Derrière une lueur d'argent

Malgré la neige qui tombe lentement en gros flocons cotonneux et l’atmosphère chaleureuse qui entoure les fêtes de fin d’année, Cyril se sent triste et maussade. Chaque année, il rentre à la maison pour Noël, retrouve son père dont il n’a souvent plus eu de nouvelles pendant de très longues semaines. Sa mère partage sa joie, caractéristique universelle chez cette chercheuse dynamique et qui ne manque pas de lui demander les moindres détails à propos de ses derniers cours de Soins aux Créatures Magiques. Il aime tant ces moments avec elle, passés à deviser autour de ses derniers croquis ou d’une quelconque anecdote. Sa soeur Lucy, en revanche, ne peut s’empêcher de harceler leur père de questions à propos de ses dernières missions et mendie pour lui montrer ses derniers apprentissages en matière de sortilèges.

Les deux enfants sont si différents, et de moins en moins proches avec les années. Cette distance lui pèse tout autant que l’interdiction de rentrer chez lui pour les vacances. La présence de sa petite soeur aurait pu présenter une forme de réconfort dans une famille normale, mais pas chez les Evans. La jeune fille développe jour après jour cette appréhension infâme pour les moldus et son monde. Bientôt, il ne la reconnaîtra plus.

Alors, à défaut de chercher une compagnie humaine, il descend dans le parc en fin d’après-midi, dans l’espoir de rencontrer un animal. A travers l’épaisse poudreuse, ils sont de plus en plus nombreux à érrer aux limites du parc et de la forêt interdite, à la recherche de restes de nourritures, abandonnés là intentionellement par quelques élèves préoccupés. Le Gryffondor sait que Hagrid n’approuve pas cette pratique, alors il ne s’y livre pas. Néanmoins, il est heureux que certains le fassent. Comment ne pas avoir pitié de ces quelques créatures désoeuvrées ?

Il se glisse à pas de loups vers la Forêt Interdite, profitant de la nuit déjà presque tombée pour passer inaperçu. Il ne s’est pas rendu dans la forêt depuis plusieurs semaines, et cette aventure-là ne fait pas partie des bêtises qu’il commet souvent. Cyril est conscient du danger qu’elle représente, mais quel mal y a-t-il à jeter un oeil à la lisière ? Il ne compte pas entrer plus avant. Son carnet et un crayon à papier en main, il veut simplement observer une créature dans son milieu naturel… Tout du moins, c’est ce dont il essaie de se convaincre lui-même au moment où un éclat argent, bien trop brillant pour être la neige sous les arbres, attire son attention. La lune ne brille pas encore.

Un fol espoir lui saisit alors le coeur. Même les créatures les plus nobles quittent parfois les profondeurs pour chercher leur nourriture au plus près des sorciers. Hagrid lui a déjà parlé du troupeau de licornes vivant dans la Forêt, mais il n’a pas encore eu la chance de les approcher. Après les Sombrals et les Hippogriffes, c’est une des créatures qui le fascine le plus… Il n’hésite même pas et se faufile entre les arbres avec déraison, tentant tant bien que mal d’évoluer silencieusement entre les branchâges, à la suite de cette douce lueur qui caresse les écorces.

Quand enfin elle s’immobilise, il se retrouve paralysé lui aussi. L’adolescent ne sait plus s’il doit se cacher ou tenter d’approcher, si ce ne serait pas un sacrilège de déranger cette noble créature dans sa quête… Pour autant que ce soit véritablement une licorne ? Il n’a de toute façon pas le temps de se décider, une branche craque derrière lui et il se retourne pour se trouver presque nez-à-nez avec une silhouette qu’il ne parvient pas à identifier dans la pénombre. A la fois surpris et furieux contre lui-même, Cyril ne parvient pas à avoir une autre réaction que de rester silencieux. Comme un idiot, il n’a même pas sa baguette magique avec lui.

Cela faisait déjà plusieurs jours que Aaron avait des "trous" dans son emploi du temps, très certainement à cause des fêtes qui approchaient. Pas mal de profs étaient absents, pour cause de vacances ou de maladies la plupart du temps. Le Poufsouffle ne se plaignait pas et essayait d'utiliser ce temps libre à bon escient. Si bien qu'il en profitait autant qu'il le pouvait pour visiter les moindres recoins du château. Même après 5 ans passés ici, il n'avait même pas découvert la moitié de Poudlard, et il n'était jamais trop tard pour rattraper le temps perdu.

Ce jour-là, il décida de se rendre à la lisière de la forêt interdite. L'adolescent avait découvert l'endroit depuis plusieurs jours déjà, et adorait s'y rendre, surtout.. de nuit. Malgré les espèces toutes autant dangereuses les unes que les autres qui habitaient la forêt, Aaron trouvait la lisière très calme et bizarrement reposante. Alors quand le jeune homme le pouvait, il se rendait jusqu'à son petit coin, une plaine qu'il avait découverte et qui lui permettait d'avoir une vue complète sur les limites de l'endroit interdit.

Malgré les quelques flocons qui tombaient encore en cette fin de journée, il posa ses fesses sur l'herbe plus ou moins recouvertes de neige et fixa les arbres, dans l'espoir d'apercevoir une ou plusieurs créatures magiques. Pas une seule en vue. Aaron soupira, puis s'allongea dans la neige en fermant les yeux, le vent soufflant dans ses cheveux blonds.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, le soleil descendait lentement et la lune était en train de prendre le dessus. Il avait certainement déjà dépassé le couvre-feu, et préféra ne pas perdre de temps supplémentaire. Il se leva d'un bond, et s’apprêtait à partir lorsque quelque chose attira son attention. Il se retourna rapidement, les sourcils froncés, cherchant du regard la source de ce bruit, et vit une silhouette se diriger droit vers le bois. Vu la carrure, ce devait être un homme. Aaron se fit également la réflexion qu'il n'y avait qu'un Gryffondor pour foncer ainsi, tête baissée dans la forêt, surtout de nuit. Il déglutit et détourna le regard tout en se parlant à lui-même.

Non. N'y pense même pas. C'est son problème.

Il ne crut pas en ses paroles une seule seconde. Il fit à peine deux pas avant de quitter le chemin du retour, et se mit à courir en direction des arbres. Il voulait absolument savoir ce qui avait poussé le jeune homme à commettre une telle bêtise.
En pénétrant dans la forêt, il ralentit l'allure, mais continua tout de même à courir. L'adolescent s'arrêta un peu plus loin, essoufflé, lorsqu'il l'aperçu à quelques mètres devant lui, fixant une li... Aaron se figea, n'en croyant pas ses yeux. Elle était magnifique, et brillait presque autant que la lune, avec la grâce naturelle de l'animal. Une licorne. Il n'en avait jamais vue de ses propres yeux, seulement dans les bouquins et c'était totalement différent bien évidemment. Il voulut écarter une branche, de façon à pouvoir mieux l'observer, et marcha accidentellement sur une brindille, qui craqua sous le poids de sa jambe. La silhouette se retourna brusquement, se mettant dans une position défensive. Bien qu'ils se faisaient face à présent, Aaron n'arrivait toujours pas à mettre un visage sur ce corps, l'obscurité ne l'aidant que très peu. L'adolescent priait intérieurement pour que ce ne soit pas un Serpentard. Qui sait ce qu'il pourrait lui faire alors que le Poufsouffle n'avait même pas pris sa baguette qui lui aurait été d'une grande aide, surtout dans ce genre de situation. Crétin.

"Hohoh, on se calme, ne lance pas de sorts inutiles! Je m'appelle Aaron, 5ème année à Poufsouffle. Et toi qui es-tu?" Lança Aaron, en levant les bras, essayant de lui montrer qu'il ne lui voulait aucun mal.

Son coeur bat à mille à l’heure alors qu’ils sont tous les deux là, à s’observer comme des idiots, en position défensive et apparemment, sans la moindre intention d’attaquer l’autre. Cyril ne sait véritablement pas quoi faire, son attention se trouve encore figée sur la licorne, qui a probablement disparu après le raffut qu’ils viennent de causer. En même temps, il serait dangereux de se détourner sans avoir à qui on a affaire. Malgré son caractère plutôt pacifique, le Gryffondor a eut quelques altercations ces derniers temps et il a conscience d’être devenu une cible potentielle pour certain. Le monde du dehors n’est jamais loin de Poudlard.

Pendant qu’il hésite, l’inconnu se décide à prendre la parole. Il sent les muscles de ses épaules se relâcher alors que résonne entre les arbres cette voix connue. Au même moment, le vent dégage doucement les nuages qui masquaient la lune et un léger rai de lumière vient éclairer la scène. Deux adolescents tentant de se dévisager dans la pénombre, aussi supris l’un que l’autre. Cyril sourit finalement, accompagnant son expression plus calme d’un hochement de tête soulagé.

“Oh Aaron, tu m’as surpris. C’est Cyril, de Gryffondor.”

Il connait son camarade de Poufsouffle de vue, puisqu’ils sont dans la même année et partagent souvent leurs salles de cours. Néanmoins, ils ne se sont jamais parlés, on ne peut donc pas dire qu’ils se connaissent. Cyril a cependant toujours eu de bonnes relations avec les jaune et or, l’espoir est donc assez haut que Aaron ne soit pas là pour lui chercher misère… D’autant que si c’était le cas, il aurait pu l’attaquer par derrière, ou simplement utiliser le moment de surpris et d’égarement pour lui lancer un sort. L’hypothèse des mauvaises intentions écartées, le Gryffondor se permet enfin de jeter un oeil par dessus son épaule pour constater, comme il s’y attendait, que la licorne leur a fait faux bond. La déception vient se mêler à ses traits.

“Dommage, elle a filé… Tu as eu le temps de voir la licorne ? Qu’est ce que tu fais là d’ailleurs ? Tu la suivais aussi ?”

Les questions s’enchaînent au fur et à mesure de sa réflexion. Il est arrivé à la lisière de la Forêt sans voir personne, et il n’y a pas beaucoup d’élèves suffisamment courageux pour pénétrer entre ses arbres menaçants. Surtout pas pour une petite promenade solitaire au clair de lune… Ses yeux détaillent alors avec curiosité son interlocuteur. Aaron ne ressemble décidément pas à quelqu’un ayant quitté le château pour une longue et froide sortie dans la neige. Une autre évidence lui saute alors aux yeux. Ils ont tous deux levés les mains pour marquer leurs bonnes intentions, mais aucun n’a eu le réflexe de sortir sa baguette. A moins que … ? Le Gryffondor ne peut s’empêcher de laisser éclater un rire.

“Toi aussi, tu as oublié ta baguette ?”

Il se sent déjà assez ridicule d’avoir entamé cette petite virée illégale sans sa baguette magique, mais il réalise seulement à quel point c’était téméraire. Il a eu de la chance — du moins l’espère-t-il — de tomber sur un camarade de classe et pas sur une créature dangereuse. Ou même, sur un Serpentard qui serait venu lui chercher des noises. Les nuages reprenant leurs droits dans le ciel nocturne, la pénombre se fait à nouveau plus dense, et bientôt, il ne distingue plus les traits de Aaron. Les arbres se font à la fois oppressants et terriblement mystiques, comme une invitation à l’exploration… Cyril danse d’un pied sur l’autre, tiraillé entre un retour au château raisonnable et une folle envie de retourner à la chasse à la licorne. D’autant que maintenant, il n’est plus seul.

Inconsciemment, sa respiration s'était machinalement bloquée après avoir prononcé ces quelques mots de bienveillance, bien que son cœur battait de plus en plus vite. Il n'arrivait même plus à cligner des yeux, fixant l'ombre qui lui faisait face. Ce ne fut que lorsqu'il reconnut la voix de Cyril résonner qu'il se détendit. L'adolescent inspira profondément et passa ses mains sur son visage, la tension retombant petit à petit. Il était à deux doigts de se mettre à genoux, tremblant encore de ce surplus d'émotions.

"La vache Cyril, tu m'as flanqué la trouille !"

Aaron plissa les yeux et écarta une branche, essayant de s'approcher un peu du Gryffondor pour mieux le voir. D'une certaine façon, il était soulagé de savoir à qui il avait à faire, même s'il connaissait le jeune homme que de vue, le croisant de temps en temps en cours, Cyril lui semblait être quelqu'un d'honnête. Mais à ce moment précis, une expression de déception était inscrite sur son visage. Aaron en connaissait la source, il regarda par dessus l'épaule du Gryffondor et ses soupçons furent confirmés. La licorne avait disparu.
Pourtant, ce n'était pas dans ses habitudes de se lancer dans ce genre de situation. En principe il réfléchissait beaucoup plus, jugeant les probabilités de se faire exclure ou non, si le faire avait un quelconque avantage pour sa culture du monde magique... Et pour la première fois, il courra sans réfléchir. Voir une licorne de ses propres yeux était une expérience qui ne se présente que très rarement dans une vie. Ç'aurait été stupide de la manquer. La question de Cyril le tira de ses pensées.

"Je pourrai te poser la même question mon vieux. En réalité, c'est toi que je suivais. Je t'ai vu partir en courant vers la forêt, et ma curiosité m'a poussé à savoir pourquoi."

Aaron frotta machinalement ses mains, le froid de la nuit commençant à se faire ressentir. Il n'avait pas vraiment prévu cette petite excursion nocturne, si bien qu'il n'était pas couvert pour l'occasion. Il grelottait et s'entoura de ses bras. L'image d'un feu de cheminée se fit dans son esprit. Il donnerait n'importe quoi pour avoir un manteau. Son regard dévisageait son camarade, qui se mit à rigoler vis à vis de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Le Poufsouffle ne put retenir un sourire.

"Comment ça "toi aussi"? Ho non, par pitié ne me dis pas que toi non plus tu n'as pas pensé à..." Il s'arrêta un court instant, mesurant l'ampleur de sa bêtise. "Alors je me retrouve à suivre un Gryffondor qui fonce tête baissée dans la forêt interdite qui, soit dit en passant, est l'endroit le plus dangereux de Poudlard juste avant le Saule Cogneur. Mais le pire, c'est qu'aucun d'entre nous n'a eu l'idée de prendre sa baguette. Génial. Vraiment Génial." Continua-t-il, sans reprendre une seule fois son souffle.

L'adolescent ne put s'empêcher de partir dans un fou rire interminable. La situation était vraiment... Désespérée. Au bord des larmes, il finit par se calmer fixant désormais Cyril, attendant une réponse de sa part. Il avait l'air tout autant pensif que lui. L'obscurité commençant à se faire vraiment étouffante. Ses yeux finirent par se promener vers les arbres, observant soigneusement chaque détail de la forêt. Il était totalement perdu et ne savait plus du tout quoi faire, hésitant entre rentrer immédiatement au château, en prenant le risque de se faire prendre, ou continuer cette dangereuse promenade en s'enfonçant au plus profond de la forêt.

"Si on était raisonnables, on rentrerait gentiment au château, sans faire trop de vagues n'est-ce pas?" déclara-t-il, attendant impatiemment la réponse de son camarade, une pointe d'ironie dans la voix.

Aaron n'était pas un trouillard, loin de là. En vérité, il avait tendance à s'attirer toutes sortes d'ennuis, depuis son plus jeune âge, ce qui l'amusait énormément. Il était juste devenu un peu plus mature et responsable avec le temps, ne prenant aucune décision à la légère. Il ne voulait pas forcer Cyril à venir avec lui, ni l'obliger à rentrer, mais il avait vraiment envie de revoir cette créature, et c'était une occasion à ne pas rater.

L’explication a le mérite d’être étonnante, ce qui étrangement, la rend d’autant plus crédible. Aaron n’a pas vraiment de plan, il l’a vu, l’a suivi, a compris pourquoi il s’aventurait dans la forêt avec tant de ferveur, et il est arrivé là. Le synopsis de cette drôle d’histoire ressemble à la trame d’un livre pour enfants, avec tout ce que cela comportement comme promesses de trésors et d’aventures. Malgré le danger et l’inconscience qui entoure leur virée nocturne, Cyril se sent rassuré. Voir une licorne de ses propres yeux mérite amplement de prendre de tels risques.

Un sentiment de malaise grandit en lui, alors qu’il voit son camarade tenter de se réchauffer. Le maigre soleil hivernal ne réchauffe jamais les profondeurs de la forêt, et les frimas y sont d’autant plus intenses. Le Gryffondor ne peut malheureusement pas y faire grand chose sans sa baguette magique sous la main. L’attitude de Aaron lui donne la réponse à sa question juste avant qu’il ne la formule. Lui non plus n’est pas armé pour cette incursion en terre inconnue. Ils n’ont donc ni défense, ni moyen de se soulager avec un peu de chaleur. Il ne leur reste qu’une seule solution pour ne pas mourir glacés.

“Tiens, prends ma cape.” Dit-il en la dégrafant. “Tu vas te transformer en bonhomme de neige sinon. On n’aura qu’à la porter tour à tour, pour tenir le coup.”

Le ton de sa voix trahit l’amusement enfantin que la situation lui inspire. La description qu’Aaron en fait est même véritablement hilarante, et si le froid ne l’avait pas saisi à la gorge à la seconde où il a retiré sa cape, il aurait éclaté de rire. L’épais vêtement en laine grise a été fait pour protéger son porteur des vents violents et glacés qui balayent la côte écossaise en hiver. L’absence de sa chaleur pesante le fait à présent se sentir bien nu, mais il a bon espoir que ce geste encourage le Poufsouffle à poursuivre l’expédition. Cyril en meurt d’envie, mais il hésite à le proposer… Ce qui ne s’avère pas nécessaire.

“Je ne crois pas que nous sommes raisonnables… Si c’était le cas, nous ne serions pas déjà dans la Forêt Interdite, non ?”

Un large sourire barre son visage et déjà, le jeune homme se retourne pour s’enfoncer plus loin entre les arbres, persuadés qu’il n’avancera plus seul, désormais. La visibilité est particulièrement mauvaise, et sans trop savoir par où la licorne a bien pu partir, il n’est pas évident de déterminer la bonne direction à emprunter sans finir par complètement se perdre. Heureusement, quelques traces de neiges ça et là, entre des branches plus écartées, sont éclairées d’un faible rayon de lune et révèlent une empreinte de sabot.

Cyril s’arrête un instant, l’oreille aux aguets, comme pour se familiariser avec les bruits diffus de ce nouvel entourage. L’été, il part souvent sur les traces de créatures étranges avec sa mère, mais le littoral sauvage et ensablé où ils vivent ne présente aucune similitude. Il se sent perdu et excité à la fois, alors avant que son courage ne lui fasse défaut, il avance de plus belle sur cette nouvelle piste.

“Tu as une idée de ce qu’elle pouvait chercher, aussi près de la lisière ? Ca nous aiderait peut-être à la retrouver…”

Alors qu'il était plus ou moins en train de se transformer en glaçon, Cyril eut la bonne idée de lui passer son manteau, se mettant à son tour à découvert. Aaron avait l'impression qu'on lisait dans ses pensées. Et sans s'en rendre compte, le vêtement du Gryffondor se retrouva sur ses épaules. Il allait bien sûr protester, sinon c'était lui qui allait finir congelé, mais avant que le moindre mot ne puisse sortir de sa bouche, il proposa alors qu'ils se le prêtent à tour de rôle. Il la referma presque aussitôt. L'idée lui convenait parfaitement. En plus, il pourrait continuer leurs recherches.

"Hahaha, très marrant. En tout cas, merci beaucoup.," lui répondit-il avec un grand sourire.

Clairement, la situation dans laquelle se trouvait le Poufsouffle l'amusait énormément. Cependant, lorsque le Gryffondor se rendit enfin compte du froid glacial qui régnait dans la forêt, ce fut au tour d'Aaron de laisser échapper un rire. Ha, on fait moins le malin maintenant qu'on a plus sa laine sur ses épaules. Il expira longuement. C'était vraiment agréable, d'avoir de nouveau cette sensation de chaleur. Il le bénissait.

Suite à la proposition plus qu'ironique d'Aaron de rentrer gentiment au château, Cyril souligna le fait que s'ils étaient raisonnables, ils ne seraient pas dans cette situation. Et sans pour autant le dire, ils se mirent d'accord pour partir à la recherche de la licorne. Il avait tout autant envie de la revoir que le rouge et or, si bien qu'il était soulagé de sa réponse. Son sourire s'élargit d'avantages. Il ne serait très certainement pas parti sur ses traces à lui tout seul. Avec un camarade, c'était différent. Dans un autre lieu, peut-être, mais sûrement pas dans la Forêt Interdite. Sans une seule baguette en plus, ce qui était d'autant plus stupide. Qui sait sur qui ou sur quoi ils pouvaient tomber. Rien qu'à cette pensée, un frisson traversa tout le corps du sorcier. Ils allaient devoir être prudents.

Ils se mirent rapidement en route, s'enfonçant peu à peu dans les recoins sombres, passant sous les arbres sans la moindre source de lumière à l'horizon. Il demanda ce que pouvait bien chercher la créature magique à l'extérieur de la forêt. Effectivement, c'était assez rare de pouvoir contempler un tel spécimen sans prendre un quelconque risque puisque la plupart du temps, les licornes restent cachées au plus profond de la forêt.

"Je n'en ai pas la moindre idée... Surtout que généralement, cette espèce évite les contacts avec les humains. Peut-être à manger ? En dehors de la forêt, peu de chances mais bon..," répondit-il, n'attendant pas vraiment de réponse plausible suite à sa question.

C'était totalement stupide, une licorne ne venait jamais aussi loin juste pour se nourrir. Peut-être qu'elle cherchait quelque chose ? Aaron décida de garder cette hypothèse dans un coin de sa tête.
Ils marchaient depuis un bon moment maintenant, à une allure confortable, autant éviter d'attirer l'attention sur eux. On ne distinguait presque plus le château, se dissimulant peu à peu à cause de l'obscurité et des feuillages. Cyril était en tête. Le sorcier avait même l'impression qu'il connaissait la forêt, n'hésitant que très peu sur le chemin à suivre même s'il était plus ou moins guidé par les traces de la licorne. Il fronça les sourcils.

"Dis-moi, tu es déjà venu dans la forêt ou c'est ta première escapade ?" demanda-t-il au Gryffondor en écartant quelques branches sur son passage.

Pendant un court instant, la réflexion un peu sarcastique de Aaron le fait douter de sa bonne humeur. Cyril est convaincu d’avoir posé le bon geste, le seul leur permettant de continuer leur escapade sans mourir complètement gelé. Néanmoins, son camarade semble percevoir cette attention comme une preuve de condescendance le fait hésiter. Il n’a pas l’habitude de jouer de la sorte sur les tons et les faux-semblants, mais le grand sourire qui vient finalement barrer le visage de son camarade le rassure. Si il n’a pas entièrement compris ce qui est sensé être marrant dans l’affaire, ils sont tous les deux partants pour continuer leur aventure interdite, et c’est bien ça qui compte.

D’un pas assuré, il s’enfonce alors dans la forêt, à la recherche — un peu utopique certes — de la licorne qui leur a si facilement fait faux bond. Même si se déplacer en milieu naturel est une sorte de seconde nature pour le Gryffondor, il ne peut pas prétendre bien connaître les alentours, et encore moins quand ils sont recouverts de neige et plongés dans le noir. Il marche ainsi un moment, l’œil vif et à la recherche de traces qu’il pourrait reconnaître à coup sur, avant de se tourner vers Aaron. Le Poufsouffle semble aussi perplexe que lui, et lui fournit la réponse qu’il n’aurait pas souhaité recevoir. Cyril est arrivé à la même conclusion, mais espérait encore qu’elle soit erronée.

“C’est ce que je me disais aussi… Et en plein hiver comme ça, je ne crois pas qu’elle cherche son petit non plus. Enfin, si c’est une licorne assez âgée, peut-être qu’elle cherchait Hagrid à la lisière de la forêt ? Peut-être qu’elle est blessée ou quelque chose comme ça ?”

Les licornes sont des animaux particulièrement sensibles et intelligents, c’est connu de chaque sorcier s’intéressant un tant soit peu aux créatures magiques. Néanmoins, le Gryffondor affiche une moue dépitée alors qu’il exprime son hypothèse : il la sait un peu désespérée et tirée par les cheveux… Mais entre ça et la recherche de nourriture, il ne voit aucune autre raison un peu plausible de voir un licorne aussi proche du château. Il reprend sa marche d’un pas un peu plus lourd et moins enthousiasme qu’auparavant, mais s’arrête dès que Aaron l’interpelle.

“Non, ce n’est pas la première fois… J’y suis déjà venu avec Hagrid et puis aussi quelques fois pour des incursions un peu… illégales.”

Cyril affiche un grand sourire tout en accentuant un peu le dernier mot. Il ne s’est jamais fait prendre après une escapade en dehors des limites autorisées, mais il ne doute pas que cela arrivera un jour et que les conséquences en seront salées. Cependant, chacune nouvelle aventure fait jouer les statistiques et lui semble se rapprocher du jouer où il sera puni. Ainsi, chaque retour indemne et incognito dans la salle commune de Gryffondor lui paraît être une victoire un peu plus grande… et une raison supplémentaire de recommencer.

“Mais c’est la première fois que je viens de nuit, et aussi loin surtout.”

Généralement, il prévoit ses balades dans la forêt un peu plus minutieusement, et choisit les moments durant lesquels se déroulent des cours de Soins aux Créatures Magiques. Ainsi, Hagrid n’est jamais trop loin et les risques sont un peu diminués. Cette fois-ci, il s’est jeté entre les arbres avec la bravoure fougueuse et inconsciente propre à sa maison, sans réfléchir aux conséquences. Sans se départir de son sourire, il hausse finalement les épaules, avant de se raidir brutalement. Un grondement étouffé vient de retentir dans les tréfonds de la forêt, roulant jusqu’à eux avec une force terrible. Un lueur d’effarement dans les yeux, Cyril fixe son camarade.

“D’accord, là c’est le moment où tu me dis que j’ai rêvé et que toi, tu n’as rien entendu.”

Cyril suivit le même cheminement, impossible que la licorne se soit autant éloignée de la forêt juste pour chercher de la nourriture. Le Gryffondor proposa une autre hypothèse, plus plausible que la précédente, mais Aaron n'était pas convaincu. Seul un haussement d'épaules fit office de réponse pour son camarade. Bien que Hagrid ne soit pas une personne méchante mais plutôt pleine de bonnes intentions, cette créature magique reste quand même trop timide pour s'approcher volontairement d'un humain. Sauf si elle l'a déjà rencontré auparavant ? Je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque rencontre entre Hagrid et une licorne.

Suite à sa question, Cyril répondit franchement qu'il avait déjà fait ce genre de choses, à plusieurs reprises. Même sans Hagrid. Ce n'était pas un Gryffondor pour rien au moins. Aaron savait que seul, il n'aurait jamais osé s'introduire en douce dans l'endroit interdit. Encore moins plusieurs fois. Autant la forêt l'intriguait énormément et attisait énormément sa curiosité, autant des fois il avait une peur bleue de celle-ci et de ce qu'elle pouvait renfermer.

"Illégales hein ?.. Ha bah c'est du beau ça Monsieur Evans !," dit-il en rigolant à moitié et en écartant une branche sur son passage.

Les deux adolescents continuaient leur balade nocturne qui commençait sérieusement à s'éterniser. Mais le pire c'est qu'il n'avait toujours pas retrouvé la licorne. Même Aaron qui, en principe, adorait marcher ou courir, commençait sérieusement à s'impatienter. En silence, mais s'impatientait. De plus, malgré leur prudence et leurs efforts, ils faisaient énormément de bruits. S'il y avait vraiment des créatures dangereuses dans cette forêt, ils allaient se faire repérer en moins de deux. Il n'y avait plus qu'à prier pour qu'elles soient complètement sourdes.

Et d'un coup, il se stoppa brusquement, un grondement arrivant jusqu'à ses oreilles. Il balaya même quelques feuilles sur son passage, et des mèches du sorcier partir en arrière, tant le souffle provenant du fin fond de la forêt était puissant. Son cœur rata un battement, mais continua quand même à émettre un boum-boum, bien que beaucoup trop rapide. Il mit un peu de temps à réaliser que son camarade lui avait adressé la parole. Sans cesser de fixer l'obscurité du fond de la forêt, son cerveau se remit en place et il réussit à prononcer quelques mots.

"J'aimerai tellement te dire que ce n'était que dans ta tête.," répondit-il, d'une voix peu assurée.

Il ne s'était toujours pas remis de ses émotions et se surprit à trembler légèrement. Ok, là c'est le moment où tu te calmes. I savait très bien dans quoi il s'embarquait quand il avait décidé de suivre le Gryffondor. C'était pas le moment de faire une crise de panique. Parler. Il faut que je parle.

"A ton avis c'était quoi ? Un troll ? Je vois mal une araignée faire ce genre de bruit, et ça ne ressemblait pas non plus à un centaure.," continua-t-il, tout en se rapprochant du sorcier pour ne pas avoir à crier.

Aaron était partagé. S'ils devaient faire face à une créature en continuant à chercher la licorne, ils n'avaient aucun moyen de défense. Sans baguette magique, ils n'avaient aucune chance, même contre un ennemi moyennement fort.

"Peut-être qu'en fait, la licorne ne cherchait pas quelque chose, mais fuyait ce quelque chose.," proposa le Poufsouffle.

Bien qu’il essaie de rester aussi silencieux que possible, entre les branches qui s’accrochent à son pull et le crissement de ses pas dans la neige, Cyril ne peut s’empêcher de pouffer. Leurs directeurs de maison font toujours passer les excursions dans la Forêt Interdite comme des crimes absolument gravissimes alors qu’au fond… Ils ne font que se mettre eux-même en danger. Si il leur arrive quelque chose, ils seront bien punis par leur stupidité, ce qui est généralement suffisant. Le jeune Gryffondor doit toujours retenir un sourire quand il entend un sermon à propos de la forêt. Comme si tous ceux qui y sont jamais entrés, en étaient sortis les pieds devant.

La discussion continue de manière sporadique, alors qu’ils marchent l’un derrière l’autre à la recherche de la licorne. La fantastique créature semble définitivement leur avoir fait faux-bond, quand le grondement menaçant leur apprendre qu’autre chose semble les avoir trouvé. Comme il s’y attend, le bruit ne se trouve pas seulement dans sa tête et le doute dans la voix de son camarade le fait frémir. Visiblement pas plus rassuré, Cyril interrompt sa marche pour faire face à Aaron, qu’il distingue à peine dans le noir.

“Un troll !?”

Cyril peut s’imaginer beaucoup de bêtes sauvages dans la forêt. Les araignées se sont faites une réputation à Poudlard depuis quatre ans, les loups, sombrals et autres licornes sont eux aussi des habitants bien connus, mais jamais l’adolescent n’aurait cru entendre parler de trolls si près du château. De son point de vue, les centaures ont toujours représenté la plus grande menace, de part leur force et leur intelligence. Néanmoins, même eux sont très rares à la lisière, alors il ne s’en est jamais inquiété lors de ses précédentes promenades. Cependant, leur recherche les a poussé loin, bien loin du parc. Il ne sait même plus dire dans quelle direction se trouve le château.

“Non sérieusement, je suis sur qu’il n’y a pas de trolls dans cette forêt, c’est impossible.” Sa voix est néanmoins bien loin de montrer à quel point il en est sur. “Enfin, si la licorne fuit quelque chose… Ce serait un être qui ne vit pas ici d’habitude ? Je n’ai jamais entendu dire que les licornes avaient des prédateurs naturels…”

L’adolescent se mord la lèvre en trépignant d’un pied sur l’autre. Dans son esprit paralysé par la peur, il essaie de se souvenir du chapitre sur les licornes dans son Monstrueux Livre des Monstres. Ce qu’elles mangent, leur espérance de vie, leur robe et ce qu’elle indique sur leur état de santé… Alors qu’il hésite, un nouveau grondement fait vibrer les arbres autour d’eux. La menace ne semble pas véritablement se rapprocher, mais plutôt tourner autour d’eux. Comme une meute ? Ses yeux s’ouvrent grands sous l’effroi.

“Je sais pas si la licorne fuyait ça, mais si nous on fuit pas, je pense qu’on saura très vite ce que c’est. Je sais pas toi, mais moi, je suis vachement moins curieux là.”

Sans plus se préoccuper de faire de se montrer discret, Cyril se met à courir à l’aveugle, dans le sens opposé au dernier cri. Au passage, il attrape le bras de Aaron pour l’entraîner derrière lui, dans une fuite éperdue entre branches et buissons. Vers le salut, ou toujours plus profond dans la forêt ?

Cyril n'avait pas l'air convaincu, bien que sa peur trahissait son inquiétude que Aaron puisse avoir raison. Il le comprenait. Même lui essayait de ne pas y croire et plus il y pensait, moins sa proposition devenait plausible à ses yeux. Et puis loin de là l'envie qu'il avait de faire un tête à tête avec un troll. Ils se faisaient maintenant face, bien que l'obscurité ne lui permettait pas de bien voir son camarade. Il n'était pas plus rassuré, même s'il trouva de bons arguments pour démontrer cette apparition de trolls dans la forêt.

"Ouais, t'as pas tord." avoua-t-il.

Alors qu'il finissait à peine sa phrase, un nouveau grondement se fit entendre, faisait vibrer la forêt entière. Mais bizarrement, il ne venait pas de la même direction mais ne se rapprochait pas pour autant. Aaron déglutit. Soit cette chose était énorme, soit elle n'était pas seule. Cette pensée fit frissonner d'avantages le Poufsouffle qui se maudit pour la énième fois de ne pas avoir prit sa baguette. Nénanmoins, Il n'avait pas vraiment envie d'attendre la réponse. Cyril eut certainement la même réflexion que lui, et après avoir prononcé quelques mots, il se mit à courir vers Aaron, l'entraînant par la même occasion dans sa course folle.

"Mais qu'est-ce qu.." arriva-t-il à bafouiller avant de se mettre à son tour à zigzaguer entre les arbres.

Ça ne servait à rien de perdre de l'énergie à discuter, il avait parfaitement compris ce que voulait faire le Gryffondor. Fuir. Fuir le plus loin possible de cette chose, ou de ces choses, et accessoirement rentrer sains et saufs au château. Aaron ne perdit pas de temps à poser de questions, et se mit rapidement à la recherche d'une allure régulière.

Cyril était toujours en tête, les guidant plus ou moins à travers les branches et les feuillages. Ils courraient, sans s'être arrêtés une seule fois. Depuis leur départ le bruit n'était pas réapparu, seuls les souffles épuisés des deux garçons étaient désormais audibles. Puis il se fit la réflexion que ça faisait longtemps que leurs pas raisonnaient. Beaucoup trop longtemps. Il observait les lieux essayant de repérer la moindre source de lumière pouvant leur indiquer le chemin à suivre. C'est à ce moment-là qu'un détail le fit s'arrêter net et qu'il manqua de trébucher une nouvelle fois sur une racine. La même racine qu'il y a à peine 5 minutes.

"Cyril.." dit-il faiblement, encore fatigué de sa course. "Cyril ! Stop !" cria le Poufsouffle, d'une voix remplie par la crainte d'avoir raison.

Le sorcier posa ses deux mains sur ses genoux, reprenant peu à peu son souffle. Il releva lentement la tête et vit le regard interrrogateur que lui lançait le Gryffondor qui s'approchait de lui, fatigué.

"Ça fait bien trois fois qu'on passe devant cette arbre. Et crois-moi, je sais ce que je dis."

Au premier passage devant celui-ci, il avait trouvé étonnant que son tronc ne soit pas de la même couleur que les autres, un peu plus rosé. Ça ne pouvait être qu'une coïncidence, peut-être qu'ils étaient dans la bonne voie. Mais Aaron ne croyait pas aux coïncidences. Ils tournaient tout bonnement en rond.

L’instant de grâce pendant lequel ils essaient tous deux de se convaincre à coup d’hypothèses incrédules ne dure qu’un instant trop court. Les mots s’égrènent pendant un court instant de silence où la forêt leur semble presque redevenir accueillante. Leur crainte aurait pu s’envoler si ça n’avait pas été pour cette effroyable grognement qui fait une nouvelle fois trembler les arbres. Étrangement, Cyril aurait été plus rassuré d’entendre le cri se rapprocher : ainsi, il aurait eu une idée de leur prédateur. Là, les seules solutions possibles lui font frémir l’échine avant même que les mots ne prennent forme dans son esprit.

Le Gryffondor, malgré son courage d’ordinaire inébranlable n’a plus qu’une seule réaction en réserve : la fuite. Il est peut-être brave, mais sait encore faire la différence entre l’idiotie suicidaire et l’instinct de survie. Néanmoins, dans son empressement, il a éclipsé un détail d’un importance capitale. Cyril court aussi vite qu’il le peut dans l’espoir de ne pas se faire rattraper, sans avoir aucune idée de vers où il court. Les arbres se ressemblent tous, les lumières de Poudlard ne se trahissent pas entre les branchages, et le seul bruit qui monte encore à leurs oreilles est le vacarme de leur propre fuite. Et la voix de Aaron, qui le hèle dans son dos.

Le souffle court, l’adolescent se retourne vers son camarade, le regard brillant d’un doute interrogateur. Les mots font lentement leur chemin entre les brumes haletantes de son cerveau et l’évidence le saisit avec la force d’une aberration. Ils sont perdus, c’est évident. Quelle stupidité !

“Tu… Tu es sur ?” Cyril jette un regard panoramique sur les arbres qui les entourent. “Merde. Comment est ce que j’ai pu courir trois fois dans le même chemin sans réaliser que je passais au même endroit ? C’est pas croyable ça !”

Agacé, l’adolescent se met à faire les cents pas, tout autant que ce soit possible dans le sentier étroit où ils sont arrêtés. Il ne reconnaît rien, n’a aucune idée de quel chemin ils devraient prendre pour retrouver le château. Et sans leurs baguettes, difficile de prendre une décision qui soit rien qu’un brin sensée. Il croise les bras et se force à respirer calmement pour faire place nette dans sa tête. Après quelques secondes, son regard se focalise sur Aaron.

“Bon, il faut réfléchir. Il nous faut un plan, hmm… La bonne nouvelle, c’est que pour le moment au moins, on a l’air d’avoir semé la bestiole. Enfin, à moins qu’elle ne soit en train de nous observer à travers les arbres, auquel cas, on est mal. Bon, heuu…”

Le Gryffondor se tait pendant une minute, juste le temps de se concentrer sur ses cours de botanique et les nombreuses informations et conseils dont sa mère l’avait abreuvé pendant son enfance. Leur promenade en bord de mer n’avait rien à voir avec une sombre forêt en pleine nuit, mais la nature restait la nature, peu importe qu’on soit sur une plage ou dans le couvert des arbres, non ?

“Tu sais où se trouve le château par rapport à la forêt ? Je me souviens vaguement d’un truc comme quoi la mousse ne pousse que sur le côté nord des arbres. Sachant ça, si on connaît la position du château, on a peut-être une chance de retourner dans la bonne direction…”

Les lèvres pincées, il observe Aaron avec un regard insistant, presque suppliant. Il n’a aucune autre idée de comment se sortir de cette situation, et même si ils ont perdus une première créature dans leur fuite, mais rien ne leur promet que cette douce sécurité durera encore longtemps.

Sa question était troublante. Presque déstabilisante. S'il était sûr de lui ? Ses mots raisonnaient comme une chanson, et commencèrent lentement à insinuer le doute dans sa tête. Il avait l'habitude de courir et de repérer les lieux pour un éventuel nouveau parcours de course, observant longuement et sagement les moindres détails du chemin. Mais cette fois-ci, c'était différent. Comment pouvait-il être sûr que ce n'était tout simplement pas un autre conifère ? Qu'il se trompait et que le château n'était plus qu'à quelques mètres plus loin ? Cette pensée le terrifia. Il déglutit difficilement. Ce n'était plus le moment de douter. Aaron n'était pas le genre de personne qui détestait avoir tord, acceptant qu'il ne puisse pas détenir la réponse à tout. Mais il fallait prendre une décision. Maintenant.

Il regarda une nouvelle fois l'arbre qui le faisait tant douter, puis posa son regard sur la racine qu'il l'avait fait trébuché à maintes reprises. Il passa une main nerveuse dans ses cheveux dorés, puis regarda Cyril, droit dans les yeux, pour finalement dire quelques mots d'une voix assurée.

"Ouais, j'en suis sûr."

Regardant Cyril faire nerveusement les cents pas, Aaron se mit à son tour à réfléchir pour se sortir de ce pétrin. Si lui aussi avait fait plus attention aux éléments qu l'entourent, il aurait pu prévenir Le Gryffondor plus tôt. Ils étaient tellement effrayés, même terrorisés, qu'ils n'ont pas réfléchi avant de se mettre à courir dans ce qui à priori, n'était pas la bonne direction. Encore essoufflé de sa course, Il s'assit faiblement contre le tronc d'un arbre, cherchant désespérément à retrouver les idées claires.

Il écoutait vaguement son camarade qui parlait plus pour garder la tête froide que pour réfléchir. Il évoqua la bestiole, arrachant un frisson au Poufsouffle. Si cette dernière, ou ces dernières, étaient effectivement autour d'eux, les guettant comme des proies, ils étaient dans de beaux draps. Mais si ces créatures les observaient dans l'intention de les attaquer, pourquoi attendre ? Les deux sorciers les avaient peut-être vraiment semées. La question de Evans l'extirpa de ses pensées.

"Je n'en sais absolument rien. C'est pas sur le côté d'un rocher plutôt ?"

Son regard se faisait suppliant, implorant. C'est bien, continue de l'embrouiller d'avantages Powell. Il détourna le regard, fixant désormais le sol frais, recouvert des racines de la forêt, toute lueur d'espoir envolée. Ils étaient perdus. Il finit tout de même par se relever, le tronc de l'arbre commençant à faire souffrir son dos. il posa l'une de ses mains frigorifiée pour s'en servir comme appui, puis ses iris commencèrent à dévisager le végétal haut de plusieurs mètres. Il fronça les sourcils ; une fois debout, il recula de quelques pas pour mieux l'observer, une idée florissante dans la tête. Le Poufsouffle s'approcha de nouveau, examinant l'écorce. Il regarda ensuite les autres conifères aux alentours, cherchant selon lui le plus adapté à une séance d'escalades ; leurs branches, leur aspect et leur taille ; l'un d'entres eux attira particulièrement l'attention du sorcier. Il pouvait facilement tenir, au vu de sa rigidité. Puis son regard se posa de nouveau sur le Gryffondor, encore en train de faire les cents pas.

"Il faut prendre de la hauteur.", Dit-il il tout en rendant son manteau noir à Cyril.

Puis sans attendre une quelconque réponse, il s'élança sur l'arbre en question, attrapant la première branche qu'il guettait depuis un moment. De toutes façons, Ils étaient plus à ça près.

L’assurance de Aaron a un côté rassurant et effrayant à la fois. Ils savent une chose comme sûre : ils sont perdus. C’est terrible de se retrouver face à un constat, le seul auquel on peut se raccrocher, qui est par définition complètement déprimant. Penaud au milieu de la forêt, Cyril se résout à faire jouer les seules connaissances utiles dans ce type de situation. On lui a déjà reproché de nombreuses fois d’agir trop vite sans prendre le temps de réfléchir, mais il ne s’en est encore jamais voulu à ce point. A y repenser, s’aventurer dans la Forêt Interdite à la tombée de la nuit était sa première erreur, il s’était perdu dès ce moment-là.

Etrangement, le doute de son camarade renforce sa conviction. Plus il y repense, plus il est certain que sa mère lui a bel et bien donné ce conseil. La face nord des arbres n’est jamais exposée au soleil, rendant donc possible la croissance de la mousse. C’est probablement vrai pour les rochers également. Tout ce qui présente un côté nord peut se faire ronger par le froid et l’humidité, si propice à ce végétal particulier. Il hoche vigoureusement la tête, bien que ce savoir ne soit pour le moment pas très utile. Ils pourraient certes retrouver leur orientation, mais sans savoir où se trouvait le château par rapport à la forêt, ni à quel point ils s’était enfoncés, les points cardinaux ne leur seraient qu’un secours limité.

— Rocher, arbre, c’est pareil tant que ça a un côté nord. C’est déjà une première indication, au moins si on décide de prendre une direction, on sera surs qu’on dévie pas et qu’on ne tourne pas en rond…

Le Gryffondor affiche un sourire d’excuse. C’était de sa faute s’ils s’étaient perdus en courant comme des sauvages en ayant l’impression d’aller tout droit. Maintenant, il ne leur restait plus qu’à prendre une décision pour se remettre en route, en espérant que ce serait la bonne. Ou qu’ils tombent sur une des rares créatures de cette forêt qui disposait d’un gramme d’humanité.

Le regard perdu entre les arbres, il ne remarque pas tout de suite la démarche de Aaron. Il récupère simplement sa cape d’un air distrait, savourant la douce chaleur qui se répand dans son corps. L’adrénaline et la course ont chassé le froid de ses membres pendant un moment, ou du moins en a-t-il eu l’impression, mais c’est en se couvrant qu’il réalise à quel point il était transi. Bien emmitouflé, il se tourne juste à temps vers son camarade pour le voir disparaîte dans les branchages à deux mètres au dessus de sa tête.

— Hmm, Aaron, fait attention à toi quand même. Je veux pas être pessimiste, mais si tu tombes et que tu te casses un truc, on sera vraiment dans la merde. Genre… vraiment.

Cyril ne s’imagine pas trop à quoi il en serait réduit s’il devait porter le Poufsouffle pour rentrer au château. D’une part, ça risquerait de leur prendre des heures, d’autre part, ils seraient irrémédiablement cuits si une nouvelle créature malveillante venait rôder autour d’eux. Inquiet et impatient à la fois, l’adolescent  piétine le sol au pied de l’arbre, le regard levé vers un ciel qu’il ne distingue pas.

— Alors ? Tu vois quelque chose.

Par Merlin, de grâce, le château. Dis que tu vois le château, des lumières, de la civilisation, Pré-Au-Lard. N’importe quoi.

Les avertissements de Cyril retentirent alors qu'il se hissait, non sans une grimace à cause de l'effort, sur a première branche du conifère. Il avait raison. S'il chutait, si l'une des branches cassait au mauvais moment ou si son accroche n'est pas assez assuré, la chute pourrait être terrible selon la hauteur. Celui-ci faisait sûrement au moins 10 mètres. Ça pourrait même lui être mortel. Mais si les deux sorciers n'arrivaient pas à retrouver la sortie de la forêt, avec cette chose, est-ce qu'ils resteraient indemnes jusqu'au levé du jour ? Cette question renforça encore plus la détermination d'Aaron.

"T'inquiète pas, j'ai l'habitude de me prendre pour un chimpanzé."

Il répondit du tac au tac, en essayant de détendre au mieux l'atmosphère qui pesait entre eux depuis qu'ils étaient dans cette situation catastrophique. Mais il ne lui avait pas menti. Ce n'était pas la première fois qu'il se perdait en forêt - même si là c'était la forêt interdite - et il avait découvert son habilité à grimper facilement au sommet de certains végétaux. Aussi, son faible poids et sa corpulence moyenne l'aidaient énormément.

Alors une fois debout sur la branche, son regard examina chaque recoin de l'arbre, pour finalement défigurer un appui potentiel. son pied se posa dessus et il appuya pour tester la solidité. Une fois sûr qu'elle ne casserait pas, il s'élança et évita à tout prix de regarder en bas, son cœur battant à tout rompre. Il répéta l'opération jusqu'à atteindre un lieu d'observation adéquat. Respirant rapidement, sa forme physique en ayant pris un sacré coup, il observa longuement chaque recoin, croyant, espérant ne pas avoir à décevoir Cyril, qui devait trépignait en bas. Malheureusement, aucune tour ne dépassait du bois. Puis : une lueur d'espoir, plusieurs petites sources infimes de lumière. Il fronça les sourcils, cria presque, répondant au Gryffondor.

"Je crois.. Je crois que j'ai quelque chose ! Vers l'Ouest !"

Si c'était bien le château alors Aaron avait, d'une certaine façon, raison : ils n'étaient pas partis dans la bonne direction précédemment. Il commença donc à redescendre du conifère, en repassant exactement par le même chemin, et avait presque ré-atteint la terre ferme lorsqu'un nouveau rugissement retentit, bien plus près que le précédent. Beaucoup trop près.

Les minutes lui paraissent incroyablement longues, le nez ainsi levé vers le ciel noir et les branchages. Il devine vaguement la silhouette de Aaron lorsqu’un rayon de soleil illumine ses vêtements, ou plutôt, quand son corps leste passe de branche en branche. Sa stature légère et souple est sans conteste un avantage certain pour ce type d’exercices. Cyril, lui, aurait été bien en peine de les tirer de ce mauvais pas de cette manière là. Son crédo dans la nature, c’est plutôt les plaines, la plage, les étendues désertes à perte de vue.

La réponse tombe finalement, mais pas aussi joyeuse ni aussi précise que le Gryffondor l’aurait souhaité. Comme un abruti, il tourne d’abord sur lui-même en espérant apercevoir une silhouette ou une lueur, ce détail qui avait poussé son camarade à un cri de victoire. Malheureusement, son regard ne balaie que la pénombre et il se rappelle avec une certaine fureur qu’il ne sait de toute façon pas où se trouve l’est. Si seulement il avait pris sa baguette avant de se lancer dans cette aventure ridicule ! Aaron redescend déjà, alors il essaie de s’armer de patience et de ne pas céder à une réaction déraisonnée cette fois.

— Bon ok, c’est par où l’ouest ? Tu as vu quoi d’ailleurs, de la lumière, un bâtiment ?

Ses questions trahissent un besoin de réponse, celui si typique d’un membre de la maison rouge et or qui ne supporte pas de rester en place sans pouvoir prendre de décision. Brutalement, ce besoin se transforme même en une urgence d’un tout autre niveau, alors qu’un frisson de terreur court le long de son échine. La bête les a retrouvés et elle s’est approchée trop silencieusement cette fois. Elle est beaucoup trop proche.

Cyril prend une précieuse seconde pour réfléchir, essayant de déterminer d’où ils sont venus et comment ils sont positionnés. Juste le temps suffisant pour que son camarade redescende à hauteur de son épaule. Fuir semble presque dérisoire. Le château doit être bien trop loin pour qu’ils n’y trouvent un quelconque salut avant que la bête ne les dévore, et ils n’ont aucun moyen de combattre. Soudainement, l’adolescent lève les bras, bloquant ainsi la descente de Aaron.

— Non, remonte remonte ! On sera jamais assez rapides pour lui échapper à cette bête, tant qu’elle nous traque on est foutus, faut qu’on la fasse abandonner. Grimpe, je te suis.

Il avait entendu assez de rumeurs pour savoir que les créatures vivant dans la Forêt Interdite pouvaient être léthales. Ils n’ont pas de moyen de défense sur eux, aucune chance de fuir encore une fois entre les arbres sans prendre le risque de se blesser gravement… Il ne leur faudrait qu’un seul détail, quelque chose d’assez imposant pour effrayer leur prédateur ou le désintéresser de leur piste. La menace était bien trop proche déjà, mais il leur aurait fallu du feu. Ou du sang. Une trace de sang qui mène dans la direction opposée. Impossible à réaliser sans se sacrifier lui, ou Aaron. Cyril poussa un grognement de rage et attendit que son camarade ait pris assez d’altitude pour pouvoir entamer lui aussi son escalade. A moins qu’il n’ait une meilleure idée que la retraite précipitée.