Avant le couvre feu

- Tu as raison, murmura-t-elle doucement, une fois qu'ils furent sortis de la salle commune.

Presque immédiatement, Malva relâcha le bras de Cyril, et se dirigea vers la tour d'astronomie, silencieuse pendant un bon moment. Puis elle finit par lâcher du bout des lèvres :

- Alexandre a l'air d'être un garçon gentil. Un peu... étrange, je te l'accorde, mais gentil.

Elle se demanda si elle devait lui faire une remarque pour sa gaffe ou non, puis décida qu'en fin de compte ce n'était sans doute pas la peine. Il avait tout compris avec son regard, autant ne pas en rajouter une louche. Les deux Gryffondors commencèrent à gravir les escaliers de la tour d'astronomie ensemble. Elle fronça légèrement les sourcils avant de poursuivre d'un ton sec mais prudent :

- Papa et maman insistent eux aussi pour que je me fasse des amis, mais c'est trop dangereux. Tous ceux que j'ai rencontrés jusqu'à présent sont des sangs-de-bourbe, et tu sais très bien à quel point ces gens-là nous mettent dans une situation instable ces derniers temps. Si en revanche tu connais des gens fréquentables, je suis intéressée.

Silencieusement, Cyril emboîta le pas de son amie en direction de la tour d'Astronomie, premier lieu calme que l'on rencontrait en sortant de leur salle commune. Il se pinça les lèvres avec un brin d'amusement à l'évocation de " l'étrangeté " de ce pauvre Alexandre. Après tout, selon le point de vue d'une majorité d'élèves, c'était plutôt Malva qui était étrange et son ami qui était un garçon normal. Bien qu'un peu violent pour son âge, peut-être. Il se garda néanmoins d'exprimer cette pensée de la sorte, de peur de brusquer la jeune fille à nouveau. C'était déjà suffisamment difficile de discuter avec elle.

" Il a l'air de beaucoup se préoccuper de toi, en effet. C'est bien que tu aies quelqu'un comme lui dans ton entourage. "

La seconde remarque le fit frémir. D'un coup d’œil inquiet, il scruta leurs arrières. Évidemment, personne ne se trouvait dans les escaliers à part eux mais Poudlard était rempli d'oreilles indiscrètes. Un simple fantôme pouvait être le départ de rumeurs fortement nuisibles à un élève. Cyril cessa son ascension et abattit une main ferme sur l'épaule de Malva, afin de la tourner vers lui.

" Tu ne peux pas te permettre d'exprimer des pensées pareilles, Malva ! " l'apostropha-t-il d'un ton sec. " Qu'est-ce que tu penses donc, que toutes les personnes avec des ascendants moldus veulent notre mort ? Plus tu te différencies d'eux, plus tu te fais remarquer. Et qui devient une cible, d'après toi ? "

Son regard brillait d'indignation et de fureur à la fois. Il ne pouvait contredire entièrement son amie. Techniquement, si les sang-purs ne s'étaient jamais mêlés aux Moldus, la situation politique actuelle ne serait pas misérable. Néanmoins, de là à mépriser chaque sorcier "différent"... il y avait un monde. Cyril reprit son ascension, ses pensées voguaient sur d'autres conversations, semblables, qu'il avait eu avec Lucy. Ses idées l'inquiétaient un peu, mais il se demandaient également fréquemment ce qu'une pleine coopération avec la société moldue pouvait leur apporter.

" Les attaques causent bien assez de torts à la société magique en général pour que nous nous divisions. "

Son ton manquait néanmoins de conviction. Il détestait prendre position.

En voyant sa colère se manifester, la petite Ecossaise s'arracha à l'emprise qu'avait sa main, fermement accrochée à son épaule, et se recula vivement, dans l'ombre des escaliers. Cyril avait toujours été chaleureux et amical avec elle, et il révélait un aspect qu'elle ne connaissait pas de lui. En ayant passé cet été ensemble, après avoir appris les malheurs qui étaient advenus aux Evans, la Gryffondor avait tout naturellement subodoré qu'ils partageaient les mêmes sentiments que ceux qu'elle entretenait à l'égard des Moldus - sentiments qui d'ailleurs s'étaient intensifiés exactement cet été-là, quand elle avait vu ce qui leur était advenu.
Le sujet n'avait jamais été abordé. Jusqu'à maintenant. Fermement plaquée contre le mur de pierre froide, les yeux grands ouverts de stupeur, Malva bégaya enfin :

- Je... je ne comprends pas... comment peux-tu tenir de tels propos alors... alors que tu...

Ne parvenant pas à finir sa phrase, elle murmura, pressée et insistante, en se penchant vers lui :

- Tu sais ce que je veux dire !

Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et se força à les retenir en reniflant violemment. Le choc succéda bientôt au doute, et, en tremblant, elle s'empara de sa main pour lui faire gravir les quelques marches restantes avant la salle d'astronomie, et referma soigneusement la porte derrière eux.
Cette pièce avait été très habilement choisie par Cyril. Malva ne supportait pas l'astronomie et ne comprenait pas l'extase que certains de ses camarades éprouvaient durant les leçons du professeur Céleste, qui selon elle s'approchait davantage de la mystique que d'une science fiable et concrète. Ceci dit, il fallait bien admettre que le plafond, qui laissait apparaître la voûte étoilée de jour comme de nuit, n'était pas sans avoir quelques charmes...

Malva s'assit sur un banc rembourré et fixa son interlocuteur avant de murmurer, une boule au creux de l'estomac à cause de cette petite voix au creux de l'oreille qu'elle ne parvenait pas à chasser et qui lui susurrait que peut-être - peut-être - elle se trompait :

- Je sais que tu as dit ça parce qu'on pouvait nous entendre. Je suis désolée, tu as raison, je devrais être plus prudente.

Cyril s'était attendu à une riposte violente de sa jeune amie. A la place, il découvrit ses traits déformés par la surprise, comme si ses repères s'étaient soudainement écroulés. Sa réponse se fit hésitante, bégayante, bien loin de la superbe que l'on connaissait habituellement de Malva Stark. Avec un soupir, le Gryffondor hocha la tête puis reprit son chemin vers le sommet de la tour. Évidemment qu'il savait ce qu'elle voulait dire. Ils n'avaient certes pas été éduqués de la même façon, mais par des gens semblables tout de même. Le monde magique berçait son essence et celle de sa famille, et malgré ses doutes, il ne pouvait pas entièrement remettre en cause les positions anti-moldus. C'était une réaction compréhensible, et presque naturelle...

Sans un regard pour son amie, il détailla un instant la pièce, dont l'aspect semblait si différent, de nuit. Il n'était que peu sensible à l'onirisme des étoiles et à la passion mystique dont faisait preuve leur professeur. Néanmoins, il appréciait cet endroit peu fréquenté, souvent mis à l'écart par les rondes de préfet et si facilement accessible pour les Gryffondor. Derrière lui, la petit voix de Malva lui parvint à nouveau dans un souffle. Cyril chercha une place pour s'asseoir face à elle, et lui répondit d'une voix plus douce qu'auparavant.

" Peu importe ce que j'en pense vraiment, c'est d'abord pour toi que je m'inquiète. Tu dois faire attention avec qui, et quand, tu exprimes tes opinions. "

Pour chaque jeune élève, Poudlard paraissait comme un monde fascinant, nouveau et plein d'opportunités. Un lieu où tout semblait être si simple, sorciers entre sorciers, aux mêmes envies et aux mêmes buts. La réalité en était cependant tout autre. La grande porte du château n'était pas un obstacle à la politique des adultes.

" C'est difficile de trouver un équilibre entre ce que tu penses et ce que tu parais. Je me fais du soucis pour toi, Malva. Ce n'est pas une bonne chose que tu t'exclues de tes camarades de première année. C'est n'est pas une bonne façon de se faire remarquer. "

Il lui adressa un sourire qui se voulait réconfortant et il vint le rejoindre sur son banc, dans une attitude plus fraternelle.

[HRP : En ce qui me concerne, on peut laisser ce RP "en plan" jusqu'à ton retour. Je pense que chronologiquement, il ne posera pas de problèmes. Mais si tu veux le finir avant ton départ, ça me convient aussi ;).]

La petite écouta Cyril sans mot dire, toute penaude. Elle était mal à l'aise, et pourtant, cette entrevue lui permettait également de se dévêtir du manteau de prudence qu'elle devait arborer chaque jour à Poudlard, pour révéler le louveteau en dessous.

- Je ne cherche pas particulièrement à m'exclure, tu sais... Enfin, je veux dire... pas vraiment...

"Papa parlerait exactement comme Cyril s'il était là", soupira-t-elle intérieurement. Maintes fois ses parents l'avaient-ils priée par hibou de tenter de s'intégrer, de se faire des amis - de se trouver une meute. Malva n'aimait pas ça - on avait une confiance parfaite en une meute, et tous les premières années qu'elle avait pu rencontrer jusqu'à présent étaient des nés-moldus, bien trop dangereux pour elle en d'autres termes.
Elle s'essuya sur sa manche en reniflant bruyamment.

- Je fais comme Maman m'a dit. Je fais toujours attention à être polie, je dis toujours bonjour et merci et...

Elle sentit sa gorge se serrer et s'interrompit. Même si celle-ci n'avait pas été née-moldue, elle savait qu'elle n'aurait pas pu être amie avec Gwen. Celle-ci semblait se trouver à des lieux de distance d'elle, dans son monde, inconsciente de tous les dangers qui les entourait. Malva avait pitié d'elle. Malva l'enviait.
Quant à Roxane... le coeur de la Gryffondor se serra. Auraient-elles pu être amies, si la Poufsouffle avait été de plus noble naissance? Elle grimaça, connaissant la réponse.

- Tous les premières années que je connais sont des sangs de bourbe, déclara-t-elle, énonçant ce dernier mot comme s'il était des plus anodins. Si je devenais amie avec eux, ils finiraient par découvrir que... enfin, tu sais. (Elle marqua une pause, puis grogna). Et de toute façon, c'est trop tard. Depuis que cette méchante femme a dit devant tout le monde que ma famille soutenait les mangemorts, plus personne ne veut s'approcher de moi.

À nouveau, elle sentit les larmes lui monter aux yeux et serra les dents.

[HJ : Pas de soucis ! Je t'avais dit que ça ne me dérangeait pas, et puis je l'attendais depuis si longtemps ce topic avec Malva ! Ca me fera mal qu'on ne le finisse pas :) ]

Légèrement interdit, Cyril écouta la petite parler, laissant un instant le silence s'établir entre eux. Il avait un peu de mal à croire qu'elle ne cherchait pas volontairement à s'exclure. Durant l'été, il avait pu constater à quel point elle pouvait être difficile à aborder, ce qu'il fallait prouver pour obtenir sa confiance et un peu d'ouverture. Et encore, lui était sang-pur et d'une famille amie à la sienne. Cependant, il pouvait aussi comprendre qu'on ne pouvait changer en quelques jours. L'arrivée dans cette grande école restait un bouleversement, même pour les enfants issus d'un milieu sorcier. Les codes, les habitudes étaient chamboulés et chacun se trouvait devant la lourde tâche de se redéfinir.

L'adolescent posa un bras autour des épaules de Malva, dans un geste de réconfort. Maintenant qu'ils étaient loin des regards intrusifs, il osait espérer qu'elle ne se formaliserait pas de ce geste familier. Peu importe le lien étrange qui les unissait à présent, il était régulièrement surpris par ses réactions... Dans un sens, comme dans l'autre.

" Je me doute que cette situation ne doit pas être très agréable pour toi non plus... Mais essaie de passer un peu au dessus de ces histoires de sang. Tu te fais plus de mal que de bien. "

Il était conscient que sa tentative de réconfort était maladroite. D'une part, parce que son amie avait été élevée dans ce moule et qu'elle n'avait pas inventé la pression de ses origines pour le plaisir, ensuite... parce qu'il était beaucoup plus libre qu'elle. Son statut de sang-pur n'avait jamais été extrêmement présent dans son quotidien, car sa famille n'était pas ce qu'on pouvait appelé des aristocrates. Il avait en quelque sorte cette chance de pouvoir jouer sur deux tableaux.

" Je ne peux pas croire qu'il n'y ait que des nés-moldus en première ? Et cet Alexandre, alors ? "

Cyril avait tiqué sur les sang-de-bourbes mais choisit de laisser couler pour cette fois. On ne pouvait batailler deux dragons avec une seule épée, et essayer de socialiser Malva tout en la protégeant et sans la mettre en porte-à-faux avec son ascendance était déjà assez compliqué. Sa dernière remarque l'avait beaucoup plus frappé en revanche, et il sentait la colère monter en lui. Quelle idiote avait donc osé s'exprimer de la sorte, en public, à propos d'une élève de première année !?

" Que s'est-il passé ? "

Sa voix se voulait douce et réconfortante à nouveau, mais il ne put effacer complètement le léger tremblement de colère qui vint perturber ses mots.

Instinctivement, elle se raidit lorsqu'il lui passa un bras autour des épaules, et parvint à temps à contenir un mouvement de recul. "Respire", s'intima-t-elle vertement, "respire, ce n'est qu'un geste amical". Elle expira, laissant ses épaules s'affaisser légèrement.

"Du calme, Petit d'Homme. L'Encroûté de Neige est toujours un peu pataud, mais il ne te veut pas de mal, ou je l'aurais déjà dévoré."

Le trait, parvenu à son esprit dans un grognement tranquille, lui arracha un sourire et lui fit monter une bouffée de chaleur au creux de l'estomac. L'Encroûté de Neige... le surnom de Cyril, donné par Shell, était aux yeux de la jeune Stark si bien choisi qu'elle-même se surprenait parfois à penser à son aîné en l'utilisant. De fil en aiguille, elle en vint à se demander quelle serait sa réaction s'il l'apprenait. Il serait amusé, sans doute, rien qui ne puisse le blesser après tout, mais parler de ce surnom voudrait dire évoquer son amie, et là, que se passerait-il? Cyril se montrait toujours protecteur avec Malva, il l'avertirait probablement des dangers que représentaient le fait d'avoir un loup sauvage dans la forêt interdite, surtout pour une première année. Et il la surveillerait, pour s'assurer qu'elle n'y retournerait pas. Non, il ne comprendrait pas; elle ne pouvait pas lui en parler.

" Je ne peux pas croire qu'il n'y ait que des nés-moldus en première ? Et cet Alexandre, alors ? "
- Alexandre...?

Malva sortit de ses pensées et le fixa bêtement. Elle ne s'était jamais attardée sur la naissance d'Alexandre, mais force était d'avouer que connaître l'origine de ses camarades était souvent un sujet qu'elle n'abordait pas d'elle-même, parce qu'elle ne désirait pas que l'on s'intéresse aux siennes. Toutefois, maintenant qu'elle y repensait, Alexandre avait mentionné qu'Aurus vivait avec lui avant même qu'il arrive à Poudlard, ce qui impliquait qu'il n'était pas né-moldu.

- Je ne sais pas trop... À dire vrai, le sujet est un peu délicat à aborder..., termina-t-elle avec un petit sourire douloureux.

Avec un brin de colère dans la voix qu'elle ne manqua pas de percevoir, il lui demanda de raconter sa mésaventure. La première année se mâchouilla nerveusement la lèvre inférieure, tout en entortillant une mèche de cheveux bruns autour de son index droit.

- Il y a deux semaines, je suis tombée dans les escaliers du grand hall. J'ai atterri dans les jambes d'une femme blonde, qui apparemment était une ancienne Gryffondor. Je n'ai pas tout compris, j'étais trop sonnée par ma chute mais... j'ai vu qu'elle était habillée comme une Moldue alors j'ai paniqué...

En prononçant ses mots, elle s'empourpra violemment, s'attendant à la réponse de son aîné, et elle reprit précipitamment:

- Je sais bien que c'était stupide, mais... mais... avec tous les événements récents, qui sait si Poudlard ne pourrait pas être pour de bon pris par les Moldus, ou par les sbires de Méphisto Phélès? (Un frisson lui parcourut l'échine, lui hérissant les petits cheveux de la nuque en prononçant ce nom). Quand elle m'a prouvé qu'elle était une sorcière, je lui ai dit que sa tenue était inadaptée à Poudlard, alors elle a répondu que ça ne dérangeait que les familles qui soutiennent Tu-Sais-Qui.

La gorge nouée de nouveau, elle évita soigneusement son regard, s'attaquant désromais au bas de sa jupe, qu'elle plissa nerveusement dans la paume de ses mains, tout en fixant le sol avec obstination.

Le raidissement de la petite fille ne lui était pas passé inaperçu, mais il n'en fit rien. Maintenant qu'il était de retour à Poudlard, il ne voyait plus pourquoi il devrait faire attention au moindre détail de son comportement. Lorsqu'il vivait comme invité chez les Stark, c'était justifié. Par contre, le château, c'était son terrain de jeu. Cyril se contenta donc de sourire d'un air qu'il voulait apaisant. Malva sembla d'ailleurs se rassurer un peu. Dans la pénombre, il put distinguer le bord de ses lèvres se retrousser un peu. Peut-être parviendrait-elle à s'habituer aux étranges conventions sociales qui régnaient ici et même à y trouver sa place ? Il l'espérait.

L'adolescent serra son amie légèrement contre lui, puis reprit un peu de distance. Il crevait d'envie de lui demander pourquoi parler d'Alexandre était si compliqué. Néanmoins, il se doutait également qu'il ne pourrait pas vraiment l'aider. Ses problèmes n'étaient pas les siens et il avait trop souvent du mal à les comprendre. Pour autant, ce n'était pas une raison pour rester silencieux.

« Hmm… Tu sais où me trouver si tu veux en parler. Et je ferais de mon mieux pour t'aider. »

Cyril voulait retrouver une note positive, mais les confidences qui restaient encore à venir ne le permettaient pas. Le trouble se lisait clairement sur le visage de la petite fille. Cela ne l'aida pas à contenir la colère qui montait en lui. Le début de l'explication était assez cohérent, et il savait que des stagiaires étaient arrivés à Poudlard quelques jours plus tôt. Même si en soi, ce n'était pas très malin de leur part de se pointer habillés comme des moldus quand les journaux étaient couverts de rumeurs les plus abracadabrantes les unes que les autres. L'adolescent respira un grand coup.

« Cette femme est donc une pauvre idiote ! Tu as eu raison Malva, personne ne devrait se promener dans le château habillé comme un moldu. Même si on les aime bien, il y a des limites à ne pas dépasser ! »

Ses propres mots le surprirent un peu. Bien qu'il soit lui-même plutôt bien disposé envers les moldus, il devait reconnaître que ni les actions, ni les paroles de cette inconnue ne plaidait en faveur d'une grande d'intelligence. Sans compter le fait que la tenue était un des points du règlement intérieur… Si seulement il avait cru utiliser cet argument là de manière volontaire un jour. Pour une fois, il ne pouvait donc que reprendre pour la petite fille.

« Il faut éviter ce genre de gens, si ils sont tous comme ça en première année, je comprends mieux tes difficultés. Mais on va bien réussir à te trouver des amis fréquentables, tu verras ! En dehors de ça, tu arrives à t'occuper, j'espère ? Comment se passe tes premiers cours ? »

« Cette femme est donc une pauvre idiote ! Tu as eu raison Malva, personne ne devrait se promener dans le château habillé comme un moldu. Même si on les aime bien, il y a des limites à ne pas dépasser ! »
- Elle me fait peur, Cyril, souffla-t-elle à voix basse, jetant des regards éperdus alentours comme si l'intéressée s'apprêtait à apparaître subitement. Au début je pensais qu'elle serait en simple visite ici, mais je l'ai déjà recroisée dans les couloirs. Apparemment, elle travaille à l'infirmerie...

Au fur et à mesure qu'ils parlaient (et que l'heure tournait), l'appréhension dans laquelle la jeune Gryffondor s'était drapée commençait à s'atténuer. Elle avait, il était vrai, passé la majeure partie de l'été à considérer Cyril et sa jeune soeur Lucie avec une certaine distance - mais à présent qu'ils étaient tous à Poudlard, elle se rendait compte de son erreur: les Evans étaient probablement les seuls alliés potentiels qu'elle avait. Et le jeune homme lui avait déjà montré qu'il ne lui voulait aucun mal, même si le fait était loin d'être aussi évident avec sa jeune soeur... Elle fronça légèrement les sourcils. Malva avait l'impression de n'avoir fait que se plaindre depuis qu'elle était là avec Cyril, et cela l'exaspérait. Il fallait qu'elle se reprenne, d'autant plus que "l'Encroûté de Neige" prenait son parti concernant les première années.

- Ça se passe... eh bien, malheureusement je ne maîtrise toujours pas un seul sort. Enfin, le professeur Chourave est naturellement très fière de moi mais... je m'ennuie un peu pendant ses cours, et quand il s'agit de lancer un "expelliarmus", je ne suis bonne qu'à faire exploser les vitres. Le professeur Rogue a retiré cinquante points à Gryffondor à cause de moi la dernière fois, grommela-t-elle avec amertume.

La maison au lion était à plus de mille point derrière Poufsouffle et Serdaigle. Certes, ils devançaient Serpentard de loin mais... dès qu'elle passait devant les sabliers, la sang pur ne pouvait s'empêcher de ressentir un profond malaise qui lui tordait l'estomac, un peu comme... de la culpabilité, peut-être?
Machinalement, elle sorti sa baguette. Vingt centimètres, sa baguette était d'un blanc immaculé, en bois de barral, avec de très fines et imperceptibles rainures rouges qui la parcouraient, comme les veines d'une main. D'après Ollivanders, elle contenait une plume de corbeau. Comme par défi, elle plaça son index à l'extrémité. Rien ne se produisit.

- Désolée, je ne fais que parler de moi, déclara-t-elle à mi-voix. Que deviens-tu?

L'infirmerie n'étant pas le lieu où les élèves se rendaient le plus souvent, ni avec le plus de plaisir… Ce n'était pas plus mal que la stagiaire s'y trouve. Cyril ne savait d'ailleurs toujours pas quoi penser de ces nouveaux stages. Il n'avait jamais entendu parler de telles pratiques auparavant, c'était donc de toute évidence lié à l'ouverture de l'université. Il n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer l'un des nouveaux venus, mais il continuait à se demander si ces gens tout juste sortis de Poudlard était vraiment compétents pour leur enseigner quelque chose.

« Au moins, elle se trouve à l'infirmerie, elle ne devrait pas être trop difficile à éviter ! J'ai entendu dire que nous allons avoir des stagiaires en botanique ou en métamorphose également. Je me demande ce que ça va donner… Mais bon. Espérons que ces rumeurs faiblissent et que tu ne doives pas aller voir Madame Pomfresh prochainement. »

Le Gryffondor l'écouta parler des cours avec une légère grimace. Autant qu'il s'en souvenait, sa première année n'avait pas été la plus passionnante de son cursus. Pendant les premiers mois, il s'était senti complètement incapable avec une baguette magique, comme si l'objet refusait obstinément de lui obéir. La frustration qui naissait hors de ces expériences ne l'avait évidemment pas aidé à intégrer les rudiments de la pratique magique.

« Ne t'inquiète pas, c'est délicat pour tout le monde au début. Je me souviens n'être pas vraiment arrivé à quelque chose avant le mois de février de ma première année. Avoir de bons résultats en botanique c'est un beau début, beaucoup d'élèves ne s'en sortent pas bien dans cette matière. »

Certes, venant de la part d'un cinquième année qui était loin d'être le plus brillant, le propos n'était peut-être pas vraiment réconfortant. Néanmoins, il contenait une certaine part de véracité.

« Quant à Rogue, il est profondément injuste avec tout le monde, sauf les Serpentards. Éternuer en cours suffirait à te faire perdre des points… Ne te mets pas martel en tête, personne ne peut rien contre lui. »

Cyril avait lui-même fait perdre un nombre incalculable de points à sa maison à cause de ses frasques lors des cours de potions. Il n'appréciait pas du tout cette matière et n'avait aucune affinité avec les mélanges visqueux qui glougloutaient au fond des cachots. Depuis l'arrivée de Slughorn, les choses s'étaient un peu améliorées, mais vraiment pas de beaucoup.

L'adolescent suivit des yeux les gestes de son amie, intérieurement fasciné par cette baguette si particulière et si étrange. Il n'en avait encore jamais vu de semblable et il dut résister à la tentation de tendre la main pour la toucher.

« Je ne suis pas le meilleur en ce qui concerne les sortilèges, mais je peux t'aider à t’entraîner de temps en temps, si tu veux. »

Sa voix ne sonnait pas entièrement convaincue, bien que la proposition soit sincère. Il ne savait pas trop quoi dire pour l'aider à progresser. Son domaine était – étonnement – les Soins aux Créatures Magiques, matière dans laquelle il excellait. Cependant, il n'était pas prêt de pouvoir accompagner Malva dans l'apprentissage de cette matière. Heureusement, sa question le sortit de son pétrin intellectuel, en plus de lui arracher un sourire. Quand elle voulait, hein.

« Tout va plutôt bien, de mon côté. Je suis ravi d'avoir repris les cours avec Hagrid, les créatures qu'il nous présente sont toujours plus passionnantes les unes que les autres. Je sais que c'est un peu tôt, mais tu devrais prendre choisir ce cours en troisième année ! La dernière fois, on a même pu approcher des Sombrals, tu te rends compte !? J'ai eu le droit de voler sur l'un d'eux, c'était une expérience fantastique… Voir le château d'en haut, survoler le parc et le lac... »
Il s'interrompit. Quand il était question de sa matière préférée, il avait toujours tendance à se laisser aller à un enthousiasme débridé, sans prendre en compte que son interlocuteur ne partageait sans doute pas son point de vue.

« Enfin, sinon, c'est comme d'habitude, les BUSEs en plus, quoi. J'espère que ça se passera bien… Tant de choses en dépendent, et je n'ai aucune idée de ce que je vais faire plus tard. »

Cyril haussa les épaules d'un air dépité. La perspective de passer des examens était vraiment très loin de le réjouir.

"Espérons que ces rumeurs faiblissent et que tu ne doives pas aller voir Madame Pomfresh prochainement."

Malva eut un léger rire sans joie et, d'instinct, sa main se porta à son avant-bras droit, ou demeurait une longue cicatrice blanchâtre, comme un coup de bec. La dernière fois, elle avait pu compter sur Alexandre, et sur beaucoup de chance, mais avec ses excursions fréquentes dans la forêt interdite, rien n'indiquait qu'elle n'aurait pas à y retourner tôt ou tard. L'apprentie médicomage ou Shell, il fallait choisir. Et ce choix était somme toute déjà fait dans l'esprit de la première année.
Elle salua d'un petit signe de tête en guise de remerciement ses encouragements pour les cours, même si ce qu'il lui déclara à l'égard de Rogue lui arracha un pincement de lèvres mécontent. C'était ce que tous les Rouges et Or lui avaient dit jusqu'à présent; néanmoins, la jeune Stark ne comprenait pas ce fatalisme dans lequel sa maison s'était enfermée vis-à-vis du directeur des Serpentard. Pourtant, les lions étaient supposés être les plus fortes têtes, les plus déterminés de Poudlard, pas vrai? Quelqu'un n'avait-il jamais essayé de protester contre la profonde partialité du professeur de potions de Poudlard?

« Je ne suis pas le meilleur en ce qui concerne les sortilèges, mais je peux t'aider à t’entraîner de temps en temps, si tu veux. », reprit son ami. Ce à quoi elle répondit en levant les yeux vers lui, les yeux brillants, pleine d'espoir. Cyril venait sans doute de se mettre lui-même dans la bouse de dragon...

Elle l'écouta timidement, mais étouffa un grognement lorsqu'il lui parla de prendre Soins aux Créatures Magiques en troisième année. La petite n'avait jamais vu un Sombral de sa vie et était intimidée à l'idée de voler à califourchon dans la vide, mais il y avait une autre créature avec laquelle elle ne voulait plus avoir grand-chose en commun, même si celle-ci avait contribué à lui sauver la vie il y avait deux mois.

- Hmpf... les hippogriffes sont des sales bêtes, marmonna-t-elle, grognon, la main toujours sur son avant bras. Elle releva la tête vers lui. Plus tard, tu pourrais peut-être partir à la recherche de nouvelles créatures magiques disparues ou en voie de disparition! En plus tu as ce côté un peu aventurier, je suis sûre que tu adorerais trouver toi-même le monstre du Loch Ness, pas vrai?

Elle étaya son conseil d'un petit sourire. Il était vrai que Cyril avait un bon feeling avec les animaux, et Shell l'aimait bien. Lui en parler, ou ne pas le faire...? Telle était la question.

Cyril répondit d'un signe de tête déterminé au regard plein d'espérance de son amie. Il n'était peut-être pas le grand-frère qu'elle aurait rêvé d'avoir, mais il s'était rapidement promis de tout faire pour l'aider durant sa vie à Poudlard. Sa propre petite sœur en était jalouse ; mais ils s'éloignaient tant depuis l'été… En Malva il avait retrouvé une autre personne à protéger et à accompagner. Son caractère sauvage ne l'avait pas accepté d'entrée, néanmoins, elle reconnaissait son expérience. Lucy essayait toujours plus de s'affranchir de son aîné, sous de prétextes qu'il trouvait lui pour le moins effrayant. Le fait qu'ils ne soient pas dans la même maison et ne poursuivent pas les mêmes valeurs ne les aidaient de toute évidence pas à être proches.

La réaction de son amie face à sa seconde suggestion n'était, par contre, pas du tout celle qu'il aurait imaginé. Enfin, il pouvait concevoir de raisons pour ne pas aimer les hippogriffes, son enthousiasme pour les créatures magiques était par contre plutôt inattendu. Si il avait pensé entendre Malva lui suggérer des opportunités de carrière ! Cela le rasséréna. C'était une preuve qu'elle se préoccupait de leur lien et ne l'acceptait pas uniquement dans son entourage car il était sa seule connaissance rencontrée en dehors de Poudlard.

« Les hippogriffes sont très nobles et délicats, mais c'est pour ça qu'ils sont fascinants ! J'aime beaucoup les étudier… Je me demande si dresseur ne serait pas une bonne idée, pour plus tard. »

Le souvenir de sa conversation avec Rachel à la volière revint flotter un instant dans son esprit.

« Mais ta proposition est à retenir aussi… A vrai dire, tout ce que je sais, c'est que je veux travailler en extérieur avec des créatures magiques ! Rester bloquer dans un bureau au Ministère de la Magie ou je ne sais quoi, très peu pour moi ! »

Cyril observa la petit fille d'un air songeur. Son attitude avait soudainement changé du tout au tout. De la peur face à la stagiaire, à l'enthousiasme sous-jacent au sujet des animaux. L'expression de son visage était clairement différente, sans qu'il ne parvienne à déterminer ce qui avait bien pu provoquer ce changement radical.

« Tu penses à quelque chose ? »

Elle eût un grognement inaudible en écoutant sa réflexion sur les hippogriffes. Et pourtant, sa conscience lui soufflait que Cyril avait entièrement raison. Mais ici, seule la mauvaise foi de Malva parlait. Dans tous les cas, elle avait encore deux ans pour réfléchir aux options qu'elle prendrait en troisième année, tout comme de changer ou non son opinion sur ces créatures.
La Gryffondor acquiesça profondément lorsque son aîné lui déclara que les bureaux n'étaient pas faits pour lui. Il ne fallait pas beaucoup le connaître pour s'en rendre compte, et sur ce point, les deux élèves se rejoignaient encore. Il avait toujours paru évident à Malva que plus tard, elle exercerait un métier avec la botanique. Lequel, elle ne savait pas encore, mais à cause de son âge, le sujet ne l'inquiétait pas outre mesure dans l'immédiat.

« Tu penses à quelque chose ? »
- Euh...

Son regard se balança de droite à gauche mais naturellement, rien ne viendrait l'aider à répondre à cette question. Dire, ne pas dire? Dire, ne pas dire? D'un coup sec, elle trancha. En plein milieu.

- En fait, je n'aime pas les hippogriffes parce que j'ai eu un accident avec l'un deux en septembre. Il y en avait dans un enclos pour le cours de soins aux créatures magiques et je me suis approchée trop près alors... (Elle releva sa manche droite, dévoilant la longue cicatrice qui lui courrait du poignet au coude) Mais ne t'inquiète pas, c'est guéri maintenant! ajouta-t-elle précipitamment, inquiète à l'idée de se faire réprimander.

Devant toutes les questions de son ami, ainsi que son angoisse manifeste, Malva se trémoussa, gênée. Elle rabattit sa manche d'un geste sec tout en songeant qu'elle aurait sans doute mieux fait de noyer la sirène dès la première question. Néanmoins, il existait une porte de sortie. Peut-être. Mais cela impliquait de mentir, et elle était très mauvaise menteuse. La Gryffondor inspira bruyamment, bloqua sa respiration pour se donner du courage, puis se leva avec raideur du banc pour se poster face à la balustrade qui donnait sur le parc, en veillant soigneusement à ce que sa masse de cheveux bruns cache son visage.

" Comment t'es-tu retrouvée près de cet enclos ? Ils n'étaient pas en bordure de la forêt interdite, comme d'habitude ? "

- S... si mais... tu sais comme chez moi, c'est bordé par la forêt, alors je me suis un peu trop approchée parce que je cherchais de la jusquiame noire. J... je ne pensais pas que c'était interdit, Hermione me l'a dit depuis, mais enfin...

Elle expira en tremblant, croisant les doigts, sans trop d'espoir, pour que Cyril gobe ça. D'un autre côté, pour un mensonge, la sang pure ne s'en était pas trop mal tiré, puisque l'argument était relativement bien trouvé. L'un dans l'autre, peut-être la balance pencherait-elle en sa faveur. Le silence qui s'ensuivit lui fut insoutenable et la fit trépigner, et la jeune fille se força d'ajouter:

- N'en parle pas au personnel médicomagique de Poudlard, d'accord? Ils enlèveraient des points à Gryffondor, et on en a déjà perdu suffisamment comme ça... Maman m'a envoyé un onguent par hibou pour aider à la cicatrisation, et comme tu as pu le voir, il n'y a plus rien!

Elle lui lança un coup d'oeil incertain et, pour appuyer ces derniers mots, se força à grimacer un sourire qui se voulait convaincant.