Retrouvailles ( Clemens )

Le chemin de traverse. Ce lieu à la fois honni et rêvé, dans lequel commençait toutes les aventures magiques britanniques et qui se voyaient le témoin de tant de déconfitures. Clemens s’était tenu à l’écart de cette rue durant ses courts et rares sauts à Londres, ces dernières semaines. Il avait préféré rester chez ses parents et donner un coup de main au bar de son père, voire fréquenter les lieux de sorties moldus où il avait ses habitudes. Ca l’avait même bien plus amusé maintenant que le Monde Sorcier avait été dévoilé; on se réjouissait de son retour, mais personne n’avait remis sa nature en cause. Pour une raison qui lui restait un peu obscure, il trouvait ça hilarant.

Mais ce matin-là, ça lui avait pris soudainement et plutôt violemment. Il s’était réveillé tôt - enfin, vers les dix heures - et il n’avait pas de cours avant la fin de l’après-midi, alors il avait décidé de faire un saut à Londres. Après une douche rapide, il s’était emmitouflé dans son trench coat et une écharpe moldue avant de transplaner sur la petite place à droite du Chaudron Baveur. Voir ce lieu si surveillé l’avait tellement surpris à l’arrivée qu’il en avait presque perdu son chapeau.

D’un pas enthousiaste cependant, il descendit l’allée commerçante des sorciers, jetant des coups d’oeil de droite et de gauche sur les vitrines. Il n’avait besoin de rien, si ce n’est de nouvelles plumes peut-être, mais sa destination du jour n’avait rien avoir avec des amplettes. Il espérait mettre la main sur une vieille connaissance, mais cela allait nécessiter une certaine finesse et du temps… Sauf si on venait le déranger. Clemens se tourna avec un sourire en direction de la voix féminine qui venait de le héler. Malgré une soudaine montée de frustration, il afficha une mine amicale.

“Jade ! Ca me fait plaisir de te voir, depuis le temps.”

Le Sinistros ne connaissait pas bien la jeune femme, mais ils avaient partagés quelques soirées suffisamment mémorables pour qu’il ne l’oublie pas. De plus, elle était une bonne amie de Isolde, ce qui constituait en soi un argument suffisant pour que l’étudiant lui fasse bon accueil. Une voix au fond de sa tête murmurait que ce hasard faisait plutôt bien les choses, et il se força à calmer son agacement. Ses plans pour l’après-midi étaient mis à mal, mais ce n’était peut-être pas néfaste pour la cause. Il reprit alors la parole, doublant sa phrase d’un sourire et désignant les paquets qui encombraient les bras de la Phoenix.

“Qu’est ce que tu fais là ? Tu as l’air chargée !”

Jade eut l’air d’hésiter un peu quant à la façon de l’aborder, comme si son salut avait été une réaction spontanée et qu’elle se demandait à présent si ça avait été une bonne idée. Peut-être avait-elle remarqué aussi le léger agacement qui venait de s’emparer du jeune homme, auquel cas il se maudit d’être si perméable avec certaines émotions. Cela ne lui arrivait jamais avant son accident, lui qui pouvait garder une façade rieuse et énigmatique en toutes situations. Clemens se concentra donc pour afficher une mine d’autant plus avenante. Il ne connaissait peut-être pas beaucoup sa camarade de Phoenix, mais il était en réalité plutôt content de la voir.

“Oui ! J’aurais cru que dans un même château, on tomberait régulièrement sur ses amis, mais l’académie est bien trop grande pour ça, en fait.”

Les deux soirées passée en compagnie de Jade avaient été plutôt mouvementées, même celle passée dans les cuisines. L’arrivée de Megan avait failli en faire un véritable désastre. Sans compter sur sa proposition de “Action ou Vérité” qui avait eu des conséquences plutôt inattendues. L’un dans l’autre, Clemens n’avait jamais eu une vraie conversation avec la jeune femme et ils ne se connaissaient pour ainsi dire pas. Par contre, ils se trouvaient déjà un point commun que le Sinistros avait complètement occulté : le Quidditch. Si ils partageaient une telle passion, ils auraient sans doute quelque chose à se dire.

“Je comprends ! Je n’ose même pas y mettre les pieds, sinon, je me retrouve invariablement à vider mon compte en banque… Tu fais partie de l’équipe de Phoenix non ? J’ai entendu dire que le premier match opposerai nos deux confréries après la rentrée.”

L’Allemand ne se souvenait pas à quel poste elle jouait, outre le fait qu’elle n’était pas batteuse. Il surveillait ses adversaires les plus directs de près, surtout pour connaître leur style de jeu général et savoir si ils avaient joués dans d’autres équipes avant d’arriver à Haveirson. Dans la plupart des cas, ce n’était pas très difficile : ils étaient tous plus ou moins du même âge et issu de Poudlard. Donc ils se connaissaient tous. Il aurait cependant préféré en rester sur le topic du Quidditch, mais ne fût pas étonné que Jade s’intéresse à ses propres raisons de se trouver à Londres ce jour-là. Le mensonge sortit plus rapidement et plus aisément qu’il ne l’aurait cru. Sa réponse était toute prête.

“Je suis venu faire un tour à la recherche de mes cadeaux de Noël et puis racheter des plumes et des fournitures de base… J’ai la mauvaise habitude de faire mes expérimentations de métamorphose sur les objets qui se trouvent autour de mon bureau, donc ils ont une durée de vie assez courte…”

Il haussa les épaules en signe d’impuissance, affichant une moue amusée. Techniquement, c’était vrai, parti comme il l’était, il allait véritablement changer ses plans et finir par aller acheter des plumes. Maintenant qu’il savait la présence d’un visage connu sur le Chemin de Traverse, il était moins enclin à se livrer à ses plans originels.

“Tu as fini tes courses ? Ca fait un moment que je traîne ici, ça me plairait bien de me poser pour boire quelque chose de chaud, ça te dit ?”

La neige s’était remise à tomber alors qu’ils restaient plantés au milieu de la rue à discuter. La météo du mois de décembre était si capricieuse, pourtant, la journée s’annonçait raisonnablement belle quand Clemens était sorti de Haveirson. Il commençait à avoir les pieds qui s’engourdissaient et réalisa avec un peu de retard qu’il avait une fois encore oublié de prendre des gants. Si il continuait comme ça, il allait perdre un doigt avant la fin de l’hiver.

“Je suis batteur.” Il lui adressa un sourire d’excuse. “Je te présente déjà mes excuses pour les quelques hématomes que tu risques de te payer par ma faute. A Sinistros on s’est déjà pas mal entraînés, même si c’était plutôt en petits groupes séparées histoire que chacun retrouve les marques de son poste. Ca fait tellement bizarre de jouer avec les mêmes personnes, mais dans des équipes différentes, tu ne trouves pas ?”

L’Allemand avait eu l’habitude de jouer avec Luuna du temps de Poudlard, bien qu’elle ait été à Gryffondor. Tous les autres, ça avait toujours été ses adversaires et cela avait eu une influence durable sur leurs relations en dehors du terrain. Maintenant, il allait devoir apprendre à leur faire confiance pour couvrir ses arrières, et tout donner pour amener au but des poursuiveurs auparavant ennemis. Sans compter sur le fait que ses cognards n’allaient plus protéger mais au contraire devoir distraire Isolde. A l’idée de mettre en danger sa meilleure amie, il ne pouvait s’empêcher de grimacer. Le Quidditch n’était pas le jeu le plus sécuritaire qui existait et il était bien placé pour savoir à quoi ressemblait une blessure par cognard.

Comme il s’y était attendu, Jade fut surprise par son aveu sur ses expérimentations. La plupart des étudiants ne travaillait pas leur matière avec un acharnement aussi grand que le sien, et puis surtout, peu de matières étaient propices à être pratiquées n’importe où au quotidien. Clemens appréciait voir la métamorphose un peu partout et s’amusait d’autant plus à l’académie, maintenant qu’il n’était plus obligé de la pratiquer dans un contexte scolaire.

“J’aime bien travailler dans ma chambre, mon colocataire n’est jamais là en journée, en plus. Du coup, mes fournitures et mon mobilier en font un peu les frais… Mais au moins, je ne dérange personne.”

Là dessus, la Phoenix accepta de venir se réchauffer au Chaudron Baveur, il prit alors le chemin du pub le plus réputé des sorciers. Heureusement, il n’avait pas loin à aller pour se réfugier dans l’atmosphère résolument magique de ce cher Tom. La salle était pleine lorsqu’ils y entrèrent. La neige tombait à présent dru au dehors et la plupart des clients du Chemin de Traverse avait visiblement trouvé plus sage de s’installer à l’intérieur pendant un moment. Clemens identifia la dernière table libre dans un coin à l’opposé du comptoir, la montra à Jade puis l’entraîna derrière lui pour aller s’asseoir. Une fois débarrassé de son trench, il s’adressa à nouveau à la jeune femme.

“Ca va faire bizarre de fêter Noël dans un château à nouveau… Je ne sais pas si je t’ai déjà posé la question, mais je ne me souviens pas si tu es venue ici directement après Poudlard ? Ou si tu as fait quelque chose entre temps ?”

Jade n’avait pas tort à propos de l’avantage que leur conférait la connaissance de leurs adversaires. Clemens avait seulement perçu le côté émotionnel de cette nouvelle configuration, son interlocutrice réussit donc à le rendre perplexe pendant un instant. Il connaissait certes les préférences des joueurs les plus anciens, mais jouer avec et jouer contre n’était pas entièrement la même chose. Sans compter sur le fait que le style dépendait autour de l’équipe complète que des individus qui la composaient. Cela leur promettait quelques belles surprises. L’Allemand sourit à sa camarade avant d’acquiescer. Involontairement, elle venait de lui donner un tuyau pour se préparer aux premiers matchs de la saison.

Il n’enchaîna pas sur cette conversation, car la neige et le froid n’étaient plus vraiment propices aux échanges. Les deux étudiants se dirigeaient d’un pas rapide vers le Chaudron Baveur et s’installèrent avec plaisir dans ce pub si chaleureux. L’atmosphère était peut-être un peu surchargée au goût de Clemens, mais il devait avouer que ce retournement de situation lui plaisait plus que ses plans originels. Il commanda un café à la suite de Jade, puis se tourna vers elle avec une mine avenante. La jeune femme était enthousiaste et curieuse, la discussion naissait facilement. Alors, il se détendit.

“ Non, je fête toujours Noël en famille. Nous sommes tous éparpillés entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne alors c’est une occasion pour se revoir.”

La famille était une des valeurs qu’il considérait comme les plus importantes, même si le sujet était délicat pour lui. Toute la branche maternelle les avait reniés quand sa mère s’était donnée en mariage à un homme bien en deçà des standards exigés par ses parents. Pendant plus de vingt ans, ça avait été le silence complet, mais le retour à Haveirson avait étrangement sorti les liens de leur immobilisme. Clemens avait entreprit de briser la glace avec Heath, son cousin, et l’idée faisait peu à peu son chemin chez d’autres membres de la famille… Enfin, chez sa mère en tout cas. Plutôt que de s’étendre sur ses propres conflits, le jeune homme préféra néanmoins écouter Jade parler de son parcours.

“C’est une belle expérience déjà ! Tu ne voulais pas continuer à travailler pour la Gazette ? J’ai entendu dire que c’était plutôt difficile d’y entrer, ça doit être une vraie chance de pouvoir en arriver là juste après Poudlard.”

Comme il aurait du s’y attendre, sa camarade lui retourna la question. Même si il gérait de mieux en mieux son amertume, il rechignait toujours à parler de ses quelques années un peu ratées et de toutes leurs conséquences. Le Sinistros prit son temps avant de répondre, choisissant ses mots avec soin.

“J’ai entamé une carrière de joueur de Quidditch professionnel quelques semaines après être sorti de Poudlard. Ça se passait très bien, mais j’ai eu un accident en plein match au printemps dernier et j’ai du choisir une autre voie. Comme ma deuxième passion c’est la métamorphose, je me suis inscrit dans ce cursus quand j’ai reçu le courrier de l’académie.”

Involontairement, il roula des épaules, comme si le fait de parler de sa blessure réveillait une douleur endormie. Grâce à Megan et Quinlan, sa rééducation accélérait de jour en jour, et il ne perdait pas espoir de retrouver presque autant de mobilité qu’avant sa chute. Parfois, l’étudiant se demandait même si les médicomages n’avaient pas été trop prudents à ce sujet quand ils lui avaient interdit de rejouer. La preuve était qu’il avait repris l’entraînement à un niveau amateur, et bien qu’il ait beaucoup perdu en qualité de jeu, ça se passait plutôt bien.

Jade avait eu une bonne idée en allant sur le Chemin de Traverse. En s'éloignant d'Haveirson, elle n'aurait pas pensé croiser quelqu'un du château et elle était contente d'être tombée sur Clemens. Cela permettrait sans doute aux deux étudiants d'apprendre à se connaître, chose qu'il n'avait jamais eu l'occasion de faire avant cela. C'est vrai que la grande majorité de Poudlard rentrait pour les fêtes. Le château était bien vide par la suite mais Jade avait toujours tenu à y passer Noël pour être avec sa meilleure amie. La jeune Phénix avait remarqué l'accent du jeune Sinistros quasiment à leur première rencontre. Il avait le même que celui d'Isolde et elle en avait conclu qu'il devait au moins être Germanique.

Elle ne pouvait pas être désolée ou avoir de la pitié pour Clemens. Bien sûr, elle trouvait cela dommage qu'il ne puisse pas continuer dans cette voie. Elle adorait le Quidditch et était fascinée par les gens qui en faisaient leur métier. S'appitoyer sur le sort du jeune Sinistros était, selon la jeune Phénix, pas une bonne idée. Cela ne devait pas être dans son tempérament et puisqu'il avait rebondi sur autre chose, c'était pour le mieux. De plus, il avait repris à Haveirson, ce qui était une bonne chose. Sans nul doute qu'il serait un sacré adverse et Jade avait hâte de voir ça.

Clemens hocha la tête en souriant, son accent et son anglais parfois un peu particulier avait souvent tôt fait de trahir ses origines. Il ne s’expliquait pourtant jamais sans qu’on lui pose la question ouvertement. C’était toujours un peu délicat pour lui de parler de sa famille sans entrer dans des détails qu’il ne voulait pas donner… mais sans refuser de répondre à la question en bloc. Il détourna le regard vers la salle, comme s’il cherchait à voir Tom et l’arrivée potentielle de leurs boissons, histoire de se donner le temps de choisir ses mots.

“Non, je suis né en Angleterre, mais ça n’empêche… Je me sens Allemand et c’est comme ça que j’ai été élevé. La moitié de ma famille se trouve toujours en Allemagne.”

Inutile de s’étendre sur les problèmes autour de la partie anglaise de la famille. De toute façon, le Sinistros ne connaissait même pas l’étendue exacte de sa sphère familiale puisqu’il n’en avait jamais rencontré que la moitié. Peut-être qu’il devrait demander à Heath, ou même à Rowan, à l’occasion. Étrangement, il ne doutait pas que son meilleur ami en saurait plus sur sa propre famille que lui-même. Clemens accueillit avec plaisir le changement de sujet, même s’ils ne se trouvaient pas moins en terrain miné. Il parlait certes plus facilement de son accident qu’au mois de septembre, mais les flots de frustration qui le chargaient depuis quelques semaines avaient recommencé à exacerber son amertume. Son visage s’assombrit un peu.

“J’ai failli perdre l’usage de mon bras. D’ailleurs, je ne devrais pas rejouer, mais j’ai monté un plan avec les médicomages de l’académie… On verra.”

Son niveau de jeu était très loin de ce qu’il avait pu déployer, et il en était conscient. La perspective du premier match de l’année l’inquiétait toujours un peu, tant il craignait de ne pas être à la hauteur. Grâce à Megan, il avait développé un nouveau style de jeu efficace et sans mettre son bras à rude épreuve. Cependant, il se retrouvait à s’exercer longuement sur des bases qu’il croyait depuis longtemps acquises. De plus, commencer la saison en hiver promettait des rencontres sous une météo capricieuse… de quoi réveiller quelques démons.

L’arrivée de Tom avec leur commande détourna leur attention de la conversation pendant un moment. Clemens entoura sa tasse des mains, profitant un instant de la chaleur qui se répandait ainsi jusque dans ses bras. La bonne humeur lui revint peu à peu, et il sourit à Jade, content d’être là.

“Tiens, toi aussi tu as reçu une lettre du Comte après notre incursion dans les cuisines ? Je ne savais même pas que c’était interdit… Et je me demande bien comment il l’a appris, d’ailleurs !”

C’était déplacé, et il le savait, mais il ne peut s’empêcher de jeter un regard noir à Jade quand elle revint sur sa blessure. Evidemment, c’était le plus important pour un batteur, et ce n’était pas pour rien qu’il avait du abandonner sa carrière. Son enthousiasme était quelque part si naïf qu’il en devenait blessant. Clemens ne comprenait pas comment elle pouvait s’extasier sur son passé en tant que joueur, alors qu’il lui expliquait qu’il avait arrêté sa carrière après un accident dans lequel il aurait pu laisser sa vie. Et puis franchement, les conseils de novices à propos de sa réhabilitation, il en avait soupé.

“Je sais, merci. C’est pas pour rien que je suis resté plus de trois mois à l’hôpital et que je ne suis pas resté dans le métier.”

Sa réponse avait été cassante, sans même s’embarrasser de sarcasme et de sous-entendus. Le sujet restait délicat, et même si Jade avait le mérite de ne pas le noyer sous la compassion, remuer le couteau dans la plaie n’était pas l’alternative la plus plaisante. L’Allemand avait beau eu essayer de se contenir, de se convaincre qu’elle ne pensait pas à mal… Les mots étaient sortis trop vite alors qu’une nouvelle vague d’amertume chassait son renouveau de bonne humeur.

Le sujet du Comte et ses observations n’était pas tellement plus positif, mais il avait le mérite d’être neutre. Clemens ajouta un peu de sucre dans son café et hocha sèchement de la tête. Autant qu’il en savait, ils avaient en effet tous reçus une réprimande et un règlement avait été accroché peu de temps après. Le Sinistros se souvint presque avec amusement de sa propre lettre de réclamation dans le hall, rapidement suivie par celle de Isolde.

“C’est interdit tout court, de jour comme de nuit, d’après le nouveau règlement. Mais je trouve ça fort de café de nous réprimander avant même d’avoir affiché un règlement. D’ailleurs, je me demande si le Comte l’aurait fait si Isolde et moi n’avions pas protesté. Enfin… Au moins, nous n’avons pas été sanctionnés. Je n’ai jamais vu personne à chaque fois que je me suis approché des cuisines, ce qui est d’autant plus bizarre, oui. Je crois que notre cher mécène n’est pas si bien disposé envers ses étudiants, et qu’il a ses propres moyens de nous surveiller… Qui sait, dans une académie magique, les tableaux ont peut-être des oreilles.”

L’étudiant ne regrettait certes pas d’être entré à Haveirson, mais plus les jours passaient, plus le château leur révélait de mauvaises surprises. Ce directeur inconnu, les miroirs, diverses salles secrètes… Le confort apparent les avait éblouis au premier abord, mais maintenant, la méfiance régnait plutôt parmi ceux de ses condisciples qui se posaient des questions.

“Je me demande vraiment pour quelle raison on nous a amené ici. Je pense de plus en plus que ce n’est pas un hasard… Comme si quelqu’un voulait que nous jouions un rôle particulier.”

Clemens laissa le manque de tact de Jade de côté. Elle était loin d’être la seule à considérer sa blessure et son accident comme de l’histoire ancienne. Nombre de ses camarades en parlait avec légèreté, car il était de retour à l’académie maintenant, donc il devait avoir fait le deuil de son ancienne vie, non ? Il l’aurait lui-même souhaité, mais la réalité n’était pas si simple. Heureusement pour sa camarade, l’Allemand n’avait pas pour défaut d’être rancunier et en bon Serdaigle qui se respecte, il se donnait déjà corps et âme dans le mystère qui entourait le Comte.

“Je me posais la même question, figure-toi. C’est étrange d’avoir attendu le mois de décembre avant d’afficher un règlement, d’autant que je n’ai pas entendu parler de dérapages particuliers. A part les cuisines, mais bon… On a tout rangé en partant, on n’a pas empêché le service des repas le lendemain, donc je ne vois pas vraiment où est le problème. C’est comme si il avait ouvert l’université en catastrophe sans que rien ne soit prêt. Plus j’y pense, plus ça m’inquiète, à vrai dire.”

Le Sinistros n’était pas entièrement honnête à propos des dérapages. Entre ses virées au cuisine, la bataille de boue à Avalon, les visites chez Quinlan et la mise sans dessus-dessous du terrain de Quidditch avec Gareth… Il avait plutôt mis de l’ambiance, et il suffisait qu’un ou deux autres étudiants ait fait pareil pour justifier les nouvelles règles. Néanmoins, Jade avait une nouvelle fois raison. Ils étaient tous adultes et savait raisonnablement se tenir. Il ne manquait plus que le Comte leur impose un couvre-feu et les empêche d’aller et quitter l’académie à leur guise… Clemens frémit. L’année n’était pas encore finie.

“Je suis encore une fois d’accord avec toi, l’académie n’est qu’une façade. Dans le contexte politique actuel, ça pourrait être beaucoup de choses… Peut-être une façon de surveiller un peu la jeunesse magique et de voir où sont les allégeances ? Ca aurait été plus cohérent l’année dernière, en cherchant qui soutenait particulièrement les théories de Potter et Dumbledore. Mais après tout, ça peut-être un projet qui a été lancé avant que le Ministère ne fasse volte-face.”

Heureusement pour eux, le bar était rempli et bruyant, rendant extrêmement difficile l’écoute de la table d’à côté. Si leurs entourages avaient été plus calmes, Clemens aurait peut-être hésité à émettre cette hypothèse à voix haute dans un lieu public. Bien qu’elle lui paraisse entièrement cohérente et pas forcément anarchiste. La question était de savoir qui voulait les surveiller, si c’était bel et bien ça le but de l’université.

“En tout cas, je ne crois pas que le seul but de Haveirson soit de nous offrir un diplôme supplémentaire. Pas dans une école gratuite où nous avons été invité. Je ne crois pas en ce genre d’altruisme…”