qui l'avaient mis dans cette situation ne s'acharnent, mais tout de même, il était sans doute plus prudent d'aller replacer tout ce qu'il avait récupéré dans son bureau. Un inventaire rapide une fois les affaires à leur place leur permettrait de savoir ce qu'il manquait, pour les objets les plus dérangeants. Pour le vrac, ce qu'il ne remarquerait pas comme manquant, ce serait trop petit et donc certainement inoffensif. C'était le meilleur plan, et il se décida à en faire part à Megan.

« Je te propose de venir avec moi à mon bureau. Te laisser courir sans idée d'où aller n'a pas de sens, et je saurai ce qui manque, du moins les choses les plus flagrantes. Avec une pause, tu pourras aussi voir si la douleur s'apaise ou au contraire se réveille, et c'est une bonne chose à savoir avant de repartir traquer mon matériel. Qu'en dis-tu ? Oh et pendant que l'on fait ça, j'aimerais connaître tes idées pour « faire payer » les petits malins qui s'en sont pris à mon bureau. Juste par curiosité. Je suis certain que tu ne manques pas d'idées... »

 

Isaac Perk & Megan O'Neill

 

Megan qui avait regardé l'état de sa main baissa celle-ci le long de son corps, évitant les gestes brusques. Elle leva les yeux, soupirant doucement. Le comportement d'Isaac, aussi doux était-il l'agaçait un peu. La jeune femme prit une profonde inspiration, et se posta face à lui, plantant son regard azuré dans celui du professeur.

-Professeur, je vous serai sincèrement reconnaissante si.... vous pouvez éviter ça... Je ne suis pas en sucre et... sans vouloir vous offenser, c'est agaçant de se voir traiter ainsi, comme une enfant sans défense. Je suis certaine que ce n'est pas votre intention, mais éviter s'il vous plait...

Megan avait un caractère très fort. Certains n'hésiterait à le qualifier d'explosif.  Elle traînait derrière elle, des vieux une réputation de bagarreuse, violente et impulsive, et elle avait tellement de fierté qu'être rabaisser au rang de « faible personne » était pour elle, une ignominie. La jeune femme avait du mal à supporter les filles – comme les garçons d'ailleurs – qui ne cessaient de pleurnicher et qui étaient incapable d'encaisser les coups.   Et là, elle avait la sensation que c'était cette impression qu'avait Isaac, d'elle.

La jeune femme osa les épaules, peu convaincue par toutes les paroles de son professeur. Certes, rassembler des affaires à l'aveuglette pouvait s’avérer être catastrophique, surtout si on ne connaissait pas avec exactitude les objets fugitifs, toutefois, les risques que certains OENI blessent des élèves restés élevés dans les deux cas.

- Mais, professeur,  dans les deux cas, il risque d'y avoir des blessés. Peut-être est-ce plus prudent de rappeler aux moins les objets que vous vous rappelez avoir vu filer, quitte à prendre le risque de les voir faire demi-tour. Au moins, une fois revenu vers vous, ils ne causeront plus de dégâts. Et croyez moi, si vos objets causes des dégâts au château, vous aurez dés représailles du comte, c'est certain. D'ailleurs, l'avez vous rencontrer ?

La jeune femme était toute ouïe en ce qui concerner le comte. Chaque détail avait pour elle de l'importance même si, elle devait bien le reconnaître, elle était resté  loin de l'hôte durant la soirée de présentation. Elle l'avait observé de loin et ne cessé de s'interroger sur lui et sur les actions qu'il avait mené à l'encontre des élèves qui maltraités le château du quelconque façon et elle avait franchement du mal à croire qu'il s'agissait du même homme. Toutefois, il avait fallu qu'un seul élève dérape pour le voir prendre un tout autre visage, et là, Megan n'avait que pu y déceler, effectivement, des similitudes entre lui, et l'homme qui s'en prenait aux élèves. Le comte et tout ce qui l'entourait était une énigme aussi dangereuse que mystérieuse et la curiosité de la jeune femme était mise à rude épreuve.

Contre toute attente, Isaac se confiait à  elle avec une certaine retenue, certes, mais des confidences quand même. L'ancienne Gryffondor l'écoutait, un peu intriguée par le mode de vie du professeur. Il semblait avoir beaucoup voyagé et vécu dans de nombreux pays, de quoi faire rêver presque n'importe qui, sauf elle peut-être? Mais de le voir si détendu à lui confiait ça, Megan ne pouvait que l'enviait. Cela voulait simplement dire qu'il avait vécu la vie qu'il avait voulu et en avait pleinement profiter, et ça, c'était la chose la plus courageuse que quelqu'un pouvait faire. Profiter. Vivre sans regrets.

-Et bien, vous avez beaucoup voyagé ? Dans les arbres ? Genre, à la Robinson Crusoé ?

Megan laissa échappé un petit rire, pas méchant, pas moqueur, juste un tantinet amusé. La jeune femme acquiesça d'un signe de tête, ne voulant pas non plus lutter contre un professeur. Elle n'était pas là pour se prendre la tête, d'ailleurs, elle ne devrait même pas être là, alors aux imprévus, les grands remèdes. Elle commença à suivre Isaac en direction de son bureau, mais gardait le silence. Elle n'osait pas dire à son professeur que l'option de vengeance qu'elle avait envisagé était tout sauf loyal ou légal. Et puis, même si elle se lançait dans une vengeance digne de l'ancienne Gryffondor qu'elle était, elle n'était pas sur que Perks apprécie ses méthodes. Il suffisait de voir comment elle avait dit au revoir aux Serpentards avant de quitter définitivement Poudlard après l'obtention de son diplôme. Accroché une ruche d'abeilles à l'entrée de leur salle commune, c'était vraiment de la fourberie.

-Je ne pense pas que vous apprécierez mes méthodes professeurs ? Disons, pour résumé, que je leur ferai passer l'envie de faire des blagues pas drôle en leur en faisait en retour... Vous voyez ce que je veux dire ?

Il n'avait pas besoin de tout savoir n'est-ce pas ?  Et la jeune femme ne voulait pas d'ennui avec un professeur, il en avait déjà assez de son professeur principal. La jeune femme regarda sa main qui la lançait encore, puis sourit doucement.

-Ma main ça ira... je vous assure...

Après tout, elle avait tellement été blessée dans sa vie entre les combats et les matchs de quidditch – sans oublier les séances de tortures – qu'au final, une simple entorse pouvait paraître anodine pour elle. Mais d'un côté, Isaac ne connaissait ni son passé, et encore moins le cursus dans lequel elle étudiait. Peut-être s’inquiéterait-il plus s'il savait ? Megan entreprit de suivre Isaac à travers les dédales de couloirs, afin de se rendre au bureau de ce dernier.

 

- Adrenalean 2016 pour Bazzart
 

Le soupir de Megan arracha une moue coupable à Isaac. Un simple soupir qu'il lui avait semblé entendre des millions de fois de la part de sa fille, alors qu'il oubliait qu'elle grandissait à vue d’œil. Il ne lui semblait pourtant pas déraisonnable ou insultant de s'inquiéter pour les autres et s'il était trop paternaliste et infantilisant, il faisait de son mieux pour se contrôler. Un simple soupir qui lui disait à quel point il était énervant, vieux-jeu, lourd. Et le regard de Megan, et sa voix quand elle prit la parole suffirent à ce qu'il sache exactement ce qu'elle allait dire. Il ne se trompa pas. Elle se montra seulement plus diplomate que ce à quoi il s'attendait. Il sourit et figea sa main qui s'apprêtait à passer dans ses cheveux, interrompant ce tic agaçant qui n'arrangerait pas les choses. La replaçant le long de son corps un peu brusquement, il s'excusa.

« Ce n'est pas contre toi et crois moi, tu as beau être bien plus jeune que moi, hors de la relation d'autorité qu'il faudra que je me force à instaurer un jour, je ne voudrais pas me mesurer à toi après avoir provoqué ta colère. Tu es sans doute plus lucide que moi sur quelques points et je ne te prends pas pour une jeune fille sans défense. D'ailleurs, il me semble que tu t'es plutôt bien défendue contre la litière, à mon grand malheur. » Il sourit de nouveau, cette fois plus amusé que coupable. « Ceci étant dit, tu me fais penser à ma fille, même si elle est bien plus jeune que toi, et je reste responsable de ta blessure, même bénigne. Je te promets d'essayer, mais pas de réussir. »

La réponse ne comblerait certainement pas les attentes de Megan, mais à quoi bon lui mentir ? Est-ce que ça ne serait pas encore plus vexant de lui affirmer ne pas la voir comme une enfant, de lui promettre un comportement moins familier et plus égal et de ne pas s'y tenir ? Elle devait avoir la moitié de son âge, même un peu moins. Elle pourrait très certainement être sa fille et avec ce regard trop paternaliste dont il peinait à se départir il la trouvait mignonne, comme un adulte s'attendrit devant une enfant volontaire et qui joue aux grands. Bien sûr, elle entrait dans l'âge adulte et comme la plupart des jeunes de sa génération, elle en avait sans doute vu autant que la majorité de ses aînés. Mais quoi, est-ce que personne ne couvait plus ces jeunes en leur donnant l'impression d'être précieux pour quelqu'un, de pouvoir se reposer sur l'épaule d'un adulte plus mûr ? Est-ce que c'était si mal de le faire ?

Malgré tout, il se sortit ces idées du crâne, persuadé qu'elle finirait par sentir ses élans de condescendance protectrice et se concentra sur ce qui était le plus important à ce moment : récupérer les objets ensorcelés. Megan n'avait pas tort. Son argumentation était bonne, ses idées aussi. Mais il ne savait plus vraiment ce qui manquait ou non, à part ce satané portemanteau et sans doute des livres, sans qu'il puisse être plus précis ou certain de ce qu'il avançait. Il  lui semblait avoir vu fuir un globe terrestre aussi, mais il n'aurait pas pu être moins sûr de lui à ce sujet.Il soupira et se contenta donc de ne répondre qu'à la partie de l'intervention de Megan concernant le comte. A ce sujet, les élèves comme les professeurs semblaient dans le même bateau.

« Je n'ai encore jamais croisé le comte, et il semble que ce soit la même chose pour une bonne partie du corps professorale, du moins pour les plus récentes arrivées. Il y a beaucoup de rumeurs et d'interrogations et je ne peux malheureusement pas te renseigner à son sujet. Je t'avoue que je me pose quelques questions à son sujet aussi. Pourquoi cacher son identité s'il n'a que des intentions louables ? Et c'est assez étrange cette crainte qu'il semble inspirer, je suis ici depuis trop peu de temps pour comprendre, mais j'ai surpris quelques conversations où la méfiance à l'égard du comte était palpable. »

Il haussa les épaules et repensa à ce qu'elle avait dit. Des représailles du comte ? Il fallait qu'il s'attende à quoi ? Une vengeance, une punition ? Et pourquoi ? Au fond, il n'y était pas pour grand chose.

« Tu penses sincèrement qu'il me sanctionnerait pour cet incident ? » demanda-t-il. « Je n'ai rien fait de répréhensible et il serait plus juste que la source de ces problèmes soient la cible de sa colère non ? Et puis s'il est omniscient et omnipotent comme certains de tes camarades semblent le croire, n'est-il pas à même de protéger les pierres du château d'un ou deux objets ensorcelé ? »

Il était curieux d'en savoir un peu plus maintenant, sur ce comte, ce château, son histoire. Il fallait réellement qu'il se penche sur le sujet, qu'il s'y plonge totalement. Isaac sourit, déterminé. Après tout, c'était son boulot, non ? Et pourtant, malgré cette curiosité assez vive, il restait partagé. Il avait beau être un homme de savoir, de ces hommes qui aiment percer les mystère et comprendre tout ce qui peut être compris, il savait d'expérience que certaines choses sont mieux lorsqu'elles restent secrètes. Est-ce qu'il fallait toujours remettre en cause les bonnes choses ? Est-ce que tirer du bénéfice de cette académie ne valait pas la peine de garder sous clef ce qui pouvait altérer sa valeur ? Isaac ne savait pas trop et décida de remettre ces interrogations à plus tard, préférant s'amuser de la nouvelle question de Megan.

« Alors déjà sauf erreur de ma part, ce dont je doute, Robinson Crusoé vivait dans une grotte et non dans une cabane dans les arbres. Tiens d'ailleurs, tu savais que Defoe s'était inspiré d'un véritable naufragé ? Il y a vraiment un type qui a vécu cette vie, qui a connu la solitude pendant des années. Sa vie est moins romanesque, mais cela reste assez passionnant ! »

Il toussota, réalisant qu'il s'égarait un peu et laissa échapper un rire nerveux.

« Enfin bref. C'est différent pour moi, j'ai rarement été seul, mais j'ai vécu au sein de différentes tribus dont une, en Colombie, qui occupait les arbres d'un petit coin de l'Amazonie. Donc j'avais une habitation arboricole, comme eux, et c'est assez agréable comme mode de vie. On descend souvent sur le sol mais une partie des maisons sont reliées entre elles par des passerelles. C'est un bon moyen de se protéger de certains prédateurs. Donc c'est totalement différent de l'histoire de Robinson, tu vois ? J'ai vu un certain nombre d'autres pays, pour comprendre l'évolution de l'homme en fonction de différents facteurs comme l'éducation, les besoins, l'exposition à la civilisation. Il y a certaines tribus ou moldus et sorciers vivent ensemble sans même se poser de questions, parce qu'ils n'ont pas conscience du Secret Magique International, de son implication. Ils vivent coupés des autres et les hommes trouvent normal d'avoir un Chaman, ou Homme Sage, ou Homme Sorcier parmi eux. C'est extrêmement rare, mais cela reste impressionnant pour nous qui sommes habitués à cette fracture. Quoi qu'il en soit, je suis passionné d'Histoire et j'ai fait beaucoup de recherches qui sont liées à nos origines, de fouilles archéologiques, mais je me suis beaucoup intéressé à ces sociétés étrangères actuelles dont nous ne savons pas grand chose. Je n'ai pas rêvé toute ma vie d'enseigner l'Histoire à des jeunes persuadés qu'il suffit de lire un livre pour savoir ce que je sais. »

Proposant de faire demi-tour pour rejoindre son bureau, Isaac prononça un sort qu'il accompagna d'un mouvement de baguette assez ample et la malle chargée de livres se mit à léviter. Tandis que Megan parlait de revanche, de combattre le feu par le feu, Isaac l'observait d'un air un peu dubitatif. Est-ce que ce serait vraiment mature ? Est-ce que ce serait utile ? Nécessaire ? Bien sûr, ils n'avaient rien fait de grave en soi, mais leur humour avait mis en danger quelques camarades, causé du tort à Isaac et sans doute un peu au château et c'était quelque chose qui ne pouvait être pris à la légère. Mais Isaac n'avait aucune idée de comment les identifier et alors pour se venger... Il ne s'était jamais prêté à ce genre d'exercice, il n'avait pas la moindre idée de ce qui pouvait être mis en place. Touten marchant, la malle flottant devant lui, il sourit.

« Il va falloir être un peu plus explicite que ça jeune fille. Est-ce que j'ai l'air de faire des blagues de ce genre et de savoir comment y répliquer ? Je pense qu'il va me falloir ton expertise pour mettre ça en œuvre. Même si ce n'est pas mon habitude, je ne crois pas avoir de meilleur moyen de répondre que ce que tu dis. D'autant que si je suis le raisonnement que je t'ai vu appliquer depuis notre rencontre, si je ne fais rien tu vas t'y employer. Je t'ai attiré assez d'ennuis comme ça. Qu'est ce que je devrais faire, alors ? »

Ils arrivèrent devant le bureau et la malle rejoignit l'amoncellement de mobilier en tout genre. Tout ce dont il avait croisé la route jusqu'à maintenant était entassé devant la porte de son bureau. Une chaise, une tonne de bouquins, une immense mappemonde animée, la fameuse litière et quelques autres objets sans intérêt. Isaac rangea sa baguette un instant et entreprit de les pousser pour pouvoir accéder à la porte qui tremblait parfois sous les assauts du mobilier prisonnier. A l'intérieur, ça s'entrechoquait, on entendait des bruits de frottement et d'autres sons qui n'émanent d'ordinaire pas d'un bureau vide. Isaac se retourna vers Megan.

« Je vais avoir besoin de toi. Tu vas devoir ouvrir la porte afin que je puisse stopper l'enchantement avant que la situation ne nous échappe. Tu me dis quand tu es prête ? »

Qu'est ce qu'il y avait chez cette gamine qui le mettait en confiance, qui faisait ressortir cet aspect de lui un peu insouciant, très naturel ? Bon d'accord, il était comme ça la plupart du temps, mais il lui semblait qu'il y avait quelque chose d'autre. Elle évoquait en lui l'idée que rien n'avait d'importance. Peut être le cran qu'elle avait quand elle le renvoyait bouler, gentiment mais fermement, égale à lui malgré la hiérarchie qu'il y aurait dû avoir. Peut être parce que malgré sa jeunesse, il lui semblait qu'elle en savait autant que lui, si ce n'était plus, sur pas mal de domaines qui comptaient en ces temps troublés. Elle était vivante, elle ne semblait pas s'écraser. Oui, c'était ça. Depuis qu'il passait plus de temps en Angleterre, ou maintenant au Pays de Galles, il avait cette impression que la guerre latente altérait les personnalités, qu'elle usait les esprits et limait les espoirs, le caractère. Bien sûr, beaucoup de sorciers, de moldus, affichaient conviction et hargne, mais tout lui semblait faussé. Elle semblait intacte, et il était certain que comme beaucoup d'étudiants d'Haveirson.

Alors bien sûr, encore, il ne la connaissait pas. Il ne savait rien d'elle, il ne pouvait pas la juger sur les quelques interactions de ces derniers moments. Mais c'était un sentiment, un ressenti. Rien de rationnel. C'était idiot, il ne savait rien d'elle et ce n'était pas une époque à accorder sa confiance à quelqu'un sur la base d'une bonne impression. Surtout qu'il était un as pour se fier à tout le monde et n'importe qui un peu trop facilement, il n'y avait qu'à voir cette histoire un peu louche de trafic d'objets rituels dans lequel il s'était trouvé mêlé malgré lui à Louisville... Mais c'était une gamine par Merlin ! Elle avait l'âge de voter, de choisir sa voie et de se saouler au Whisky-pur-feu si cela lui plaisait, mais elle n'en restait pas moins une adolescente aux yeux d'Isaac. Et comment se méfier de ces élèves ? Comment ne pas céder à la tentation de les trouver simple, purs ? La remarque de la jeune sorcière sur son âge lui arracha un sourire amusé. Il y avait peut être un peu de flatterie, peut être un peu de moquerie même, mais il n'y vit rien et répondit naturellement.

« J'ai pourtant tendance à croire que la barbe me vieillit. Ma fille n'est pas très grande, elle aura quatorze ans à la fin de l'année. Ce qui est déjà bien plus que j'aimerais lui donner. J'avais une vingtaine d'années quand je me suis marié et qu'elle est née. C'était la fin de la première guerre des sorciers, il y avait l'allégresse partout et pourtant ma famille partait à vau-l'eau, mon père venait de mourir... On fait des choix un peu étranges parfois, et c'en était un. Pas ma fille, sa mère. Tout ça pour dire Enfin bref. Ce n'est pas le genre de trucs que l'on s'imagine raconter à la première étudiante dont on connaît le nom lorsqu'on devient professeur. »

Il passa une main dans ses cheveux, encore, se demandant combien de fois il avait pu faire ça depuis que Megan lui avait déversé le bac à litière sur le crâne, et s'intéressa à ce qu'elle pouvait lui apprendre sur le fameux comte. Il ne comprenait pas cette histoire, cette attitude de ce mystérieux professeur, la reconnaissance qu'il lisait dans certains regards et la crainte qu'il inspirait chez une grande partie de ses élèves. Il ne comprenait pas non plus pourquoi aucun des enseignants avec lesquels il avait eu l'occasion de discuter n'avait fait sa connaissance au moment de la prise de leur poste. A quoi servait-il, s'il ne faisait jamais rien, ou presque ?

« S'il est si particulier, pourquoi tout le monde reste ? Il faut de toute façon être assez excentrique pour se faire appeler 'Le Comte' et jouer les hommes invisibles, les bienfaiteurs mystères. J'ai surpris une conversation à son sujet un peu avant d'intégrer l’académie, en traversant Avalon : Certains des sorciers aux villages expliquent que c'est un fantôme dérangé d'un ancien propriétaire des lieux qui hante le manoir, qui aurait été forcé de laisser les étudiants s'installer malgré lui, pour une raison que je n'ai pas vraiment compris d'ailleurs. »

Il rit, se remémorant une autre remarque d'une vieille sorcière amie de sa mère à qui il avait demandé de veiller sur elle quand il commencerait sa nouvelle carrière à Haveirson. D'après elle, tout était clair. Elle avait lu dans un des torchons auxquels elle était abonnée que Dumbledore et le comte n'était en fait qu'une seule et même personne, que c'était pour ça qu'on le disait toujours absent de Poudlard, parce qu'il avait deux écoles à gérer. Mais que pour garder la main mise sur toute la jeunesse sorcière de Grande Bretagne en toute discrétion, il se faisait passer pour un extravagant personnage. C'était ridicule, mais cette histoire abracadabrantesque avait eu le mérite de le faire rire, et il lui avait fait promettre de ne pas mettre des idées comme ça dans le crâne de sa pauvre mère où elle l'inonderait de courriers inquiets jours et nuits pour savoir dans quel pétrin il s'était – encore – fourré. Cependant, malgré sa certitude que le Comte n'était pas si important que ça, les quelques mots que Megan ajouta, répondant à ses doutes sur la crainte qu'il inspirait, le figèrent.

« Il a vraiment fait ça ? Mais avec la douleur, ou juste le symbolisme ? C'est effectivement complètement dément. Et personne ne fait rien ? Tu me diras, face à quelqu'un qui transforme les gens en torches humaines quand il est vexé, c'est assez difficile de réagir. Et vos professeurs, ils ne sont pas sensés vous protéger de ce genre de choses ? Parce que ok, le comte est le big boss ici, mais ce n'est pas non plus un surhomme. Ils en disent quoi vos enseignants ? Je sais que vous n'êtes plus des enfants que vous n'avez pas besoin de protection etc mais... »

Il soupira, secoua la tête et reprit sa marche.

« C'est surréaliste. Tu ne me fais pas marcher au moins, il a réellement fait ça ? »

Il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas comment un être doué d'intelligence et de savoir vivre pouvait faire ça. Il ne comprenait pas comment toute une brochette d'adultes a priori compétents magiquement parlant pouvaient laisser passer ça. Et il voulait vraiment comprendre. Savoir qui faisait ce genre de choses à des enfants, même turbulents. Si le parchemin avait été enchanté pour infliger le même sort à celui qui l’abimait que ce qu'il subissait, ce serait vicieux, mais soit. Mais là... Isaac voulais savoir, comprendre, traiter. Il fallait qu'il puisse croiser ce fameux comte, discuter, le connaître. Ou au moins qu'il puisse enquêter. Quand il aurait résolu le souci des objets ensorcelés, protégé son bureau, avancé dans la préparation de son cours et regagné un peu d'estime de la part de certain de ses étudiants qui devaient le prendre pour un imbécile après ce à quoi ils avaient assisté.

Il ne savait pas trop pourquoi la conversation déviait, comment ils en étaient arrivés à parler littératures et escapades, mais les remarques de Megan piquaient sa curiosité, attisaient son intérêt. Et il n'avait pas besoin de grand chose pour parler de ces sujets.

« Ma famille a toujours été compréhensive, heureusement. J'ai pourtant grandi avec un père absent sans comprendre pourquoi il aimait son métier plus que nous, mais je ne sais pas, ce rythme de vie s'est imposé, et je trouve ça différent. Peut être parce ma vie personnelle s'est mise en place dans un second temps, une fois mon goût pour le voyage déjà bien développé, une fois mes habitudes d'aventures mises à l'épreuve. Je m'absentais déjà avant mon mariage, avant ma fille. J'ai continué tant qu'elle était petite et que je ne lui manquais pas et comme elle le vivait bien, j'ai continué. Maintenant que je m'occupe d'elle seul, les choses sont différentes et c'est pourquoi j'occupe ce poste. Je ne pense pas avoir été injuste envers mes proches alors non, je crois qu'ils n'y voient rien à redire. Ils ne se sentent pas lésés je pense. »

Il haussa les épaules et fut surpris de voir qu'elle ne semblait pas convaincue par sa vision de l'enseignement. Enfin non, qu'elle ne soit pas convaincue n'était pas un choc, mais il eu l'impression qu'elle avait compris de travers, aussi il s'empressa de rectifier le tir.

« Ah non je suis bien d'accord, une salle de classe ne suffit pas à l'apprentissage. Et apprendre, ce n'est pas juste écouter. D'ailleurs, c'est un verbe actif, apprendre. On ne dit pas qu'on se fait enseigner, c'est bien un signe que le plus important est celui qui acquiert la connaissance, pas celui qui la distille. Et je n'ai pas la science infuse, Merlin merci. Ce serait atroce et tellement triste. Tu sais, c'est une discussion qui vaudrait plus que quelques phrases à la va-vite en poursuivant des meubles facétieux, mais en simplifié... je ne sais pas si je peux simplifier en fait. Non, je n'ai pas de solution. Oui, j'aimerais en avoir une. J'aimerais faire plus qu'essayer de rentrer du plomb dans des cervelles d'enfants persuadés qu'ils n'ont besoin de rien, que les cours, c'est forcément ce qu'ils ont connu avant. Et je sais que ce que je fais n'est pas suffisant. Je sais aussi que je ne devrais pas me justifier devant toi. Je sais que certains d'entre vous ont vécu plus que moi dans cette guerre, bien plus. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre. Bien sur si toi tu as une solution, je suis toute ouïe. Non, mes voyages ne m'ont pas apporté la clé du monde, la réponse à la guerre. Je n'ai pas la recette de la paix, Charlie sait que je ne suis même pas fichu de comprendre la recette des pancakes. Mais tu sais ce que j'ai, moi ? Des outils. Et l'envie de comprendre, d'apprendre de mes erreurs, de celles des autres. J'ai la capacité de ne pas me croire supérieur et d'avoir envie d'apprendre de vous autant que ce que je souhaite vous apprendre. J'ai la certitude que des crises, il y en a. Partout, à toute époque. Mais que tu es là. Et que je suis là à t'expliquer pourquoi je suis payé à me tenir droit comme un i dans un amphithéâtre à vous parler de la révolte des Gobelins, des incidents de Salem, de la seconde guerre mondiale. Et tu n'imagines pas comme j'espère que ça puisse vous servir, rien qu'un peu. Tu n'imagines pas comme j'espère que ces outils, cette faculté de traiter le passé, de l'assimiler et de l'utiliser vous aidera, nous aidera à gérer le présent. Je sais avec certitudes que dans certaines régions du monde, Monde Sorcier et Monde Moldu se rencontrent et que cela se passe bien. Et que c'est un espoir pour nous. Je sais que vous avez tous besoin d'apprendre à écouter. Parce que si tu avais bien fait attention, je suis justement convaincu qu'il ne suffit pas de lire un livre, même si cela aide. »

Il marmonna quelques autres mots diffus, ne parvenant pas à mettre plus d'ordre dans son esprit que cela. Qu'est ce qu'elle croyait ? Qu'il appréciait de rester comme ça, en retrait, quand il était sur que des jeunes faisaient l'impossible pour défendre leur univers ? Il savait que même à Poudlard, il y avait une certaine forme de résistance, parce que Charlie lui en avait parlé. Alors l'Histoire ne sauvait pas de vie, ce n'était pas de la médicomagie, ça ne protégeait pas d'un sort impardonnable. Mais comme la sociologie, cela permettait de comprendre un peu mieux, de reconnaître des schémas, de déceler d'éventuelles failles. Et de voir que tant que quelqu'un avait pu narrer un drame historique, c'est qu'il y avait des survivants. C'est qu'il y avait de l'espoir qu'un jour tout ça ne soit plus que de l'Histoire ancienne. Il soupira, réalisant qu'il était trop crispé et que les mots de Megan l'avait atteint plus qu'il ne l'avait imaginé.

« Peu importe. » souffla-t-il.

Il fallait passer à autre chose, et les idées de vengeances de la jeune sorcière étaient parfaites pour ça.

« Le problème c'est que pour riposter, il faut identifier. Et les abeilles ne sont pas très... pédagogiques. Et ça aurait pu être catastrophique aussi, tu imagines si un des serpentards avait été allergique ? Quelque chose qui serait en lien avec cette blague déplorable serait mieux. La seule idée que j'ai est très certainement illégale mais leur permettre de passer une journée sous les traits d'un objet courant disposé au hasard dans Haveirson pourrait être intéressant. »

Il secoua la tête. Jamais il ne pourrait se permettre une telle chose. Et s'il le faisait, en quoi serait-il différent du comte ? Figé devant la porte de son bureau, il préféra se concentrer sur la mission du moment. La baguette en main, il se concentra sur la formule, sur les mouvements de Megan. Lorsqu'elle ouvrirait la porte, il ne devait pas se laisser déconcentrer par ce qui pourrait sortir de la pièce avant qu'il n'ait le temps d'agir. Meg tourna la poignée et Isaac brandit sa baguette. Dès qu'elle fut au sol, le sort fusa

« Immobilus ! »

Tout ce qui se trouvait dans la pièce se figea dans les airs, flottant dans les airs au dessus du plancher du bureau. Malheureusement pour Isaac, le grimoire que Megan avait évité avec brio avait déjà dépassé la baguette du sorcier lorsqu'il avait prononcé l'incantation et à peine avait-il fini que le choc le fit reculer de quelques pas. Lâchant sa baguette, il plaqua la main sur son nez endolori et grogna.

« C'est vraiment une journée pourrie. »

Isaac ramassa sa baguette de sa main libre et la pointa dans la direction empruntée par le grimoire criminel.

« Agzzio gribarre ! Griboinre ! Aggsio... Par Berlin, je de vais pas b'en sortir ! »

Il fallait vraiment qu'il assiste à un cours de médicomagie, ou qu'il soumette l'idée d'une séances d'apprentissage des premiers soins à l'intention des adultes d'Haveirson et d'Avalon, comme une sensibilisation qui s'avérerait sans doute particulièrement utile pour beaucoup.