Baby it's cold outside [Premier post réservé à Nizar]

Le mois de novembre était probablement le pire mois de l'année. On n'y trouvait plus le charme de l'automne avec ses couleurs éclatantes et ses fin de journées encore tardives, mais on n'y trouvait pas encore l'enchantement de l'hiver avec ses paysages blanc pur et sa frénésie de Noël. Non. Novembre était gris, froid, pluvieux et moche. Mon regard s'était perdu depuis un bon moment déjà dans cette version en noir et blanc du monde, après que j'aie levé les yeux du bouquin que j'étais en train de lire. J'avais tourné mon fauteuil face à la fenêtre dans la salle commune des Sinistros pour pouvoir avoir un peu de clarté, mais rien à faire. Trop gris pour la lecture.

J'ai poussé un profond soupir. Tout ça me mettait de fort mauvaise humeur. Certains de mes camarades Sinistros blaguaient et rigolaient un peu plus loin dans la pièce et alors que d'ordinaire j'aurais été du genre à me joindre à eux, là, j'avais uniquement envie de tous leur scotcher la bouche et de les foutre au fond d'une malle. Tout m'énervait. J'avais besoin d'être seule. Il fallait que je sorte.

Je me suis glissée dans ma chambre pour aller chercher ma veste et de revêtir un foulard et un béret, puis je suis sortie. Le vent m'a fouetté le visage aussitôt que j'ai mis le nez dehors et j'ai presque regretté ma décision. Les mains dans les poches, le cou enfoncé dans les épaules, j'ai marché en regardant le sol et en me traînant légèrement les pieds. Il faisait vraiment froid, mais ça m'aérait le cerveau, ça faisait du bien. J'ai marché en me laissant guider par mes envies et je me suis retrouvée devant la chaumière, un endroit que je n'avais pas vraiment visité depuis mon arrivée à Haveirson. Comme je commençais à avoir carrément froid, j'y suis entrée. L'endroit était désert, mais un feu chauffait la cheminée et dégageait une ambiance agréable et réconfortante. J'ai tout de suite aimé cet endroit. J'ai retiré ma veste, me suis calée dans un fauteuil beaucoup trop moelleux que j'avais tiré devant la cheminée et j'ai fixé les flammes jusqu'à ce que je m'endorme. Je me suis même pas réveillée quand quelqu'un est entré et s'est approché de moi.

Le mois de Novembre était entamé depuis plusieurs semaines déjà. Cette soirée fut particulièrement éreintante pour Nizar, il avait dû finir de rédiger un devoir en Histoire de la Magie. Devoir qui d’ailleurs le rendit insatisfait, comme toujours. Il regagna alors sa chambre en traînant le pas, songeur. Il se glissa dans son lit sans dire un mot à son colocataire.

Pourtant, ce soir là impossible de fermer l’œil. Son cerveau ne daignait visiblement pas se mettre en pause. Parfois, il lui arrivait de faire des monologues, dans sa tête. Non pas qu’il soit schizophrène, mais disons qu’il réfléchissait sans cesse, se posant des questions plus inutiles les unes que les autres. Il se ressassait les scènes qui s'étaient déroulées durant la journée, s’arrêtant sur chaque minuscule petit détail insignifiant pour les autres mais important pour lui.

Trop agité, il enfila rapidement un sweat noir à capuche et gagna le salon de sa confrérie. Quelques élèves y étaient encore présents, pour travailler ou simplement converser supposait-il. Il échangea rapidement quelques mots avec ces derniers et sortit prendre l’air. S’aérer les idées. Main dans les poches, capuche remontée, il marchait dans l’obscurité sans trop savoir où ses pas le mèneraient. Il leva la tête un instant, observa les étoiles. Sirius était si belle cette nuit, elle scintillait de mille feu. Il embrassa ses deux doigts –index et majeur- puis souffla un baiser symbolique en sa direction.

« grande enseignante porteuse de lumière » Murmura-t-il en ancien Persan à l’adresse de l’étoile.

Il aimait contempler les astres, ils avaient toujours guidé leur famille depuis la nuit des temps. Il constata que certaines étaient bientôt alignées, ce qui avait une signification particulière pour eux. Il hocha la tête et continua sa route. Il arpenta le jardin Anglais et s’appuya sur le rebord en pierre, le sourire se dessinant sur son visage. Il se rappelait de cette douce après-midi qu’il avait passé en compagnie de Juliet. Haveirson lui avait tout de même fait rencontrer de merveilleuses personnes. Zigzagant à travers le domaine, son attention se porta sur la chaumière. Tient, elle était éclairée. Curieux, il observa à travers le carreau et vit une silhouette à l’intérieur sur le canapé. Sans un bruit, il se faufila discrètement, passant par la porte d’entrée. Dès lors où il pénétra un vent de chaleur vint lui caresser le visage. Le feu de la cheminait crépitait doucement, quelle sensation agréable. Il s’étira de tout son corps et s’approcha du fauteuil à pas de loup.

Il se tenait là, devant elle. Il avait soudain arrêté de respirer. On aurait pu le confondre avec une statut de bronze tant il n’osait plus faire le moindre mouvement. La fille qui hantait ses pensées depuis son premier jour à Haveirson dormait paisiblement, juste sous ses yeux. Oui il avait manqué de se prendre un mur le jour où il avait posé le regard sur elle. De belles femmes il en avait vu défiler, mais aucune ne dégageait autant de charme que Lanalia.

Ne voulant pas la réveiller, il s’installa discrètement sur un autre fauteuil. Il croisa les jambes et profita du spectacle qui s’offrait à lui. Comme s'il était face à une œuvre d'art.

Totalement trempés sous la pluie, Gareth marchait toujours, tenant une bouteille de whisky d'une main, la vidant un tout petit peu plus à chaque pas tandis qu'il tenait une malle de l'autre main, remplie d'alcool, sa petite réserve personnelle. De l'autre côté du coffre marchait Clemens, portant l'autre côté afin que leur trésor de traîne pas dans la boue. Les deux ne marchaient plus très droit et ils étaient tombés deux ou trois fois, se cognant la tête par dessus le coffre. Mais depuis quelques pas, ça allait mieux. Ils avaient trouvé la combine : les deux compères reliés par la malle faisaient chacun contrepoids de leur côté, leur évitant ainsi de tomber l'un sur l'autre. Encore une idée lumineuse de Clemens ça ! Marchant dans un relatif silence, les deux ivrognes se concentrant sur leurs pas et n'étant pas assez lucide pour penser et discuter en même temps, ils aperçurent bientôt leur destination : la chaumière.

D'ordinaire pas très fréquentée, Gareth y avait vu un endroit où cacher son précieux butin pour ne pas avoir à se trimballer l'imposante malle dans les couloirs du château. Ça aurait été comme se trémousser avec une immense pancarte qu'il se baladait avec des litres et des litres d'alcool sur lui, si les gens ne s'imaginaient pas qu'il escomptait se débarrasser d'un corps inanimé. Une fois arrivé aux abord de la chaumière, Gareth remarqua qu'elle était actuellement fréquentée. Qui pouvait bien se trouver là à cette heure avancée de la nuit ? Sûrement deux amoureux qui exploraient les contours de leurs corps à la découvertes des profondeurs de leurs êtres respectifs, profitant d'un plaisir charnel pour se réchauffer en cette fraîche nuit. Peu importait à Gareth, cela ne l'empêcherait pas d'entrer, et certainement pas dans son état actuel.

Alors plus tombant sur la porte plus que ne l'ouvrant de façon conventionnelle, Gareth entra dans la chaumière tenant toujours le coffre d'une main et entraînant donc Clem à sa suite. Il pensait tomber sur deux jeunes gens nus sur le tapis devant la cheminée (l'image lui fit fondre le cœur le temps d'un instant, que ça aurait été cute! … Ouais ou plutôt un gros cliché quoi), mais le spectacle auquel il assista le choqua même encore plus ! En effet, il y avait bien deux jeunes gens mais déjà ils n'étaient pas nus. Il y avait une petite blondinette assise dans un  pour le fauteuil à côté du feu, emmitouflée dans sa couverture dormant comme un loir, 'fin elle aurait bien pu être nue que Gareth ne le saurait pas (l'idée l'excita un peu). Malgré l'état d'ébriété de Gareth, il ne put s'empêcher d'admirer la jolie fille (ben oui, il y avait des choses qui allaient au delà de l'alcool). Bon sang, c'était qu'elle était mignonne celle-là, le genre de fille qui rayonnait quand elle dormait. De l'autre côté de la petite chaumière, il y avait un jeune homme, habillé lui aussi. Un grand brun, plutôt bellâtre. Gareth n'aimait pas trop de genre de beau gosse qui s'y croyait un peu trop. Mais le pire, c'était qu'il matait clairement la blondinette sans mot dire.

_ Ööh, seltsaaam der Typ ! [Putain trop creepy le mec] Il la regarde dormir avec son air pervers !

Les mots de Clemens étaient allés plus vite que la pensée de Gareth. Bon sang, c'est fou comme ils étaient connectés ces deux-là ! Encore plus quand ils avaient l'alcool pour resserrer leurs liens. Un scénario lui vint en tête et tout en réaction, Gareth sauta sur la blondinette pour la réveiller. Alors qu'il voulait la bousculer un peu pour qu'elle se dégage des bras de Morphée, Gareth, totalement déconnecté de la réalité à cause de l'alcoolémie la secoua plutôt énergiquement comme un sac à patates.

_ Hé réveille-toi !

La jeune fille émergea peu à peu. Bien, Gareth pouvait maintenant la prévenir du danger qui la guettait.

_ Heu, tu feras gaffe meuf, y'a ce gros pervers qui te regarde dormir au calme, sans pression. J'pense qu'il comptait te violer.

L'esprit totalement embrumé par l'alcool, il ne s'était pas dit que si l'autre bonhomme avait voulu, il aurait eu tout le temps de le faire plus tôt, et que plein d'autres scénario plausibles existaient quant à cette situation. Mais bon, quand on parle à un bourré, faut pas trop lui en demander hein. C'était déjà pas mal qu'il ait eu la présence d'esprit de sauver une jeune fille qui lui semblait en détresse. Ahlala, même bourré, Gareth restait fidèle à lui-même, ce chevalier blanc volant au secours de la veuve et de l'orphelin, de tous les opprimés de cette basse terre ! Nul doute, Gareth était un homme en or !

_ Euh mec, en fait, peut-être qu'ils se connaissent aussi sinon, voire même qu'ils sont ensemble.

Bon sang, c'est qu'il était futé ce Clem, une vraie lumière. Une bouffée de gêne lui monta au visage. Oh le con... Ahem, comment se sortir de cette situation totalement awkward ? Autant la jouer cool. Il s'éclaircit la gorge et afficha un air aussi serein qu'un mec totalement bourré à la sortie de l'apéro pouvait le faire.

_ Euh... Désolé pour l'intrusion, on passait juste ranger le... « matériel d’irrigation ». C'était pas totalement faux, fallait juste savoir ce que le contenu du coffre permettait vraiment d'irriguer. Mais on reste pas, amusez-vous.

Rangeant la malle remplie d'alcool dans un coin de la chaumière, Gareth et Clemens s'en retournèrent vers la porte d'entrée.

_ Par contre meuf, j'espère que tu le connais ce bonhomme. Parce que sinon, ça veut dire qu'il s'est ramené pendant que tu dormais et qu'il t'as maté pendant tout ce temps sans rien dire. Alors soit tu le connais, soit c'est quand même un sacré pervers ! 'fin moi je serais toi je lui ferais pas confiance quoi. J'dis ça, j'dis rien...

Sûr de son effet, Gareth s'extirpa de cette situation gênante avec Clem, un léger sourire sur les lèvres, peu importait que les deux jeunes étudiants se connaissent ou pas, mais si ce n'était pas le cas, il venait certainement de casser l'ambiance. Tant mieux, peut-être que Gareth pourrait revoir cette jeune blondinette un jour et lui parler... Enfin s'il se souvenait de sa tête d'ici demain... Ohlala, la gueule de bois qu'il allait se taper. Il faudrait impérativement qu'il pense à boire de l'eau avant de sombrer dans l'inconscience du sommeil.

Bah, il aurait tout le temps de penser à ça plus tard, la nuit ne faisait que commencer, il le sentait. Pris d'un élan d'affection pour son compère, Gareth donna une tape amicale dans le dos de son sacré Clem's, manquant de les faire tomber tous les deux, ayant mal jaugé sa force et leur équilibre précaire.

_ Allez garçon, d'autres aventures nous attendent.

Il en était convaincu.

J'étais un peu dans le brouillard. Je commençais à rêver. Complètement dans ma bulle. Vous imaginez ma surprise et la mini crise cardiaque que je me suis tapée quand un grand blondinet à l'haleine d'ivrogne m'a secouée comme un prunier pour me réveiller, en me criant à la figure. Quoi ? Un mec qui voulait me violer? J'étais complètement à côté de la plaque, incapable de mettre mes idées dans le bon ordre. Je me suis tournée vers la personne qu'il indiquait et j'ai vu Nizar Khashayarsha. Cheveux bruns taillés à la mode, moustache et barbe de quelques jours, mâchoire carrée, épaules bien définies... Cette image, alors que j'émergeais de la brume de ma sieste, m'a fait ouvrir de grands yeux verts étonnés et, il fallait bien dire, ravis. Car Nizar, que je connaissais peu mais que j'avais pu côtoyer à quelques reprises, représentait en tous points mon genre de mec. Et chaque fois que je le voyais, je me sentais irrésistiblement attirée.

- T'en sais rien, peut-être que je serais ravie qu'il me viole... ai-je marmonné, trop bas pour être entendue, trop endormie pour me censurer.

Les deux gars, dont l'un était Clemens que je connaissais un peu et que j'avais côtoyé à Sinistros, avaient l'air complètement saouls. Je les regardais en alternance pendant qu'ils tergiversaient à savoir si je connaissais Nizar ou pas. J'ai regardé ce dernier avec un visage amusé. Le blondinet que je pensais avoir vu à Phénix termina par un conseil que je trouvai fort édifiant.

- Merci les gars, promis je ferai attention! j'ai déclaré, en me levant de mon fauteuil pour les raccompagner tranquillement jusqu'à la porte après qu'ils aient rangé leur malle.

J'ai fait un signe de tête à Clemens pour le saluer, mais lui aussi semblait fortement sous l'effet de l'alcool. Ça n'empêchait pas ses yeux d'être les deux plus belles choses que j'avais jamais vues. Quand ils sont sortis, j'ai fermé la porte derrière eux et je me suis adossée à celle-ci, en regardant le grand ténébreux qui m'avait observée pendant que je dormais. Ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai réalisé que mon visage était probablement rouge cerise. J'ai légèrement balbutié avant de réussir à prendre la parole.

- Bonsoir...

J'ai rigolé un peu, comme une idiote, avant de pointer du pouce la direction que les deux hommes avaient prise en partant.

- Un sacré numéro ces deux-là!...

Et je me suis raclé la gorge, timidement, avant de retourner vers le fauteuil où je m'étais endormie. Je m'y suis rassise, devant lui, et j'ai fait la seule chose que je savais faire quand je commençais à être trop timide, j'ai fait comme si de rien n'était et j'ai essayé de renvoyer la balle dans son camp en tournant l'attention vers lui.

- Tu m'as regardée dormir longtemps ?

Mes yeux se firent perçants, mais mon sourire était toujours là, éclairant mon visage.