Schöner Abend mit einem alten Freund (PV Clemens)

La nuit était déjà tombée. Isolde marchait gaiement vers la chaumière. On était déjà en novembre, et il commençait à faire un peu froid, mais cela ne la dérangeait pas. Elle préférait largement le froid à la chaleur étouffante de l’été. Elle aimait l’hiver, ses soirées devant la cheminée à lire ou à préparer les vacances. Elle aimait voir les silhouettes des autres élèves emmitouflées dans des bonnets et des gros manteaux, et par-dessus tout, elle adorait la neige. L’hiver serait certainement plus doux ici qu’en Ecosse, mais elle espérait tout de même en avoir. Le froid et la nuit tombant tôt lui rappelait toujours des souvenirs de vacances avec sa famille, près de Munich. Elle y retournait tous les ans, même lorsqu’elle était à Poudlard. Tous ensemble, ils passaient leur temps à décorer la maison de ses grands-parents, à cuisiner des gâteaux de Noël et à se balader dans les paysages recouverts de blanc. Les fêtes étaient les seules traditions chères au cœur d’Isolde, qui avait pour le reste eut une éducation plutôt progressiste.

Elle avait amené dans son sac les bières bavaroises achetée dans sa région natale, apportées spécialement pour les partager avec Clemens. Mais, au moment de l’inviter, elle avait eu une idée. Pourquoi ne pas en profiter pour s’organiser un petit festin à eux deux ? Isolde adorait manger, même si ses talents de cuisinière étaient… limités. De plus, Clemens était la seule personne avec qui elle pouvait partager sa culture, et elle avait besoin de ses moments où elle s’immergeait à nouveau dans ses origines, pour ne pas se sentir trop déracinée. Elle avait donc transplané jusqu’en Allemagne et rapporté de quoi se remplir la panse à la mode bavaroise pour la soirée. Avec cette dépense, et celle de la robe pour le bal, elle n’était pas prête de se payer son balai ! Mais tant pis, elle ne voyait pas son meilleur ami très souvent.
Endymion l’avait suivie et trottinait près d’elle. Isolde se réjouissait chaque jour qu’il ait décidé de rester avec elle après qu’elle l’ait soigné. Le soir, seule dans sa chambre (Jason était la plupart du temps sorti), elle lui racontait sa journée et son contact l’apaisait.

Isolde atteint enfin la petite maison. Elle poussa la porte et passa la tête dans l’ouverture pour vérifier que personne ne s’y trouvait déjà. La pièce était vide. Un pincement saisi son cœur lorsqu’elle entra ; la pièce lui rappelait fortement le salon de la maison de ses grands-parents, plein de couleurs chaudes et de fauteuils moelleux. Elle entra à pas lents, et ôta son manteau et son écharpe qu’elle posa sur un fauteuil. Elle se sentait à la fois l’âme tranquille dans un lieu qui lui semblait si familier, et en même temps tout lui rappelait douloureusement la vie dont elle était privée. La cheminée froide attendait qu’on allume un feu dans son foyer, et Isolde s’y attela immédiatement ; le froid ne lui déplaisait pas, mais seulement s’il restait dehors. Prise d’un élan de nostalgie, elle décida d’allumer le feu à la manière des moldus, comme sa grand-mère le lui avait appris. Elle fit apparaître une petite boîte d’allumettes et empila soigneusement dans l’âtre du papier journal, du petit bois et quelques buches. Ces quelques gestes familiers qu’elle pensait avoir oubliés éloignèrent un peu la tristesse de son esprit. Elle n’était peut-être pas si loin des siens, finalement, se dit-elle avec un petit sourire.

Elle se releva et regarda autour d’elle, satisfaite. La petite pièce était très accueillante, parfaite pour une soirée sympathique entre amis. Elle sortit de son sac les gâteaux qu’elle avait achetés, et son violon et sa petite radio qu’elle alluma et posa soigneusement sur une table. Se dandinant sur la musique, elle alla voir la petite cuisine, et en revint avec des assiettes qu’elle posa sur le tapis devant la cheminée. Elle commençait à installer les gâteaux sur les plats lorsque quelqu’un toqua à la porte, et elle se précipita pour ouvrir.

Clemens s'était réjoui de l'invitation de Isolde au moment même où il l'avait lue. Repasser une soirée entre eux, signifiait également renouer avec leur culture natale, replonger dans des vieilles habitudes et évoquer leurs souvenirs d'enfance. Il avait toujours eu ce problème des gens élevés parallèlement dans deux cultures: avec les Londoniens, il se sentait trop Allemand, à Heidelberg, il se sentait trop Anglais. Sa meilleure amie était la seule personne avec qui il pouvait véritablement vivre sa richesse familiale. Elle connaissait aussi bien que lui cette mixité de culture et jonglait allégrement entre les deux. Ils se comprenaient sans avoir à expliquer, ils avaient les mêmes réflexes et tenaient aux mêmes traditions. Des souvenirs de Poudlard lui revenaient sans cesse en mémoire. Combien de fois n'avaient-ils pas fait leur, clandestinement, une classe afin de la rendre allemande pour quelques heures. S'approprier un coin de la salle commune avait toujours été beaucoup plus délicat, d'autant que leur pays d'origine était chargé de préjugés. La politique de leur terre natale faisait encore bien trop parler d'elle...

Ces souvenirs en mémoire, il marchait d'un pas guilleret, bien que rapide, vers la chaumière. Il ne s'y était encore jamais rendu et il était très curieux de voir ce que Isolde en avait fait. Nul doute qu'elle aurait tenté de rendre l'atmosphère spéciale pour leurs retrouvailles, si du moins, on pouvait nommer cette soirée comme cela. Le froid glacial du dehors et le vent qui piquait chaque centimètre carré de peau allait ajouter, du moins il l'espérait, à l'aspect confortable et chaleureux de la petite maison. L'endroit était déjà réputé pour être le rendez-vous des amants de Haveirson. Clemens s'y rendait cependant pour vivre une toute autre forme d'amour. Il considérait Isolde comme la petite soeur qu'il n'avait pas et avait toujours fait ce qui était en son pouvoir pour la protéger et la rendre heureuse. Cette pensée lui rappela d'ailleurs un souvenir désagréable. Heath et elle, enlacés dans l'amusement, quelques jours plus tôt. Son amie avait évoqué le sujet dans son courrier, mais il s'était abstenu d'y répondre. Quitte à fournir des explications, autant le faire de vive voix.

Arrivé à destination. Il resta un instant immobile devant la porte, à l'écoute d'une quelconque activité. Seul le silence l'accueillit et il frappa trois coups fermes à la porte en espérant qu'il n'était pas arrivé trop tôt. Heureusement pour lui et le froid qui lui glaçait déjà les sangs, l'attente fût courte et c'est une Isolde radieuse qui lui ouvrit grand la porte. Le Sinistros se glissa rapidement entre elle et la porte afin de se réfugier dans la chaleur et enfin, s'adressa à elle avec un grand sourire.

" Liebe Isolde ! Je suis vraiment content qu'on ait enfin le temps de se retrouver. "

Spontanément, il la serra contre lui. Ce geste simple et sans équivoque lui apporta du baume au coeur, c'était presque comme rentrer chez lui. Presque que comme se réfugier dans la sphère familiale, sans se poser de questions, sans aucune inquiétude. Clemens s'écarta d'elle, sans que son sourire l'ait quitté et s'accroupit pour fouiller dans son sac. Il en sortit la boîte d'un jeu de société ainsi que deux petits paquets emballés qu'il déposa auprès des assiettes, sur le tapis. Enfin, il prit le temps de détailler le salon. L'atmosphère était exactement telle qu'il se l'était imaginée : chaleureuse, confortable, une invitation à la détente et aux confidences. Les petits détails ajoutés par Isolde trahissait en effet un désir de se retrouver autour de leur culture commune.

" Tu as vraiment eu une bonne idée ! Je sens que je n'aurais plus jamais envie de quitter cet endroit." lâcha-t-il avec un rire. Il désigna ensuite les trois objets qu'il avait apporté " J'ai aussi voulu apporter ma petite contribution au thème de cette soirée. " ajouta-t-il avec un sourire énigmatique.

Isolde ouvrit vivement la porte pour accueillir son ami. Clemens se glissa tout de suite dans l’entrebâillement, pour rejoindre la chaleur de la cheminée au plus vite. Ses boucles étaient froissées par le vent et ses joues rougies par la fraîcheur nocturne, mais ses yeux étaient brillants et gais. Il semblait aussi enjoué qu'elle à la perspective de leur soirée.
Il serra aussitôt contre lui en guise de bonsoir, et Isolde lui rendit son étreinte. Elle appréciait ce geste qui saluait presque toutes leurs rencontres. Il la détendait réellement, et lui donnait l'impression qu'elle pouvait se reposer entièrement sur lui. Elle se doutait que Clemens le savait, lui qui la connaissait si bien. Il s'écarta ensuite d'elle pour observer la pièce et commenta, l'air ravi :

" Tu as vraiment eu une bonne idée ! Je sens que je n'aurais plus jamais envie de quitter cet endroit."

Isolde sentit son cœur se gonfler en entendant des mots dans sa langue maternelle. C'était un sentiment typique des expatriés, cette sensation de retrouver un bout de soi-même mis de côté par la simple écoute de mots familiers. Comme si on s'échappait d'un bourdonnement permanent fait de sons étrangers pour arriver dans un havre calme où l'expression de soi était immédiate, et facile. Isolde maîtrisait parfaitement l'anglais qu'elle parlait depuis de nombreuses années maintenant, mais cette impression de clarté la gagnait à chaque fois qu'elle entendait des paroles dans sa langue maternelle.

Elle acquiesça à la remarque de son ami. Il était vrai que la chaumière, avec ses murs en bois, sa cheminée et ses gros coussins moelleux, avait quelque chose... d'allemand. Ce qui était plutôt étonnant, en plein Pays de Galles, pensa-t-elle en souriant. L'odeur de cannelle et de sucre glace des gâteaux et du feu brûlant dans la cheminée, et les accents germaniques qui s'échappaient de leurs bouches créaient une remarquable illusion. Isolde ferma les yeux un instant, se laissant envahir par l'ambiance de la pièce. Pendant un court moment, elle se cru revenue dans sa région natale.

Un miaulement interrogatif interrompit sa réflexion. Elle se retourna avec un sourire.

« Ah, voilà ma petite terreur ! Dit-elle en riant.

Endymion sortait de la cuisine qu'il venait à son tour de visiter. Il marqua une pause sur le pas de la porte, jaugeant du regard le nouvel arrivant d'un œil inquisiteur. Puis il s'avança vers Clemens, précautionneusement, et commença à renifler ses mollets. Sa courte inspection terminée, il se frotta contre les jambes du jeune homme en ronronnant.

« Eh bien, il t'a adopté aussi !  Elle posa un regard plein d'affection sur le petit félin.
Il est mignon, tu trouves pas ? »

Elle ôta délicatement le manteau des épaules de Clemens et le posa sur une chaise.

« Je suis vraiment contente que ça te plaise. J'avais rapporté ces bières spécialement pour toi, pour qu'on puisse les boire en fêtant notre rentrée ! C'est un peu trop tard pour ça, mais on ne va pas les gâcher. Et puis je me suis dit qu'elles étaient bien seules, alors j'ai fait un saut en Allemagne pour nous offrir un vrai banquet ! Je trouve que cette maison s'y prête bien. Moi aussi je pense que je voudrai y rester ! »

Endymion s'approcha des paquets de Clemens et les examina avec attention. Isolde s'assit en tailleur sur le tapis, devant les assiettes pleines.

« C'est très gentil d'avoir apporté quelque chose ! J'adore les jeux de société ! Moi aussi j'ai amené de quoi mettre un peu d'ambiance, dit-elle en désignant sa radio.

- Et les paquets, qu'est-ce que c'est ? J'ai le droit de les ouvrir ? » demanda-t-elle d'un air malicieux.

Le miaulement le fit sursauter. Clemens n'avait pas l'habitude de vivre au contact des animaux et l'arrivée d'une petite bestiole à quatre pattes provoquait chez lui un certain malaise. Ce n'était ni un problème de peur, ni d'affection, simplement, il ne savait pas comment se comporter envers les diverses créatures de ce monde. Il aimait les observer, s'en occuper était un peu plus complexe. Ses yeux bleus suivirent l'approche d'un chat à l'air très indépendant et, paradoxalement, fort à la recherche d'attention. Son ronronnement et ses petits coups de tête délicat contre les mollets du jeune homme étaient un ajout indéniable à l'atmosphère. Il adressa un sourire à Isolde avant de s'accroupir et de prodiguer quelques grattouilles au troisième invité de cette soirée.

"Oh, je suis honoré de rencontrer ton protégé " commenta-t-il amusé en se relevant. " Je ne doute pas qu"il soit comme un coq en pâte, avec toi".

L'étudiant se détourna néanmoins du chat, les yeux brillants, quand son amie présenta ses victuailles. Il ne trouvait même pas les mots pour la remercier, tant il était surpris et touché des efforts qu'elle avait fourni. Les accents de leur langue natale, l'atmosphère chaleureuse de la chaumière, les gâteaux et maintenant, même les boissons ! Le tour importé directement d'Allemagne. Un énorme sourire s'étendit sur le visage du jeune homme, semblable à celui d'un gamin, le matin de Noël.

A défaut de s'exprimer avec des mots, il rejoint Isolde au coin du feu et déposa un baiser sur sa tête, avant de se laisser tomber à côté d'elle. Il lui adressa ensuite un regard sans équivoque, empli de cette tendresse particulière et propre à leur amitié. Avec nulle autre ne pouvait-il être lui-même à ce point. Durant toute son adolescence, il s'était efforcé de cacher des détails de son passé, sur sa famille à chacune de ses connaissances. Ce qu'elle ne connaissait pas de lui, c'était les évènements qu'il avait préféré laisser derrière lui. Elle n'avait pas demandé, et il n'avait pas dû répondre. Il lui en était donc doublement reconnaissant. Clemens sourit avec enthousiasme, à la vue de la radio.

" Excellente idée, la vie est si monocorde, sans musique. " Ses yeux pétillants laissaient entrevoir sans peine l'association d'idée qu'il avait formée. Plus encore que la musique, il aimait danser et Isolde le savait très bien.

Le Sinistros attrapa les deux paquets qu'il avait apporté, l'expression espiègle et satisfaite. La curiosité de son amie avait rapidement été piquée par ces deux objets inconnus. D'un côté, il avait envie de faire durer le plaisir un peu plus longtemps, d'un autre... Sa réputation ne le donnait pas patient. Et c'était un des rares traits de son caractère proprement jugé par sa réputation ! Clemens soupesa les deux paquets avec un faux air d'hésitation, puis posa le premier devant son amie. Oblong, plutôt lourd et compact.

" Celui-ci ne vient pas d'Allemagne, mais est très Allemand quand même... "

Il garda le second en main quelques secondes de plus, son regard bleu fixé avec affection dans celui de sa camarade. Finalement, il le posa devant elle, délicatement. C'était une petite boite carrée, longue d'une quinzaine de centimètres et recouverte de velours.

" Celui-ci... est une idée que j'ai eue, après qu'on se soit croisé au Parker's. "

Clemens fit un hochement de tête, lui signifiant qu'elle pouvait s'adonner au plaisir d'ouvrir les paquets.

[HJ : Pour que tu puisses répondre, voici ce qu'il y a dans les paquets, je rebondirai avec les détails dans mon prochain message.
- Le premier c'est un stollen.
- Le second, une version miniature d'un Nimbus sur lequel est gravé "Isolde". Quand elle ouvrira la boîte, il s'envolera autour d'elle. L'effet vient d'un sortilège d'Animation (métamorphose huhuhu) et a donc une durée restreinte ^^. ]

Clemens s'accroupit et calina un instant le félin, visiblement charmé malgré le manque d'attirance pour les animaux qu'Isolde lui connaissait.

" Je ne doute pas qu'il soit comme un coq en pâte, avec toi"

Isolde sourit. Il était vrai qu'Endymion avait pris un peu de rondeurs depuis qu'il vivait avec elle. Mais ce n’était pas un mal, elle était contente de voir son apparence famélique s'éloigner rapidement. Il se dégourdissait assez dans la propriété de l'académie pour éliminer les petites friandises qu'elle lui ramenait de la cuisine.

Ses efforts ravissaient visiblement Clemens, qui souriait sans retenue à la vue de leur futur festin. Le baiser reçu sur le haut de son crâne et le regard affectueux qu'il lui adressa réchauffèrent le cœur d'Isolde plus que le feu crépitant dans la cheminée. Il était la personne qui comptait le plus à ses yeux, sur qui elle pouvait entièrement se fier, une balise fiable dans la mer très agitée de ses relations familiales qui la perturbaient si profondément.

Elle voyait que son ami jouait avec sa curiosité et faisait semblant d'hésiter à lui donner les paquets. Son caractère impatient prit finalement le dessus, et il se décida à les poser devant ses jambes croisées. Isolde attrapa celui qu'il avait désigné comme « très allemand », et découvrit avec joie un stollen sous l'emballage. Lui aussi avait donc pensé que leur soirée serait dans le thème de leur pays, ce qui était tout à fait cohérent venant de lui.

« Les grands esprits se rencontrent ! Et tu as tout à fait raison pour la musique, je ne pourrais pas vivre sans. D'ailleurs, les autres étudiants de Phénix doivent s'en être rendus compte, je joue souvent dans ma chambre. Et comme tu aimes danser autant que moi, lui dit-elle avec un sourire malicieux, je n'allais pas louper cette occasion ! »

Le second était une élégante petite boîte qui présageait un cadeau d'une certaine valeur. Clemens l'avait déposé devant elle avec un soin tout particulier. Lançant un regard intrigué à son ami, elle le souleva tout aussi délicatement et l'ouvrit.
Un tout petit balai s'y trouvait, et elle eut à peine le temps de voir son prénom gravé sur le manche de la miniature que celle-ci s'envola. Le gracieux petit objet virevolta dans les airs autour de la jeune fille, décrivant des arabesques invisibles.

« Oh c'est magnifique ! Merci ! dit-elle en lui sautant au cou. Qu'est-ce qui me vaut ce cadeau ? »

Elle était très touchée qu'il ait prit soin de lui offrir un cadeau si personnel.

« Où est-ce que tu l'as trouvé ? demanda-t-elle, intéressée. Au chemin de Traverse ? Et c'est toi qui l'as ensorcelé ? »
Il lui semblait avoir vu des balais de ce genre dans la boutique de fournitures de Quidditch, mais elle leur avait alors consacré une attention très superficielle. Elle s'intéressait peu aux bibelots en général, à moins qu'ils ne portent en eux une signification ou un souvenir particuliers. Elle supposait que Clemens l'avait enchanté lui-même, ce qui rendait le petit balai beaucoup plus précieux à ses yeux qu'une simple décoration.
Ses yeux noisettes suivirent le vol de la miniature et se posèrent un instant sur le visage de son ami. La conversation qu'ils avaient eue au Parker's Coffee surgit à nouveau dans son esprit. Ce cadeau était-il un moyen de lui signifier qu'il ne lui en avait pas voulu de continuer quand lui-même pensait abandonner, et même qu'il l'encourageait ? Ces deux dernières années, il avait soigneusement évité tout ce qui avait trait au Quidditch ; un cadeau aussi équivoque témoignait d'un revirement intérieur considérable. Isolde avait toujours pris soin de ne pas brusquer Clemens à ce sujet, le laissant faire le deuil de son ambition perdue au rythme qui lui convenait. Il semblait maintenant avoir pris un peu de recul sur son accident et s'était même inscrit dans l'équipe de Sinistros, ce qui constituait un grand pas franchi en direction de sa nouvelle vie. Elle avait toujours pensé qu'il ne serait jamais heureux s'il rayait définitivement le Quidditch de sa vie. A ses yeux, agir de façon aussi absolue ne pouvait que le conduire à une grande frustration, qui grandirait insidieusement en lui et le ferait inévitablement imploser. Elle craignait un peu que revenir à un niveau amateur ne soit difficile à supporter, mais elle avait décidé d'encourager sa décision de remonter sur un balai.

« Alors, dit-elle en faisant semblant de réfléchir, si tu m'offres un si joli cadeau pour Halloween, ça veut dire que tu me l'offriras en taille réelle à Noël ? » Elle appuya sa demande d'un large sourire candide, se donnant l'air d'un enfant à qui on ne pouvait rien refuser.
Le balai miniaturisé continuait de planer dans la pièce, et Isolde l'observa, perdue dans ses pensées, pendant quelques délicieuses minutes. Elle ne savait pas si Clemens en était conscient, mais ce genre d'attention comptait énormément pour elle.

Elle posa le stollen sur une assiette et l'entama aussitôt. Elle saisit un gros bout entre ses doigts et le dégusta tranquillement.

« Qu'est-ce que c'est bon ! s'exclama-elle. Tu sais toujours trouver le cadeau parfait », ajouta-elle avec un large sourire plein de tendresse.

Un air attendri et ravi collé sur le visage, Clemens observa avec attention le moindre geste de Isolde. Même s'ils se connaissaient depuis de nombreuses années à présent, il avait toujours en lui une petite crainte, une peur de la décevoir. Ses idées lui paraissaient toujours bien pensées et originales au moment où il les avaient, mais quand arrivait la seconde du jugement... C'était soudainement plus compliqué. Au fond de lui, il savait que son amie ne laisserait rien paraître si elle était déçue, mais il préférait voir la joie et la surprise s'étendre dans ses traits. Un sourire répondit à la joie de sa camarade lorsqu'elle découvrit le stollen.

" Après avoir reçu ton mot, j'ai directement écrit à mon père. Il est bien meilleur cuisinier que moi et son stollen est merveilleux... Il a été un peu surpris que je lui en réclame un si tôt dans l'année, mais j'ai reçu le paquet ce matin. Tout frais de Londres !" expliqua-t-il en riant.

Rapidement néanmoins, le jeune homme retrouva son calme et posa un regard empreint de douceur sur sa cadette. Elle avait à présent dans les mains le cadeau le plus important de cette soirée. Clemens savait à quel point les balais pouvaient être chers, mais il souhaitait donner un avant-goût à son amie de son prochain "partenaire". C'était à la fois une manière de l'encourager sur sa voie et de lui signifier que son passif à lui ne devait pas l'empêcher d'avancer. De plus, il commençait à mettre ses échecs derrière lui, alors elle n'avait vraiment plus de raisons de se retenir.

Content de son effet, il suivait les arabesques décrites par la miniature et se laissa surprendre quand Isolde lui sauta dans les bras. Avec affection, il la serra contre elle à nouveau. Réussir ce cadeau lui avait demandé un certain temps et quelques négociations, mais la joie qu'il lisait dans les traits de son amie avait valu le coup.

" J'ai contacté un fabriquant de balai avec qui nous travaillions en Allemagne. Il fournit ce genre de petits balais à la Ligue Allemande pour les distinctions de joueurs, diverses publicités, remerciements de sponsors, ... il a accepté de m'en fournir un. J'ai été le faire graver sur le Chemin de Traverse et, en effet je l'ai enchanté moi-même. "

Le Sinistros se fendit d'un sourire empreint de fierté, de manière néanmoins un peu exagérée, ce qui lui donna une moue comique. Après avoir passé un certain temps à s'exercer aux sortilèges de Disparition et d'Apparition, il en était venu à une des plus grosses difficultés de la Métamorphose. Pendant une semaine, une armée de plumes, de chaussettes et d'avions en parchemin avait mis sa chambre à sac avant qu'il ne parvienne à un résultat assez satisfaisant pour enchanter la miniature.

" Je ne suis pas encore assez doué avec les sortilèges d'Animation pour que l'effet dure une éternité, mais bon... Même sans ça, il reste mignon, ce petit balai, non ? Et puis au pire, si ça te manque, je pourrais toujours le ré-enchanter. "

Clemens accueillit la question taquine avec un éclat de rire. Noël lui paraissait encore si loin, il ne s'était pas projeté assez pour réfléchir à ce qu'il offrirait à qui. Ce présent-là avait été une décision spontanée, venant du coeur.

" Qui sait... ? " laissa-t-il planer, espiègle, tout en se servant lui aussi d'un morceau de stollen.

Nonchalamment, il engloutit la friandise puis se laissa tomber en arrière. Les coudes plantés dans le tapis moelleux, le corps doucement réchauffé par le feu, il rendit son sourire à Isolde. Le compliment le touchait vraiment, mais comme souvent dans ce genre de situations, il ne savait pas trop comment répondre. Il changea donc de sujet, laissant sa curiosité refaire surface.

" Dis moi, comment vas-tu depuis notre dernière longue discussion ? Les cours, les connaissances ? On s'est à peine vus au bal de Halloween, tu as passé une bonne soirée ? "

Isolde était ébahie d'entendre tout le mal que Clemens s'était donné pour préparer ses cadeaux. Il avait même recontacté un ancien fournisseur de son équipe professionnelle ! Elle se sentit soudain un peu honteuse de n'avoir pas pensé à lui offrir un présent plus personnalisé. Elle avait porté toute son attention à organiser cette soirée, pour leur offrir un cadre chaleureux où ils pourraient enfin parler à leur aise.
Elle était sensible au fait que le stollen ait été fait par son père, qu'elle n'avait encore jamais eu l'occasion de rencontrer.

« Tu pourras dire de ma part à ton père que son stollen est vraiment très bon! » dit-elle avec un grand sourire. Il était vrai que c'était plutôt un gâteau de Noël, mais Isolde mettait volontiers ce détail de côté ; un gâteau délicieux à Noël l'était tout autant le reste de l'année. Et elle doutait qu'ils en servent à Haveirson, alors autant en profiter quand elle en avait l'occasion.

Clemens s'allongea à moitié sur le tapis, semblant tout à fait à l'aise dans ce nouveau lieu. Isolde ouvrit deux bouteilles de bière et lui en tendit une, tout en reprenant un morceau de gâteau. Visiblement un peu gêné par son dernier compliment, il préféra changer de sujet.

" Dis moi, comment vas-tu depuis notre dernière longue discussion ? Les cours, les connaissances ? On s'est à peine vus au bal de Halloween, tu as passé une bonne soirée ? "

Leur dernière conversation en tête-à-tête remontait à... un mois ? Pas mal de choses s'étaient écoulées dans ce laps de temps, et il en allait certainement de même pour son ami. Isolde dut rassembler ses pensées pour répondre à sa question.

« Les cours se passent bien, mieux que celui de magie offensive avec le prof chasseur de primes en tout cas ! »
Elle repensa à la pauvre Anna qu'elle avait envoyée valdinguer dans une armoire ce jour-là. Heureusement que la jeune fille n'était pas rancunière.

« J'ai rencontré une fille adorable en cours de botanique. Elle est dans ta confrérie d'ailleurs, elle s'appelle Calista, tu la connais peut-être ? demanda-t-elle en haussant un sourcil interrogateur. C'est une fille très douce, assez timide mais très gentille quand on parle un peu avec elle. En plus elle aime autant les plantes que moi, donc c'est forcément quelqu'un de bien ! » ajouta-t-elle en riant.
- Et je crois que je ne t'ai pas encore parlé de mon colocataire ! Il est très sympa mais plutôt immature, et c'est un sacré dragueur. Je ne le vois pas beaucoup en fait, il est tout le temps sorti et il rentre souvent à l'heure à laquelle je me lève. Du coup le soir je suis souvent seule dans ma chambre. »

Elle avait prononcé la dernière phrase sur un ton qui se voulait neutre, mais l'effet n'était qu'à moitié réussi. Elle aurait préféré que Jason soit plus souvent là pour papoter avec lui à la nuit tombée. C'était bien là tout l'intérêt d'avoir un colocataire ! Mais au moins, ses absences lui laissaient le loisir de jouer du violon en paix. Et puis, quand elle ne travaillait pas au Parker's Coffee ou ne passait pas sa soirée à lire, enfoncée dans un fauteuil de la bibliothèque, elle se distrayait avec Jade et Anna dans la salle commune de Phénix. Elle n'était donc objectivement pas seule, même si elle le ressentait parfois.

« Tu t'es habitué aux gens de ta confrérie ? lui demanda-t-elle d'un ton vif. Ça a été un peu étrange au début pour moi, je m'attendais toujours à retrouver les filles de mon dortoir de Serdaigle en me levant le matin. »

Elle pensa à évoquer ses retrouvailles avec Luuna, mais elle n'avait pas envie d'aborder le sujet du Quidditch à ce moment précis. L'interrogation de Clemens au sujet du bal d'Halloween avait fait resurgir un doute qui la hantait depuis cet événement, et elle préférait obtenir des précisions tout de suite plutôt que de laisser le sujet traîner.

« Oui le bal s'est très bien passé. Je suis allée dans le labyrinthe avec Anna, elle m'a assez étonnée. J'étais vraiment pas fière, alors qu'elle n'avait absolument pas peur et s'amusait beaucoup. J'ai revu Lawrence là-bas, tu te souviens de lui ? Il jouait dans l'équipe de Gryffondor.
- Tu as entendu mon discours pour le concours de Miss Halloween ? Je t'avoue que j'en étais un peu fière. » dit-elle d'un air satisfait. Je me suis bien amusée à le déclamer en tout cas, c'est le plus important ! »

Elle se décida finalement à aborder le sujet qui la perturbait, autrement dit Heath. Elle en avait parlé à Clemens dans sa lettre, et elle craignait que l'absence de réponse à sa question le concernant soit un acquiescement dissimulé.

« Tu ne m'as pas répondu au sujet de Heath, commença-t-elle prudemment. C'est lui ton cousin ? Je t'ai vu partir avec lui et Rowan pendant la soirée, il y a eu un problème ?
Elle se pencha en avant et lui saisit doucement la main.
« Si c'est bien ton cousin, je te répète que je ne m'en souvenais plus. Je n'aurais jamais dansé avec lui si je l'avais su, je peux te l'assurer ! Je sais à quel point vos relations sont tendues, j'espère que vous ne vous êtes pas disputés à cause de moi... » demanda-t-elle d'un air inquiet.

Clemens se contenta de hocher la tête à la mention de son père. Il avait appris au fil des années à garder une limite plus ou moins étanche entre sa vie à Londres et sa vie dans le monde magique. Il parlait peu de sa famille et même si quelques uns de ses plus proches amis comme Isolde ou Rowan connaissait son histoire dans les grandes lignes... Il évitait en réalité de faire les évocations inverses. Bien sur, il n'avait jamais vraiment rompu le contact avec ses parents quand il était à Poudlard, mais ni son père, ni sa mère n'avaient été abreuvées d'anecdotes sur ses activités ou ses amis. Du moins, plus depuis qu'il avait treize ans.

Heureusement, Isolde se lança directement sur son envie de nouvelles et raconta avec enthousiasme ses dernières péripéties. Clemens l'écouta avec attention parler de ses nouvelles rencontres, riant volontiers avec elle. Le sujet de la botanique le piqua un peu au vif et il la poussa gentiment du pied.

" Alors moi, je ne suis pas quelqu'un de bien, c'est ça !? " taquina-t-il. " Mais non, je ne connais pas de Calista. "

Ce n'était pas un secret que l'étudiant n'avait jamais eu d'atomes crochus avec la botanique. Il s'était efforcé de suivre ce cours avec attention jusqu'aux ASPICs mais n'avait accroché un Acceptable uniquement grâce au secours bienveillant de Theodore. En tant que Serdaigle il avait cependant été une question d'honneur de ne pas abandonner un cours aussi basique - et utile, il n'en doutait pas - que la botanique.

En ce qui concernait son colocataire, il resta silencieux un instant. Une lueur intriguée flottait dans ses yeux bleus, fixés sur Isolde. Il ne savait pas trop comment réagir à cette confidence. D'une part, parce que sa position ne lui permettait pas d'approuver l'existence de ce colocataire immature et dragueur, et en plus, parce que son amie en souffrait visiblement. Cela lui faisait deux excuses pour mettre la main sur lui et lui expliquer la vie. Néanmoins, il n'en laissa rien paraître.

" Tu n'as peut-être pas choisi le meilleur des colocataires, alors... Anna et Jade sont ensembles ? "

Évidemment, quand trois amies se trouvaient dans la même confrérie où les chambres étaient pensées pour des duos, il était délicat de contenter tout le monde. Clemens aurait voulu trouver une solution pour Isolde, mais il ne voyait pas vraiment comment il pourrait avoir une quelconque influence sur la situation. Après tout, il n'était même pas dans la même confrérie. Cela lui laissait toujours un sentiment bizarre, même après deux mois. Il s'était habitué à la présence de son amie, en quelque sorte toujours en bordure de son champ de vision, quelque part. Si il avait été plus à l'aise avec l'expression de ses sentiments, il lui aurait probablement avoué qu'elle lui manquait beaucoup au quotidien. Sa voix interrompit justement ses pensées avec cette question précise et cela lui arracha un petit rire.

" Ca va, j'y ai retrouvé beaucoup de têtes connues au final. Luuna, Rowan, Lanalia, Flutis... C'est vrai que c'est un peu bizarre de partager sa chambre avec des personnes toutes différentes. Mais je ne suis pas fâché d'avoir Rowan comme colocataire. Nous avons des... discussions intéressantes. C'est vrai qu'à Phoenix, vous semblez être plus un mélange hétéroclites de nouvelles personnes. Sinistros, c'est presque le vestiaire de Quidditch des équipes de Poudlard... "

L'Allemand dut retenir son amusement et espéra soudainement que Isolde ne demanderait pas de détails. Leurs conversations nocturnes étaient presque devenues une habitude depuis la rentrée, au point que les deux étudiants s'étaient presque re-découverts. Clemens était toujours un peu perplexe quant à cet état des choses, mais il devait s'avouer que cela le soulageait dans de nombreuses situations.

Soudainement, il regretta un peu d'avoir lancé le sujet du bal. Il voulait évidemment s'assurer que son amie n'ait pas passé une mauvaise soirée. Cependant, cela l'obligeait un peu à évoquer des sujets délicats qu'il aurait préféré éviter. Elle commençait d'ailleurs fort, en parlant de Lawrence et nul doute qu'elle ne laisserait pas son questionnement sans réponse, à propos de Heath. Clemens soupira et secoua la tête. Ses relations avec ces deux-là étaient si fortes de non-dits et d'interdiction qu'il avait toujours l'impression de manipuler un chef d’œuvre de cristal quand il devait s'expliquer.

" Oui, je me souviens de Lawrence. On a pris le parti de s'éviter et c'est mieux comme ça. Il ne digère pas non plus mon amitié avec Luuna. " expliqua-t-il, évasif. " Malheureusement, j'ai loupé le début de ton discours, mais j'ai beaucoup aimé la fin ! Ta description me rappelait un peu notre chère Dame Grise... Tu as eu un prix ?" continua-t-il avec un sourire un peu désolé.

Voilà, Heath. Le sujet difficile du moment. Clemens se contenta de hausser les épaules. Il avait promis à Rowan de régler leurs querelles, même si il n'était pas encore sur d'y parvenir. Il ressentait toujours beaucoup de sentiments contradictoires à l'encontre de son cousin et il avait du mal à faire la part des choses.

" Ce n'est pas grave, Isolde. Tu n'as pas à être mêlée à nos querelles de familles, tu as bien le droit de danser avec qui tu veux. Rowan, Heath et moi avions quelques détails à régler ensemble, mais ne te fais pas de soucis pour ça. "

Avec un sourire, il fit l'impasse sur le début de la dispute. Voir son amie danser avec son cousin l'avait rendu furieux, mais après coup, il réalisait qu'il ne pouvait le reprocher à aucun des deux. Nul besoin de faire de la peine à Isolde avec ses propres sautes d'humeur.

Clemens n'ajouta rien à propos de son père, et Isolde n'insista pas. Les deux jeunes gens se connaissaient assez bien pour comprendre de façon tacite quand ils préféreraient rester discret sur un sujet.

Sa plaisanterie à propos de Calista le fit réagir d'une façon qu'elle n'avait pas prévue. Elle savait très bien que son ami ne s'intéressait guère à la botanique, mais la phrase lui avait échappée de façon totalement innocente. Elle avait tendance à faire des blagues de ce genre qui pouvaient avoir aux yeux des autres un sens qu'elle n'anticipait pas forcément, et se maudissait parfois après coup pour avoir manqué de vexer ses interlocuteurs.

Elle se pencha vers lui et dit d'un ton très sérieux :

« Tu es quelqu'un de très bien, et tu as un avantage que Calista n'a pas : son père à elle ne sait pas faire de stollen. 
Elle lui fit un clin d'oeil amusé, se redressa et reprit sur le ton de la conversation :
- J'ai dit ça pour rire. C'est assez rare de rencontrer des gens de notre âge passionnés de botanique, c'est pour ça que j'étais très contente de la rencontrer. Elle en a parlé avec un tel enthousiasme ! Tu dois le comprendre, tu ressens la même chose pour la métamorphose, non ? Je trouve ça tellement... exaltant ! Voir le monde comme un champ immense d'où on peut tirer tout ce dont on a besoin, pour peu qu'on sache chercher et prendre la peine de comprendre comment il fonctionne !
Pour moi, connaître la botanique, c'est connaître le monde qui nous entoure. Une plante dit tellement sur l'environnement dans lequel elle pousse ! »

Son visage s'illumina lorsqu'elle prononça ces mots. Un souvenir de son enfance lui revint à l'esprit, et elle sourit doucement.

« J'adore étudier les plantes depuis que je suis petite. Quand j'avais 6 ans, j'ai reçu à Noël un grimoire de plantes magiques. Je venais d'apprendre à lire, c'était le plus beau cadeau que j'avais jamais reçu. Mais tu imagines ? Un grimoire de plantes magiques de moldus ? dit-elle en riant. Évidemment ça n'avait aucun rapport avec les plantes qu'on trouve ici ou à Poudlard, c'était un petit livre qui parlait de plantes légendaires et de recettes un peu farfelues. Mais je l'ai gardé précieusement. Je l'emmenais partout avec moi quand nous partions en randonnée pendant les vacances, au cas où je tomberais sur une des plantes dont il parlait. »

Elle se tut pour ne pas noyer Clemens sous un flot de paroles. Évoquer sa matière de prédilection était toujours susceptible de déclencher un discours passionné qui pouvait l'emporter assez longtemps.

L'expression sur le visage de Clemens à l'évocation de Jason était difficilement interprétable. Elle craignit de l'avoir tracassé inutilement.

« Je ne l'ai pas choisi en fait, la répartition dans les chambres a été déterminée avant notre arrivée. Mais ne t'inquiète pas pour moi ! Il est un peu immature mais pas méchant. Le souci, c'est qu'il dit tout ce qu'il lui passe par la tête. Le jour où on s'est rencontrés, il m'a un peu secoué au sujet des mes parents. Il n'a pas fait preuve de beaucoup de tact, et j'ai un peu mal pris ses remarques. Tu sais comme je suis sensible sur ce sujet... ajouta-elle avec un sourire un peu crispé.
- Mais il a compris qu'il avait été trop loin et on s'entend bien maintenant. »

"Non, Anna et Jade ne sont pas dans la même chambre. Mais on se retrouve souvent dans la salle commune le soir pour papoter, je les aime bien. 
En parlant de Rowan, je le trouve de plus en plus ...étonnant. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il nous rejoigne dans le combat de boue l'autre jour ! Mais je le connaissais très peu à Poudlard, je l'ai sûrement mal jugé.
J'ai aussi l'impression que les Phénix sont assez hétéroclites. Je me demande vraiment comment on a été répartis. Je ne connaissais personne, à part Tomas. Tu te souviens de lui ? Il était tellement gentil à Poudlard, c'était un très bon ami. J'étais contente de le retrouver ici, mais je ne le vois pas souvent..."

Elle espéra que Clemens ne prendrait pas sa remarque personnellement. Elle avait été déçue d'être envoyée dans une autre confrérie que celle de son ami; elle avait espéré que leurs études à Haveirson leur auraient permis de passer plus de temps ensemble. Clemens ressentait peut-être la même chose sans le dire, mais Isolde avait besoin de lui exprimer ce genre de sentiments. S'il y avait une personne avec qui elle se sentait libre de dire ce qu'elle avait sur le coeur, c'était bien lui.

"J'aurais vraiment aimé qu'on soit dans la même confrérie... dit-elle avec une moue de regret. Mais puisque tu vas rejouer au Quidditch, on pourra à nouveau s'entraîner et faire les fêtes d'après-match ensemble!"

Isolde se raidit un peu en entendant la confirmation de ses craintes : Heath était bien le cousin de Clemens. Son ami ne s'était jamais étendu sur les détails de leur mésentente, mais elle en savait assez pour imaginer le conflit entre les deux hommes. Il ne le lui avouait pas pour ne pas l'attrister, mais elle devinait que la voir danser avec Heath l'avait blessé, au moins sur le moment. Elle le savait également peu rancunier, aussi sa probable colère avait dû être aussi intense que brève. Un sentiment de trahison envers Clemens la piqua violemment au cœur. Jugeant ses excuses vaines et creuses, elle serra un peu plus fort sa main, tentant avec ce geste de lui faire comprendre son remord.

Il ne put retenir un éclat de rire devant l'air soudainement inquiet de son amie. Sa taquinerie n'avait pas été assez claire visiblement, et Isolde ressenti le besoin de se justifier. Clemens se contenta de la regarder avec un air clairement amusé et de hocher la tête au fur et à mesure de ses explications. Il savait très bien son manque d'affection pour la botanique ne le rendait pas moins fréquentable à ses yeux, mais l'occasion avait été trop belle pour ne pas la charrier un peu. De plus, elle marquait un point très sensé en soulignant le parallèle avec sa passion pour la métamorphose. Lui aussi avait tendance à percevoir un peu différemment les gens qui partageaient son affection pour cet art. C'était comme partager quelque chose d'intime, faire directement partie d'une même communauté.

" Je sais bien ! Je voulais juste te taquiner un peu. Mais c'est bien que tu aies rencontré quelqu'un avec qui partager ta passion ! On avance mieux quand on travaille avec quelqu'un, je trouve... "

Clemens l'écouta parler de son enfance avec affection, il l'imaginait tellement bien à la recherche de plantes magiques avant même la découverte de ses propres pouvoirs. La façon dont elle évoquait se souvenir, son ton enthousiaste et un peu fiévreux le toucha profondément. Il devait ressembler à ça quand il parlait de sa propre spécialité. Cette réflexion lui permit de comprendre les sentiments que Isolde décrivait, si les mots n'éveillaient rien en lui, il pouvait, par analogie, ressentir la même chose. L'expression passionnée de son amie devint contagieuse et il la laissa s'étendre sur son propre visage. Pour un peu, elle lui donnerait presque l'envie de partir lui aussi en montagne à la recherche d'herbes mystérieuses.

L'Allemand n'était toujours pas convaincu de ce que ce colocataire pouvait apporter à son amie, néanmoins, il se rappela à l'ordre. Sa tentative sanguine de protéger son amie avait été plutôt déplacée lors du bal de Halloween. Nul doute qu'une mise au clair en règle avec un type qu'il ne connaissait ni d'Eve, ni d'Adam serait encore plus outre limites. Après tout, elle était une grande fille capable de se défendre, si elle prétendait l'avoir remis à sa place et bien s'entendre avec lui à présent, il avait toutes les raisons de lui faire confiance.

" Tant mieux si vous vous entendez bien, alors. J'ai été surpris aussi que Rowan se joigne à nous, mais il se découvre une ouverture nouvelle depuis qu'il est à Haveirson. Je pense qu'être un peu à l'écart des pressions de Serpentard lui fait du bien. Anna a aussi une drôle d'influence sur lui, ça m'a beaucoup amusé de les voir ensemble. Anna est vraiment quelqu'un de très intéressant, cela dit. "

Différents extraits de conversation, tant avec Rowan qu'avec Anna lui revenait en mémoire. Son expression était ouvertement amusée et il regarda Isolde avec des yeux brillants.

" Je ne pense pas que Rowan le sache, mais j'ai passé un assez long moment à discuter avec elle, quelques jours après la rencontre au cimetière. J'ai une drôle de position entre eux deux, maintenant. "

Il hocha la tête. Tomas, en effet. Il se souvenait bien de ce préfet plus jeune que lui. Leur relation avait toujours été un peu bizarre aussi, mais il appréciait le jeune homme.

" Je me souviens bien de lui, oui. Je l'air juste aperçu quelques fois depuis la rentrée, il est toujours aussi discret qu'au temps de Poudlard, on dirait. "

Un sourire revint flotter sur les lèvres de Clemens face à l'aveu de manque. Il le ressentait lui aussi, sans savoir trop comment l'exprimer avec des mots, mais maintenant que Isolde le lui disait... Il craignait que ne rien dire lui donne l'impression que ce n'était pas partagé. Sincèrement mais timidement, il se contenta donc de souffler à voix basse.

" Moi aussi. " Rapidement, il rebondit cependant sur le Quiddtich, ravi de revenir à un sujet plus léger et de laisser les confidences, Heath et Lawrence derrière eux. " J'ai hâte qu'on rejoue ensemble ! Même si ça va faire bizarre d'être en matches l'un contre l'autre... Je vais devoir m'habituer à l'idée de t'envoyer des Cognards en pleine tête, et ça ne m'enchante pas beaucoup. " avoua-t-il en riant.

Le jeune homme se saisit d'un nouveau bout de stollen, laissant son regard se perdre dans le feu pendant un instant. Ses yeux se perdirent dans les flammes, avec l'impression soudaine qu'il se trouvait à nouveau à Poudlard, dans la salle commune de Serdaigle. Avec un soupir, il se tourna vers Isolde, sérieux cette fois.

" Tu ne trouves pas que cette Académie est un peu bizarre, tout de même ? A la fois si semblable de Poudlard et si... différente ? Tous ces étudiants, presque tous de mon année qui s'y retrouvent ? Le Monde Magique n'avait jamais eu besoin d'une université auparavant, pourquoi maintenant ? "

Le rire franc de Clemens à l'écoute de sa justification la fit se sentir un peu idiote. Elle prit soudainement conscience d'une chose qui la perturba ; son comportement avec Clemens n'avait pas changé depuis son accident. Deux ans auparavant, elle n'aurait pas ressenti le besoin de se justifier ainsi sur une simple plaisanterie. Elle était devenue plus prévenante avec lui, comme s'il avait besoin d'être constamment ménagé. Le voir à l'hôpital, si affaibli physiquement et psychologiquement, l'avait grandement affectée, et elle s'était ajustée de son mieux pour l'aider à surmonter son accident. Mais aujourd'hui, Clemens avait fait son travail de deuil et avait montré ses capacités de résilience alors qu'elle le voyait encore un peu comme un patient en rémission.
Elle se sentit un peu bête de ne pas avoir réalisé cela plus tôt. Une phrase prononcée par Clemens au Parker's Coffee resurgit de sa mémoire :
"Je t'ai fait jouer l'infirmière..."
Peut-être n'avait-elle pas encore quitté totalement ce rôle, inconsciemment en tout cas... Il était largement temps qu'elle redevienne uniquement une amie. Clemens était loin d'être une petite chose fragile et l'avait prouvé à maintes reprises.
Toutes ces pensées lui étaient apparues en un éclair et elle se demanda si son visage avait laisser paraître son cheminement intérieur inopiné. Jouer ce rôle lui avait pesé sans qu'elle en ait conscience ; elle sentit ses épaules se détendre presque imperceptiblement.

Elle comprit à l'air enthousiaste sur le visage du Sinistros que l'analogie avec la métamorphose l'avait touché. Isolde s'intéressait à beaucoup de choses, et aimait surtout pouvoir partager ses passions avec d'autres. Cependant la botanique faisait exception à cette règle.

"Je suis d'accord, travailler avec quelqu'un aide à progresser en général. Mais en botanique, je trouve la contemplation solitaire toute aussi enrichissante !"

Elle hocha la tête à la remarque au sujet d'Anna.

"Tout à fait, Anna est une personne très complexe et intelligente. Elle a une façon très juste et pointue de comprendre les gens. Je n'ai pas encore eu de discussion vraiment personnelle avec elle, mais je suis certaine qu'elle est capable de nous apprendre plus sur nous-même que ce que nos propres réflexions pourraient le faire."

Elle sourit malicieusement.

"J'imagine que les détails de ces conversations resteront privés ...?"

Si Clemens acquiesçait, elle n'insisterait pas, malgré sa curiosité. Elle détestait qu'on lui tire les vers du nez, alors elle évitait de le faire aux autres. Chacun avait son jardin secret qu'il dévoilait, ou pas, au moment qui lui convenait.

Le timide aveu réciproque de manque lui alla droit au coeur et elle sourit largement à Clemens. Elle savait cependant que son ami n'était pas friand des effusions affectives, aussi le laissa-t-elle revenir à un sujet plus familier.

"Haha, j'espère bien que m'envoyer des cognards ne te fait pas plaisir ! Méfie-toi, dit-elle en pointant sur lui un index menaçant, ma vengeance serait terrible ! N'oublie pas que je prends des cours particuliers avec un ancien chasseur de primes..." ajouta-t-elle avec un sourire carnassier.

Elle se sentait à nouveau plus libre de le provoquer gentiment. Elle décroisa ses jambes et les étira sur le tapis, chauffant ses pieds aux flammes élancées et rougeoyantes de la cheminée.

Un court silence tomba sur la pièce. Endymion choisit ce moment pour venir se rouler en boule sur les jambes étendues d'Isolde, l'immobilisant complètement. Elle le caressa distraitement, bercée par les douces vibrations de ses ronronnements.

La voix de Clemens rompit le calme.

" Tu ne trouves pas que cette Académie est un peu bizarre, tout de même ? A la fois si semblable de Poudlard et si... différente ? Tous ces étudiants, presque tous de mon année qui s'y retrouvent ? Le Monde Magique n'avait jamais eu besoin d'une université auparavant, pourquoi maintenant ? "

Clemens mettait le doigt sur un sentiment partagé par de nombreux étudiants. Tous s'interrogeaient, n'ayant obtenu aucune information depuis la rentrée.

" Elle est bizarre pour moi aussi, répondit-elle d'un air devenu plus grave. Je t'avoue que, quand j'ai reçu la lettre, je ne me suis pas trop posée de questions. J'étais tellement contente de pouvoir continuer mes études et de ne pas devoir étudier dans une université moldue que j'ai sauté sur l'opportunité. Je pensais que le comte gardait le mystère pour la rentrée et qu'on aurait plus d'indices ensuite, mais on est maintenant en novembre, et toujours rien... Et je ne comprends pas non plus les critères de sélections !"

Quelques années auparavant, elle lui aurait sans doute proposé de partir en quête d'indices pour percer ce mystère, mais elle ne prenait pas cette énigme-ci à la légère. Surtout depuis qu'elle avait découvert qu'une des salles de l'académie portait le nom de Vous-Savez-Qui... Cette pensée la fit frissonner et elle éprouva l'envie urgente de changer de sujet. Elle était venue pour passer une soirée distrayante et détendue avec son meilleur ami, et elle avait déjà trop de sujets de préoccupations pour s'en rajouter un. L'éviter n'était pas très mature, elle en convenait, mais toutes les discussions qu'elle avait pu avoir sur le comte avec d'autres étudiants n'avaient jamais abouti à des conclusions intéressantes, et elle se demandait si Clemens n'avait pas abordé ce mystère simplement pour relancer la conversation.

" Mais je ne pense pas qu'on pourra résoudre cette énigme ce soir, dit-elle d'un ton un peu désabusé. J'ai déjà essayé avec d'autres étudiants et rien d'intéressant n'est jamais ressorti de nos réflexions. Je t'avoue que j'ai pas trop envie de tourner en rond sur ce sujet pendant des heures. On pourrait parler de quelque chose de plus léger ? Si on entamait ce que j'ai amené ?".

Évitant de se lever pour ne pas déranger Endymion profondément endormi sur ses genoux, elle leva sa baguette et l'agita en direction de la petite radio qui commença immédiatement à émettre des notes joyeuses, leur offrant un fond sonore discret mais joyeux qui s'accordait parfaitement à l'ambiance.

"Tu as commencé ton stage avec MacGonagall ? Je serai bien curieuse de voir comment tu mènes un cours ! Est-ce que tu crois que je pourrais m'infiltrer pour t'écouter ?" demanda-t-elle malicieusement.

Clemens sourit d'un air énigmatique au sujet de Anna. Il ne savait pas vraiment si il avait envie de parler plus avant de leur conversation, si bien qu'il resta un instant silencieux pour y réfléchir. Aucun d'eux n'avaient prévu de passer un moment si complice, si intime avec l'autre. Alors qu'ils n'étaient que deux inconnus, leur échange les avait tous les deux poussés dans les limites de leurs réflexions et il s'étaient fortement révélés l'un à l'autre. Jusqu'à ce que la jeune Française ne quitte le cloître et qu'ils reprennent le cours de leurs vies. Les yeux plongés dans le vide, les souvenirs se bousculant dans sa tête, le jeune homme prit la parole d'une voix douce.

« Je… ne sais pas, en fait. Ca a été un moment très particulier. On s'est croisé dans la cour, on avait chacun du temps devant nous, alors on s'est mis à discuter. D'abord de Rowan évidemment, puis on a dévié sur des sujets plus personnels, ce qui nous avait amené à Haveirson, ce qu'on y faisait et pourquoi… Elle a tout de suite compris que j'avais joué au Quidditch, je ne comprends toujours pas comment elle a pu le percevoir si vite. Elle m'a beaucoup fait réfléchir. »

Il tourna les yeux vers Isolde.

« Je voulais la taquiner un peu au sujet de Rowan évidemment, et j'ai fini par plus me découvrir et en apprendre sur moi-même que sur leur relation. On a beaucoup parlé de métamorphose et de pédagogie, c'était très intéressant. Elle m'a ouvert les yeux sur des méthodes complètement différentes. Elle a été… inspirante. »

Un peu gêné, l'étudiant sourit simplement et haussa les épaules. Son moment avec la Phoenix le laissait toujours perplexe et avait causé de nombreuses remises en question chez lui. Il ne s'était plus croisé depuis et il avait du mal à saisir quelle était la relation qui les liait à présent. Il avait en quelque sorte le sentiment que malgré leur découverte l'un de l'autre, aucune amitié ne les liait, ils avaient passé un moment hors du temps qui n'existait plus dans leur quotidien. Il soupira et retomba volontiers sur le sujet du Quidditch. Assez de prises de tête !

« Oh, ne t'inquiètes pas, j'ai survécu à Megan après tout... » dit-il en tirant une drôle de tête, comme si leur camarade d'Abraxan était un véritable dragon.

Le silence retomba un moment, seulement perturbé par les crépitements du feu et les ronronnements d'Endymion, revenu se joindre à la partie. Clemens se glissa plus proche de son amie et grattouilla le petit félin derrière les oreilles. Il n'était certes pas le plus grand ami des animaux, mais dans cette atmosphère chaleureuse, sa présence l'apaisait agréablement. Sa soudaine remarque sur les tenants et aboutissants de l'académie rompit le silence et, comme il s'y était attendu, provoqua une longue réponse de la part d'Isolde.

Le Sinistros l'écouta avec attention puis hocha la tête à la fin de sa tirade. Il ne s'était pas énormément préoccupé de cette énigme à vrai dire et n'avait pas grand-chose à ajouter.

« Personne n'est plus avancé que ça, je pense. Au début, ça ne me tracassais pas trop mais j'avoue que plus je m'habitue à être ici, plus ça me travaille… Enfin soit, tu as raison, ne laissons pas les inquiétudes gâcher cette soirée ! »

Il ferma les yeux pour se laisser bercer par la musique. Quand il les rouvrit, sa traditionnelle lueur passionnée y brillait.

« J'ai commencé l'observation, oui. Je travaille un peu avec elle autour des cours, elle me fait trimer autour de mes propres objectifs également. Tu la connais, on n'en fait jamais assez avec elle ! Mais c'est une bonne chose. » Clemens marqua un temps d'hésitation, puis reprit. « J'ai développé un projet grâce à Anna, en fait. Elle m'a fait réaliser à quel point la théorie était nécessaire pour comprendre profondément une matière, bien que je me sois toujours plus intéressé à la pratique. En plus de ça, j'ai toujours été convaincu que la métamorphose se trouvait partout autour de nous, savamment enchevêtrée dans notre monde, autant que dans celui des Moldus. Elle m'a indirectement aidée à trouver un moyen d'approcher les élèves de cette perception. »

Le Sinistros se rassit en tailleur afin d'être plus confortablement installé pour parler. Son enthousiasme se trahissait dans sa posture et dans ses gestes, qui se faisaient plus amples.

« J'ai appelé ça les ateliers de métamorphose. C'est une forme de cours sur base volontaire et qui réunit des élèves de toutes maisons et de toutes les années. Ils travaillent en équipe pour gagner des points. Leur but est de trouver des exemples de métamorphose dans leur quotidien ou de l'utiliser pour leur vie de tous les jours. En plus de ça, ils ont aussi un défi à relever avec les membres de leur équipe et à la demande de McGonagall, je vais donner des cours de rattrapage. On devrait commencer tout cela la semaine prochaine… Tu n'imagines pas comme j'ai hâte ! Je suppose que tu devrais pouvoir venir… McGonagall ne voit pas tout n'est-ce pas ! Et puis j'ai entendu que tu avais également décroché le stage avec Chourave ? »

Ses yeux bleus, fixés sur son amie, attendait sa réaction en quête d'une marque d'approbation ou de n'importe quel commentaire. Ses cours lui tenaient à cœur et il voulait se donner du mal pour être un bon professeur. Chaque remarque serait ainsi bonne à prendre pour aider les élèves à appréhender l'art si difficile de la métamorphose.

La conversation entre Clemens et Anna semblait avoir marqué le jeune homme au-delà de ce qu'Isolde avait imaginé aux premiers abords. Il lui sourit mystérieusement avant de lui répondre d'une manière tout aussi énigmatique. Un moment très particulier ? Inspirante ?

"C'est grâce à elle que tu as décidé de reprendre le Quidditch ? En plus des discussions avec Luuna dont tu m'avais parlé dans ta lettre ?"

Les deux jeunes femmes semblaient avoir eu des effets thaumaturgiques sur son hésitation à reprendre le Quidditch. Finalement, elle aurait peut-être dû en parler plus tôt avec lui. Elle était partisane de laisser aux gens le choix de parler de leurs problèmes au moment qu'ils jugeaient opportun, de ne pas les forcer à l'introspection avant qu'ils ne s'y sentent prêt. Peut-être pas une si bonne technique après tout, elle-même en était un bon exemple. La situation de non-dit avec ses parents lui pesait de plus en plus et elle commençait à se demander si crever l'abcès en leur écrivant ne serait pas plus judicieux.

La curiosité d'Isolde fut piquée au vif par les sous-entendus de Clemens au sujet de Rowan. Elle entendait de fait deux sons de cloche opposés sur la situation. D'un côté, Anna, qui lui avait dit voir en lui un ami, proche certes, mais sans aucun sous-entendu. Et de l'autre, il y avait les rares observations qu'elle avait pu faire en les voyant ensemble, au bal d'Halloween et plus récemment dans les cuisines. Rowan lui avait semblé un peu entreprenant, essayant sans cesse de se rapprocher d'elle et de lui parler en tête à tête, mais Anna n'avait pas eu l'air consciente de ses manœuvres, ou alors elle le cachait bien. Elle aurait pensé que son imagination débordait si Clemens n'avait pas eu l'air de penser lui aussi que Rowan était attiré par la jeune femme. Il connaissait bien mieux qu'elle l'ancien Serpentard et devait posséder plus d'indices sur sa relation avec Anna.

"Et qu'est-ce qu'elle t'a dit de Rowan ? Je suis curieuse, elle n'a jamais rien sous-entendu à propos de lui, elle a plutôt l'air de le voir comme un bon ami.
- Vous avez parlé pédagogie ? Elle t'a expliqué les méthodes de Beauxbâtons ? Ça m'intéresse tiens, ça pourrait m'aider pour mes futurs cours !"

Clemens avait l'air un peu gêné de parler de cette rencontre. Anna était décidément douée pour engager des remises en questions chez les gens, elle aurait peut-être dû choisir le cursus de psychomage à celui de journaliste. Quoique, ses talents pouvaient se révéler tout à fait utiles dans ce domaine aussi.

Il fit une moue étrange en parlant de Megan, faisant visiblement référence à la nuit au cimetière.
"Ah oui, je ne suis pas sûre d'être aussi douée que Megan pour les coups de boule, mais les plantes peuvent être aussi efficaces !".

Clemens abandonna le sujet des mystères d'Haveirson et se lança avec passion sur la métamorphose et sa nouvelle responsabilité de stagiaire. Isolde l'écoutait, attentive, reconnaissant avec plaisir l'éclat passionné qui prenait possession de ses yeux et de son visage lorsqu'il parlait de son domaine. Elle avait toujours eu une affinité particulière pour les gens qui se donnaient tout entier pour leur passion, et c'était ce qu'elle avait perçu chez Clemens dès leur rencontre ; pour le Quidditch d'abord, et comme elle l'avait découvert ensuite, pour la métamorphose.
Ses mots sur l'intrication de la magie dans lui firent ouvrir des yeux étonnés. Décidément, tout le monde s'était mis d'accord pour lui parler de ça ? Ou était-elle la seule à avoir l'opinion contraire ?

"Tu parles comme mon nouveau professeur de botanique... dit-elle dans un souffle. J'ai eu la même discussion avec lui au café l'autre jour. C'était très... inspirant, comme toi avec Anna, ajouta-t-elle avec un léger sourire. Il pense qu'il y a de la magie partout, et que les sorciers ont le pouvoir de la canaliser et de l'exploiter. Que la magie est une force invisible qui lie absolument tout. Je n'avais jamais vu les choses comme ça... Je pensais que la magie se trouvait dans la personne, comme une sorte de don, tu vois ? Pour moi, les sorciers naissent avec et les moldus sans. Et je pensais pareil pour les plantes ou les animaux, certains en ont et d'autres pas. Et je t'avoue que je suis assez... perturbée par cette vision des choses."

Elle hésita un instant, se mordant la lèvre nerveusement. Cette discussion l'avait un peu ébranlée, c'était le cas de le dire, et elle ressentait le besoin urgent de faire part de son trouble à Clemens.

"Tu vois, j'ai toujours imaginé le monde comme scindé en deux. Nous d'un côté, et de l'autre les moldus. Le mot nous la fit presque imperceptiblement grimacer. J'ai toujours dû bien séparer les deux, pour pouvoir continuer à voir ma famille. Ils ont toujours vécu la découverte de mes pouvoirs comme ça. Ils n'ont jamais pensé que la magie pouvait les concerner, qu'elle pouvait leur apporter quelque chose. J'ai pensé que je devrais choisir entre les deux, que je ne pourrais pas vraiment faire de compromis si je ne voulais pas les perdre. Avec du recul, je ne suis pas sûre d'avoir eu une bonne logique", dit-elle en baissant un peu la tête.

Elle se tut un moment, fixant Endymion et essayant par là de lui voler un peu de sérénité pour éviter de laisser l'émotion la submerger. Ses difficultés familiales la mettaient à fleur de peau et elle n'en parlait qu'à de rares occasions, et seulement avec des personnes très proches.

Elle prit soudainement conscience que parler de sa discussion au café avec son professeur pouvait comporter des sous-entendus indésirables.

"Oh, mais je ne t'ai pas encore parlé de ce professeur, dit-elle un peu plus gaiement. Il est vraiment intéressant et très motivé. Il m'a encouragé, il pense que je suis douée. Je lui avait demandé un rendez-vous pour parler pédagogie pour mes futurs cours à Poudlard, et il a préféré m'inviter à en parler autour d'un café. On voit la différence avec Poudlard, j'imagine mal Chourave ou MacGonagall nous payer des cafés !"

Elle fut impressionnée par les idées de Clemens pour ses cours.

"C'est super ! Tu leur a donné un laps de temps pour trouver les exemples ? Ils doivent te les apporter ? Et ce sera quel genre de défis ?
- J'essaierai de venir une fois alors, pour vérifier que tu ne traumatises pas ces élèves innocents. Et je suis sûre que tu vas faire des ravages auprès des étudiantes..." dit-elle pour le taquiner.

Son visage s'illumina de nouveau lorsqu'il l'interrogea sur son stage avec Mme Chourave.

"Oui, c'est tout récent ! J'ai hésité avec le stage dans la serre d'Haveirson, je ne sais pas encore si je voudrais m'orienter vers l'enseignement ou la recherche. Alors je tente à Poudlard, je verrai si ça me plaît ! Et Chourave est une crème, on s'est toujours très bien entendues, je pense que ça se passera bien. Enfin, avec elle en tout cas, avec les élèves, je ne sais pas ! J'ai envie de faire des cours interactifs aussi, mais je n'y ai pas encore vraiment réfléchi."

Endymion avait dû ressentir le trouble d'Isolde et s'était relevé pour venir frotter sa tête contre son cou. Avec Clemens et Lyra, il était sûrement l'être qui savait la comprendre le mieux, pensa-t-elle en souriant. Pour le remercier, elle lui offrit un petit bout de stollen, et enfouit son visage dans sa fourrure épaisse comme s'il s'agissait d'un gros coussin.

Clemens secoua la tête en signe de négation. Contrairement à de nombreux autres étudiants, Anna avait eu la délicatesse de laisser tomber le sujet du Quidditch. Ils l'avaient certes abordé plusieurs fois dans la discussion mais en tant que sous-entendus pour atteindre autre chose. En un sens, cela lui avait peut-être permis de pousser plus loin sa réflexion et la perception de son futur. Mais cela n'avait pas été conscient. Alors qu'il s'était beaucoup ouvert et dévoilé en présence d'Anna, son ancienne passion était restée comme un tabou. C'était trop compliqué d'en parler avec quelqu'un qui n'avait rien vu, qui ne savait pas à quel point cette discussion pouvait être vaste.

« Non, pas vraiment… Elle a rapidement compris que le sujet était délicat, donc on a fait que l'effleurer. Je l'en remercie d'ailleurs, la plupart de nos camarades questionnent sans retenue, et c'est plutôt désagréable. Alors même si parfois ça m'a permis d'avancer… j'ai apprécie ne pas devoir m'expliquer face à elle. »

Il posa son regard sur Isolde, tentant de comprendre quelle réflexion était en cours derrière ses traits détendus. Le jeune homme la connaissait assez pour savoir que son interrogation n'était pas anodine et faisait lien avec d'autres pensées. Si elle avait juste voulu savoir pourquoi il avait décidé de reprendre le Quidditch, elle le lui aurait probablement simplement demandé. Néanmoins, la jeune femme gardait en ce moment très bien ses émotions pour elle et il ne sut donc pas vraiment si il avait satisfait sa curiosité. Il ne put cependant pas s'en enquérir, car elle rebondissait déjà sur la relation qui semblait unir Anna à Rowan. Clemens sourit franchement.

« Elle se pose des questions à son propos, ce qui est assez normal, note. Rowan est difficile à cerner et je pense qu'elle a aussi essayer de le comprendre à travers moi. Quelque part, le fait que nous soyons amis est déjà assez révélateur de nos caractères respectifs » commenta-t-il avec une moue amusée.

Il ne voulait pas aller trop dans les détails… si Anna voulait faire part de ses réflexions au sujet de l'ancien Serpentard, nulle doute qu'elle savait où trouver Isolde pour le faire. Il enchaîna donc rapidement sur leurs réflexions pédagogiques, terrain nettement moins miné pour lui.

« Tu me connais, je suis pas très porté sur la théorie ! J'aime qu'on pratique les choses pour les sentir, les  vivre ! Anna ne voit pas tellement les choses comme ça, et ça a l'air de tenir aux méthodes de Beauxbâtons. Là-bas, ils étudient la théorie beaucoup plus en profondeur et ce n'est que lorsqu'ils connaissent et comprennent qu'ils peuvent pratiquer. Ils ne pratiquent même pas les sorts de défense comme nous le faisons, ils les apprennent seulement. Je dois dire que je reste très sceptique face à cette idée… Elle a juste dit une phrase, que j'ai trouvée très percutante. » Il marqua une courte pause pour souligner la citation. « Vous connaissez beaucoup de choses, j'ai l'impression de les connaître mieux. »

Cette phrase avait eu un effet assez intéressant sur lui et il continuait à y penser fréquemment. La connaissance profonde était souvent vue, en Grande-Bretagne, comme le domaine du spécialiste. La plupart des sorciers se contentaient de pratiquer les sorts usuels de leur quotidien, sans avoir aucune idée de leur fonctionnement intrinsèque. C'était quelque part assez logique mais aussi terriblement dangereux. D'autant que, de toute évidence, une connaissance approfondie ne pouvait qu'être bénéfique dans l'exécution.

Un court moment de silence marqua une pause dans la discussion, donc Clemens se servit pour se rapprocher un peu du feu. Confortablement installés sur leur tapis, les deux étudiants partageaient leur intimité dans une atmosphère si chaleureuse qu'elle en devenait presque familiale. Il avait l'impression d'être hors du temps, comme si rien d'autre que leur amitié n'avait d'importance. Détendu et apaisé, il ferma un instant les yeux, un sourire aux lèvres, écoutant les paroles passionnées de son amie quand elle commenta sa vision de la magie. Les mots lui parlèrent particulièrement et il rouvrit les yeux, attentif. Une lueur intéressée brilla dans son regard. La botanique ? Mais bien sur ! Il s'en serait presque frappé le front de n'y avoir pas pensé plus tôt.

« Je suis entièrement d'accord avec ce que t'as dit ce professeur ! Évidemment que la magie se trouve partout autour de nous, nous sommes capable de l'utiliser au contact des moldus. Pourquoi disparaitrait-elle à leur contact ? Où serait donc la barrière ? Nous avons une sensibilité particulière qui nous permet d'utiliser la magie à notre guise. Je pense que c'est un hasard naturel plutôt qu'un véritable don… »

Clemens se tut soudainement quand il remarqua l'expression douloureuse sur le visage de son amie. Ses relations difficiles avec sa famille la pesait encore, visiblement. Un peu perplexe et sans savoir trop quoi dire, il se glissa plus près d'elle et la prit doucement dans ses bras. Depuis Poudlard, ils avaient pris l'habitude de cette proximité, c'était leur façon de se montrer qu'ils se soutenaient, étaient là l'un pour l'autre. Surtout pour lui, qui avait tant de difficultés à exprimer en mots ce qu'il ressentait et c'était encore pire quand il s'agissait de remonter le moral. Le Sinistros enroula ses bras autour de la jeune femme, la serrant contre son torse en une étreinte amicale et chaleureuse.

« C'est normal de devoir faire cette division quand on vit une situation comme la nôtre. Chez nous aussi, on a toujours vécu comme des moldus, la magie n'avait pas sa place… Poudlard et le travail de ma mère devait rester des parenthèses de nos vies, c'était presque un danger pour notre quotidien. Alors même s'il n'y a pas cette espèce d'agressivité latente qui existe dans ta famille… Je pense que je comprends un peu pourquoi tu as réagi comme ça. Mais les deux ne sont pas incompatibles. Même si la magie ne leur apporte rien au quotidien, c'est un fait, elle est là, c'est un peu la volonté naturelle en quelque sorte, le hasard. Tu n'as pas besoin de leur approbation pour vivre ce que tu es avec les capacités dont la nature t'as dotée. »

La famille… Cette pensée lui arracha un rictus. Était-ce un hasard que tous ses amis aient des problèmes à ce niveau-là ? En quoi les histoires respectives de chacun pouvaient-elles les pousser les uns vers les autres ? Rowan n'avait pas la vie facile avec les attentes de sa famille de sang-purs, sans parler des houleuses relations avec Autumn Avery et ces histoires de mariages arrangés. Isolde, qui se sentait rejetée par sa famille pour être simplement ce qu'elle était, parce qu'une étincelle était tombée sur sa naissance pour lui ajouter une richesse qui était seulement attaquée comme une différence. Megan, Anna… Toutes les deux avaient des choses à cacher ou un passé qui les marquaient. Il se sentait si mal placé pour donner des conseils, lui qui parvenait à peine à échanger quelques mots avec son cousin.

Soudainement, Isolde se détendit dans ses bras et reprit la parole d'une voix plus enjouée. Clemens fut soulagé que ce sujet difficile reste un instant derrière eux, même s'il était conscient qu'il finirait par revenir… Un de ces jours, chacun d'entre eux devrait prendre ses problèmes familiaux à bras le corps et nul doute qu'ils auraient besoin l'un de l'autre pour parvenir de l'autre côté de ce mur. En attendant, il l'écouta parler à nouveau de son professeur de botanique. Décidément, cet homme-là tant que le frère aîné semblait être un passionné par sa matière. Peut-être devrait-il soumettre à l'autre Fitzsimmons ses réflexions tortueuses… ?

« Oh tu exagères, Minerva est un charme ! La dernière fois que j'ai eu rendez-vous avec elle, j'ai même un droit à du thé et à un de ses gâteaux écossais… Mais j'avais quand même l'impression d'avoir à nouveau quatorze ans » rigola-t-il. « Tu as raison, c'est agréable d'avoir un dialogue plus ouvert et d'égal à égal avec nos enseignants. J'ai l'impression que l'évolution passe par là également. On ne peut pas se découvrir et se développer si on ne nous laisse pas expérimenter et utiliser nos propres têtes… n'est-ce-pas ? Je suis content que tu aies quelqu'un qui te soutienne de la sorte, tu le mérites. Je suis sur que tu es une botaniste exceptionnelle. »

Il se tordit la tête pour parvenir à attraper le regard de son amie. Il savait qu'un tel compliment, de sa part, sonnait forcément un peu faux. Clemens était certes convaincu de ce qu'il disait, mais il était si mal placé pour juger… L'atmosphère s'allégeant, il s'écarta à nouveau et reprit la place qu'il occupait auparavant, dos au feu.

« Je leur ai donné un mois oui, c'est un test, on verra si ça marche… Ils sont en équipe de deux ou trois élèves et peuvent travailler ensemble ou séparément. Ce sera difficile pour les plus jeunes évidemment, mais je pense qu'avec un peu de curiosité intellectuelle et d'imagination, ce n'est pas trop difficile... »

Il avait néanmoins un peu grimacé. Il doutait que tous ses élèves feraient preuve d'assez d'esprit pour se lancer corps et âme dans l'aventure… Mais bon, ceux qui s'inscrivaient à ces ateliers non obligatoires devaient bien trouver l'idée inspirante. En théorie.

« Ils doivent donc trouver des manifestations de la métamorphose dans leur quotidien, ou essayer de l'utiliser à bon escient. Je suis assez ouvert, transformer des ingrédients en gâteau on peut déjà considérer ça comme de la métamorphose. Le dernier, c'est une épreuve qu'ils devront traverser en équipe… J'espère les encourager à un peu plus de cohésion entre années et entre maisons. »

Clemens fondait beaucoup d'espoir en ses idées et espéraient éveiller inspiration et passion chez ses élèves. Il doutait cependant encore d'être à la hauteur. Devenir un excellent praticien de la métamorphose lui semblait en comparaison tellement plus atteignable… Le dernier commentaire d'Isolde le tira de sa soudaine réflexion négative. Il rit doucement et secoua la tête. Avoir ses élèves qui lui courraient derrière était la dernière chose qu'il souhaitait… mais bon, si ça leur donnait une motivation pour s'intéresser à son art, après tout…?

« Je viendrais volontiers m'incruster au fond de ta serre, moi aussi ! Peut-être que je trouverais tes cours plus inspirants que ceux de Chourave. Quelle évolution n'empêche. Tu nous aurais imaginé revenir à Poudlard en tant que stagiaire, toi ? Si on m'avait dit ça il y a deux ans, je crois que j'aurais payé un verre au type en le remerciant de me faire autant rire. »

Clemens se perdit un moment dans ses pensées. Il se trouvait à présent à des années lumières de ses projets, lorsqu'il avait fini sa scolarité. Chaque décision qu'il avait prise jusqu'ici s'était dévoilée être une impasse et il n'avait cessé de se réorienter. Les premières amertumes passées – et Merlin savait que ça avait été difficile – il commençait à être satisfait du chemin parcouru. Était-ce le destin ? Ou une suite de malchances ? Peu avant ses ASPICs, McGonagall lui avait dit que son avenir ne devrait pas être dans le Quidditch. Elle semblait avoir eu raison, c'était comme si l'univers le redirigeait constamment vers la voie qu'il était sensée prendre. Tout cela se recoupait trop bien avec son point de vue sur la magie et sa présence dans la nature… Cette réflexion lui donna soudainement mal à la tête.

« Tu sais… Je crois que je commence enfin à accepter mon échec en Allemagne. C'était un peu un coup du hasard au fond, pas tellement une… incapacité de ma part. Mais petit à petit, je parviens à retourner vers l'avant, à me passionner pour la métamorphose encore plus que ce que je n'ai pu le faire pour le Quidditch. »

Il vrilla ses yeux bleus sur son amie, soudainement plus sérieux, un peu réflexif également.

Isolde fut rassurée d'entendre qu'Anna avait fait preuve de tact au sujet du Quidditch. La plupart des gens se sentaient obligés de questionner Clemens à ce sujet sans imaginer l'impact de leur interrogatoire. Devoir expliquer sans cesse son accident à des gens qui en parlaient de façon désinvolte et détachée était sûrement éprouvant à la longue. Et elle imaginait bien qu'il avait dû recevoir d'innombrables conseils de ces mêmes gens sur la meilleure façon de se remettre et d'aller de l'avant, conseils tout aussi déplacés que les questions, car venant de personnes sans aucune idée de ce qui pouvait se passer dans la tête d'un sportif dont la carrière se brisait soudainement. Mais elle commençait à connaître Anna et aurait été étonnée qu'elle fasse partie de ces gens.

« Alors, si ce n'est pas Anna, qu'est-ce qui t'a décidé à reprendre le Quidditch ? » demanda-t-elle doucement.

Clemens sourit largement quand elle parla d'Anna et Rowan, intrigant encore plus la jeune Phénix. Il gardait une certaine retenue sur les informations qu'il lui délivrait, ce qui était tout à son honneur.

« En les voyant ensemble, j'avais l'impression qu'Anna ne pensait pas qu'il puisse être plus qu'un ami, alors que Rowan m'a paru un peu plus...entreprenant. Mais je me fais peut-être des idées. Il est difficile à cerner pour moi aussi, même si je le vois plus souvent ici qu'à Poudlard. Je crois qu'en fait je n'ai jamais eu une conversation avec lui autre qu'un échange de politesses. »

Ses yeux s'égarèrent au loin pendant qu'elle fouillait dans sa mémoire à la recherche d'un échange avec le Sinistros qui aurait pu lui fournir un peu d'informations, en vain. Elle était polie avec lui comme elle l'était avec tout le monde, même si elle commençait un peu à l'apprécier après les récents événements. Mais même pendant ces soirées aux dénouements plus ou moins heureux, elle ne lui avait jamais adressé la parole en tête à tête. Le peu qu'elle savait de lui, elle l'avait appris de Clemens.

Elle écouta ensuite les explications de Clemens sur les méthodes d'Anna. Intéressant, en effet, mais elle partageait son scepticisme au sujet des sorts de défense. La citation de la jeune française était effectivement... percutante. Isolde la répéta pour elle-même silencieusement, afin de bien saisir son sens.

« Oui, percutant, je suis d'accord, dit-elle dans un quasi murmure. C'est vrai qu'on nous enseigne peu la théorie à Poudlard, c'est une vision des choses très pertinente. Les élèves intéressés par la théorie vont la chercher à la bibliothèque en fait. »

Elle réfléchit un instant.

« Je dois dire que son idée me fait cogiter, avoua-t-elle avec un sourire en coin. C'est tout à fait sensé. Si on ne comprend pas comment la magie fonctionne, elle reste un simple outil qu'on ne maîtrise pas entièrement. Or, connaître son outil, son origine, ses évolutions, savoir le monter et le démonter, le manipuler dans tous les sens, c'est la base de l'apprentissage. Quand on veut jouer d'un instrument, on apprend d'abord à nommer toutes ses pièces, comment en prendre soin, et on s'entraîne parfois dans le vide avant de commencer à apprivoiser l'instrument lui-même. Mon père m'a raconté que ses collègues joueurs de flûte traversière avaient commencé par apprendre à souffler correctement dans une bouteille avant d'essayer avec une flûte.

Elle darda ses yeux sur son ami, un brin espiègle.

« Et bien, elle me guide aussi indirectement pour mes propres cours. J'avais pensé attaquer directement par les bases de l'herboristerie, mais je pense maintenant que ce serait plus judicieux de commencer par montrer aux élèves comment observer les plantes avant de les décortiquer et de les transformer. C'est ce que mes parents ont fait avec moi, mais ça me semblait tellement évident que je n'y pensais même plus. »

Elle se tut à nouveau, guettant les réactions de Clemens. Ce dernier s'était rapproché du feu et semblait perdu dans un sentiment de bien-être contagieux. Le vent continuait de siffler doucement dehors, rendant la chaumière encore plus accueillante. Mais les mots qu'elle lui rapporta de son professeur le ranimèrent aussitôt. Sa réponse fut plus tranchée que ce à quoi elle s'attendait.

« Cette vision de la magie t'a toujours parue aussi évidente ? Je n'avais jamais pensé ainsi avant, franchement. Mais en parlant avec le professeur Fitzsimmons, je me suis rendue compte que mon opinion est complètement influencée par le fait d'être née moldue. Pour un sang-mêlé comme toi ou lui, la magie a toujours été présente comme quelque chose d'évident et de réel. Même si tes parents ne l'utilisaient pas devant toi, tu savais qu'elle était là. La magie n'existait pas pour moi avant mes 11 ans. C'était la science qui pouvait m'expliquer le monde, et ça l'est encore en partie, même si depuis j'ai inclus la magie dans ma réflexion. Mais peut-être que finalement les deux domaines ne sont pas si contradictoires... »

Clemens avait ressenti son trouble quand elle avait évoqué sa famille, et il lui offrit aussitôt l'étreinte réconfortante de ses bras. Elle se laissa faire agréablement, apaisée par le contact de sa tête contre sa poitrine.

« Non, je n'ai pas besoin de leur approbation, tu as raison, murmura-t-elle. Mais peut-être que s'ils voyaient la magie comme tu la vois, et pas seulement limitée à l'exécution de quelques sorts et à la fabrication de potions étranges, ils l'accepteraient mieux. »

Elle resta un moment immobile, profitant de l'étreinte de Clemens pour relâcher la tension qui l'avait imperceptiblement gagnée. Elle reprit la parole sur un ton plus léger pour lui parler de son professeur, et il lui répondit tout aussi gaiement.

« Tu appelles MacGonagall par son petit nom maintenant ? le taquina-t-elle. Je n'ai pas dit que les professeurs de Poudlard n'étaient pas sympathiques, mais ils maintiennent plus de distance avec leurs élèves.
Elle sourit à son tour.
- Tu me voles mes mots, c'est exactement ce que j'ai dit à Ginny l'autre jour en la croisant après mon rendez-vous avec Chourave. Je pense aussi qu'être traité en adulte aide à faire de nous des adultes. Nous sommes à l'université, il ne faut pas s'attendre à être couvés comme on pouvait l'être à Poudlard. Et oui, à nous d'utiliser nos têtes ! J'aime beaucoup ce changement, je dois dire. Il ne s'agit plus d'apprendre pour avoir des bonnes notes, mais pour forger notre savoir professionnel, l'enjeu est beaucoup plus important. »

Le compliment sur ses talents de botaniste lui faisait plaisir évidemment, même si Clemens disait sûrement cela dans le seul but de la réconforter.

« Je vais essayer de l'être en tout cas. Je pense qu'il veut me faire progresser, il avait l'air sincère. Il est une sorte de Mme Chourave, en plus jeune, et plus...beau aussi !" dit-elle en riant.

Mme Chourave était affectueuse comme une tante avec les élèves intéressés par sa matière, mais son nouveau professeur, de part son jeune âge, avait une façon très différente de s'adresser à elle.

Clemens desserra doucement ses bras et s'éloigna à nouveau d'Isolde. Ce changement soudain la fit frissonner et elle s'approcha à son tour de la cheminée, soulevant lentement ses fesses à l'aide ses bras et se repositionnant délicatement devant l'âtre pour ne pas réveiller Endymion toujours sur ses genoux.

Les idées de Clemens pour ses cours étaient très bien trouvées pour ses yeux de néophyte, et elle ne doutait pas que les élèves soient intéressés.

« Je pense que tu auras du succès avec un cours comme ça ! Mettre un peu de challenge, c'est une très bonne idée. Je pense que notre rôle en tant que stagiaire n'est pas de copier ce que fait le professeur, mais bien de proposer des idées différentes et nouvelles. Je compte faire des cours interactifs moi aussi, et j'aimerais beaucoup emmener les élèves en promenade dans le parc pour leur apprendre qu'on ne trouve pas seulement les plantes chez l'herboriste du coin ou dans la serre de Poudlard. Replacer les cours dans leur réalité quotidienne, je pense que c'est un bon point de départ, et la meilleure façon de les intéresser. »

Elle trouvait amusant que, malgré la différence des matières qu'ils allaient enseigner, ils aient eu la même réflexion et soient arrivés à la même conclusion.

« Quelle évolution n'empêche. Tu nous aurais imaginé revenir à Poudlard en tant que stagiaire, toi ? Si on m'avait dit ça il y a deux ans, je crois que j'aurais payé un verre au type en le remerciant de me faire autant rire. »  

Isolde éclata de rire à son tour.

« Ah non, je ne l'aurais pas imaginé du tout ! Surtout pour toi, t'étais un sacré débauché quand je t'ai rencontré ! dit-elle avec un faux air de reproche. Je ne m'imaginais pas professeur du tout. Quand j'étais petite, et ado, je me voyais devenir une baroudeuse, voyageant partout à la recherche de plantes inconnues. Je pensais que ma vie serait aussi excitante que celle d'Indiana Jones, haha ! Mais je tiens à cette idée de vie de voyage, le côté aventurier sexy en moins. Mon prof a vécu comme ça, avant de devenir enseignant. Je ne pense pas que je pourrais m'installer quelque part avant d'avoir fait un grand tour du monde pendant quelques années. »

Clemens changea brutalement de sujet, et les mots qu'il prononça alors l'émurent énormément. Il avait franchi un grand pas en avant, elle en était certaine à présent. Et le risque de rechute s'éloignait d'autant plus. Sa vie reprenait tout son intérêt à ses yeux, et c'était la meilleure chose qu'elle espérait pour lui.

« Tu avais choisi une voie très incertaine, ou beaucoup de gens ont échoué par accident comme toi, sans que leurs capacités doivent être remises en question. Tu étais un très bon joueur, ne doute pas de ça. Je suis très contente que tu commence à accepter ce changement, lui dit-elle, les yeux brillants. Tu as une force de caractère impressionnante. »