À la rencontre d'un chevalier fou

Les mots de Roxane, qui se voulaient rassurants n'eurent pas entièrement l'effet escompté. Cyril se fendit d'un demi-sourire, toujours occupé à réfléchir sur les implications de ses actions. Il n'avait vraiment pas imaginé vivre une telle fin d'après-midi en sortant du cours d'Histoire de la Magie ! Cependant, c'était une bonne chose d'être amené à réfléchir à ses propres idées de temps en temps. Il ne cherchait jamais à faire du mal aux autres, mais son caractère un peu sanguin et distrait pouvait l'amener à dévier un peu de la morale commune sans forcément sans rendre compte. Il réalisa alors que son doute à lui amenait le doute chez la jeune Poufsouffle et qu'elle semblait à présent se faire encore plus de soucis que lui. Il posa une main rassurant sur son épaule.

" On a tous des réactions différentes au sujet des valeurs, tu sais. Il se peut que tu sois très sensible, mais peut-être que c'est moi qui le suis trop peu. " Il lui sourit doucement. " Pour être surs, on devrait demander au Chevalier si notre visite l'a vexé. Mais je ne sais pas si on obtiendrait une réponse claire... "

Le Gryffondor sourit intérieurement à cette idée, se disant que si ils s'aventuraient sur un sujet pareil avec le Chevalier, celui sauterait probablement sur l'occasion d'affirmer que son honneur avait été sali et provoquer les responsables en duel. De plus, il n'était pas entièrement sur que la peinture d'un homme ayant vécu il y a plusieurs siècles pouvait trouver sa place dans le système de valeurs modernes. Certaines choses étaient considérées comme complètement immorales à son époque et étaient acceptées aujourd'hui... Des exemples inverses existaient probablement aussi.

" Tu es surprenante pour une élève de première année Roxane, et très mature ! Je pense que tu ne dois surtout pas te faire de soucis à propos de ce que tu es. D'ailleurs, tu ne devrais jamais laisser qui que ce soit douter de qui et ce que tu es ! "

Cyril sourit à nouveau à sa jeune compagne, elle semblait s'inquiéter de beaucoup de choses. Si plus d'adultes avaient la même attitude qu'elle, le monde tournerait sans doute bien mieux !

Roxane n’avait pas souhaité faire culpabiliser Cyril, et pourtant il semblait bien que celui-ci regrettait un peu et se demandait s’ils avaient bien agit, ou si leur acte avait été méchant. Cela prouvait que le jeune homme était capable de se remettre en question, même si la « critique » venait d’une élève si jeune qu’elle. Après tout, il avait quatre ans de plus qu’elle. Il pourrait la considérer comme une gamine.

Mais ça n’était pas le cas. Il semblait même qu’il pensait tout le contraire, puisqu’il affirma qu’elle était surprenante et mature pour une élève de son âge. Mature ? Elle n’en avait jamais conscience. Elle avait toujours été comme ça, elle détestait blesser les autres. Même quand ils lui faisaient du mal, elle ne pouvait pas les blesser. En revanche, elle pouvait facilement détester une personne qui lui ferait du mal intentionnellement.

« Je ne sais pas si je suis mature, je ne pense pas. Pour moi, personne ne devrait considérer qu’il est normal de se moquer de qui que ce soit. »

Ne souhaitant pas vexer le Rouge et Or, elle ajouta :

« Tu n’es pas visé, je sais bien que tu ne pensais pas à mal. Je parle du comportement en général. Le mien est normal, c’est celui de certains qui ne l’est pas. »

[HJ : Je n’ai pas envie qu’elle soit spécialement mature en plus ! Juste un peu réfléchie. Vis-à-vis de son éducation et avec son passé de harcelée, elle sait qu’il ne faut pas agir ainsi !]

[HJ: Je sais, mais c'est la façon dont Cyril la ressent, ça vient de son caractère prompt à s'étonner des choses et du fait qu'il n'est pas forcément entouré de gens matures. Forcément, une réflexion pareille chez une enfant de 11 ans lui parait particulièrement mature. Il a été élevé en presque autarcie avant d'arriver à Poudlard, il n'a pas une vision "habituelle" des relations humaines ;) ]

Cyril sourit à la jeune Poufsouffle, peu importe ce qu'elle en disait et quelle était la mesure d'éducation et de bon sens qui la menait à avoir ce comportement. Il n'était cependant pas convaincu que c'était le point de vue le plus communément partagé. De nombreux élèves de Poudlard ne voyait pas ce concept si simple de respecter les autres et de ne pas rire à leurs dépens comme une forme d'insulte. Il n'était bien entendu pas vexé par les paroles de Roxane, mais il trouvait que c'était une bonne chose d'avoir un avis extérieur sur son comportement. Après tout, peu importe à quel point on voulait bien agir, il y avait toujours des occasions où on se retrouvait à nuire à autrui.

" Ne t'inquiète pas, je sais que tu ne me visais pas directement. Même si ça ne fait jamais de tort de parler de ça ! C'est peut-être une trace de l'éducation que tu as reçue, mais beaucoup d'élèves ne pensent pas du tout comme toi. "

Le Gryffondor sourit doucement en ce souvenant de ce matin, quelques jours auparavant, où il était venu en aide à Roxane prise au piège dans une marche et entourée de Serpentards qui avaient préféré rire de sa situation plutôt que de l'aider.

" Si ca avait été l'avis général, on ne se serait d'ailleurs probablement pas rencontré ! Souviens toi tous ces Serpentards qui se sont moqués alors qu'ils auraient pu te donner un coup de main. "

Il se renfrogna, la scène l'avait vraiment rendu furieux. Les amis étaient entre eux parfois un peu taquins et voguaient à la limite de la vexation, chacun ayant des sensibilités différentes, la limite n'était pas la même pour tout le monde. Laisser une jeune élève se débattre toute seule sans aucune idée de ce qu'elle pouvait faire pour s'en sortir était un acte purement et simplement méchant.

Visiblement, Cyril semblait impressionné parce qu’il nommait sa « maturité », ce qui mettait la fillette assez mal à l’aise. Elle ne s’était jamais sentie mature, ni au-dessus des gens de son âge. Au contraire, elle avait une fâcheuse tendance à se sous-estimer. Et entendre ce genre de paroles, cela faisait du bien. Comme le souligna Cyril, peu d’élèves pensaient comme elle. Bien malheureusement, d’ailleurs… Le Monde – que ce soit celui des sorciers ou des Moldus – serait bien plus beau, si les enfants parvenaient à garder de leur innocence et à ne pas enlever celle des autres.

« Tu as raison. » admit-elle. « Mais ça aurait été très surprenant qu’un groupe d’adolescents se précipite pour aider quelqu’un dans une situation délicate comme celle-ci. Il faut croire que certains estiment plus facile d’en rire, comme ça a été le cas. »

Il fallait avouer qu’elle avait été blessée par le comportement des Serpentard. Blessée, mais pas surprise. Pas parce que c’était des élèves de Serpentard – elle ne croyait pas à leur mauvaise réputation, et pensait qu’ils ne la méritaient pas et qu’elle était due à certains d’entre eux uniquement –, mais parce que c’était dans la nature humaine. Elle s’en était rendu compte il y a quelques années, alors qu’elle avait sept ou huit ans. Alors en effet, Cyril avait peut-être raison, cette réflexion était inhabituelle venant d’une personne aussi jeune. Elle avait malheureusement pu s’apercevoir très tôt de l’impact que les mots blessants pouvaient avoir sur quelqu’un. En l’occurrence elle-même. Et elle ne souhaitait à personne de le vivre.

Roxane remarqua soudain que l’heure tournait, et qu’elle avait quelques devoirs à faire.

« Je suis désolée, Cyril, mais je vais devoir y aller. Je vais travailler un peu dans la Salle Commune. Néanmoins, merci de m’avoir fait visiter un peu Poudlard, c’était chouette ! »

Elle sourit au jeune homme, et attendit poliment sa réponse.

Cyril acquiesça, Roxane avait raison elle aussi. Il était souvent plus facile d'être un peu méchant, de suivre la masse et de se fondre dans la foule plutôt que d'être celui qui en sortait pour une action jugée inhabituelle. La plupart des jeunes gens passaient par une période semblable et pour beaucoup, la maturité et les responsabilités de l'âge adulte leur ajoutait du plomb dans le crâne... Mais ce n'était pas le cas de tous. Lui ne se jugeait pas particulièrement mature, mais ayant vécu jusqu'à ses onze ans à l'écart des foules, il ne s'y était jamais senti très à l'aise et cela lui était donc égal d'aller soudainement à contre-courant. Qu'il se fasse remarquer ou non, les deux pouvaient être aussi désagréables.

La Poufsouffle lui fit alors remarquer qu'il commençait à se faire tard et il se souvint par la même qu'il avait eu l'intention d'aller à la volière. Il n'avait pas spécialement de courrier à envoyer, mais s'occuper de sa chouette après une journée de cours éreintante était une façon de se détendre et de profiter du calme avant de retourner à la salle commune. Cyril appréciait certes la compagnie de ses camarades, mais ils les trouvaient souvent un peu trop bruyants à son goût, particulièrement en soirée. Il sourit donc à Roxane, sautant sur l'occasion de partir faire autre chose, lui aussi.

" Tu as raison, il commence à se faire tard et j'avais l'intention de passer par la volière. C'était avec plaisir pour la visite, j'espère que tu te sens un peu plus cher toi ici, maintenant ! "

Leur vadrouille dans le château avait amusé le rouge et or qui n'avait pas souvent l'occasion de passer du temps avec des élèves de première année. Il espérait sincèrement que Roxane se sentirait bien pour ses sept prochaines années, Poudlard était un lieu si exceptionnel !

" Si tu as encore besoin de quelque chose un jour, n'hésite pas à venir me trouver ! " ajouta-t-il avec un signe de la main, avant de se mettre en route pour la volière.

Roxane avait apprécié cette rencontre avec Cyril, qui s’était révélé un homme absolument charmant et serviable, comme elle avait pu le constater lors de leur première rencontre. Néanmoins, malgré la discussion très intéressante qu’ils avaient, l’heure tournait. Elle ne s’en était pas aperçue, mais elle était restée discuter un bon moment avec Cyril, tout d’abord dans le hall, puis ensuite ici, avec le Chevalier du Catogan.

Ils avaient tous deux des choses à faire, et décidèrent donc de se séparer. Cyril lui proposa néanmoins de venir le trouver si elle avait besoin de quelque chose, un jour. La fillette n’oserait probablement pas lui demander un service quelconque. Néanmoins, elle acquiesça. Elle serait ravie de le voir et de papoter de nouveau avec lui.

« Merci beaucoup Cyril ! On se verra sans doute une prochaine fois ! Salut ! »

Roxane regarda le jeune homme s’éloigner, et lui adressa un signe de la main, avant de partir dans l’autre direction…