Comme un air de déja vu

Apparemment la réaction plutôt positive de la jeune fille semblait rassurer et détendre l’ancien Serdaigle. Il devait appréhender la réaction de chacun à l’annonce de son couple. Ce qui était normal. Il n’y en avait pas beaucoup qui était assez ouvert d’esprit pour accepter ce couple avec autant d’aisance que Jessica. Mais elle n’était pas du genre à juger les personnes. Clemens était libre de sortir avec qui il voulait, tant qu’il était heureux.

- Tu as raison, prends ton temps et puis de toute façon les personnes qui t’aiment, ne pourront mal réagir. Après tout ce qui doit le plus compter pour eux c’est ton bonheur. Donc si tu es heureux avec Quin alors ils doivent approuver ton choix…

Les deux étudiants passèrent ensuite au sujet Dean/Jess. Clemens avait bien entendu parlé du couple, mais il ne savait pas si cela était vrai ou simplement une rumeur, comme il y en avait des centaines dans le manoir. Il suffit de voir deux personnes ensemble un peu trop souvent pour que certains se prennent le droit d’aller balancer sur tous les toits qu’ils étaient en couple.

- Non mais tu as tout à fait raison, si on commence à écouter tous les bruits des couloirs, on n’est pas près de démêler le vrai du faux. Et oui on était très proches à Poudlard, puis on s’est quitté de vue pendant près de deux ans et on vient de se retrouver ici ! C’est fou.

Clemens l’informa ensuite qu’il s’était beaucoup entrainé avec Dean, mais que c’était surtout à Poudlard. A Haveirson, il n’en avait pas tellement eu l’occasion.

- En tout cas Clem, ça m’a vraiment fait plaisir de t’avoir vu là, et d’avoir eu cette petite conversation.

Elle lui fit un sourire. Il était vrai que depuis son arrivée à Haveirson, elle n’avait pas tellement eu le temps de parler avec tous ses amis et connaissances de Poudlard. Et retrouver Clemens ici par hasard et avoir pu lui parler un peu et prendre de ses nouvelles, ça lui avait fait plaisir !

- Et t’en fais pas pour ton petit secret, je serais une vraie tombe

Elle lui fit un petit clin d’œil avant de regarder sa montre. Il lui restait encore un peu de temps avant sa première heure de cours de la journée.

- Tu commences par quel cours ce matin ?

Il était simple d’être du même avis que Jessica. Avec son humeur douce, son optimisme, elle répandait comme un baume délicat et apaisant avec chacun des mots qui traversaient ses lèvres. Clemens aurait souhaité se laisser bercer par la tendre illusion qu’elle avait raison, que les relations humaines étaient si simples. Elles auraient pu l’être, mais la facilité et l’acceptation restaient une vague chimère. L’Allemand avait cessé d’y croire depuis longtemps, et préférait affronter les tempêtes de front ou se morfondre dans le secret avec la rage d’une bête blessée. L’attaque était une défense comme une autre.

— La différence entre devoir et pouvoir… Je me défie plus des simples connaissances que de mes amis. Même si leur opinion m’importe guère, leurs remarques n’embellissent pas mon quotidien. Je n’apprécie pas d’être traîné dans la boue pour un sentiment que je ne contrôle pas.

La réflexion de sa camarade lui arracha un petit rire. On aurait pu croire que les rumeurs allaient d’autant plus bon train depuis qu’ils étaient tous devenus adultes, et plus matures en théorie. En réalité, c’était peut-être pire. Tous s’étaient affirmés, portaient plus haut leur convictions et assumaient leurs choix de vie. Haveirson, si récente et si peu biaisée aidait même les plus timides à renforcer leurs positions. Les traditions des maisons de Poudlard ne se mettaient plus dans le chemin de leurs décisions… Et toutes les rumeurs avaient leur place dans les couloirs.

— C’est une belle histoire. Le destin, sans doute.

Un sourire espiègle vint flotter sur son visage. Clemens entretenait une relation très ambigüe avec la notion de destin. Certains jours, son existence ne faisait pour lui plus aucun doute, tant son quotidien se mêlaient de coïncidences trop juteuses pour être dues au hasard. Cependant, plongé dans des circonstances délétères, l’intime conviction que le futur était flou et incontrôlable lui paraissait beaucoup plus confortable. Ces conclusions s’appliquaient d’ailleurs plutôt bien à cette rencontre légère et agréable, et l’Allemand acquiesça aux paroles de Jessica d’un signe de tête. Leur relation ambivalente, mais joueuse, de Poudlard lui manquait parfois.

— Moi aussi ! On n’aurait pas du perdre le contact comme ça, pendant deux ans. Je suis content qu’on se retrouve ici.

Il jeta un coup d’œil machinal à la grande horloge au fond du salon, quand la jeune femme aborda le sujet des cours. Le temps avait filé, et dans l’engouement de leur conversation, il s’était presque mis en retard. L’étudiant rassembla ses notes d’un geste et les rangea délicatement sous la couverture de son grimoire, affichant une mine d’excuse.

— J’ai un cours pratique sur les sortilèges d’Apparition dans vingt minutes ! Je suis désolé, je dois repasser à Sinistros pour ranger ce livre avant de retourner en cours. Je saluerai Dean de ta part, si tu veux, je crois qu’il est inscrit dans le même groupe que moi.

D’un geste souple, Clemens s’éleva hors du fauteuil profond et confortable où il avait élu domicile durant les heures précédentes. Il fit rouler sa tête pour délier sa nuque, laissant encore le temps à Jessica de répondre à son salut avant de lui adresser un dernier sourire, et de filer en direction de sa confrérie.