De mauvaise augure

Blaise avait manifestement très envie qu’elle prenne son fichu magazine belliqueux pour lui frapper la tête avec, mais ses parents ayant fait de Daphné quelqu’un de très poli et éduqué, elle se contenta de lui jeter un regard blasé. Les évènements récents, les plans qu’elle avait formés avec Rowan lors de leur dernière entrevue à peine quelques jours plus tôt lui pesaient sur les nerfs, et elle ne se sentait pas particulièrement apte à contrôler les ardeurs son ami comme elle le faisait habituellement.
Son abnégation la perdrait, songea-t-elle avec une certaine ironie. Harmony avait raison lorsqu’elle sous-entendait que, tous Sang-Pur qu’ils étaient, ils n’étaient à l’abri de rien. L’apparent aveuglement dont Blaise faisait preuve à ce sujet ne faisait qu’ajouter une nouvelle préoccupation à la longue liste qu’elle aurait déjà pu écrire.

Harmony lui exprima son accord avec sa volonté de ne pas se disperser dans des luttes inutiles, mais elle ne put s’empêcher de titiller l’égo de Blaise, volontairement ou pas. Il lui répondit immédiatement, plein de morgue et de dédain, et s’appliqua à lui rendre la pareille en la lançant sur le sujet des limaces. Tout le monde était déjà au courant, de toutes manières – qu’attendait Blaise ? Qu’Harmony s’emporte à nouveau et perde ses moyens ? Elle semblait avoir regagné son assurance et sa maîtrise d’elle-même, il n’y avait aucune raison que ce sujet la fasse répliquer. Après tout, ce n’était sans doute pas la première fois qu’on l’attaquait sur ce sujet, l’histoire ayant tourné très vite dans les cachots.

« Les bruits de couloirs disent que c’est un Gryffondor de septième année qui t’a lancé ce sortilège, dit-elle avec un mécontentement visible. Est-ce que c’est vrai ? »

Ils avaient beau ne pas être particulièrement réputés pour leur observation scrupuleuse de toutes les règles de morale, on ne pouvait renier aux Serpentard un sens de l’honneur particulièrement aigu. Et bien qu’elle ne rechigne pas à jeter des maléfices dans le dos de quelqu’un pour se venger – Luc Yriate avait été ravissant avec ses bois de cerf – elle ne se serait certainement pas attaquée à quelqu’un de trois ans plus jeune qu’elle.

HRP:

Maintenant qu'Harmony avait regagné toute son assurance, elle arrivait enfin à prendre du recul sur la situation. Et de cette position avantageuse, l'échange acide prenait une toute autre couleur. Blaise, qui lui paraissait agressif, mordant, tout à l'heure, lui semblait à présent acculé, sur la défensive. Il ne parviendrait pas à ébranler le calme légendaire de Daphné Greengrass. Et la dernière pique du jeune homme, au lieu d'achever de faire perdre ses moyens à sa cadette, avait été une émulation inattendue.

Et il semblait mal digérer cette confrontation; les deux filles blondes sur le canapé contre lui et son égo, sur leur sofa. Il trahit cet inconfort par une remarque d'un ridicule saisissant. Sincèrement Blaise ? Tu ne peux pas faire mieux ? L'épisode des limaces, en plus d'être connu de tous, avait déjà été soulevé par le jeune homme un quart d'heure plus tôt. Alors quand il encouragea Harmony a "poursuivre", elle ne put retenir un petit rire.
Si l'adolescente était orgueilleuse de nature, elle avait rarement été aussi hautaine face à d'autres Serpentards.

- Eh bien, tu n'en démords pas ! Qu'est-ce qui te fascine tellement, là-dedans ? Tu essaies de me mettre la honte ? Excuse moi, je ne suis pas spécialiste, mais il me semble que tu t'y prends mal.

Elle se renfonça dans les coussins moelleux du canapé et leva les yeux aux ciels avant de chercher le regard allié de sa voisine. Cette dernière l'interrogea sur l'auteur de ce mauvais sort, avec mécontentement, éludant ainsi toute l'intention calomnieuse de Zabini.

- En effet, c'était un 7ème année. Je n'aurais même pas pu réagir, j'étais de dos.. Ça a lancé une sacrée polémique à Gryffondor. Ils sont bravaches, mais beaucoup ne voient pas plus loin que leur nez...
Elle avait dit cela avec un mépris non feint. Sa propre soeur jumelle était à Gryffondor et si elle était sympathique et rigolote, elle ne réfléchissait pas beaucoup avant de faire ou dire quoi que ce soit.

Comme la jeune fille avait gagné en assurance ! Irrité par son insolence, Blaise jeta un regard en biais à Daphné à la manière d’un élève un peu dissipé qui, repris par un professeur, s’attends à voir ses camarades subir le même sort.

(Favoritisme, s'indigna-t-il éventuellement.)

Il leva les yeux au ciel d’un air impatient mais se résigna à garder le silence, se drapant dans son orgueil heurté. Offrant à Harmony le plus méprisant de ses regards. Se promettant, aussi, de rapporter à Drago Malefoy l’impertinence de cette gamine. Un préfet ne devait-il pas veiller, après tout, au respect de « l’ordre et de la discipline » ?…L’arrogance de sa camarade l’aurait laissé appréciatif, en vérité, si elle ne lui avait pas été infligée ; car il devait lui reconnaître sa pugnacité.

Le conflit qui les opposait était en vérité tout-à-fait récent : il regrettait l’intérêt qu’il avait éprouvé pour elle en apprenant leur histoire commune depuis qu’il avait pris connaissance de ses ascendances moldues. Ne lui avait-elle pas menti ? "Dissimulé la vérité" ? Ne l’avait-elle pas insulté en le laissant susurrer quelques éloges auprès de ses camarades ? Le dégoût du jeune homme pour les sangs-mêlés tenait davantage de la convention sociale que d’une conviction réfléchie : il ne s’était jamais réellement appesanti sur la question, en vérité, sauf pour se dire : je n’ai rien à voir avec ce genre de personnes. Car n’était-il pas « dégradant » que d’être aperçu en compagnie de cet exact « genre de personnes », ainsi que les désignaient avec diplomatie ses tantes paternelles ? Si, au sein de la maison Serpentard, la situation évoluait - nombreux étaient ses camarades qui ne pouvaient prétendre avoir le sang pur - , la plupart des amis privilégiés de Blaise n’étaient parvenu à s’extirper de ce pernicieux raisonnement : lui non plus. En dépit de son insolence et de ses velléités rebelles, le jeune homme n’avait pas encore remis en question les doctrines qui lui avaient été consciencieusement enseignées et s’était toujours tenu ostensiblement à l’écart de ses camarades qui ne pouvaient garantir la pureté de leur sang.

Et si la possibilité que ce jugement un peu expéditif fut une erreur lui traversa brièvement l’esprit, alors qu’il se trouvait là en compagnie d’Harmony et de Daphné, il n’en demeurait pas moins agacé.  

Comme si le dialogue ne le concernait absolument plus, il se détourna des jeunes filles au profit du Sorcier en Guerre, l’air ostensiblement ennuyé - s'obstinant dans son dédain. Et Dieu sait pourtant combien il avait des choses à dire sur les Gryffondors.  

Un septième année de Gryffondor qui attaquait une quatrième de Serpentard, de dos de surcroît… Elle pourrait peut-être envoyer une lettre à Cyril pour connaître les répercussions que cela avait eues sur leur maison, et s’il accepterait de glisser une potion de changement de couleur dans son shampooing. Qu’elle lui fournirait, bien entendu. Il serait adorable avec des cheveux vert et argent – elle était prête à subir l’affront de voir un Gryffondor porter leurs couleurs si sa honte était plus grande encore.

Elle s’attendait pourtant à entendre Blaise émettre des remarques désagréables à propos des Gryffondor, mais rien ne vint. Intriguée, elle jeta une œillade à son camarade, et ne put retenir un sourire affectueux en le voyant. Drapé dans sa dignité et dissimulé derrière son torchon – même le Chicaneur lui paraissait moins stupide, et c’était beaucoup dire – il boudait. Comme un enfant de trois ans que l’on aurait repris, ou à qui l’on n’offrirait pas assez d’attention. S’ils avaient été seuls, elle lui aurait sans doute pressé légèrement l’épaule pour attirer son attention avant de se moquer de lui avec douceur, mais la présence d’Harmony l’en empêchait ; elle se contenta donc d'échanger un regard avec lui et de tourner de nouveau sa tête vers la quatrième année. Elle prit soin de perdre son sourire dans le mouvement, pour mieux reprendre une expression sérieuse et attentive. Cela ne serait pas bon pour son image que l’on se rende compte qu’elle éprouvait une véritable affection pour l’insupportable Blaise Zabini, et que ses remarques la faisaient d’ailleurs souvent rire – mais pas celles, gratuites et sans véritable but, qu’il offrait à Harmony pour mieux diviser leur maison.

« Sais-tu comment il s’appelle ? A titre purement informatif. »

On ne pouvait pas dire qu’elle ne partageait pas l’avis de sa cadette sur les Gryffondor. Elle pouvait comprendre la logique qui se cachait derrière les maisons Serdaigle et Poufsouffle et même la respecter, mais celle de Gryffondor avait toujours été un mystère pour elle – ces gens-là vénéraient le sacrifice des leurs d’une façon plus que surprenante, et le plus souvent pour des raisons assez nébuleuses. Elle était convaincue depuis longtemps que ce serait ce courage qui les mènerait à leur tombe.

A la suite de sa dernière invective, Harmony vit, à sa grande surprise, Blaise retourner à sa lecture. Elle l'avait réduit au silence. Etait-ce possible ? Comme à chaque fois qu'elle terminait une dispute en vainqueur, elle jubilait. Elle avait d'ailleurs du mal à cacher sa satisfaction. Chaque victoire verbale était pour elle comme une lampée d'hydromel. Elle tâchait de ne pas trop sourire, mais le pétillement de ses yeux en disait long.

Elle s'était alors retournée vers Daphné pour lui répondre. A l'exaspération qui pointait dans la voix de son aînée, elle acquiesça et répondit avec un mépris non feint pour les Gryffondor. Puis la belle blonde lui demanda, "à titre purement informatif", si elle connaissait le nom de son agresseur.

- Non, je ne sais pas... Je l'ai recroisé une autre fois, dans les couloirs. C'est le meilleur ami d'une fille de Pouffsouffle, Iridessa Smith, en 7ème année aussi. Je ne sais pas si tu la connais. Il est assez mince, avec des cheveux décolorés.

Cherchait-elle à savoir qui il était pour se venger ? Harmony n'était pas tellement revancharde - aussi parce qu'elle craignait de se faire humilier à nouveau. Mais elle ne doutait pas que Daphné Greengrass ait plus d'un tour dans son sac pour lui faire subir une déculottée, en toute classe et discrétion. Dans ce cas-là, autant lui donner les informations qu'elle avait, pour l'aider à mener son plan à bien. Après tout, quand il l'avait insultée, cet idiot avait insulté toute la Maison Serpentard - c'était d'ailleurs à cause de son écharpe Vert et Argent qu'elle avait été la cible de son sort.

- Je connais le nom de l'autre Gryffondor, qui a bien voulu m'aider alors que je l'avais envoyé bouler juste avant. Il s'appelle Cyril, il doit être en 5ème année.

Peut-être que Daphné le connaissait et pourrait lui demander l'identité de son camarade de Maison.

Le regard amusé de Daphné lui arracha un sourire désinvolte; et quoique le jeune homme demeurait réticent à admettre ses torts, ce sourire signifiait : oui, je sais. mais tu me connais.

Et Le Sorcier en Guerre avait beau être tout-à-fait fascinant, Blaise écoutait l’échange de ses camarades malgré tout; pas exactement concentrés sur les sévères sentences qu’énonçaient avec  fatuité les articles belliqueux, les relisant comme s'il s'agissait de Runes particulièrement obscures, mais plutôt sur la voix de Daphné, teintée de détermination un peu malveillante - celle-là même que l’on attribuait à la « ruse » et à « l’ambition » des élèves de la maison, quand il ne s'agissait pas de leur fourberie. Si son amie était apparemment animée par un noble objectif, celui de venger sa protégée, Blaise jugeait davantage amusante la perspective de se jouer d’un Gryffondor -  les occasions de lancer des sortilèges étaient vraiment trop rares ! …Et n’était-il pas important de s’entretenir ? Un sort efficace, subtil et insidieux, lancé avec l’assentiment de la - tellement sage - Daphné Greengrass; l’occasion était trop bonne.

« Si c’est pour une cause aussi noble que de rétablir l’honneur de notre maison », avança-t-il distraitement, soulignant peut-être, ou ne soulignant peut-être pas, qu’Harmony l’avait terni - Blaise étant peut-être, ou n’étant peut-être pas, rancunier; conscient aussi de ses grands yeux bleus, brillants de satisfaction;  « je suis prêt à intervenir. »

Baissant le journal qui dissimulait son visage, offrant l’expression même de l’innocence - haussant vaguement les épaules en gage de candeur - il ajouta à l'attention de Daphné : « Je serais un terrible ami si je te laissais agir seule, exact ? »

Ils savaient pourtant tous les deux que Daphné était suffisamment sournoise, lorsqu’elle le désirait, pour mener à bien sa vengeance seule - mais le jeune homme proposait aux jeunes filles son aide comme l’on propose une trêve; y’avait-il plus fédérateur, au sein de leur maison, que l’aversion pour les Gryffondor? A Harmony, il admit dans un sourire carnassier ;

« je veux dire, après tout, nous mentionnions le fait de cracher des limaces, mais il existe effectivement des situations plus... délicates que celle-ci… »

C’était donc à priori un septième année. Elle pensait l’avoir déjà croisé – des cheveux blonds décolorés, on ne pouvait pas dire que cela passait inaperçu – mais l’information la plus intéressante était sans conteste que Cyril avait aidé Harmony.  Elle hocha la tête en signe d’assentiment, le regard songeur. Elle pourrait donc effectivement demander de l’aide à Cyril – s’il avait porté secours à Harmony, il ne devrait pas être contre une petite vengeance…

Blaise intervint immédiatement pour proposer son aide, piquant Harmony au passage, mais Daphné préféra se concentrer sur la seconde partie de sa phrase. Pour leur salut à tous, et pour leur efficacité. Il laissa ensuite son visage apparaître, abaissant son journal pour leur permettre d’admirer son expression si pure qu’elle aurait été suspecte sur le visage de n’importe quel Serpentard. Mais principalement sur le sien, il fallait l’admettre.

Elle haussa un sourcil à sa déclaration, bien plus amusée qu’elle ne le laissait paraître – un éclat rieur était pourtant allumé dans son regard, et ne ternissait pas. Bien au contraire.

« Je veux bien m’encombrer de ton aide, si cela peut t’occuper. »

Elle était secrètement soulagée qu’il préfère utiliser ses talents pour mettre à bien leur vengeance envers l’honneur souillé des Serpentard plutôt que pour manier les sarcasmes à l’encontre d’une des leurs. Elle se pencha de nouveau vers ses deux camarades, l’odeur bénie de la conspiration exhalant de tous ses mouvements.

« Sortilège ou potion ? » demanda-t-elle simplement, son regard dirigé vers Blaise.

Une potion serait bien plus ambitieuse, et nécessiterait vraisemblablement d’attendre le retour des vacances – c’était peut-être mieux, car personne ne pourrait oublier l’évènement entre deux cadeaux de Noël. Le problème était que les autres élèves risquaient de ne pas comprendre qu’il s’agissait d’une expédition punitive, et c’était pourtant la partie la plus importante.

« Une potion de changement de couleur dans son savon pourrait suffire, continua-t-elle. Lui donner une agréable couleur verte devrait l’humilier assez – mais il nous faut quelque chose de bien plus ambitieux. »

Elle pouvait modifier une partie de son anatomie, changer ses cheveux en couleuvres – inoffensives. Elle ne souhaitait pas non plus devoir nier poliment son implication devant le Directeur, cela serait une perte de temps, très franchement – mais puisque Blaise avait décidé de se joindre à la tâche, autant mettre à profit ses talents.

« Des idées ? » demanda-t-elle à Harmony, cette fois-ci.

Ne jamais sous-estimer les plus jeunes.

C'était avec satisfaction qu'Harmony avait observé Blaise retourner à sa lecture. Alors qu'elle discutait avec Daphné du responsable de son humiliation une semaine plus tôt, la voix du boudeur se fit entendre à nouveau. La mention d'une éventuelle vengeance conduite par Daphné contre cet arrogant Gryffondor avait eu raison de son entêtement. Bien sûr, il ne put s'empêcher une nouvelle pique à Harmony - en cela, il voulait montrer qu'il était au dessus de ces vaines disputes, certainement. Harmony lui sourit aimablement. Sa petite victoire n'en était pas pour autant effacée.

Et voilà que les deux amis imaginaient un plan pour rendre la pareille à celui qui avait osé toucher à l'honneur de leur maison. L'amusement se lisait dans leurs yeux quand ils s'interrogeaient sur la pertinence d'une potion plutôt que d'un sortilège. La potion était une solution plus sournoise, moins directe. Néanmoins, elle nécessiterait une organisation minutieuse, et certainement, de l'aide d'un proche du jeune homme.

Harmony connaissait sa meilleure amie, mais ce n'était pas bien utile. Iridessa savait leur désaccord explosif et avait certainement honte du comportement discourtois de son ami - pourquoi diable Harmony ne lui avait pas demandé son nom ? - mais jamais elle ne participerait à leur entreprise pour autant !
Peut-être que Cyril pouvait les aider ? Rien n'était moins certain, aux yeux de la jolie blonde.

Daphné songea à une potion de changement de couleur de cheveux. Effectivement, le garçon avait une belle crinière soignée, cela ruinerait son beau blond décoloré. Ce serait amusant de le voir parader avec une tignasse vert bouteille ! Si toutefois il osait sortir de son dortoir après cela. C'était une bonne idée, rigolote, pas tellement méchante, mais qui pouvait bien marcher. Daphné lui demanda son avis.

- J'aime bien l'idée du changement de couleur de ses cheveux. Il avait les cheveux décolorés et il avait l'air de tenir à son apparence. Ça devrait bien l'énerver qu'on ruine son style si travaillé !

Elle réfléchit une petite seconde. L'idée d'utiliser une potion lui plaisait vraiment bien.

- En plus, même si c'est une punition légère, cela peut vraiment lui faire peur. Parce qu'il sera "attaqué" dans sa salle de bains, là où il est tranquille et se sent en sécurité. Comme ça, on lui montrerait qu'on a beaucoup de ressources, c'est un bon avertissement !

Elle adressa un sourire narquois à Blaise.

- Et comme ça, on leur montre qu'on est bien plus intelligent et qu'on a plus de classe qu'eux, n'est-ce pas ?

« Potion », acquiesça-t-il, d’un ton docte.  « Bien sûr. »

Harmony semblait également en convenir ;  partagea avec enthousiasme son analyse de la situation. A la dérobée, Blaise adressa un regard atterré à Daphné - cette gamine était définitivement plus dangereuse que ce que pouvaient laisser suggérer son air candide et sa blondeur opaline.

Le jeune homme ne se braquait plus, toutefois, alors qu’elle s’adressait à lui; vivifié par la perspective de jouer un tour à quelque gryffondor impétueux, il répondit même à son rictus narquois en un haussement d’épaules nonchalant, lui offrant un sourire amusé  ;

 « Evidemment. L’intelligence, l’élégance - tu sais à quel point ces valeurs me sont chères. »

La discussion lui avait totalement fait délaisser Le Sorcier en Guerre, qui reposait désormais sur le sofa à ses côtés. S’adossant contre le dossier du fauteuil, résolu et solennel, il se prononça, levant la main comme s’il eut été question de prêter serement :

« Très bien, je suis pour le changement de couleur. » Le visage froissé, il ajouta, plus cassant, ourlant sa bouche d'une grimace écoeurée : « Toute personne arborant fièrement des cheveux décolorés mérite au moins ça. Ce serait un peu comme lui rendre service.»

Si Blaise ne connaisait pas, ne connaissait pas encore, de potions modifiant la couleur des cheveux, il conservait des souvenirs distincts de la Potion à Hérisser les Cheveux que Rogue leur avait enseigné en deuxième année. Millicent avait été adorable après que Drago et lui soient parvenus à la convaicre d'en prendre une gorgée, prétextant la nécessité de vérifier et de constater de l'efficacité de leurs travaux, invoquant les notions de "solidarité de la maison Serpentard", "recherche d'excellence" et "éventuels dommages collatéraux".
Il s'était avéré que Blaise maîtrisait parfaitement la potion à Hérisser les Cheveux.

Ses deux complices semblaient convaincus par l’idée de la potion ; tant pis pour les couleuvres, elle garderait ce maléfice pour une prochaine fois. Harmony lui donnait même l'impression d'être particulièrement motivée, réfléchissant à toutes les conséquences que cette potion pourrait avoir sur leur cible, et tout ce qui en résulterait – Blaise lui jeta un regard si médusé qu’elle sourit largement, satisfaite qu’il voie enfin ce qu’elle avait vu en Harmony depuis un moment déjà. Du pontiel.

Leur échange devenait d’ailleurs de plus en plus courtois, et Blaise se lança dans un numéro de serment qu’elle observa avec un amusement certain, critiquant allégrement le Gryffondor qui allait bientôt subir leur courroux pour s’être attaqué à l’une d’entre eux. Les autres Maisons étaient toutes tellement persuadées que les Serpentard faisaient systématiquement passer leur intérêt personnel avant celui de leur Maison ; ils ne pourraient pas avoir plus tort. Leurs intérêts se recoupaient bien plus souvent qu’ils ne pouvaient l’imaginer… Et veiller les uns sur les autres comme ils le faisaient était loin d’être un handicap pour eux.

« Sans oublier qu’une couleur verte ne laissera aucun doute possible sur l’aspect punitif de cette potion. »

Et c’était bien le plus important – une vengeance n’avait de sens que si elle était comprise et assimilée. On disait bien qu’un enseignement sans douleur n’avait aucune valeur ; ils allaient donc lui en offrir un, et ils étaient plutôt généreux de circonscrire l'aspect douloureux de la maxime à la simple honte qu’il allait ressentir en découvrant ses cheveux teinté de la merveilleuse couleur de Salazar.

« Je suis pratiquement certaine qu’on peut trouver ce genre de potion dans Sorcière Hebdo. Il suffira d’en emprunter un à Pansy, elle en a tellement… »

Elle réfléchit quelques instant, se demandant s’ils ne pourraient pas trouver une version plus amusante de cette potion – et un sourire étira de nouveau ses lèvres.

« Très bien. Voilà ce que nous allons faire… »