Potions Nocturnes [LIBRE]

La nuit était tombée sur l’académie d’Haveirson. La lune qui brillait haut dans le ciel projetait ses rayons d’argent sur l’immense manoir et ses alentours qui abritaient les étudiants venant de divers horizons avec leurs rêves et leur espoir d’avenir. A cette heure tardive bon nombres d’entre eux se trouvaient dans leurs salles de confrérie ou bien dans leur chambre profitant d’un repos bien mérité après une longue journée d’étude. Dans l’une des salles de potions situées dans les sous-sols du château une faible lueur était perceptible à travers une épaisse porte en bois légèrement entrouverte.

A l’intérieur la pièce, assez grande pour contenir une quinzaine d’élèves,  possédait des murs en pierre couverts d’étagère contenant divers bocaux emplis d’ingrédients parfois peu ragoûtants. Bentley se tenait devant un établi sur lequel était posé deux chaudrons l’un en étain, l’autre en fer ainsi que plusieurs bocaux et fioles en verre. Le feu crépitait tranquillement sous les chaudrons dont s’échappait de temps à autre des volutes de fumée blanche. Devant son mortier le jeune homme écrasait consciencieusement une pincée de dard de guêpe africaine et semblait totalement absorbé par sa tâche. Le calme de la pièce, identique au calme qui régnait sur le domaine du comte, n’était troublé que par le doux bruit des flammes et des ustensiles qui s’entrechoquaient avec précaution.

Quand il fut satisfait de la consistance poudreuse dans son mortier Bentley en pris une pincée qu’il jeta dans le chaudron en fer. Aussitôt la fumée blanche prit une teinte vert clair et une odeur un peu âcre se rependit dans la pièce. Un petit sourire se dessina sur le visage de l’abraxan qui semblait satisfait de la progression de sa préparation. Il se dirigea vers un grimoire à la reliure noire orné d’arabesques dorées qui semblait avoir déjà bien servi et après avoir pris une plume nota ses observations. Il était si concentré par ce qu’il faisait qu’il ne remarqua pas que quelqu’un rentrait dans la pièce où il se trouvait.

- Tout le monde, je vais aller visiter l’université, annonçai-je à mes collègues de travail.

J’avais enfin pu terminer la paperasse relou, et puis j’avais surtout envie de me promener après tout ce que j’avais enduré ces derniers jours. Silène et Arthur me demandèrent si je voulais être accompagné mais je leur avais accordé une pause bien méritée et les laissa s’amuser dans mon grand bureau.

Je me promenais dans les couleurs, sans croiser personne, ni même une ombre ou un fantôme, ma laissant l’opportunité d’ouvrir les salles de classe et d’observer l’architecture de l’académie. J’en profitais pour faire un tour à la bibliothèque, en prenant soin de trouver un livre de potions sur les décoctions dopants à bouquiner quand je serais retourné à mon bureau, en passant par l’amphithéâtre Greenleaf, rencontrant sur mon chemin des tableaux qui avaient l’air abordables, me saluant quand ils me virent passer à côté d’eux. C’était un lieu unique, apparemment similaire à l’école Poudlard d’après la description de mes frères et sœurs.

J’avais déjà repéré pas mal de salles utilitaires et de salles de cours, mais je n’avais jamais eu l’occasion de visiter la salle des potions. On m’avait raconté qu’il était caché dans les sous-sols d’Haveirson, dans un décor de pierre, froid et mystérieux, dans ce qui aurait pu être l’antre d’un démon ou d’un pervers qui voulait garder jalousement ses secrets et ses formules.

Mais je n’avais pas peur, après tout, rien que le fait de connaître Dolphin suffisait pour me dire qu’il fallait que je visite cet endroit glauque et sordide ! Mon esprit d’aventurier avait pris le dessus, curieux de voir ce que je pouvais trouver en descendant, plus profond dans la terre et les entrailles du château.

Il y avait les cuisines, des géôles qui serait condamné et un laboratoire de potion, illuminé par une faible lueur à travers une vieille porte en bois. Curieux, j’ouvris la porte. Je vis un jeune homme préparer une potion avec soin, délicatesse et précision, inspiré par la potion qu’il tentait de réaliser et satisfait de son travail.

J’observais minutieusement la pièce qui se trouvait devant moi. C’était une salle de taille moyenne pour quinze élèves, avec des étagères où étaient posés des bocaux d’ingrédients franchement spéciaux. J’avais pu en reconnaître un certain nombre puisque je possède ma propre collection d’ingrédient, mais il fallait dire que ce laboratoire contenait des spécimens extrêmement intéressant.

Je me devais d’être poli, même si tout ce qui m’intéressait dans l’immédiat, c’était le contenu de chaque bocal. J’avais beau être le fils d’un revendeur d’ingrédients de potions et d’alchimie, j’étais toujours content de pouvoir m’imaginer faire des nouvelles potions et découvrir des nouvelles épices et éléments.

- Bonsoir monsieur.

En entendant une voix masculine derrière lui Bentley se retourna un peu surpris. D’ordinaire il n’y avait jamais personne dans cette partie du château à cette heure-là. C’était en partie pour cette raison qu’il fabriquait ses potions à une heure aussi tardive. Il était certain d’être tranquille. Il referma son grimoire et se retourna. Son regard bleu perçant se posa alors sur un homme d’origine asiatique qu’il ne connaissait pas. La façon dont il s’était adressé à lui en lui servant du « Monsieur » laissait entendre que ce n’était pas un étudiant même si l’homme en question n’avait pas l’air très vieux.

- Bonsoir. Répondit-il avec courtoisie.

Bentley tentait de trouver qui il pouvait bien être mais il y avait tant de disciplines enseignées à Haveirson qu’il était bien incapable de deviner qu’elle était celle de l’homme en face de lui. Il n’avait pas même le souvenir de l’avoir croisé au détour d’un couloir. Peut-être était-il ici depuis peu de temps, ce qui expliquerait qu’il ne l’avait jamais aperçu auparavant. Quoi qu’il en était cela contrariait légèrement le jeune homme qui pour le coup n’était plus du tout concentré sur ce qu’il était en train de faire à l’origine.

- Je peux vous aider ? demanda-t-il à tout hasard toujours avec politesse.

Bentley savait qu’il n’avait rien à craindre de l’homme quant à sa présence dans la salle à cette heure indue. Haveirson n’était pas comme Poudlard où un couvre-feu était établi pour les élèves. A l’académie les étudiants étaient maîtres de leurs mouvements et pouvaient sans problème se promener dans le château et le parc à toute heure du jour et de la nuit. Il jeta un coup d’œil rapide à ses préparations surveillant que tout se passe correctement avant de reporter de nouveau son attention sur ce qui semblait être un professeur, attendant sa réponse à la question.

   Célestin Xi Ressel - Invocateur

Ce jeune homme avait l’air d’être passionné par ce qu’il faisait, ne perdant pas sa concentration, ne laissant pas un seul détail s’échapper. Mais j’étais toujours perturbé que les élèves puissent travailler aussi tard dans les locaux. Bon, il n’était toujours pas minuit passé mais je trouvais ça pas spécialement sain pour l’esprit de travailler à des heures perdus dans la soirée. Mais je n’allais pas faire de remarque à ce propos, je respectais le travail de l’étudiant qui se trouvait devant moi et je ne voulais pas le perturber dans ses expériences.

- Ne vous occupez pas de moi, je cherche juste à savoir quelles sont les ingrédients disponibles pour les étudiants d’Haveirson, répondis-je en essayant de me faire très discret. Ne vous dérangez pas pour moi, continuez votre travail.

J’ouvris mon livre de potion, et commença à chercher un tonifiant pour esprit, une recette extrêmement rare à trouver tellement peu de personnes pratiquent des potions pour des entités spirituelles. J’avais mis quelques heures avant de trouver cet ouvrage dans la bibliothèque et je comptais bien m’en servir mais … Je n’étais malheureusement pas très doué en potion, même si mes parents me ramenaient beaucoup d’ingrédients de leurs magasins.

- … Un éclat de magicite céleste et le fruit d’un ginseng noir … Mon dieu, cette potion va être plus difficile à réaliser que je le pensais, chuchotais-je en parlant à moi-même, mais je dois avoir ça dans mes placards …

En regardant les étagères, je remarquais qu’ils n’avaient pas les deux derniers ingrédients qui me manquaient dans les étagères. J’imaginais que les recettes enseignés dans cet établissement ne devaient pas être trop dangereux, histoire de protéger les élèves d’une éventuelle explosion nucléaire. Bon dommage, mon armoire à mystères était bien mieux remplie.

L’homme lui assura ne pas vouloir le déranger, chose qui était déjà faite en soit, et de poursuivre ce qu’il faisait. Bentley arqua un sourcil, un peu dubitatif, mais acquiesça. Il ne comprenait pas pourquoi ce professeur venait si tard dans le laboratoire de potion pour observer des ingrédients mais pourquoi pas ? L’abraxan se retourna vers ses chaudrons inspectant l’aspect des potions. Celle de gauche mijotait tranquillement et avait une belle couleur rouge tandis que la seconde arborait toujours une couleur verte avec de léger reflet jaune fluorescent.

Bentley regardait du coin de l’œil ce que faisait le nouvel arrivant. Il le vit s’installer à une table et sortir un grimoire ce qui attira son attention. Etait-il possible qu’il est face à lui un féru de potion tout comme il l’était lui-même ? Il n’avait pas encore rencontré de vrai passionné à Haveirson, ce qu’il trouvait dommage mais avait au moins l’avantage de lui donner une longueur d’avance sur les autres. Il écouta ce que l’homme disait. Il marmonnait une liste d’ingrédient mais le jeune homme ne comprit réellement que les deux derniers ingrédients. Il fut étonné par le dernier car il le connaissait et savait qu’il n’était pas très courant dans la fabrication de potions, du moins dans celles qu’il connaissait.

- Pardonnez moi mais êtes vous un nouveau professeur de potion ? demanda Bentley avec curiosité. Je ne vous avais jamais croisé auparavant et je suis souvent ici

Il attrapa sa baguette et l’agita devant le chaudron en étain. De minuscules étincelles rouges scintillèrent quelques secondes avant de s’éteindre. Bentley pris une cuillère en bois et mélangea 3 fois dans le sens des aiguilles d’une montre sa mixture qui passa du rouge vif à un rouge sanguin. Il baissa le feu sous le chaudron et se retourna vers le professeur.

D’un côté il espérait que cet homme soit un nouveau professeur. L’actuel n’était pas mal…mais Bentley avait l’impression de faire du réchauffer et non pas d’apprendre de nouvelles façons de procéder. Le jeune homme avait envie de découverte et d’apprentissage ardu. Quel était l’intérêt d’intégrer une université sinon ?

   Célestin Xi Ressel - Invocateur

J’étais bien curieux de savoir ce qu’il préparait dans ses chaudrons, laissant les couleurs et la magie opérer dans la chimie et la finesse des ingrédients mélangés dans un pot en métal. Il avait l’air d’être vraiment concentré malgré mon interruption soudaine.
Hah ! Les potions, c’est dommage, j’aimais bien faire des potions à mes heures perdues mais hélas, je devais me concentrer sur mon sujet de recherche principal. Mais de temps à autre, je devais expérimenter des mélanges pour préparer les rituels et j’en profitais pour créer des potions aux effets variés.

- Je m’appelle Célestin Xi et hélas non, répondis-je à l’étudiant, je ne suis pas un professeur de potion mais le professeur d’une toute nouvelle matière à Haveirson : Convocation et Conjuration d’esprits. Je suis arrivé il y a quelques jours maintenant et avec tout le travail, je n’ai pas pu en profiter pour visiter l’académie.

Je pouvais sentir quelque chose comme … La soif de connaissance ? Il était quand même assez tard. Je ne m’attendais pas forcément à rencontrer des étudiants à une heure aussi tardive, mais bon je me promenais aussi tout seul dans les couloirs.

- Mais il m’arrive d’expérimenter des potions dans mon bureau, mais à priori, j’ai déjà une bonne partie de ce que proposent vos classes de potions dans mes placards. D’ailleurs, je n’ai toujours pas rencontré un seul autre collègue depuis que je suis arrivé à par un certain ... professeur Fitzsimmons ?

Je n’étais pas très doué en potion, mais d’une certaine manière, je devais aider Sylphe à améliorer ses pouvoirs, et je me disais qu’un jus vitaminé ne lui ferait pas de mal. N’étant clairement pas confiant en mes compétences en potion, demander de l’aide serait peut-être pas du luxe vu ma situation.

- Et si je vous proposais un job ? Je vous échange quelques ingrédients rares contre votre aide dans l’élaboration d’une potion, qu’en pensez-vous ? lui proposai-je, en lui tendant le livre de potion sur la page du cordial pour esprits.

Le professeur se présenta et Bentley fut un peu déçu qu’il ne soit pas un nouveau spécialiste des potions. Néanmoins sa curiosité fut vivement piquée lorsque Célestin lui indiqua enseigner une nouvelle matière à Haveirson. Lors de ses nombreux voyages il avait eu l’occasion de voir et d’entendre parler de cette forme de magie si particulière. Ce n’était pas la forme la plus répandue dans le monde sorcier occidental où elle était d’ailleurs sujette à de nombreux débat. Etait-il bien raisonnable pour un sorcier d’avoir sous ses ordres d’autres créatures magiques ? De pouvoir les contrôler et en faire des esclaves en quelque sorte, rattachée au bon vouloir de leur « maitre ». Bentley trouvait ces discussions franchement hypocrites. Le monde sorcier ne s’offusquait point du sort des elfes de maison qui pour le coup était des êtres totalement asservis. Il se fit la réflexion que se servir de cette magie pouvait peut- être se révéler intéressant et qu’il assisterait à l’occasion à l’un des cours proposés, histoire d’en apprendre un peu plus.

Lorsque Celestin déclara qu’il aimait expérimenter des potions seul dans son coin, Bentley eu un léger sourire. Lui qui passait son temps depuis son enfance à préparer des mixtures diverses dans son coin rencontrait enfin une personne qui faisait de même. Peut-être pourraient-ils échanger sur leurs découvertes respectives dans le futur. L’homme confia n’avoir rencontré qu’un seul professeur. Fitzsimmons.

- Vous avez rencontré lequel car ils sont deux. Fit remarquer Bentley. L’un est professeur de botanique et l’autre professeur de médicomagie il me semble…

L’ancien serpentard n’avait eu à faire qu’au premier des frères. Un bon professeur de son point de vue. Ses cours étaient vivants et ludique. On sentait l’envie qu’avait le botaniste de partager son savoir avec les étudiants. Bentley pensa furtivement à la plante qu’il lui avait été confié à la suite du dernier cours. Il lui restait encore beaucoup à découvrir sur cette fleur arctique. C’était un challenge très intéressant et motivant.
Le professeur Xi lui proposa alors un échange de bon procédé auquel il ne s’était pas attendu. Des ingrédients en échange d’un coup de main…Pourquoi pas, d’autant plus si les ingrédients dont parlait le professeur se trouvaient être rares cela se devenait franchement intéressant. Il saisit le manuel de potion que lui tendait l’homme et le parcouru rapidement du regard.

- Si je peux apporter ma modeste contribution, j’en serais honoré. Que souhaiteriez-vous réaliser comme potion ?

Poison, fortifiant, élixir…il y avait une multitude d’option qui se présentait à eux. Restait à savoir ce que le professeur avait en tête pour ce soir. Bentley lu plus attentivement la page présentée. Un cordial pour esprit. Il n’avait encore jamais eu l’occasion de faire une telle potion. Sans doute était ce en rapport avec la matière qu’enseignait le professeur.

- Hummm…bon il va nous falloir un chaudron en étain, la petite taille sera largement suffisante. Il y a en a dans le placard à gauche du bureau. Indiqua t-il au professeur tandis qu’il parcourait du regard la liste des ingrédients.

- Hum … Je n’arrive pas à me souvenir de son prénom, répondis-je à la question de l’étudiant.

C’est vrai que j’avais rencontré ce professeur en coup de vent, et en plus je l’avais appris bien plus tard sa réelle identité. J’étais bien curieux de voir comment étaient mes collègues dans l’académie d’Haveirson et il me tardait de gainer des nouvelles informations, toujours à but professionnel, cela va de soi.

- Pour vous faire un rapide topo, l’une de mes invocation a un léger problème avec la magie et même étant une tempestaire, mon esprit du vent n’a jamais pu lancer autre chose qu’une légère brise, suffisant pour faire la poussière et le ménage, informai-je en soupirant un bon coup à la fin, obligé de constater que l’entrainement de ma fée des vents n’avaient aucun effet depuis que je l’avais recueillie. Je vous propose d’élaborer ce travail dans mon bureau, il est beaucoup plus spacieux qu’ici et j’ai tous les outils dans mon bureau pour ce genre de travail.

Je reconnaissais que les potions contenues dans ce grimoire étaient fortement intéressant, il y avait un peu de tout, particulièrement des potions pour les esprits et les offrandes selon les rituels occidentaux. J’avais plus ou moins compris certains ingrédients, mais aussi le rituel, les tracés, les cristaux qu’il fallait avoir pour catalyser le cordial vers l’esprit.
Théoriquement, c’est une potion vaporeuse, et il fallait des instruments de pointe. Plusieurs étapes étaient nécessaires. Il fallait effectivement commencer par un chaudron en étain et préparer un début de potion encore liquide, avant de le faire passer à l’état vapeur grâce au magicite céleste. Mais après, pour le reste de la potion … J’étais moins sur de mon coup, étant à moitié codé, certainement pour empêcher des chimistes de niveau moyen d’appliquer les méthodes.
Je pouvais du moins m’occuper du cercle avec des craies enchantés et des cristaux. Il me restait plus qu’à améliorer le procédé et la sémantique du cercle avec des runes et des gravures représentant Sylphe. De plus, étant un spécialiste des charmes et des protections magiques par le biais de ma culture sur les talismans asiatiques, j’étais persuadé que si quelque chose explosait … Que je pourrais au moins protéger le maître des potions de mes bêtises.

Je m’avançai en direction du placard, l’ouvrit pour découvrir un certain nombre de chaudron, de tailles et de composantes différentes. Je devais prendre un petit chaudron en étain, mais c’était quand même assez lourd comme objet !

- … Hum votre potion a l’air de tourner … ? Remarquai-je, en posant un ofuda de protection sur la table qui semblait prendre un drôle de tournure, au cas où quelque chose exploserait ...

Bentley fut impressionné d’apprendre que le professeur détenait un esprit du vent. Cela devait être bien pratique d’avoir entre les mains des élémentaires. D’abord pour se sortir de situations périlleuses mais également pour pouvoir trouver toute sorte d’ingrédients rares et même introuvables le reste du temps. Lorsque l’enseignant lui proposa de fabriquer l’elixir dans son bureau, Bentley releva la tête pour le regarder.

- Dans ce cas je crains de devoir vous faire patienter professeur. Mes potions ne sont pas encore terminées et il est hors de question de les déplacer en pleine préparations. La potion de régénération sanguine doit mijoter encore 10 bonnes minutes quant à celle-là… désigna-t-il d’un coup de menton. J’en ai encore pour un bon quart d’heure au moins.

Ladite potion commençait d’ailleurs à faire de grosses bulles vertes qui éclataient à la surface du chaudron comme si elle cherchait à sortir de son récipient. Le professeur Xi ne semblait pas trop rassuré de la tournure que prenait la mixture mais Bentley ne s’affola pas. Il posa le grimoire du professeur et s’approcha de l’établi.

-Oh non ne vous inquiétez pas. Tout est normal. Répondit il avec un petit sourire. C'est une potion assez...spéciale dirons nous.

Il avait fabriqué tant de potions au cours de sa jeune vie et subit tellement d’échec également qu’il ne s’affolait que rarement lorsqu’une potion avait l’air de tourner. Celle-ci en l’occurrence était particulière. Cela faisait des mois qu’il tentait de trouver le bon dosage pour qu’elle soit consommable et ne pas provoquer d’effet secondaire.
Il attrapa une fiole posé sur la table qui contenait un liquide jaune fluorescent et en versa quelques gouttes dans la potion avec précaution. Les bulles cessèrent de cloquer à la surface de l’eau et un léger crépitement se fit entendre. La surface prit une teinte entre le vert et le jaune émettant une légère lumière tandis qu’une odeur âcre se répandait dans la salle. Il prit la cuillère qui était posée à coté et commença à tourner lentement le breuvage.

- Savez-vous comment déchiffrer la recette de l’élixir ? demanda –t-il au professeur tout en continuant de mélanger. Le début me parait simple mais si nous rations une étape les conséquences pourraient se révéler funeste pour nous…ou pour votre élémentaire.

Il avait déjà vu bon nombres de potions provoquer des choses que même les pires cauchemars ne pouvaient présager. Le risque de se lancer à l’aveuglette pour une potion de ce genre ne serais pas intelligent et il n’était pas le genre à foncer tête baisser comme ces idiots de gryffondor. Ils leur faudrait donc trouver un moyen de percer le code pour obtenir le dosage parfait de l’elixir sans quoi il ne pouvait garantir le bon fonctionnement de la potion. Néanmoins il était grandement intrigué. En général lorsqu’une recette était codée cela signifiait que ladite potion était soit très dangereuse, soit très puissante et qu’elle ne devait pas être utiliser par de « mauvaises » mains.

Je n'avais jamais réussi à faire exploser une seule potion: l'un de mes anciens précepteurs était légèrement ... paranoïaque, tellement qu'on aurait pu croire qu'il s'agissait de mon père. Bon je devais reconnaître que j'avais un goût prononcé pour les explosions et les poisons, mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec des potions de soins ou un polynectar ? Franchement, j'aurais pu gagner des milliards si j'avais monté une entreprise de potion de guerre !

- J'aurais bien voulu m'entrainer un peu plus dans les potions, m'exprimai-je en observant attentivement les potions qui était en train de cuir et de changer de couleurs.

Je m'étais dit que j'allais essayer de lire la page de ma super potion en attendant que ses potions finissent de cuir. D'ailleurs, lorsque je faisais mes recherches dans cette bibliothèque à la con, ce foutu bouquin était piégé ! Protégé par un genre d'esprit frappeur, débarrassé par une bonne séance de shamanisme et d'exorcisme ! J'avais du envoyer mon invocation des ombres, Dolphin, pour l'occuper pendant mon incantation. J'allais tout de même garder cette information pour moi, histoire de ne pas effrayer mon intérimaire en potions. C'est alors que je commença mon analyse, au début silencieux, je contentant d'observer et de décoder les inscriptions, avant de prendre la parole.

- Le début est en anglais ancien, tandis que la suite est codé partiellement en runes et un mélange de ce qui pourrait être du latin et du grecque ancien. On peut supposer que l'alchimiste qui a composé cette recette est resté en Europe pour trouver tous ces ingrédients. On peut donc exclure tous les ingrédients provenant d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique. De plus, vu le style d'écriture, les décorations et les vieux termes anglais, on peut supposer que sa rédaction date des années 1200-1300. De plus, plusieurs références nous prouve qu'il s'agit d'un ouvrage réalisé peu après la christianisation du peuple scandinave, puisqu'en effet, on retrouve de plus en plus de références à des ingrédients cités dans la bible vers la fin de l'ouvrage, informai-je l'étudiant d'une seule traite, sans même prendre la moindre pause dans ma réflexion à haute-voix.

On me disait souvent que lorsque je lisais un livre, j'étais dans une genre de trance, ultra-concentré, retrouvant toutes les informations nécessaires à la minute qui suit mon déchiffrage. Mes amis les invocations m'avait déjà fait plusieurs fois la remarque auparavant.

Si je ne me trompais pas, l'étude du latin et du grecque ancien était devenu de plus en plus rare, et la magie druidique était à présent quasiment éteinte, car l'enseignement étant transmise à l'orale, ils n'existait que très peu d'ouvrages sur le sujet. Cette potion allait être plus compliquée que prévu si en plus, on devait invoquer des pouvoirs druidiques pour finaliser la potion. Il y avait Alraune qui pouvait connaître quelques rudiment de cette magie de la nature mais ... J'avais sacrément peur qu'elle ne tente de sauter sur le jeune sorcier.
Quoiqu'il en soit, je transmis l'information concernant la magie druidique, tout en continuant ma lecture intensive.

Tandis qu’il poursuivait la préparation de ses potions Bentley écoutait avec attention les paroles du professeur. Plus il l’écoutait et plus il se disait que cet élixir allait être franchement difficile à réaliser. Cela ne faisait pas peur au jeune homme mais il était curieux de savoir où es ce que le professeur avait bien pu dénicher un tel grimoire. Il était clair que la codification de la recette n’était pas faite au hasard et il ne savait pas à quoi s’attendre et même si il pouvait faire confiance à cet étrange professeur.

La bonne nouvelle, si l’on pouvait voir les choses ainsi, était qu’à priori ils auraient tous les ingrédients sous la main puisque selon l’enseignant l’auteur de la recette devait être européen. Vu la datation approximative de la potion on pouvait légitimement penser qu’il ne s’était pas servis d’ingrédients trop exotiques bien que les nombreuses guerres de croisades de cette époque avait ouvert de nouvelles routes commerciales propices à la dispersions de nombreux ingrédients de toute sortes à travers le monde.

Bentley fut surpris d’entendre que certain ingrédients étaient cités dans la Bible. Auraient-ils besoin de mils ou d’orge ? Ce n’était pas des ingrédients dont il se servait dans ces potions d’ordinaire et ils leur faudrait certainement descendre dans les cuisines pour trouver ce genre d’aliments.

- L’anglais ancien ne devrais pas poser trop de problème par contre pour les run…

Bentley se figea net et sa phrase resta inachevée. Il avait une impression étrange. L’impression d’être observé. Observé comme une proie sur le point d’être attaquée. Il sentit les cheveux à la base de sa nuque se redresser légèrement tandis qu’une chair de poule parcourait ses bras. Sa baguette dans une main il se retourna avec rapidité vers la porte du labo qui était entrouverte persuadé que quelqu’un était là.

La baguette tendue en direction de la porte et prêt à lancer un sort Bentley ne put que constater que rien ne se trouvait là. Il aurait pourtant été prêt à jurer que quelqu’un, ou quelque chose, s’était tenu à quelques mètres d’eux. L’abraxan fronça les sourcils ne quittant pas la porte des yeux. La salle était plongée dans un silence que seuls les feux et le bouillonnement des potions venaient troubler. Au bout de quelques secondes il se tourna vers le professeur l’interrogeant du regard.

- Vous avez sentit ? demanda-t-il d’une voix basse.

Il commençait sérieusement à se poser des questions sur ce qui était en train de se passer. Jusqu’alors il n’avait jamais rien vu ou ressentit de suspect dans cette pièce du château. Il était étrange que cela commence avec l’arrivée de ce nouveau professeur à la potion si mystérieuse.

- Je pense que si j’invoque une entité qui connaît ce genre d’écrits, comme un démon de la sagesse ou quelque chose comme ça, il pourrait nous aider, ajoutai-je en continuant ma lecture intensive.

Mais … Quelque chose m’avait arrêté en l’espace de deux secondes, perturbé par une sombre présence qui devait errer dans les couloirs d’Haveirson. Dans ma famille, on m’avait enseigné que la paranoïa était une très très bonne qualité, surtout quand il s’agissait de vivre dans un monde remplie de magie, de mystères, et surtout, d’horreurs en tous genres. Je vis l’étudiant se diriger soudainement vers la porte. Tout en refermant mon livre et en le posant sur une table, je m’étais armé rapidement d’un de mes talismans de papier (celui avec « esprit du mal, disparaissez ») au cas où.
Nous étions bien d’accord qu’il y avait tout de même un sombre regard d’un étranger qui devait se trouver non loin de là où nous étions. C’était quelque chose de particulièrement puissant, de froid, et de mystérieux à la fois.

- J’appelle celui qui erre d’ombre en ombre dans ….

… Mauvaise idée, même si ma curiosité me poussait à agir de cette manière, il n’était pas prudent de poursuivre quelque chose qui pourrait potentiellement ne pas exister. Et puis je n’allais pas m’amuser à poursuivre une chose dont je ne connais pas ni la forme, ni son intérêt pour nous espionner.

- … Il parait qu’il se passait des choses étranges à Poudlard, et ça se trouve, c’est le début d’un cauchemar qui va nous paraître sans fin, répondis-je à mon interlocuteur.

D’ailleurs, parmi la foule de choses qui m’avait semblé étrange c’était mon entretien à distance pour le poste de professeur. Je ne me rappelais même plus de la voix de celui qui me l’avait fait passé, alors que ça devait bien faire juste quelques semaines qu’il m’avait interrogé sur mes compétences et ma magie…

- … Vous n’avez aps l’impression qu’on nous a jeté un sort ou quoiqu’est-ce ? Demandai-je, histoire d’être sur qu’on ne doive pas aller à l’infirmerie pour infection par transmission magique.

Les paroles du professeur n’étaient pas pour rassurer l’étudiant. Bentley écarquilla les yeux lorsque ce dernier commença le début d’une invocation. A quoi jouait il donc ? Ils ne savaient rien de ce qui se trouvait dans les méandres de la pénombre ambiante. N’était-il pas risqué de rajouter davantage de confusion en invoquant un esprit ? Qui errait d’ombre en ombre en plus ? Bentley ne savait pas qui le professeur tentait d’appeler mais il fut soulagé en le voyant arrêter son invocation.

Celestin évoqua alors Poudlard et ses mystères. Il était clair que depuis que Potter était là il se passait tout un tas de choses étrange dans l’école de magie. A croire que ce gamin attirait les emmerdements en tout genre. Quoi qu’il en était Poudlard était une école remplie de mystère et de merveilles qui ne demandaient qu’à être découvertes alors qu’Haveirson… On pouvait douter de la nature des découvertes à faire dans l’académie. Tout était si étrange…

Le professeur évoqua une possibilité cauchemardesque qui les poursuivrait jusque dans les murs de l’académie. Bentley ne pouvait pas le contredire malheureusement. Il ne savait pas assez de choses sur le domaine et le propriétaire pour affirmer qu’ils étaient en sécurité. Personne ne l’était d’ailleurs puisque tout le monde ignorait qui était le fameux comte et ce qu’il attendait réellement de cette école.

- Au moins à Poudlard il y a Dumbledore... Répondit il au professeur.

Le vieux sorcier avait toujours été une figure rassurante pour les élèves de Poudlard et son aura influençait toujours les jeunes sorciers même une fois partis de l’école de magie. Mais ici, qui était la figure rassurante ? Qui était là pour les protéger des sombres dessins qui se préparaient dans l’ombre de la vengeance ?
Bentley secoua la tête en signe de négation lorsque le professeur parla de la possibilité qu’on leur ait jeté un sort.

- Non je ne pense pas… Je n’ai rien ressentit de tel. C’était juste…une impression d’être observé. Je ne sais pas par qui mais l’impression était trop forte pour être juste une illusion.

L’abraxan n’était pas du style paranoïaque. Il était sur ses gardes comme beaucoup d’autres mais il n’en était pas encore à imaginer des monstres derrière le moindre bruit ou impression bizarre. Il se retourna vers ses potions, posa sa baguette et attrapa sa cuillère en bois afin de mélanger sa potion de régénération sanguine.

- Je termine mes potions et nous nous rendrons dans votre bureau. Nous y serons certainement plus tranquilles qu’ici.

Il ne savait pas pourquoi mais il lui paraissait plus judicieux de discuter du contenu du grimoire dans la sécurité du bureau professoral plutôt que dans le laboratoire. Des oreilles pouvaient traîner et de toute évidence l’élixir que souhaitait réaliser le professeur n’était pas à la portée du plus commun des sorciers. Ils devaient donc agir avec précaution.

Il prit quelques fioles propres posées sur son établi ainsi qu’une louche et commença à remplir avec précaution ses récipients.

Célestin Xi Ressel - Invocateur

Hah ! Monsieur Dumbledore, une légende parmi les légendes, enfin, du moins d’après ce que m’en disait mes frères et mes sœurs adoptifs, qui eux ont pu faire leurs scolarités à Poudlard, étant le seul à ne pas avoir eu le luxe d’étudier la magie dans une si prestigieuse accadémie. De la jalousie ? Certainement. Plus encore : de la haine.
Cet établissement m’inspirait tellement de mystères à découvrir dans les profondeurs des couloirs et des escaliers, quelque chose comme une aventure mystique aurait pu m’attendre ou une très grande épopée, à l’instar du célèbre Harry Potter.

- Je me demande qui ça pouvait bien être, pensais-je à voix haute. Mais je suis bien content que ça se limite à du voyeurisme.

Je n’étais pas rassuré par les esprits de la nuit, surtout depuis que j’en avais invoqué pour faire peur à mes voisins qui voulait s’approcher de trop près du breuvage mystique qu’est la magie. Hah ! « Les pauvres mortels » comme le disait mon père, ils sont généralement trop curieux de sa savoir comment contrôler quelque chose qui n’est censé être maîtrisé par des sorciers, surtout depuis l’accident à Londres.
Plus le temps passait, plus il faisait lourd dans la salle des potions, comme si on s’attendait à ce que quelque chose nous saute dessus, soudainement, dans un coin de la pièce ou sous l’ombre d’une chandelle allumée.
Depuis que j’étais à Haveirson, j’avais la vague impression que mon contrat de professeur n’avait rien d’innocent et de pédagogique. J’étais certainement devenu parano, surtout après avoir voyagé dans d’autres contrés, forcé de constater qu’il existait des versions encore plus machiavélique et plus subtile de Lord Voldemort.

Il fallait que je me reprenne ! Ce n’était pas mon genre de paniquer face à ce genre d’apparition, ayant vu pire dans ma courte vie, surtout que j’ai l’invocation la plus sadique au monde dans ma liste des entités astrales. Grimoire en main et sceptre au dos, j’attendis calmement que mon interlocuteur finisse son travail.

- Très bien, allons dans mon bureau, mais avant … Je pense que j’ai oublié de vous demander votre nom, n’est-ce pas ? Demandai-je à mon étudiant intérimaire.

… Par contre, l’étudiant qui se trouvait devant moi avait l’air bien, légèrement perturbé mais sans plus, reprenant son travail comme si rien n’était arrivé, dans la perfection de ses gestes et l’art de ses mains habiles. C’était une qualité rare chez les jeunes de nos jours … Hah, étais-je bête : je n’avais pas encore dépassé la trentaine !