Do not go gentle into that good night | Alycia McWood

Mademoiselle Alycia McWood. Selon toute vraisemblance, l'héritière désignée d'une vieille famille de l'aristocratie sorcière. Une nymphe à la chevelure auburn, dont le sang méritait les louanges des pires exécuteurs du Maître. Du moins, c'était la première image que donnait à voir le tableau. Une peinture à l'essence moite, diffuse et trouble. De celles que l'on ressent en présence d'un parfum lourd, capiteux et enivrant ; néanmoins porteur d'une défiance brûlante.

Presque tirée d'un instinct irrévérencieux.

Alycia McWood. Une jeune fille diablement intelligente, dont les traits enfantins revenaient désormais avec une aisance narquoise à sa mémoire. Il l'avait croisé, plus d'une fois, dans la salle commune aux tentures de vert et d'argent. D'abord sous l'étoffe d'une première année, puis celle d'une seconde. Les traits ancrés, déjà à l'époque, dans un sérieux ravageur et discipliné. Tel que lui.

McWood. En menant des recherches appuyées au sein de ses pairs, il s'était rendu compte de l'incohérence. Du sentiment singulier, piquant et volubile qui avait traversé ses doigts lors de leur rencontre à proximité de la cabane hurlante. Un détail. Une vérité. La famille de son interlocutrice privilégiée, sous l'égide d'une dénommée Helena... Était mourante. Les ramifications coupées nettes par l'absence de descendance mâle ou de sang suffisamment pur. Gênant.

Un élément qui pourrait s'avérer utile. Plus tard.  

Au troisième jour énoncé et à l'heure dite, le jeune aristocrate se réfugia dans le confort sommaire de son repaire. Vêtu des atours de son ordre ; et du célébrissime masque. Protecteur de son identité. En un mouvement maniéré, il récupéra le miroir et prononça d'une voix claire – sobrement impérieuse – le nom de son attachée. « Alycia McWood. »

Les secondes s'effilochèrent. Le reflet se brouilla. Bien. Le ton doux, quoi que toujours cerclé de cette assurance propre aux aristocrates, il reprit la parole. « Bonsoir à vous, Mademoiselle McWood. »

Trois jours après la missive reçue par le fameux Smaragdin. Le nom étrange et pourtant il se disait être proche du Seigneur, mangemort de renom. Capable de l'aider à assouvir ses désirs les plus noirs, ceux qui étaient de rejoindre Lord Voldemort. Vivre à ses côtés, le service. Lui être utile.

Le sang ne faisait qu'un tour, l'excitation est palpable. Je dois me faire violence pour ne pas paraître étrange ou suspecte. La salle commune est bondée, les chambres prisées par des railleries et des commérages intempestifs. Le seul endroit  où je n'ai été que trop seule était les toilettes de Mimi.

Soigneusement, discrètement, je me dirige vers le deuxième étage vide et silencieux. Seuls mes pas résonnent sur le sol et l'angoisse croit à mesure que j'avance. Le miroir tenu fortement contre ma poitrine, je regarde de part et d'autre du couloir pour m'assurer d'être seule.
Dans un grincement cinglant, je pénètre dans les toilettes, refermant délicatement la porte.
Mimi me regarde du haut d'une cabine, assise, silencieuse. « Va t-en. Reviens plus tard, j'ai besoin d'être seule. »
Vexée, la plaintive plonge avec violence dans les toilettes, éclaboussant le carrelage. Je secoue la tête en signe de désapprobation et finis par rentrer dans une cabine au fond des toilettes.
J'abaisse la lunette, je me recoiffe et je m'assoie.
Je me racle la gorge, je tousse un peu.

Le miroir reflète quelque chose de floue, devenant tout à coup distinct. Le masque des mangemorts apparait alors que la voix sifflante et pourtant envoutante du fameux Smaragdin résonne dans les toilettes.

« Bonsoir, Smaragdin. Je suis contente de recevoir votre ... appel ? Que puis-je pour vous ? »

Le cœur battant, je fais l'effort de parler calmement et avec la grâce qui m'habite. Je remets néanmoins une mèche de cheveux derrière mon oreille, signe de ma légère nervosité. Ce n'est pas tous les jours qu'un mangemort fait appel à vous.

Le trouble céda rapidement la place à une image aisément discernable. Enfin, il avait le loisir de l'observer. De détailler les expressions et les gestes de sa nouvelle attachée. Une adolescente gracile, au maintien bien plus digne que la plupart des camarades de son âge. Intéressant. Ils en étaient au début de leur entrevue, et déjà, il pressentait un flot considérable d'informations à analyser.  

Des esquisses prometteuses. Elle sortait du lot. C'était exactement ce qu'il cherchait.

« Et bien, si je peux me permettre un premier point... Je suis enchanté de pouvoir m'entretenir avec vous de façon plus durable. » Sa voix se paraît d'un velours aimable ; presque ravi de constater la présence de son interlocutrice. Son absence aurait été tellement dommageable. Heureusement, elle ne lui avait pas donné l'impression de mentir à son aîné, lors de leur échange... Pour le moins concis. « Ensuite, compte tenu du chemin que vous espérez emprunter, je souhaite prendre connaissance de vos aptitudes en magie offensive et défensive. »

Le ton affable et maîtrisé, il s’égaya presque de la voir tant intéressée. Leur entreprise promettait des avancées considérables. « Ne soyez pas avare en détails. » Derrière son masque, le jeune aristocrate esquissa un sourire. Singulier. Inhabituel. Calculateur. « J'ai beau connaître vos pas, votre nom et les prémices de vos prouesses... Je suis inapte à vous guider sans les clés de votre âme. »

Offrez-vous à moi, Alycia. Tant dans vos forces que vos faiblesses. « Ce sont vos qualités et vos défauts qui vont me permettre de vous soutenir... Si vous estimez, évidemment, ma présence acceptable auprès de la vôtre. » Une ombre continuelle, tangible et pénétrante; étendue au-dessus de son interlocutrice telle une toile d'or et d'ébène.

Je regarde avec admiration le masque orné et gravé. Quel exploit le jour où mon visage sera caché par pareil bijou. Je passe doucement le doigt sur l'image dans l'espoir de le toucher mais je ne rencontre que le froid de la glace. Je retire rapidement mon doigt et je penche la tête sur le côté, attentive.
Mon sourire est faible, en coin, maîtrisé... Comme tout le reste de ma stature.

« Je suis ravie également, notre échange à la cabane fut... court. Mais j'étais loin de me douter d'avoir de vos nouvelles. Permettez-moi de vous en remercier. »

Je regarde fixement le miroir face à moi, et je penche la tête sur le côté. Consciente de l'honnêteté dont il fallait faire preuve à nouveau. Il n'était plus question de jouer mais d'assumer. Je lève doucement le menton, fière.

« Je suis l'une des meilleures élèves de ma promotion. J'ai eu Optimal à tous mes rendus de parchemins. Sachez également que je m'exerce, et que je suis une fervente amoureuse des livres. Je suis très renseignée, je pense que si je devais avoir des faiblesses, ce serait sur les sorts puissants qui ne sont pas encore à mon niveau... Vous avez eu la preuve de mon ... savoir lors de notre altercation à Pré-au-Lard. »

Je me souviens également de l'échec d'un des mangemorts mais je m'abstiens de le mentionner.

« Je pense que ma seule faiblesse... actuellement, est de ne pas vouloir me salir les mains. Vous me voyez également navrée de vous avoir tenu tête, j'avais des comptes à rendre avec l'homme que vous avez emporté. Mais soit, pour moi justice est rendue, cela me va. »

Je ne mentionne pas son bien être bien que cette question me taraude.

« Que puis-je vous dire d'autre ? Je ne fais pas facilement confiance, Smaragdin. Comment puis-je être sûre que vous ne voulez aucun mal, et de ce fait, m'aider ? »

Un sourire en coin néanmoins. « Mon arrogance ne m'aidera pas dans de telles circonstances, n'est-ce pas ? »

L'échange qu'ils menaient du bout des lèvres, parés l'un et l'autre d'une prudence somme toute nécessaire, se teintait d'une extravagance indescriptible. Attrayante. À user ainsi d'une double protection ; la distance imposée par le catalyseur de glace et les agréments des Ténèbres, la situation ne pouvait paraître que déconcertante.

Pour l'heure, son enveloppe charnelle s'était faite ombre. Menace distante. Difficilement tangible. Partiellement éthérée. Quoi que le tissu couvrait les lignes fines et longilignes de son propre corps ; trahissant ce qui faisait de lui un être humain dans d'autres circonstances. Tout autant que le port altier et noble de sa tête, dont les origines pouvaient également se mouvoir par la position des membres et le contrôle acéré de sa respiration.  

Un maître dans l'art de la nonchalance.

Les iris céruléennes du jeune aristocrate suivirent le mouvement de sa cadette, leste et bordé d'espoir, avec un intérêt non feint. À quoi pouvait donc rêver une adolescente aux doigts caressants, vis-à-vis d'un miroir ? D'un masque qu'elle se trouvait incapable d'identifier autrement que par ses ornements – des runes gravées spécialement pour lui ? Un rappel continuel à sa condition ; aux discordances guettant sa chair et son esprit au moindre écart.  

'Do not go gentle into that good night. Old age should burn and rave at close of day; Rage, rage against the dying of the light.' Pour peu qu'elle sache lire de tels tracés. Annonciateurs des temps d'une gloire obscure annoncée par le seul vrai Maître.

Pour toute réponse au remerciement de son interlocutrice, Rowan inclina le masque. Usant d'une sobriété excessivement guindée et polie. Éphémère ; dès que la jeune fille mentionna ses compétences, il lui porta une attention... Diablement renouvelée. Une des meilleurs. Parfait. Il n'en attendait pas moins de la dénommée Alycia McWood. « En effet. Votre talent est indéniable, mademoiselle McWood. » Et il avait susurré cette phrase ; comme s'il se tenait contre l'oreille de son attachée. La langue tantôt caresse tantôt sifflement. « Votre base me semble intéressante à exploiter, autant que fertile aux enseignements que je pourrais vous apporter. »  

Il croisa ses mains gantées au-devant de lui. « Nous aviserons de cette faiblesse en temps et en heure, alors. Je saurais vous faire dépasser vos appréhensions. » Des comptes à rendre auprès de Costello ? Une nouvelle donnée à considérer. « Sachez que je ne tiens aucunement rigueur à vos actes passés et discutables. Ce qui compte, désormais, ce sont ceux que vous ferez pour progresser dans la voie qui est la mienne. »

Smaragdin. Le sourire devint réel sur son visage. Quoi que teinté de mélancolie. Prendre les atours de Dwight avait un goût de promiscuité difficile à tolérer. Son pseudonyme était déjà une chose davantage envisageable. « Et bien, il est vrai que vous avez toutes les raisons du monde de vous méfier, mademoiselle McWood. Je ne peux nier cette triste évidence. » Il marqua une pause ; empreinte de sa maîtrise assurée et déterminée. Il ne cillait pas. En vérité, il menait leur conversation d'une poigne ferme et résolue. « Toutefois, bien que je connaisse votre identité et vos aïeux, je n'ai encore esquissé aucune menace à votre encontre. » Et elle lui semblait réellement être la digne héritière de la dénommée Helena. « Et puis, à mon sens, il serait navrant qu'une perle telle que vous se noie dans l'ignorance de pairs désœuvrés. Vous valez mieux que vos camarades... A un point que vous ne pouvez pas encore imaginer. » Le velours lui revenait, instinctif. « Dans tous les cas, je saurais vous rendre votre confiance le moment venu, et vous donner le sceau de mon identité en ces temps prochains. »

Smaragdin. Le cœur même du mystère. « Votre arrogance peut être un atout comme un écueil, selon vos interlocuteurs. Je vous apprendrai à distinguer ceux auprès de qui vous pouvez en user... Des autres. » Ceux qui ne pardonnaient guère l'affront. « Venons-en à des choses plus égayantes. » Assurément. « Savez-vous user des sortilèges interdits ? »

Un léger sourire. Fier. Abordable. Malléable. Faiblesse.
Malgré tout, je ne pouvais qu'apprécier cette voix oppressante et pourtant obsédante. De ce langage souple et soutenu, maîtrisé et joué comme une partition de musique. Parfois chantante, sensuelle, sifflante... Tous les sentiments possibles passent au travers de mon ventre chaque fois que le son de sa voix en ressort. C'est déconcertant.
Une douce voix d'aristocrate, à en croire par le maniement des mots, d'une bonne famille. Une voix étrangement familière.

Il voit en moi le potentiel, le contraire m'aurait étonnée, agacée. Détestable. Mais rien de tel ne se passe, au contraire, mes espoirs de toucher du bout des doigts le Seigneur des Ténèbres grandissent et prennent de la place dans mon cœur agité par les doutes.
Malgré les faiblesses mises sur le tapis, il ne semble pas plus alarmé que ça. Evidemment, ce ne sont pas des faiblesses que l'on considère, tout s'apprend, tout se sait. J'apprendrai, je deviendrai forte, puissante... Incontrôlable. Arrogante et mesquine. Forte et méprisable. Redoutable et redoutée.
J'apprécie qu'il lie son chemin au mien, étrangement cela fait naître de légères rougeurs sur mes joues, je tente de calmer la chaleur avec mes doigts froids tandis que j'écoute avec attention les mots graciles de mon interlocuteur ténébreux.
Je suis particulièrement rassurée qu'il ne m'en veuille pas d'avoir interféré leur mission.

Il a raison sur un point. S'il me voulait du mal, cela serait déjà fait. Et pour une raison indéniable, personne ne me voulait du mal. Pas maintenant, pas tout de suite. Pas ici. Pas lui.

Un léger sursaut quand il annonce connaître mes aïeuls, notre blason... notre histoire. Notre sang sali, souillé par les faiblesses d'un seul homme.
M'en tient-on rigueur ? Ou me permettra-t-on de racheter la faute de mon père ?
Je n'ai, de toute façon, d'autre choix que de lui faire confiance. Sa voix m'a déjà transpercé et son attitude obsédée malgré le respect indéniable pour celui-ci, la peur et la méfiance. L'attirance et l'obsession ensemble.

Apprendre et continuer d'apprendre. Je ne veux que cela, continuer de devenir meilleure encore.
Le sujet est facheux mais j'esquisse un sourire. Léger, terrifiant.

« Je n'en ai testé qu'un. Ce qui m'a valu le bannissement de ma maison. J'ai fait l'impérium sur ma mère. Je pense manquer encore de puissance, mais c'était délectable. Quant aux autres, je les connais mais je n'ai pas eu l'occasion de m'y exercer. »

Un sourire malfaisant, celui qui se retrousse, qui dévoile des dents. Le regard dément et fuyant dans des songes sanglants.

« Elle le méritait. »

La façon dont son attachée se montrait attentive, sereine et fière sous le battement perpétuel de ses longs cils, égaya davantage le mangemort. Il y avait là une certaine forme de docilité ; concédée avec douceur par une apprentie dévouée à son maître impitoyable. Un échange d'abord à sens unique, basé sur le seul lien d'une confiance aveugle – dangereuse, certes, lorsqu'elle se trouvait placée entre de mauvaise mains. Un don de soi irrémédiable.

Telle qu'elle se serait donnée en mains propres au Seigneur des Ténèbres. De chair et d'âme.

C'était cette dernière qui l'intéressait plus particulièrement. L'essence même de l'adolescente en face de lui. En la polissant avec soin et rigueur, elle pourrait bien devenir une nouvelle promesse ; une lueur de génie dans les ombres massives de la naïveté. Assurément, elle se révélait bien plus précieuse que la plupart de ses congénères. Consciente de ce fait avec une clairvoyance redoutable ; utile aux exigences du Maître, tant elle paraissait avancée sur les notions ordinairement demandées à Poudlard.

Une bonne chose.

Autant que le sourire toujours plus affirmé, aux ramifications sordides, qu'il voyait se modifier sur les lèvres de son interlocutrice. Un détail à peine visible au début. Perceptible seulement sous un regard avisé. Puis, progressivement, un éclat malsain et vif, difficile à ignorer. Difficile à ne pas gratifier d'une voix mêlant curiosité et impériosité. Sans pour autant perdre de sa superbe ; il dirigeait toujours leur échange. Et ce n'était aucunement négociable.

La douceur velouté dont il faisait preuve, pouvait bien devenir une colère froide si on le défiait. Mais ils n'en étaient pas là, n'est-ce pas ? « Intéressant. » Un commentaire presque languissant. Affamé par un acte aussi libérateur que violent ; avide de cette magie aux contorsions singulières et peu coopératives. « Je dois vous avouer que j'aime particulièrement l'Imperium. » Le sourire qu'il esquissa derrière son masque, manqua de gagner sa voix. « A quel point a-t-il été une réussite ? » L'intérêt, brûlant mais contenu, s'y percevait. « Il nous faudra le réitérer en diverses situations... Une fois que vous serez libre de vos mouvements. J'ai ouï dire que les élèves de Poudlard n'avaient plus le loisir de se rendre sur Pré-au-Lard... » Il tût avec soin ses regrets. « L'incantation du Doloris est une forme de magie qui requiert davantage... De puissance, je dirais. Il me tarde réellement de pouvoir vous l'enseigner. »

Murmurer, de nouveau, quelques mots caressants. « Vous avez l'air d'être toute disposée à nous en produire des exemples superbes. » J'ai le souhait de le voir de mes propres yeux ; de le constater. « Quant au dernier, le sortilège de la mort... Et bien, si vous suivez mes enseignements avec rigueur, nous y viendrons dès que vos autres connaissances se seront étoffées. »

Un court silence. Une attente. Extatique. « Il faut savoir se défendre avec ingéniosité avant de torturer et de tuer ses proies. » L'élue parfaite. « Avez-vous le moyen de vous procurer des sujets d'expérimentations ? De préférence des animaux, pour l'heure. »

L'intérêt ne pouvait se lire sur le visage de mon interlocuteur, néanmoins sa voix trahissait en effet, légèrement, un semblant d'intérêt pour ma petite personne.
Si j'arrivais à l'intéresser un tant soit peu, le Seigneur des Ténèbres me repèrerait peut-être aussi. Me choisirait comme jeune apprentie ou laquais... Je m'en fiche. Du moment que justice est rendue, que ces êtres sans pouvoirs soient rendus à leur statut d'être inférieur. Que nous soyons la race dominante, de celle qui effraie et impose le respect.
Soyons fiers, soyons dignes. Arrêtons de vivre cachés dans la peur qu'un simple et pauvre moldu s'en prenne à nous. Tuons-le.

Soif de sang. Soif de justice. Blesser, heurter. Anéantir ; contrôler.

Je souris doucement, comme si le fait d'avoir un sort favori en commun était une bonne nouvelle. Comme si cela m'apportait un peu plus à lui.
Obsédant, tantôt dit.

« J'ai pu lui faire faire plusieurs choses dont elle a peu de souvenir pendant une semaine. Malgré les temps houleux, je ne pouvais pas me faire plus repérer... Je suis persuadée que l'on sait, que le ministère sait ou a su. Par chance que nous changions régulièrement de Ministre, de chef d’État Sorcier. Quoi qu'il en soit, j'ai été jusqu'à lui demander de se mettre un couteau sous la gorge. Mais si elle était morte... Qui aurions-nous accusé ? »

Je hausse les sourcils dans un regard embrumé. Et je me montre doucement du doigt.

« Et il est hors de question que telle chose se produise. Je dois retrouver mon Seigneur, faire mes preuves. » Je regarde un instant la porte. « Parfois je regrette de ne pas être allée jusqu'au bout. »

En aurais-je été capable ? Fabulation ?
Son apprentissage me sera d'une grande utilité. Aussi bien pour en abuser, mais aussi pour devenir plus terrifiante encore. Malgré le mystère de ce masque et de cet habit, je me sens proche de lui... Surtout quand les louanges sont appréciables, caressantes. Il me tarde de les essayer. De voir la mort.

Je fronce légèrement les sourcils à la mention d'animaux... Je n'apprécie pas particulièrement leur faire du mal pour en avoir une toute nette passion. Mais soit, pour le Seigneur, je pourrai tuer mon prochain. D'abord, se défendre dit-il. Je pense en être durement capable. Un léger voile sombre traverse mes pupilles; l'impatience.

« Je tacherai de trouver... Certains rats, crapauds disparaitront étrangement. Est-ce que cela suffira ? Ou dois-je prendre plus gros ? »

Alors que je tiens fermement le morceau de miroir dans ma main, le bruit sourd d'une porte me fait relever la tête. Un temps. Un silence. Rien. Je baisse à nouveau la tête pour regarder dans le miroir... Ce que j'aimerais le toucher.

Cet intérêt singulier, sibyllin et distrayant qui les liaient temporairement autour d'une conversation imprécise - somme toute trop formelle, se révélait presque oppressant pour lui. D'autant plus que leur échange s'avérait temporisé par une glace protectrice ; une distance néanmoins bienvenue pour conserver le flou sur son identité.  

Il s'agissait d'un bien trop précieux pour l'abandonner ici-bas, au moindre curieux. Les risques étaient même bien trop grands. Tant pour sa propre survie que celle des siens. « En effet. C'est délicieusement ingénieux. » Sans aucun mal, il imaginait le couteau porté contre une gorge innocente. Pâle et plaintive.

Une visualisation obscure. « Vous vous extirpez sans aucun mal de vos troubles, c'est une chose intéressante à considérer. » Et elle s'échinait, désormais, à revendiquer ses objectifs. Retrouver son seigneur. Pour toute réponse, la voix du jeune aristocrate se fit sifflante ; était-ce de la jalousie ? « N'ayez aucune crainte, vous allez faire vos preuves et briller plus que quiconque. Vous n'êtes déjà pas une inconnue à ses yeux, alors... Vous avez toutes vos chances si vous y mettez l'effort nécessaire. » Pour l'heure, c'était à lui qu'elle appartenait. Nul autre.

Aucun écart possible.

Pas même celui de tolérer une nouvelle exaction. Son enseignement devait se faire secret ; il imposait une discrétion au poids incommensurable, une nonchalance à toute épreuve et une obligeance nécessaire. « Vous aurez tout le loisir de remédier à ce manquement, le moment venu. » Assurément, ce ne serait guère un apprentissage aisé. Il était un maître exigeant ; pour des raisons cohérentes et logiques qui n'avaient pas besoin d'être évoquées.

Parce que la survie d'un individu dépendait entièrement de ses facultés d'adaptation. « Pour vos premiers entraînements, de telles créatures seront suffisantes. » Il marqua une pause, courte et impérieuse. « Il va sans dire que plus vous progresserez, plus vos sujets grandiront. Bien que nous soyons grandement limités, dans nos actions, par la surveillance exacerbée de vos aînés. » Les figures autoritaires du château ; nimbées d'une aura brûlante et précautionneuse. « Cela dit, nous aurons tout le loisir d'adapter nos méthodes. »

Au même moment que son interlocutrice, un bourdonnement lointain sembla distraire le mangemort. Son masque se leva quelques instants, dans une expression indéchiffrable, avant de se raviser. Fausse alerte. « Maintenant que vous avez une connaissance globale de ce que je vous propose... Estimez-vous avoir des exigences ? »

A nouveau, mon bienfaiteur, mon interlocuteur... Cette nouvelle obsession ; fait l'éloge de mes compétences et de sa certitude face à l'adversité et aux épreuves qui m'attendent. Je lui réponds d'un sourire presque enjôleur. C'est incroyable cette faculté qu'il a de me mettre dans ses filets. Je bois ses paroles comme du petit lait, je minaude même... Je peux parler librement de mes envies de meurtre, il ne s'en formalise pas.
Quel incroyable personnage. Incroyable.

Trop beau pour être vrai.

Plus j'évoluerai, et plus je torturerai ou tuerai des créatures plus grandes... J'espère simplement que le peu de candeur qu'il me reste s'évaporera en même temps que le pouvoir grandira.

Je suis perplexe quant à la suite des évènements. Vais-je m'entraîner seule ?

« Permettez-moi de vous demander quand est-ce que je vous reverrai ? » Je regarde doucement le miroir, mes joues se parsèment de rouges que j'essaie tant bien que mal de contrôler.
« Dois-je m'exercer seule ou avec vous par le biais du miroir ? »

Je suis effrayée de poser cette question. Aussi bien par une réponse négative, qu'un « Débrouille-toi ! » mal conduit après une si belle conversation misée sur une confiance aveugle et unique.
Aurais-je le droit à un traitement de faveur ? Le Seigneur me connait... Il sait qui je suis et où je veux aller ? Quel beau destin.
Néanmoins mon attention reste fixée sur l'homme du miroir.

« Serez-vous toujours près de moi ? »

Voilà bien les seules questions : naïves, minaudes... Adolescentes.
Avec une nouvelle assurance, d'une voix mieux maîtrisée.

« En réalité, cela est mon exigence. Restez près de moi, veillez sur moi. Je saurai être la parfaite... apprentie. »

Le mot « compagne » fut avaler et la bile acide se mêle au simple mot d'apprentie. Quel statut dégradant.

À l'abri derrière le masque ornementé et les étoffes sombres de son corps, gravées de magie noire, le jeune aristocrate profitait de sa supériorité avérée. Ses iris glacées et déterminées glissaient sur le visage de la dénommée Alycia McWood ; usant réellement de son ascendance pour retenir les traits fins de l'adolescente. Leurs expressions. Leurs incohérences.

Tout ce qui pouvait constituer un indice sur son tempérament ; forces et faiblesses incluses.

Un ensemble de détails qu'il se devait de considérer et de juger avec distance. Ne serait-ce que pour emprunter la voie la plus propice à leurs objectifs. La brusquer sans la briser, afin d'en extirper les qualités nécessaires à la puissance. À la survie. Celle de son interlocutrice, en l'occurrence, face aux terribles événements qui tordaient le monde magique. Et en menaçaient l'équilibre précaire.

« Et bien, j'estime que cinq jours sont suffisants à assembler votre matériel. Je reviendrai vers vous à la même heure que notre entrevue présentement réalisée. » Elle rougissait. Bien. « Ce sera ma voix est nulle autre chose qui vous transmettra mes enseignements. » Ingénieuse, sordide et vraisemblablement dévouée à la cause... Tout en se trouvant toujours piquée par des faiblesses humaines. Une information intéressante. À exploiter. « Je vous accompagnerai sans faillir sur vos premiers exercices. D'autres vous seront donnés en devoir, afin que vous n'ayez pas le temps de vous... Ennuyer. »  

Le meilleur moyen, surtout, de la faire progresser. De la pousser aux expérimentations. Aux réalités.  

Néanmoins, l'interrogation impromptue qui s'échappa des lèvres de sa cadette, fit légèrement pencher le visage du mangemort sur la gauche. Curieux ? Calculateur ? Un tel sens n'était pas anodin. Pas plus qu'une promesse ; et les dieux savaient à quel point il détestait en faire qu'il ne soit pas capable de tenir. « Si vous estimez que ma place doit être à vos côtés lors de votre apprentissage, je saurais vous l'accorder. Par le biais de ce miroir, à défaut de pouvoir réellement me rendre à Poudlard... Pour le moment. » Ce serait un suicide bien peu utile. « Toutefois, dès que vous pourrez vous rendre sur Pré-au-Lard... Je ferais mon possible pour me joindre à vos promenades écartées du monde. »

Une approche davantage jouable. Bien que la supplique, tout juste devinable derrière la maîtrise acérée de son interlocutrice, l’égaya. « Considérez que j'ai mes espions à Poudlard. Ils garderont un œil sur vous en attendant que je puisse le faire physiquement. » Et il ne manquait définitivement pas de liens au sein du château. « De fait, si jamais vous avez le besoin de vous confier à ma personne... Je m'arrangerais pour me libérer aux environs de dix-sept heures tous les deux jours. Mais il ne sera pas question d'entraînement à ces horaires. Seulement... D'une oreille attentive, si vous en sentez le besoin. »

Cinq jours. J'ai cinq jours pour trouver des animaux, une dizaine suffira, j'imagine.
Le plus dur allait de devoir les récupérer, les mettre en cage sans être vue et de les amener ici ou alors à la lisière de la forêt ? Une soudaine étincelle apparut dans mon regard et l'esquisse d'un sourire avec. J'allais simplement les emmener dans la forêt, noire et ténébreuses... Comme moi.
Un soulagement, mes épaules droites s'affaissent légèrement sous la pression en moins. Je me sens tout à coup détendue, chez moi... Dans mon monde. Mon univers insatiable, la démence contrite.
Vous allez comprendre ce qu'est une McWood déchaînée... Détestée, détestable... haineuse. Assoiffée de sang et de justice personnelle... D'une quête au pouvoir.

Le miroir est et sera mon seul moyen de communiquer avec cet homme. Je balaye son visage orné de son masque pour me le rappeler, me familiariser... ne pas l'oublier. M'en délecter, m'en obséder.

Quand le visage de mon interlocuteur penche, je soulève un sourcil... C'est une chose que je fais quand je réfléchis ou que j'analyse. C'est un tic de concentration. Qu'ai-je donc dit qui mérite autant de réflexion ?

Je suis néanmoins agréablement surprise par sa disposition à rester près de moi et à me veiller. Mais que ses laquais restent loin de moi, je ne fais confiance à personne et encore moins quand je dois m'exercer à des choses interdites... La gloire me revient à moi et à moi seule.
La perspective de le rencontre en chair et en os me fait frissonner... toucher un vrai mangemort sans avoir à subir une prise de catch mal venu d'une pathétique... j'espère que ce n'est pas elle mon interlocuteur. Non. Non. Elle ne parlait pas si bien, elle respirait comme un bœuf, elle ne semblait pas bien éduquée.

« Ce serait un plaisir de vous y rejoindre. Espérons que cette ... disposition soit vite levée. »

Parler. Mais parler de quoi au juste ? Je ne suis pas du genre à me confier, encore moins quand j'ignore le nom de mon interlocuteur. Mais pour le revoir... que ne ferais-je pas ?

« Vous m'en voyez ravie. Une telle générosité ne devrait être permise. Je me ferai violence pour ne pas attendre chaque deux jours devant mon miroir. » Avec un léger noeud au ventre. « En avons-nous fini ? »

Que l'entrevue passe vite. Trop vite. Permettez-moi de... ses yeux. Je ne les vois même pas. Le portail de l'âme fermé à ma vue.

« De quelle couleur sont vos yeux ? »

Question sortie plus vite que mon cerveau ne put l'arrêter. Je retiens mon souffle, mais mon visage ne trahit pas ma surprise. Jamais.

En dépit de la distance encombrante qu’ils se devaient d’observer – tant pour des raisons de sécurité que de possibilité concrète, le jeune aristocrate s’efforçait de repérer chaque émotion. Chaque mouvance de l’esprit. Chaque expression du visage de sa bien nommée apprentie. Il s’agissait du seul moyen en sa possession pour espérer la comprendre et la soutenir.

Deviner les éclats mêlés d’ombre et de lumière.

Sous les esquisses tantôt féroces tantôt songeuses, il pressent les relents d’humanité. Notant ces existences en silence, pour sa seule connaissance. Ce sont des failles qu’il sait exister au creux de sa propre chair. Cernées par un empathie effroyable et coûteuse. D’une brutalité foudroyante lorsqu’il osait s’écarter du chemin initialement choisi.

En elle, Rowan retrouvait des contradictions qui lui étaient coutumières. « Espérons, en effet. »

Des pulsions et des songes inavoués au commun des mortels, pour ne pas se trahir. Pour espérer survivre. Triompher de la déroute et s’extirper des méandres souffreteux. Une renaissance payée au prix fort, sous la coupe âpre et irascible des ténèbres. Lui, plus que quiconque, le savait. Sa nomination – telle que celle de l’héritier Malefoy – n’était pas hasardeuse. Jamais.

Une raison de plus pour tendre le bras vers la brillante adolescente qui lui faisait face. Tout en lui offrant un soutien inébranlable. Indubitablement généreux. Apte à lui enseigner les rudiments nécessaires à son cheminement ; ses objectifs brûlants. « Et bien, nous pouvons conclure ce premier échange. » Avec grâce. Douceur.

Jusqu’à la nouvelle interrogation. Intrusive. Dangereuse, pour sa sécurité : il ne pouvait que le craindre, faute d’en avoir la certitude. Néanmoins, un refus serait trop brutal à formuler ; loin de la direction qu’il souhaitait prendre en compagnie de la descendante McWood. Pas plus qu’une indication évasive, assurément indécente et malvenue dans une relation de confiance.

La mangemort s’adonna alors à l’honnêteté ; d’une voix lente et sirupeuse. Une caresse de velours et de fer telle qu’il savait si bien le faire. Surtout pour une information qui s’apparentait presque à un don de soi. « Ils savent se parer des vigueurs de l’océan autant que des louanges du ciel, sans jamais se séparer de leurs ornements glacés. Considérez donc qu’ils sont céruléens. »

Par chance, il n’était pas le seul disciple à détenir de telles iris.

Le regard affirmé et presque amusé, j'observe avec intérêt chaque mouvement, chaque détails du masque. Des écritures trop lointain pour y lire quoi que ce soit, des symboles à la signification somme tout particulière.
Voilà donc mes seuls indices : la voix aristocratique familière, des signes sur un masque à peine lisible, une prestance guidée et, si toute fois il me disait la vérité, des yeux céruléens.
Pendant ces cinq jours, en plus de trouver des sujets d'expérimentation... une douce et longue recherche s'impose.
Mais jusqu'où va la duperie des mangemorts ? Ai-je seulement l'interlocuteur de mes lettres face à moi... Aurais-je la même personne dans deux jours ou cinq.
Est-il sous un effet d'illusion ? Modification de voix ?
Une seule chose m'assure son statut d'aristocrate, cette posture trop guindée et ce sifflement tout pensé.

« Pardonnez-moi cette question impolie, vous êtes aimable d'y avoir répondu sans m'en juger. »

La doucereuse n'est pas mon type, la plaintive et la si polie jeune fille non plus. Mais que devenir d'autres face à un tel personnage ? Que faire, dans de telles circonstances, que la jeune femme aux douces paroles ?
Les calculs sont bons, le manège a bien tourné.
La folie n'est pas cachée, juste dissimulée. Elle s'abattra en temps voulu.
J'ai des choses à faire, à comprendre... à chercher ; découvrir.

« Je ne tiens pas à vous retarder plus longtemps, le dîner ne va pas tarder à débuter et les élèves vont se faire plus nombreux... même par ici. »

Je me lève avec douceur toujours face au miroir, le sourire en coin avec une délectable soif de pouvoir.

« J'ignore le fonctionnement de ce miroir, je vous en laisse donc la responsabilité de ... l'éteindre. Nous nous voyons dans cinq jours. Deux si cela est utile. Bien à vous, Smaragdin. »

Voilà comment reprendre l'ascendant sur une conversation. Le contrôle... Personne ne l'a vraiment sur une personne... démente.
Je m'efface à la vue du miroir que je mets sous ma chemise, avec ou non le consentement de mon maître nouveau. Je pousse la porte des toilettes et tombe nez à nez avec Mimi qui me fait sursauter. Je la contourne alors qu'elle me regarde, intéressée.
Et je fuis jusqu'à la salle commune de Serpentard, jusqu'à ma chambre, jusqu'à mon lit où je ferme les lourds rideaux verts. Je pose le miroir sur mon oreiller... Et je ne vois plus que mon reflet.
Par Merlin.... Que ça ne recommence pas.
Le pouvoir est mon véritable amour. Il me manque.

Pour accompagner sa réponse, le jeune aristocrate avait élégamment incliné le visage. « Vous êtes amplement pardonnée. » En dépit de l’indice qu’il avait laissé filer entre ses doigts, piqué par une honnêteté soudaine et difficilement quantifiable, il ne perdait pas de vue la double nécessité de son entreprise. Rester anonyme aussi longtemps que possible. Et réussir à gagner la confiance de son apprentie.

Compte tenu de ce qu’il parvenait à discerner de son tempérament, un peu de zèle ne pouvait être que bénéfique de ce côté. Ne serait-ce que pour amoindrir la dureté des barrières qu’elle semblait dresser derrière les apparences ; des protections un brin familières, tant ces dernières puisaient dans des écueils comparables.

Des discordances terribles et sifflantes.

L’adolescente se décida à poursuivre ses allégations. Brièvement. En vérité, sous le couvert de la politesse, Rowan pressentait quelque chose de plus extatique et troublant. Au rendu singulier. Mêlant à la douceur lisse et affable, une certaine forme d’autorité. Bien. Il était intéressant de l’observer étendre ses propres directives au-devant d’eux, dans une sorte de rapport de force chamboulé.

Pourtant, il ne lâcha aucun mot, préférant se fondre dans le silence et les ombres. À dire vrai, tant qu’il ne rentrerait pas dans ce jeu-là – pour en avoir connu d’autres au sein de l’aristocratie et de Poudlard – il conserverait l’aval. Répondre aurait été une manière de se soumettre ; et il en était définitivement hors de question.

Le mangemort esquissa un geste au-dessus du miroir, en brouillant l’image et les sons. Puis, il retira son masque en un geste lent et précautionneux. Ses yeux se posèrent alors sur les traits de Freya, installée en face de lui.

« Et bien, mettons-nous au travail. »