Cours d'introduction à la science politique et au droit de la communauté magique

Puisque l'entretien, suivi de la signature du contrat de Rupert, pour le poste de professeur de droit et science politique à l'académie Haveirson avaient été tardifs, il a été décidé que le cours se déroulerait uniquement sur le second semestre. Toutefois, l'Irlandais devait déjà s'installer dans ses appartements courant décembre et prendre part à la vie de l'université magique avant les vacances de Noël. Aussi, il proposa à la doyenne d'organiser un cours introductif afin de se présenter, ainsi que sa matière, de faire connaissance avec les étudiants et de leur conseiller une bibliographie pour agrémenter leurs longues soirées hivernales au coin du feu.

Larkin publia donc une annonce invitant les étudiants intéressés à se rendre à l'amphithéâtre Westminbrook à 14h le jeudi suivant, quelques jours avant le bal qui clôturait le premier semestre. Une fois le parchemin accroché au mur, il recula, planta ses mains sur les hanches en tirant la langue. Il sourit. Fier ! Si on lui avait dit qu'il serait prof un jour...



L'Irlandais avait vécu quelques semaines agitées depuis sa première venue à Haveirson. Il avait déménagé ses affaires principales dans son petit meublé au sein du château mais était encore rongé par l'indécision. Rentrerait-il les weekends en Irlande ? Comment faire avec Kairos ? Le laisser dans une niche près des écuries ? Le domaine de l'académie offrait de larges étendues où le braque pourrait se défouler. Et sa moto ? Oui, sa moto. Et le groupe ? La meilleure solution, aux yeux de Rupert, était d'attendre, la solution viendrait bien d'elle-même. Il vivait donc à présent au milieu de cartons semi-déballés qui lui servaient de support pour rédiger ses plans de cours.

Vers 13h45, il se dirigea vers l'amphithéâtre Westminbrook d'un pas assuré. Etrangement, il n'était pas anxieux. Juste bien trop enthousiaste. Peut-être n'avait-il pas bien saisi la différence entre le fait d'assister à un cours passionnant et celui d'introduire une matière de manière professionnelle ? Dans tous les cas, il était persuadé que cela se passerait bien. Rupert était un gars du genre confiant et si le vent tournait, il savait cacher sa déception.

Une fois ses quelques affaires installées sur le bureau, il contempla la salle. Il ne put s'empêcher de siffler. Wow, depuis l'estrade, il dominait les deux premiers rangs. Ce devait être impressionnant de voir la salle remplie, attentive, les mains levées des étudiants impatients de poser leur question...
Pour passer le temps, il se promena un peu dans l'amphithéâtre.

Quelques minutes avant le début du cours, les premiers étudiants arrivaient. Il les saluait poliment, assis derrière son bureau. Pensif, il observa ses manches avant de les retrousser. Il portait un cachemire gris souris sur une chemise blanche avec son habituel jean au denim brut. Il avait fait un petit effort pour être présentable, tout en annonçant la couleur de sa décontraction.

A 14h02, il prit la parole. Il n'était pas nécessaire d'intimer le silence aux étudiants, qui avaient l'air bien sérieux. Il eut un petit frisson craignant que le courant puisse ne pas passer... Bon, il ne faut préjuger de rien !

- Bonjour à tous. Je suis le professeur Rupert Wenlock. Merci de votre ponctualité et de l'intérêt que vous portez à la matière à laquelle je tâcherai de vous intéresser au cours du second semestre. Aujourd'hui, je vous propose de faire une petite présentation du contenu et de ma méthode. Je vous donnerai évidemment quelques conseils de lecture pour vos moments d'ennui pendant les vacances à venir. Rupert n'avait pas pu résister à l'envie de se lever et fit quelques pas en prononçant ces mots d'une voix chaleureuse. Il s'appuya sur son bureau, croisa les bras en souriant et toisant son auditoire.

- Pour commencer, je vous propose de faire un tour de salle. Nous ne sommes pas si nombreux que ça et j'aimerais en savoir un peu de vous avant de démarrer en janvier. Cela me permettra d'adapter le contenu, les références, les exemples à vos profils.

Je vais débuter. Donc, je m'appelle Rupert Wenlock-Larkin, j'ai tout juste 40 ans. Hm, je suis originaire de Malahide, co. Dublin, en Irlande. Je suis papa d'une fille de 12 ans. Après mes études à Poudlard, je suis directement entré au Ministère de la Magie. J'y ai travaillé en tant qu'Oubliator pendant dix ans. Puis je me suis installé comme écrivain indépendant. J'ai écrit des articles d'analyse politiques pour des journaux, des essais, ainsi qu'une thèse sur l'usage de l'occlumencie et de la légilimencie en politique sorcière.

Voilà. A votre tour à présent !

Il déclara cette dernière phrase avec l'enthousiasme d'un gamin ayant présenté une pièce de théâtre à ses copains, les invitant à y participer. Les mains sur les hanches, il balayait la salle avec un sourire joyeux, attendant que le premier ou la première courageux.se se lance.

Enfin un cours libre qui se donnait à une heure décente ! Pour féliciter ce nouveau professeur de cette décision brillante et ô combien humaine, Clemens avait décidé de le gratifier de sa présence. Il était toujours à la recherche d’un ou deux cours pour non-spécialistes afin d’agrémenter son cursus qu’il trouvait sinon trop peu varié. La médicomagie ça lui avait bien plu, mais maintenant qu’il avait droit à un rattrapage particulier, il ne voyait plus trop l’intérêt de se tirer du lit aux premières lueurs du jour. Et de toute façon, ça rendait tout bien plus facile…

Le droit et la politique, ça ne lui parlait pas plus que ça, cependant. A Poudlard, personne ne leur en avait touché un mot et le Sinistros n’avait pas été de ceux qui lisaient assidûment la Gazette du Sorcier. Tout ce qu’il connaissait de droit, il l’avait appris en signant son contrat de batteur à Heidelberg, où on avait bien du lui expliquer dans quelle mesure sa signature le liait, les conséquences qu’il devrait affronter en cas de rupture volontaire, involontaire, de lui ou pas de lui… Ca n’avait été qu’un grand charabia et sa conclusion avait été : tiens-toi à carreau et fait comme les autres. Pour une fois, ça avait plutôt bien marché.

Néanmoins, mine de rien, l’âge adulte s’était faufilé dans son quotidien et l’étudiant se trouvait de plus en plus souvent englué dans des enchaînements de circonstances où il aurait bien utilisé quelques connaissances légales. Sans compter sur le fait que sa famille était née d’un désordre politique. Quelque part, cela lui donnait l’impression qu’il était obligé de faire acte de présence à ce premier cours. Selon les sujets abordés, celui-ci pourrait même avoir une certaine résonnance biographique et ça, c’était plutôt très intéressant. Clemens s’était donc levé à une heure raisonnable - c’est à dire midi trente - pour s’apprêter à aller en cours.

L’amphithéâtre était encore vide quand il arriva, lui donnant l’étrange impression d’être un étudiant modèle. Arrivé un peu en avance, frais et dispo, avec un parchemin et quelques plumes… Même si sècretement, ceux là étaient destinés au cours de métamorphose appliquée qui se donnait juste ensuite. Clemens salua le professeur poliment puis se chercha une place dans une rangée à mi-hauteur. En attendant ses camarades, il ferma les yeux et réfléchit à nouveau à ses recherches, interrompues la veille au soir par l’arrivée impromptue du sommeil. La voix du professeur le ramena à la réalité, découvrant par la même la présence de ses condisciples autour de lui qu’il avait complètement occultée durant ses réflexions.

Appuyé des coudes sur la table, il écouta la présentation de Larkin, content de rencontrer un nouveau professeur détendu et visiblement ouvert d’esprit. Le Sinistros sentait immédiatement un respect particulier pour les enseignants qui avaient le cran de s’adapter d’emblée à leurs étudiants plutôt que de suivre un programme clair, défini et rassurant. D’autant que ce gars-là n’avait pas tiré son expérience d’un gros paquet de bouquins. Dans le court silence qui suivit, Clemens balaya la salle des yeux, puis décida de prendre la parole. Après être arrivé le premier, il pouvait bien continuer sur sa lancée. Il leva la main pour attirer l’attention sur lui avant de commencer.

“Je m’appelle Clemens Neubach. J’ai été joueur de Quidditch en Allemagne où j’ai d’ailleurs mes origines, avant de revenir en Grande-Bretagne pour entamer des études de spécialiste en métamorphose. Ma famille est un peu née du désordre politique entre ces deux pays, c’est sans doute la raison pour laquelle je m’intéresse à ce cours qui n’a rien à faire dans mon cursus. Je me suis dit que je pouvais bien faire un effort, et j’espère donc entendre un peu parler de la guerre froide et de ses conséquences sur les deux faces de notre monde.”

Ses yeux bleus étaient fixés sur leur professeur, arborant un regard intense qui dénotait un peu avec le ton amusé de ses paroles. Clemens parlait rarement de sa famille, et la plupart de ses amis ne savaient absolument pas que sa mère travaillait au Ministère. Cependant, il portait un nom trop atypique pour ne pas marquer les esprits : si Larkin avait été Oubliator, il avait forcément été un collègue de sa mère. L’étudiant espérait que leur enseignant lirait dans son regard cette volonté de garder secrète toute évocation publique d’une connaissance commune.

Ce matin, il avait eu du mal à s'extirper de son lit. À force de tergiverser pendant la nuit sur ses prochaines retrouvailles avec Anna, Rowan n'avait finalement que peu dormi. Au point que sa rigueur habituelle lui manqua assez pour se lever en même temps que son colocataire. Heureusement, l'enseignement le plus important de cette journée se déroulait après le repas de midi.

Le jeune homme prit précautionneusement sa potion stabilisatrice avant d'entamer quelques heures d'études à la bibliothèque. Sémantique Portugaise cette fois. Il espérait maîtriser, d'ici la fin de l'année scolaire, de nouvelles langues européennes. Un atout considérable étant donné ses objectifs grandissants.

Selon lui, on ne sauvait pas le monde en devenant un banal employé du Ministère. Il lui fallait plus.


Quelques minutes avant l'heure dite, l'ancien Serpentard se présenta à l'amphithéâtre qui portait le... Nom de sa famille. Une sensation singulière s'insinua alors en lui, tour à tour familière et piquante. Il chassa cette dernière en entrant dans la grande salle, y repérant directement leur enseignant et son colocataire. Ce dernier était en train de finir sa présentation orale.

Clemens. Ou l'Allemand avec le don de se matérialiser dans les endroits les plus improbables.

En une démarche excessivement guindée, Rowan inclina la tête avec respect vers messire Wenlocke-Larkin. Une manière comme une autre de le saluer. Puis, il se dirigea vers son camarade, s'asseyant à ses côtés après lui avoir offert un vague et bref sourire. Sans se presser, il installa ses affaires avant de croiser nonchalamment les mains sur sa table.

Sa voix, lente et maîtrisée, s'éleva à la fin des propos de son ami. « Je me présente, Rowan Philip Westminbrook. J'étudie actuellement dans le cursus des relations magiques internationales, avec l'ambition de me spécialiser dans la diplomatie. » Il marqua une pause. Une telle description de lui-même, aussi courte que hautaine, l’égayait intérieurement. « Ma participation à votre enseignement me semblait donc évidente. D'autant que j'ai bon espoir d'y acquérir les outils nécessaire à mon avenir et à ma culture personnelle. »

Le mois de Décembre avait débuté de manière bien tranquille pour le benjamin de la famille Jones. Un peu comme le début de l'année. Mais il fallait dire que les dernières semaines avaient été tumultueuses pour lui. Tout d'abord, il était le principal responsable du dérapage occasionné lors de l'évènement rassembleur entre Moldus et Sorciers. Ça, peu de gens, sauf son bon ami Dwight Mortimer, était au courant de l'incident. Hélas, Flutis avait, par inadvertance, foncé dans un stand quelconque. Il pilotait un simple balai volant et avait derrière lui, comme passager, une jeune Moldue. L'impact avait propulsé le sorcier au sol, mais sa passagère n'avait pas eu la même chance, heurtant un morceau de bois qui lui fit bien plus qu'une simple égratignure. Les Moldus avaient paniqué. Des coups de feu avaient suivi. Flutis avait pris la fuite, sans se soucier d'état de santé de la jeune femme.

Quelques semaines plus tard, un autre incident s'était produit. Cette fois, il avait recroisé une fille qu'il avait draguée, Jessica Summers. La voyant avec un autre mec, le Portugais s'était amusé à signaler à l'inconnu que sa "protégée" n'était pas du genre bien fidèle. Évidemment, il ne la connaissait pas très bien pour avancer de tels propos. Ce n'était qu'un pressentiment. Du moins, ses paroles avaient blessé les principaux intéressés et depuis, Flutis Jones n'était pas le jeune homme le plus aimé de l'Académie des sorciers.

Le Sinistros avait fait profil bas et s'était tenu le plus clair de son temps, enfermé dans sa chambre. À rédiger ses devoirs et à pratiquer ses sorts. Parlant de devoirs et de cours, l'ancien Rouge et Or voulait justement assister à un nouveau cours, pour le second semestre. Un cours sur le droit et la politique internationale. Cela ne représentait pas les intérêts ou les passions du jeune homme, mais cela semblait différent et intéressant de ce qui se donnait à Haveirson. Pourquoi pas?

C'est donc d'un pas décidé que Flutis se présenta dans l'amphithéâtre un peu avant les 14 heures. La classe commençait à se peupler et le grand gaillard se plaça derrière un autre étudiant qu'il ne reconnut pas immédiatement. Le professeur venait de prendre la parole. 14 h 02. Il n'était pas ponctuel. Flutis savait qu'une première impression ne prenait que quatre minutes. Les quatre premières minutes étaient donc primordiales quand on rencontrait quelqu'un. C'est tout ce que ça prenait pour juger autrui. Et la première impression ne s'alignait pas pour être excellente.

Et ce n'était pas la seule chose qui ne s'alignait pas pour être excellente. À peine, l'enseignant avait-il fini de s'adresser au groupe qu'il leur demanda à leur tour de se présenter. Au moins, ils n'étaient pas 122 étudiants...Mais le pire, c'était que le premier qui dût prendre la parole était Clemens Neubach. Et Flutis était assis directement en arrière de lui. Putain...

Son "meilleur ami" ne put s'empêcher de parler de son "parcours professionnel" au Quidditch et de faire un lien sur ses parents. Ce n'est pas Thérapies 101, ici. Un cours de po-li-ti-que. C'était ce que l'ancien Gryffondor voulut lui crier, mais il se garda une petite gêne. En plus, lorsqu'il se présenta, son acolyte, Rowan, arriva et se plaça à ses côtés. C'était tout sauf sympathique pour le jeune homme. Mais ce n'était pas fini...

Qui se présenta comme troisième étudiant(e)? Amaranthe Aislinn! Les deux adultes s'étaient quittés en mauvais termes lors de leur dernière rencontre et voilà que Flutis se retrouvait assis une rangée devant la sienne. Il était pris en sandwich dans le monde du malaise. L'étudiant ne voulait pas prendre la parole après la demoiselle, mais voyant qu'il n'avait pas le choix... Il se leva et de façon nonchalante, il prit la parole.

-Je m'appelle Flutis Jones. Futur chasseur de primes. Je trouvais le cours différent et ce ne sont pas les sujets d'actualités qui manquent présentement pour rendre le cours encore plus intéressant. Je suis pas mal certain que le contenu pourra m'être utile lors de mes missions à l'étranger.

Et il se rassit. Aussi rapidement qu'il s'était levé. Pourtant, il n'avait pas mal fait. Flutis ne voulait tout simplement pas qu'on s'attarde sur son cas...

Cours de politique… A priori, Isolde n’était pas concernée. A priori seulement. Ne pas avoir choisi ce cursus ne signifiait pas que la matière était dénuée d’intérêt à ses yeux. D’abord, parce que sa curiosité s’étendait largement au-delà de la botanique. Ensuite, parce qu’elle jugeait utile de connaître un minimum la situation politique du pays dans lequel elle vivait; sans oublier ses propres droits. Son intérêt était redevable à une certaine personne connue à Serdaigle, 3 ans auparavant, qui lui avait fait comprendre l’intérêt de connaître un minimum ses droits, même si cet intérêt était resté assez superficiel chez la jeune allemande. Une certaine personne qui l’aurait sûrement traînée à ce cours si elle avait été là, pensa Isolde en souriant pour elle-même. Elle l’y traînait d’une certaine façon, puisque c’était en grande partie le souvenir de ses explications passionnées qui guidaient aujourd’hui les pas d’Isolde vers la salle de classe.

Depuis 2 ans, sa culture politique se limitait aux informations écoutées à la radio et glanées dans la presse allemande qu’elle se faisait livrer. Mais même si elle ne disposait pas de connaissances encyclopédiques dans ce domaine, elle pouvait bien y amener son esprit critique et sa réflexion. C’était bien l’intérêt de l’université, non ? Ne pas seulement apprendre, mais aussi réflechir. Plus que ce qu’on leur demandait à Poudlard en tout cas. Et qui sait, elle allait peut-être s’inscrire aux cours en janvier, si ce cours lui donnait matière à réfléchir, et pas seulement à potasser.

Toutes ces pensées égarées loin d’Haveirson avaient inconsciemment ralenti sa marche, et l’heure du cours avait tout juste sonné lorsqu’elle franchit la porte. Elle descendit rapidement les marches de l’amphithéatre au moment où le professeur entamait son petit discours d’accueil, cherchant des yeux une tête connue à côté de qui s’asseoir. Elle avisa d’abord Amaranthe, puis Rowan et les boucles brunes de son meilleur ami vers qui elle se dirigea joyeusement. Ils avaient trop peu d’occasions de passer du temps ensemble pour qu’elle rate celle-ci. Elle s’assit au moment où il finissait de parler, et lui adressa un grand sourire en guise de bonjour lorsqu’il se rassit. Elle écouta les autres parler pendant qu’elle sortait de quoi prendre des notes. Un léger silence s’installa après les paroles d’Ayumi, et elle se leva à son tour pour se présenter, saluant Rowan au passage.

- Bonjour monsieur, Isolde Mayer, je suis le cursus de spécialiste en flore magique. Je m’intéresse un peu à la politique en dilettante depuis mon adolescence, enfin juste assez pour essayer de suivre un peu l’actualité. Je ne connais pas grand-chose en droit par contre, c’est aussi pour ça que j’ai décidé de venir. J’aimerais que votre cours nous apporte une autre vision de celle qu’on peut entendre ou lire dans les médias courants ; je pense que ceux-ci se concentrent souvent sur les faits sans apporter de réflexion plus globale. Je crois aussi que je ne sais pas bien définir la politique en fait ; c’est un mot assez galvaudé, utilisé un peu à tort et à travers dans les journaux. Vous avez écrit le mot “sciences” sur l’intitulé de votre cours, ça m’a intrigué. Est-ce que la démarche scientifique est utilisée en politique ?

Elle fit une courte pause, réfléchissant aux paroles de Clemens. Elle n'avait pas pensé que le sujet serait abordé, mais c'était absolument pertinent. Surtout pour elle et lui qui vivaient entre deux pays, l'Allemagne et le Royaume-Uni. La fin de la guerre froide était trop récente pour ne pas avoir d'effets encore tangibles aujourd'hui.

- Je voudrais aussi m’associer à ce que vient de dire Clemens. J’ai vécu cette période, mais j’étais petite et je ne l’ai perçue que de l’intérieur. J’aimerais beaucoup pouvoir l’étudier avec un autre point de vue. Votre cours va se focaliser sur la période actuelle ou nous parler de politique de façon plus générale ? En ce qui me concerne, à propos du droit, je suis aussi intéressée par son évolution que par l’état des lieux actuel.

Isolde se rassit, contente d’avoir pu donner son opinion sur le déroulé d’un cours ; autre différence majeure avec Poudlard. Le professeur lui donnait une bonne première impression avec son air enthousiaste et motivé. Elle repensa soudain à ce qu’il venait de dire sur son ancienne carrière, et jeta un regard en coin à Clemens. Se pouvait-il que le professeur connaisse sa mère ? Clemens ne l’apprécierait sûrement pas, lui qui mettait tant d’importance à cacher sa vie familiale. Elle reporta à nouveau son attention sur le professeur, curieuse de ses réponses et de ce qu'il allait tirer des paroles de ses élèves.

Plus tôt cette semaine là, une note sur le panneau d'affichage m'avait poussée à effectuer des modifications à mon horaire. J’étais sensée débuter un cours de science politique et de droit en janvier, au retour des vacances des fêtes, mais le professeur avait décidé de nous rassembler avant. Je savais pas trop pourquoi, peut-être voulait-il prendre de l’avance… mais dans tous les cas, j’en avais été emballée, parce que c’était un cours que j’attendais avec impatience. Il était obligatoire dans mon cursus d’oubliator et il contiendrait sûrement beaucoup d’éléments qu’il me fallait savoir avant de penser pratiquer ce métier. Quand j’avais vu le nom du professeur qui allait l’enseigner, un sourire avait étiré mes lèvres. Rupert Wenlocke-Larkin avait longtemps pratiqué la profession d’oubliator et j’avais beaucoup entendu parler de lui durant mes années en tant qu’assistante au Ministère de la Magie, emploi que j’avais occupé entre Poudlard et Haveirson.

La veille du premier cours, j’avais décidé de profiter de mon temps libre pour avancer mon étude et mes travaux car il fallait dire que les révisions et les rédactions s’étaient accumulées ces dernières semaines en prévision de la fin du semestre et comme j’avais toujours été une étudiante sérieuse, j’essayais de garder le rythme et de bien faire les choses. Vers minuit, je m’étais dit que j’allais simplement terminer un essai que j’avais commencé cette semaine et qui était très avancé, dont il ne me restait plus qu’à rédiger l’introduction et à revoir la syntaxe et l’orthographe. Comme il était à remettre le lendemain, je devais absolument le terminer ce soir. Une fois que j’aurais fini ça, je pourrais aller dormir pour être en forme le lendemain. Sauf que j’ai jamais trouvé mon essai. Je le cherchais partout, sachant qu’il faisait au moins 2 mètres de parchemin de long, sans succès. Un sortilège de rappel m’a permis de me souvenir que je l’avais jeté dans la cheminée, par mégarde, avant d’aller dormir hier soir. J’avais voulu faire un peu de ménage dans mes papiers et je l’avais juste… brûlé. 8h de rédaction envolées en fumée.

J’ai implosé. Je fulminais, j’arrivais pas à croire que j’avais brûlé mon essai et qu’il faudrait que je recommence au début. J’ai ragé pendant au moins 45 bonnes minutes, suis descendue à la cafétéria pour manger un bout et tenter de me changer les idées, suis remontée dans la salle commune en rageant toujours… et j’ai fini par me retrousser les manches et recommencer mon travail. Il était à remettre le lendemain, alors il fallait à tout prix que je le termine.

J’ai fini par aller me coucher à 9h du matin. Vers 8h je m’étais dit qu’il valait mieux tout bonnement renoncer au sommeil ; à cette heure de toute façon je m’endormais plus. Je dormirais le soir. Sauf que j’avais mon avant-midi de libre et les autres révisions que j’avais à faire pouvaient attendre un peu. Alors je me suis dit qu’une petite sieste ne ferait de mal à personne, surtout pas à moi… Une heure, juste une heure.

J’ai ouvert les yeux à 13h54. Oups. Encore une fois, j’allais être en retard. J’essayais de l’être le moins possible en cours parce que ça donnait une mauvaise image de moi, mais là, il était définitivement trop tard pour y changer quelque chose. Je me suis levée, j’ai enfilé un pull couleur crème trop grand pour moi qui me dénudait une épaule et un skinny jean bleu pâle. J’ai noué mes cheveux en une sorte de chignon pendant que je marchais vers ma destination. Je m'étais même pas rendue compte que j'avais encore les traces de mon oreiller étampées sur le visage.

Quand je suis entrée dans l’amphithéâtre, j’ai senti les yeux de tout le monde se poser sur moi. Normal, c’était toujours comme ça quand on entrait en retard, le bruit distrayait les gens et attirait inévitablement leur attention. Mais je connaissais la plupart des gens présents et ils étaient assez peu nombreux, alors je ne me suis pas sentie trop intimidée. J’ai sorti mon arme secrète : un sourire de gamine et une attitude angélique pour dire :

- Toutes mes excuses Professeur Larkin..!

Je me suis avancée entre les rangs pour aller m’asseoir. Quelqu’un m’a fait comprendre qu’il fallait que je me présente brièvement. Je me suis levée à côté de mon pupitre et j’ai déclaré :

- Je m’appelle Lanalia Winslow, je suis à Haveirson pour apprendre le métier d’oubliator et ce cours fait donc partie de mon cursus. Ayant travaillé 2 ans au département des accidents et catastrophes magiques auprès notamment des oubliators actuellement en activité au ministère, j’ai cru comprendre que la connaissance de la loi, des limites de ce qu’on est autorisé à faire ou pas et aussi – mais peut-être que ce sera le sujet d’un autre cours – de la morale et de l’éthique appliquée au fait d’effacer la mémoire des gens faisaient partie intégrante de la profession.

Puis, je me suis rassise, contente de pouvoir dès à présent être un peu plus discrète.

Quelques élèves étaient arrivés en retard, ce qui importait peu au professeur. Il considérait que les retardataires se faisaient tort ainsi, ce qui constituait une punition suffisante en soi. Pour ce premier cours, ce n'était vraiment pas important. Cela lui rappelait juste qu'il n'avait même pas songé à donner des règles de conduite ou à énoncer ses propres attentes.

Bien, en tout cas, tous les étudiants avaient joué le jeu. Certains étaient plus loquaces que d'autres, évidemment, mais cela lui apprenait aussi de la composition de la classe. Au fur et à mesure des présentations, une plume vert vif s'agitait sur un parchemin, derrière lui. Avec son écriture en pattes de mouche, Larkin avait souvent du mal à se relire et il préférait largement regarder ses interlocuteurs que d'être penché sur sa feuille pour prendre des notes.

Il hochait la tête et remerciait dans un murmure chaque personne qui avait pris la parole. Sept personnes étaient présentes, notait-il mentalement. Deux élèves étaient venus simplement par curiosité. De façon assez intéressante, les propositions les plus précises émanaient d'eux. Isolde et Clemens étaient les seuls à avoir posé directement des questions qui se révélaient d'ailleurs très pertinentes. Peut-être était-ce dû à leur formation en sciences dites "dures", la botanique et la métamorphose ? Leur expérience de la nécessité de cadrer le sujet, de questionner les hypothèses et les définitions leur donnait un recul et un sens de l'observation d'une grande valeur !

D'ailleurs, ils avaient chacun un nom germanique. Clemens s'était d'ailleurs présenté comme originaire d'Allemagne et avait un léger accent. Neubach ? Il croyait bien avoir déjà entendu ce nom. Une de ses collègues au ministère avait épousé un Allemand nommé ainsi. Mais, en Allemagne, ce patronyme n'était pas si original. Peut-être se faisait-il des idées. Ce qui attira davantage son attention, c'était l'intérêt du jeune homme pour la Guerre Froide. Etonnant, pour un jeune sorcier !

- Bien. Merci à tous ! Je vais vous répondre tour à tour. Tout d'abord, je suis très heureux de voir des profils aussi divers. Je suis convaincu que notre propos n'en sera qu'enrichi ! Je veux remercier Clemens et Isolde de leur présence et de leur curiosité. Une solution administrative pourra être trouvée pour valoriser votre participation à mon cours sans vous surcharger de travail et vous détourner de vos recherches.

- Clemens, votre interrogation est très intéressante. Il est rare que les sorciers s'intéressent aux évènements considérés comme propres aux Moldus. Ce qui est évidemment dommage car nous ne vivons pas dans un monde parallèle, même s'il était tenu secret. Evidemment, la communauté magique internationale a eu prise dans l'évolution de la Guerre Froide. Je tiens à préciser que mon cours ne sera pas factuel, nous devons nous concentrer, en un semestre pour vous donner des bases de réflexion et des pistes de recherche. Nous n'aurons pas le temps de faire un cours complet sur le sujet. Mais nous aborderons bien sûr les rapports entre le monde magique et le monde moldu. A cette occasion, je prendrai la Guerre Froide comme filigrane factuel, si vous le voulez bien.
Par contre, si vous voulez discuter de choses précises à ce sujet, n'hésitez pas à venir toquer à ma porte ! Je serais heureux d'en papoter avec vous ! Je dis cela pour tout le monde. A la moindre question, au moindre problème ou si vous voulez parler de l'actualité, d'un thème précis, envoyez-moi un hibou ou venez me voir !

Larkin s'était hissé sur la table de son bureau et était donc à présent assis nonchalamment dessus. Tandis qu'il parlait, un grand sourire imprimé sur son visage, il faisait de grands gestes amples. Son enthousiasme l'empêchait de tenir en place.

Il s'adressa ensuite au jeune homme à la stature empreinte d'une dignité révélatrice de son rang. Rupert Wenlock connaissait bien ce type de personnage, issu d'une grande lignée grâce aux mariages successifs entre jeunes gens de même pedigree. Evidemment, le choix de carrière de l'étudiant était à la hauteur de son rang. La diplomatie, lieu de reproduction internationale des élites...

- Pour ce qui est de vos attentes, Rowan, elles seront comblées je l'espère. Plus particulièrement, nous aborderons la coopération magique en deuxième partie de semestre. Flutis, nous nous concentrerons sur l'administration magique en Grande Bretagne, mais l'étranger sera forcément évoqué, comme je le disais notamment à Clemens. Si le sujet de recherche vous intéresse davantage, n'hésitez pas à me demander des références bibliographiques ou à venir simplement me poser la question qui vous tracasse.

Un Auror, une Oubliator, une juriste. Il s'adressa à ces élèves qui se côtoieraient bientôt au Ministère.
- Pour ceux qui se trouveront bientôt dans les arcanes de l'administration de la communauté magique, ce cours est bien entendu un fondamental. J'en attendrai certainement davantage de vous sur les questions juridiques et sur la clarté de vos devoirs. Bien entendu, au niveau d'exigence correspond un niveau d'aide et de disponibilité de ma part. Le but n'est pas de vous surcharger ou de vous dégouter, au contraire. Il faut que votre formation soit excellente pour que votre diplôme constitue un véritable avantage dans votre carrière. La chance que vous avez de faire des études supérieure doit se traduire par des responsabilités accrues au sein de votre future équipe de travail.
Lanalia, puisque j'ai exercé en tant qu'Oubliator pendant des années, nous pourrons discuter plus en détail de ce métier. J'ai travaillé avec des Aurors et des juristes, aussi, bien sûr. Pour votre recherche de stage, je peux aussi vous aider.

Le professeur s'appliquait à bien regarder les étudiants dans les yeux, instaurant malgré lui une proximité plus que cordiale. Larkin ne pouvait imaginer que cela pouvait en choquer certains. Il avait fait l'effort de ne pas les tutoyer d'emblée, c'était déjà ça !

A chaque petite pause au long de ses tirades, il jetait des coups d'oeil à la jeune femme rousse qui s'était présentée comme future journaliste. Il n'y avait pas de doute possible. Son patronyme n'était pas si courant que cela, après tout !
- Amaranthe, je crois qu'on se connait. Enfin... J'imagine que tu ne t'en rappelles pas, tu étais toute petite, à l'époque ! Et voilà. Le tutoiement avait glissé tout seul. Bon sang, Rupert, reprends-toi. Tu.. Vous êtes Irlandaise, n'est-ce pas ? Non pas que toute l'Irlande se connaisse, mais des Amaranthe et Angharad Aislinn, il n'y en a pas des douzaines. Enfin bref ! Le cours vous donnera de la matière pour baser votre analyse de l'actualité et de produire des papiers de qualité, j'en suis sûr !

A ce sujet, il en vint au questionnement d'Isolde. Il appréciait ce genre d'attitude et était même déçu que la jeune femme ne soit pas spécialiste de sa matière. Il était persuadé qu'elle était capable d'un raisonnement fin qui était utile et rare dans le domaine de la science politique magique.
- J'en viens maintenant à vos questions, Isolde, qui sont d'une grande pertinence. C'est le genre de raisonnement et de comportement que j'attends de mes étudiants. Vous n'êtes pas passif, je ne déblatère pas. C'est d'autant plus crucial avec la crise que nous connaissons. Vous serez amenés à être acteurs, durant la guerre qui point ou dans la construction de la paix, selon votre approche.
Le cours se basera nécessairement sur l'actualité mouvante mais il a pour objectif de vous donner de la matière pour analyser les événements et les grandes tendances, à une échelle plus large. Il sera donc forcément plus global.
Quand à votre question sur l'intitulé du cours, je laisse aux autres étudiants la charge de répondre à cette devinette. Pouvez-vous me définir le politique et la science politique ? Je précise que oui, il s'agit bien d'une science !

Ce premier cours était l'occasion de faire un peu d'épistémologie, même si la matière était peu étudiée par les sorciers. Les définitions moldues s'appliquaient puisqu'au final, on parlait bien de la même chose. Seuls les enjeux et les problématiques changeaient.
Ensuite, Rupert leur donnerait le plan du cours, afin de satisfaire leur curiosité. Il se sentait vraiment bien dans cette salle. A sa place.

Les visages qui se succédaient dans l’amphithéâtre avec plus ou moins de ponctualité ne lui était pas tous familiers. Pendant un moment, Clemens en fut intrigué. Même après avoir passé quatre mois dans une académie où ils partageaient tous leur quotidien, ils ne parvenaient pas encore à se connaître tous de vue. Par contre, il en vit aussi certains dont il se serait passé, comme Flutis qui l’ignora superbement mais n’en pensait sans doute pas moins. Son ancien rival s’installa juste derrière lui, et l’Allemand ne put voir dans ce geste que la promesse d’un mauvais coup. Il se raidit et comptait laisser son attention sur le Portugais, mais une autre arrivée changea la donne. La compagnie de Isolde en cours était un fait bien trop rare pour ne pas être placé au dessus de spéculations sur de vieilles connaissances. Entouré de ses deux meilleurs amis, Clemens se sentait d’autant plus à sa place dans ce cours.

Les unes après les autres, les présentations se succédaient, révélant silencieusement bien plus sur chaque étudiant que ce que certains voulaient faire paraître. Le Sinistros fut surpris de constater que les tirades les plus laconiques devaient être attribuées à ceux dont la présence étaient obligatoire. En dehors de Isolde et lui, nul n’avait cherché à participer au programme du semestre, ni à en dévoiler plus sur ses intérêts personnels. Il avait beau le regretter un peu, car il n’avait aucun moyen de savoir si Larkin connaissait sa famille et son histoire, il n’aurait pas fait silence dans un amphithéâtre où on lui demandait ouvertement son avis. Quitte à participer à un cours facultatif autant y trouver une certaine fascination.

Après un cours silence, le professeur entama sa réponse, trahissant par la même une excellente mémoire et un intérêt réel pour les étudiants qui lui faisaient face. Clemens se pencha un peu sur sa table, comme attiré par les mots fluides et directs de l’enseignant. Il était ravi de constater que celui-ci avouait ouvertement construire son cours autour de l’esprit critique et des ajouts de ses étudiants. Cela promettait des séances riches en discussions et non pas lourdes de théories centenaires sans plus aucun lien avec la réalité. Pourtant, l’Allemand ne pouvait s’empêcher de garder une certaine retenue. Plus le temps passait, plus Larkin dévoilait sa familiarité vis-à-vis des élèves et même si le Sinistros n’avait en théorie rien contre, il voulait dans ce cas la fuir comme la peste. Si il se mettait à évoquer des souvenirs personnels avec ses…

Amaranthe. Il ne put s’empêcher de se tourner vers elle pour voir sa réaction, tout en étant estomaqué par le culot de l’enseignant. Faire une telle révélation au milieu d’un amphithéâtre universitaire pouvait se révéler extrêmement gênant pour la personne concernée. Par une étrange association d’idée, ce choc lui fit se détendre. Larkin avait cité son nom plusieurs fois sans faire référence à une connaissance ou à une ancienne collègue, alors qu’il s’était lancé dans sa petite anecdote au moment où il s’était adressé à la jeune Irlandaise. Pouvait-on y voir une preuve qu’il n’avait pas de souvenir de Laura Neubach ? Il l’espérait.

Heureusement pour tout le monde, il restait une dernière question à éclaircir, posée par Isolde. Clemens se tourna vers elle et lui adressa un sourire, pas étonné le moins du monde d’entendre son amie poser une question si pleine de finesse. Elle ne s’était pas spécialisée dans la botanique par manque d’intelligence, et ce, malgré les préjugés que cette matière pouvait diffuser autour d’elle. L’interrogation était pertinente et en se basant sur ses connaissances parallèles, l’Allemand pensait avoir une piste de réponse. Il leva la main et attendit que le professeur lui signifie l’autorisation de parler avant de continuer.

“Je dirais que le politique en général, c’est une forme de mise en pratique. Elle concerne chaque citoyen d’un état, et tous ont le droit si pas le devoir de s’en mêler. C’est une action, concertée ou spontanée, et qui réagit à un problème ou une situation précis. En revanche, la science politique… C’est une démarche analytique qui consisterait en… Hmm… L’étude des différentes actions politiques menées dans le passée, leurs conséquences et les conclusions qu’on peut en tirer. C’est un domaine d’étude qui peut déboucher sur la pratique politique, mais ce n’est pas obligatoirement lié.”

Fait assez rare pour être relevé, Clemens s’était exprimé d’une voix un peu hésitante, sans nonchalance, ni arrogance. A la fin de sa réponse, il jeta un œil à Isolde en espérant que son expression lui donnerait une idée de son avis sur la question. Il reporta ensuite son attention sur le professeur et attendit les réactions de ses camarades.

Deux autres élèves s’installèrent à la suite d’Isolde, sans que le professeur semble s’offusquer de leur retard. Elle nota mentalement les cursus des autres étudiants : un futur diplomate, une journaliste, un auror, une oubliator, une juriste et un chasseur de primes. Elle et Clemens détonnaient un peu dans cet amphithéatre, avec leurs études en apparence totalement éloignée de la vie politique. Mais pouvait-on dire qu’on était vraiment éloigné de la politique ? Clairement non, de l’avis d’Isolde, à moins de vivre sur sa propre île déserte.

Le professeur avait eu la même réflexion que la jeune allemande, et remercia chaleureusement les deux curieux. Ses premiers mots confirmèrent l’impression favorable qui lui inspirait. Un cours de réflexion, c’était exactement ce qu’elle attendait. Pas de cours magistral, et surtout pas dans ce domaine où il était bien difficile de rester objectif. Il répondit point par point aux questions posées, signe qu’elles n’étaient pas une simple formalité mais bien un point d’ancrage de son cours. Elle accueillit avec un sourire la proposition de venir discuter de points précis de l’actualité avec lui. Comme Neal, il ne semblait pas très à cheval sur la distance professeur/élève. Et peut-être pas assez en fait. A l’instar de Clemens, elle adressa un regard stupéfait au professeur qui venait de tutoyer Amaranthe. Il n’aurait pas pu attendre la fin du cours pour lui parler en privé plutôt ? Outre la gêne pour la jeune femme, des élèves pourraient être tentés de penser que leur intimité pourrait lui offrir un traitement de faveur.

Le professeur se tourna vers elle pour répondre à sa question, et elle ne put s’empêcher de sourire à nouveau en l’entendant qualifier ses questions de particulièrement pertinentes. Clemens enchaîna pour répondre à son tour, ses explications sonnant particulièrement justes. Une jeune femme timide parla ensuite, exposant les choses de façon différente mais pas opposée. Isolde laissa un court silence s’installer, s’assurant que personne d’autre ne voulait ajouter sa petite pierre à l'édifice de leur réflexion, et leva la main à nouveau.

- Je comprends la nuance, oui. Alors ce n’est pas indispensable de s’y connaître en sciences politiques pour faire de la politique. Enfin, ça dépend peut-être de l’échelle à laquelle on se place. Mais c’est une mise en pratique de quoi finalement ? J’ai longtemps cru que la politique se limitait à l’application des lois, mais j’ai l’impression que beaucoup d’actions peuvent être qualifiées de politiques.

Elle se tourna ensuite vers Ayumi.

- A mon avis, ce dont tu parles est la différence entre la politique et ce que les hommes politique en ont fait. Je pense que c’est le genre de système qui est sain à la base, mais qui est vite corrompu par des gens qui y voient le bénéfice personnel qu’ils pourraient en tirer. Pour la hiérarchie, je dirais qu’elle est induite par la politique justement. Enfin je pense que c’est une caractéristique de tous les systèmes politiques. Est-ce possible d’avoir un système politique sans hiérarchie ? Il me semble que le communisme voudrait s’en détacher justement, mais les dirigeants communistes ne sont pas dépourvus d’égo et ça en revient au même au final. A mon avis, c’est le même phénomène que dans d’autres domaines ; certaines personnes se révèlent particulièrement douées pour ça, et finissent par former une sorte d’élite car leurs capacités leur permettent de se faire élire. Je ne pense pas que ce soient les meilleurs, mais comme tu dis, ce sont les plus doués pour se faire apprécier. C’est ce que je voulais dire quand je parlais du sens galvaudé de la politique. Elle est souvent réduite à ce que tu nous dis, parce que c’est ce que beaucoup d’hommes politiques font.

Les yeux dans le vague pendant quelques secondes, elle réfléchit à la suite du raisonnement d’Ayumi.

- A ce que tu viens de dire, je rajouterais l’histoire et la sociologie aussi. Les personnes politiques s’appuient beaucoup sur l’histoire, la fierté nationale, pour s’attirer les votes, et ils doivent connaître un minimum la population pour pouvoir leur apporter des idées adaptées. Mais je suis d’accord avec toi sinon. Du coup, les hommes politiques ne sont pas forcément experts en sciences politiques.

Elle se tourna à nouveau vers le professeur :

- Les siences politiques sont un domaine récent ? Enfin, pas le domaine en lui-même, mais son accessibilité à tous ? Il pouvait exister avant, mais était plutôt réservé à une élite j’imagine ?

Son cerveau était en ébullition avec tous les questionnements que ce cours faisait naître en elle. Elle avait bien fait de venir, pensa-t-elle en attendant la réponse du professeur, espérant qu’elle n’allait pas le faire surchauffer avec toutes ses interrogations et ses “peut-être”.