[Libre] Sinistre découverte au fond des bois...

Je n'ai jamais été du genre à changer mes plans à cause de la température. Je trouve que tous les temps ont quelque chose de beau, en général. La douce neige qui tombait sur Haveirson par cette journée fraîche de décembre ne m'empêcherait donc certainement pas de mener à bien mon projet de promenade. J'avais en effet envie de prendre un peu l'air après avoir terminé de rédiger ma correspondance, alors j'ai enfilé une robe de sorcier plus épaisse, un foulard gris, une tuque noire et des mitaines et je me suis dirigée vers la sortie du château.

Une fois dehors, contemplative, j'ai laissé mes pas me guider vers le bois près du château. J'aimais le bruit de la neige qui se chiffonnait sous mes pas, l'ambiance duveteuse et enveloppante qui régnait sur le domaine et le croassement des corbeaux au loin. Je suis entrée dans la forêt et les sons sont devenus encore plus étouffés qu'ils ne l'étaient dans le jardin du château. Mes pensées vagabondaient, je les laissais passer en ne les regardant pas toutes, choisissant celles qui me plaisaient et renvoyant les autres. Je suivais les sentiers mais j'étais tellement absorbée dans mes réflexions que je m'en suis finalement un peu écartée.

Je ne me suis même pas rendue compte que la nuit était tombée avant de réaliser que je ne voyais strictement plus rien. J'ai sorti ma baguette, marmonné "Lumos" et regardé autour de moi pour essayer de me repérer un peu. La végétation m'enveloppait et je ne voyais plus de sentier. Aucune angoisse, cependant, car je n'avais qu'a suivre les traces de mes pas dans la neige pour retrouver mon chemin. Alors pourquoi pas explorer encore un peu ?

Le bras tendu devant moi, j'ai donc continué à marcher en ligne droite, observant la forêt endormie à la lueur argentée de ma baguette. J'ai fini par déboucher sur une clairière parsemée de petits monticules de neige. L'endroit était curieux et plutôt mystérieux ; je me demandais ce qui pouvait bien être à l'origine de ces monticules. Je me suis approchée de l'un d'eux et j'ai balayé un peu de neige avant de finalement dégager complètement... une pierre tombale. Une vieille pierre tombale. Très vieille. Croche, effritée, a moitié enfoncée dans la terre, mais dont les inscriptions étaient toujours visibles.


Un frisson m'a parcouru l'échine alors que je réalisais que la fillette n'avait que 11 ans à sa mort. L'âge auquel j'étais entrée à Poudlard. Si jeune!... Et Peverell... Ce nom me disait quelque chose.

Alors que je me creusais la cervelle pour savoir d'où provenait ce nom qui me semblait légèrement familier, un son derrière moi m'a fait sursauter et me retourner en vitesse. Mon coeur battait la chamade tant la nuit et la découverte sinistre que je venais de faire me rendaient plus vulnérable à la peur...

Depuis son retour à Haveirson, il n’arrivait pas à rester enfermé. C’était complètement paradoxal, pour lui qui s’était tant réjoui de retourner au château, de retrouver sa chambre et ses habitudes, de recommencer à fréquenter les cours. Pourtant, dès qu’il s’installait pour travailler, il était irrémédiablement attiré par l’extérieur. Même son rendez-vous avec Quinlan, il n’avait pu se résoudre à le fixer dans ses appartements. Le jardin anglais s’était imposé comme une évidence.

Clemens avait prévu de passer son après-midi à retravailler ses dernières théories sur les essences et surtout — enfin — se remettre à ses expérimentations sur l’animagisme. Comme d’habitude, Rowan avait quitté leurs pénates à l’aube, pour se rendre à un cours étrange ou à la bibliothèque. Il avait donc leur chambre pour lui tout seul jusqu’à la tombée de la nuit. Les conditions auraient du être parfaites. Pourtant, en fin d’après-midi, il réalisa que son regard ne cessait d’être attiré vers l’extérieur, vers la forêt qu’il voyait au travers de sa fenêtre. Ses capacités de concentration n’avaient jamais été aussi mauvaises lorsqu’il travaillait sur la métamorphose, c’est pourquoi il finit par céder sur le coup des seize heures. Si son corps le tirait vers les bois alors soit, il irait. Peut-être cela ferait-il du bien à sa tête également.

Emmitouflé dans une robe de sorcier bleu marine, l’étudiant n’erra que quelques minutes, triturant sa baguette entre ses doigts, avant de jeter son dévolu sur un tronc d’arbre abattu épargné par la neige. Il s’y assit et replongea dans ses méditations, comme si la compagnie des arbres, le bruit du vent dans les branches et le craquement d’une racine fournissait à son esprit l’atmosphère idéale pour se concentrer. La situation était inédite, mais efficace. A grands renforts de réflexion sur sa différence avec les animaux qui peuplaient cette forêt, divers sorts d’Animation sur la nature qui l’entourait et quelques tentatives pour faire pousser des feuilles sur des branches mortes… Clemens ne revint véritablement à la réalité que trois heures plus tard, quand il réalisa que la forêt alentours n’était plus que ombres et menaces. La nuit était tombée sans même qu’il ne remarque l’avancée de la pénombre.

D’un pas hésitant, il descendit le sentier qu’il avait suivi pour en arriver là. Du moins, c’était ce qu’il pensait. A la faible lueur de sa baguette, il ne l’aurait pas juré, d’autant que le silence oppressant lui donnait l’impression de s’être avancé beaucoup plus profondément dans la forêt que dans son souvenir. Peut-être s’était-il également déplacé au gré de ses pérégrinations mentales ? Ce ne serait pas la première fois — après tout — que victime de sa propre concentration, il occultait tant le monde extérieur qu’il se déplaçait inconsciemment. Un jour, il devrait vraiment régler ce problème. Mais il y avait plus urgent. Comme cette lueur qui venait d’apparaître entre les arbres, à quelques mètres devant lui.

“Nox.”

Clemens resta immobile pendant une minute, l’oreille aux aguets. Il était à la fois curieux et méfiant quant à l’origine de cette lueur. Maintenant qu’il y pensait, il n’avait absolument aucune idée de ce qui pouvait bien peupler la forêt. Il était comme parti du principe que dans le parc d’une université, ils ne prenaient aucun risque… Mais ça, c’était sans penser à la Forêt Interdite de Poudlard. Et surtout, sans comtper sur la curiosité déraisonnée de l’Allemand qui, déjà, avait rallumé sa baguette et s’approchait aussi silencieusement que possible de la lueur étrangère, à présent immobile.

Il déboucha dans une clairière silencieuse, uniquement habitée par une silhouette un brin familière, sans qu’il ne puisse reconnaître ce dos recouvert de chauds vêtements d’hiver. La demoiselle — de ce qu’il pouvait voir — était occupée à dépoussiérer ce qui ressemblait à un bloc de pierre. Interdit, Clemens se déplaça de quelques pas sur le côté, dans l’espoir d’y voir plus clair. Sans succès. Par contre, le reflet de leurs baguettes sur une mèche de cheveux blonds le fit réagir.

“Lanalia ?”

Même s’ils ne s’étaient plus parlés depuis longtemps, il ne connaissait qu’une seule autre étudiante à qui cette mèche aurait pu appartenir. Et devant lui, ne se tenait clairement pas Megan.

HJ:

Je considère que les sursauts sont des mini-crises cardiaques. Non, j'ai jamais fait de crise cardiaque. Mais je suis sûre que c'est pas si éloigné comme sensation. Mon coeur se calmait à peine quand j'ai entendu mon nom, prononcé par une voix masculine avec un léger accent. Mes yeux arrivaient mal à distinguer la personne qui se trouvait près de moi alors j'ai marmonné une formule me permettant d'intensifier la lueur de ma baguette et j'ai levé cette dernière un peu plus haut, alors que l'homme se rapprochait. J'ai reconnu ses cheveux frisés, ses joues ombragées et ses yeux couleur océan (enfin ils étaient plutôt foncés en raison de l'obscurité ambiante, et plissés parce que j'aveuglais avec ma baguette). Clemens.

Immédiatement, je me suis rapprochée de lui à grandes enjambées et j'ai posé ma main sur sa clavicule en le poussant légèrement, indignée.

- Clemens tu m'as fait peur j'ai cru que j'allais mourir !

Bon ce n'était pas sa faute et j'avais pas réellement failli mourir, mais j'avais vachement eu peur. Et ma déclaration était un peu ironique, moi qui venait de déneiger la pierre tombale d'une enfant de onze ans. D'aucuns auraient pu trouver ça drôle, pour aussi peu qu'ils aiment l'humour noir.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Question un peu inquisitrice pour une fille qui était au même endroit que lui au même moment. L'idée qu'il ait pu me suivre ou découvrir mes traces dans la neige et vouloir voir à qui elles appartenaient m'a traversé l'esprit, mais il pouvait aussi bien être là pour autre chose. Moi j'étais bien arrivée là par hasard. Et ce que je venais de découvrir me hantait déjà.

- Bon puisque t'es là, regarde ce que j'ai trouvé...

Eh oui, le mystère était ce qui m'intéressait le plus et j'étais très intriguée par ma découverte. Je l'ai pris par le bras et je l'ai entraîné vers la pierre tombale sans trop lui demander son avis.

- Peverell, ça te dit quelque chose, toi? Il y a un amphi qui porte ce nom dans l'Académie mais j'ai vraiment un blanc sur la personne à qui ça rend hommage...

J'arrivais pas à m'enlever de la tête le fait que je me trouvais sur la tombe d'une enfant. Une fillette de onze ans. Qu'est-ce qui avait bien pu lui arriver pour mourir si jeune? Et pourquoi avoir été enterrée dans la forêt et pas au cimetière d'Avalon? Elle avait vécu au 16e siècle, peut-être que le cimetière était plus récent? En tout cas, le château qui accueillait l'Académie était peut-être plus vieux qu'il ne le paraissait...   

Son intuition l’avait bien conseillé. Lorsque la jeune femme se retourna pour s’approcher de lui, il put apercevoir son visage, éclairé par sa propre baguette. Cette fille restait un véritable mystère pour lui. Ils avaient partagé la même maison du temps de Poudlard, joué ensemble dans l’équipe de Quidditch, à présent, ils se retrouvaient à nouveau dans une même confrérie et ils avaient toujours beaucoup d’amis communs. Pourtant, ils n’avaient jamais été proches, comme si une main invisible avait toujours dressé une étrange barrière entre eux.

Son indignation lui arracha un sourire, et il lui adressa un de ces regards espiègles dont il avait le secret. Son attitude un peu enfantine lui donnait un air plutôt adorable, et Clemens se demandait sérieusement si il l’avait vraiment tant effrayée, ou si elle se moquait juste un peu de lui afin de provoquer sa culpabilité. Il la connaissait trop mal pour juger avec certitude, mais les deux possibilités lui semblaient crédibles. Sa curiosité le poussait plus à savoir ce qu’elle avait découvert dans cette clairière, de toute façon. Néanmoins, la flamme qu’elle tenait juste à niveau de son visage l’empêchait de percer les ténèbres par dessus son épaule. Le Sinistros se contenta donc de lui répondre.

“Pardon, je ne voulais pas te faire peur. Je rentrais au château et j’ai aperçu de la lumière se déplacer dans les arbres… Je suis trop curieux pour faire semblant de rien.”

L’Allemand lui jeta un regard d’excuse, comme si il n’avait vraiment pas pu résister à la curiosité et s’était senti obligé de poursuivre une demoiselle dans les bois. Sa réponse pouvait apparaître décevante, mais il ne se voyait pas expliquer spontanément qu’il s’était perdu dans les bois tout en s’exercant à divers sortilèges de métamorphose. Ce serait sans doute ennuyant pour la jeune femme, et il ne voulait pas détourner la conversation de ce que elle, elle faisait là. Clemens allait lui poser la question, mais avant que le moindre son ne puisse franchir ses lèvres, sa camarade l’entraînait déjà vers le lieu de sa découverte.

Perplexe et aussi tiraillé par une certaine méfiance, l’étudiant s’agenouilla auprès de la pierre tombale. La gravure semblait ancienne, même si un peu trop nette pour les dates indiquées. Il ne comprenait pas bien comment une pierre tombale pouvait souffrir les éléments et les animaux pendant presque quatre siècles sans finir un peu plus amochée que ça. Clemens se redressa en secouant la tête, une expression désolée sur le visage.

“Comme ça, le nom ne me dit rien, mais peut-être que ça va me revenir… Ce qui m’intrigue par contre, c’est que l’inscription soit encore si aisément lisible après quatre cents ans. Le reste de la pierre est sévèrement amoché, en comparaison.”

Sans compter sur le fait qu’une pierre tombale abandonnée au milieu d’une forêt était plutôt un mauvais présage. Les quelques restes qu’il avait du cours d’Histoire de la Magie lui firent évidemment penser aux chasses aux sorcières, mais pour une fillette si jeune et dont l’épigramme faisait référence à un ange, cela lui semblait improbable. Clemens alluma sa baguette avant de la pointer vers les arbres autour d’eux. Rien ne disait qu’ils ne se trouvaient pas sur le lieu d’un cimetière abandonné.

“Tu sais quand le château a été construit ? C’est étrange de trouver une tombe au milieu des bois, mais peut-être qu’il y avait autre chose qu’une forêt, à l’époque ?”

Clemens m'avait suivi (bon, je lui avais pas trop laissé le choix) jusqu'à la pierre tombale et il s'est agenouillé devant l'épitaphe alors que je restais debout derrière. Je l'ai observé à la dérobée, non sans me souvenir du regard espiègle et du sourire qu'il m'avait décochés après que je l'aie poussé et amicalement disputé. Ça m'a tiré un sourire en coin à moi aussi. Je me suis vaguement demandé pourquoi je le connaissais depuis si longtemps sans jamais vraiment avoir pu développer un lien avec lui. Il y a de ces gens qu'on côtoie sans les connaître parce qu'on les aime pas ou qu'ils nous rappellent une personne qu'on souhaite oublier. Et il y a ces gens qui ont toujours fait partie du décor, envers qui on n'a jamais eu de mauvais sentiments et qui pourtant demeurent éloignés sans qu'il n'y ait d'explication. Clemens était de la seconde catégorie. Je connaissais très bien son nom, son sourire, la couleur de ses yeux et le son de sa voix. C'était pas pour rien que je l'avais si rapidement reconnu quelques minutes auparavant. Il avait été à Serdaigle, comme moi, dans la même promotion d'ailleurs. On avait joué au Quidditch ensemble. Je savais de quoi il avait l'air en se levant le matin et comment il était quand il perdait un match de Quidditch. Je l'avais vu rire, être en colère, même pleurer une fois. Je l'avais vu grandir tout comme lui m'avais vue le faire, mais jamais on n'était allés plus loin dans notre relation que les civilités d'usage, quelques discussions par-ci par-là, etc. On s'était toujours parlé quand on avait besoin de le faire, jamais vraiment parce qu'on en avait envie.

Je sais pas si c'est parce que je suis la fille solitaire que je suis ou parce que pendant mes études à Poudlard j'avais trop eu la tête ailleurs avec Tigurius, la préfecture, la lecture et l'étude, le Quidditch, tout ça... mais le résultat était le suivant : je connaissais Clemens comme le fond de ma poche sans le connaître réellement. J'étais à l'aise avec lui comme avec un vieil ami sans jamais avoir partagé d'amitié sincère avec lui. C'était étrange, c'était comme ça.

Toutes ces pensées se sont déroulées dans ma tête au moins 10 fois plus vite que le temps que vous avez mis à les lire et elles ont été interrompues par la voix de mon confrère qui s'était redressé et secouait la tête.

- Oui c'est bizarre... C'est un peu comme si quelqu'un avait entretenu l'inscription ou l'avait refaite récemment. Je me demande ce qui a pu arriver à cette Deirdre. D'ailleurs je me demande aussi comment prononcer Deirdre.

En effet, là ça sonnait plutôt comme "Dirdreuh". J'avais une vieille tante qui portait ce prénom, mais je l'avais jamais vraiment aimée. Elle était pincée, sèche, elle critiquait à peu près tout tout le temps et elle nous forçait à manger ces horribles gâteaux aussi secs qu'elle. C'est pas important.

Clemens éclaira les alentours avec sa baguette qu'il avait rallumée et s'adressa à nouveau à moi.

- Aucune idée, en fait. L'intérieur a été tellement bien rénové que c'est difficile à dire... Mais la présence du cloître et son architecture, le donjon et les geôles aussi... m'amène à considérer que c'est plausible qu'il ait été là pendant la vie de cette fillette. Elle y a peut-être vécu? Peverell, ça doit être une famille noble...

En levant ma baguette, j'ai aussi commencé à explorer les alentours. D'autres petits monticules neigeux se dressaient dans la clairière, ne laissant désormais plus aucun doute sur l'endroit où nous étions. C'était un ancien cimetière. Un long frisson m'a parcouru l'échine. Je me suis demandé si... par hasard... il ne serait pas possible, maintenant que Clemens était là aussi, d'invoquer l'esprit de la petite Deirdre ou d'un autre "résident" du cimetière pour avoir réponse à nos questions...

Mais c'était bien trop effrayant, non?

Enfin... j'étais parfois prête à beaucoup de choses pour résoudre un mystère...

Clemens hocha la tête pensivement. Il avait spontanément pensé à un enchantement qui protégerait la pierre tombale pour qu’on n’oublie pas le nom de cette petite fille, mais l’hypothèse si simple et logique qu’un descendant vienne entretenir l’inscription… Ca, c’était resté bien loin de son esprit complexe et torturé. Il se sentait un peu bête, pour le coup, et se cacha dans la réflexion pour ne pas le laisser paraître.

“Deirdre… A l’allemande, je dirais De-I-r-dreuh. Mais cette pauvre petite n’était sûrement pas allemande avec un nom comme Peverell. Hmm… Si quelqu’un se préoccupe de venir sur le territoire de l’académie pour entretenir une pierre tombale, tu crois que ça pourrait être un membre de la famille ? Même si du coup, c’est à se demander pourquoi ils ne vivent plus dans le château.”

Chacune de ses interrogations pouvait avoir le don de le lancer sur un autre questionnement, et ses idées se suivaient ainsi comme une réaction en chaîne. Il s’interrompit avant de noyer Lanalia sous une longue suite de suppositions. Le Sinistros n’y connaissait strictement rien en architecture et même s’il était assez malin pour savoir que l’académie ne datait pas d’hier, il était bien en peine de la dater avec exactitude. Sa camarade semblait en revanche un peu plus sure que lui à ce sujet, et il choisit de se rallier à son avis. Le seul détail qui soulignait encore sa perplexité était la présence d’une unique tombe entre les arbres, mais même ce problème-là, Lanalia le résolut rapidement. La clairière n’était pas aussi innocente qu’elle avait semblé de prime abord.

“Pourquoi… Pourquoi installer un cimetière au milieu des bois ?”

Comme si c’était communicatif, un frisson le parcourut lui aussi. Les derniers rayons de jour ne franchissaient plus les frondaisons chargées de neige et leur seule source de lumière était le mince rai lumineux de leurs baguettes. L’atmosphère qui les entouraient devenait de plus en plus glauque et oppressante à chaque minute, mais la découverte de ce mystère avait aussi quelque chose d’exaltant.

“Sauf si la forêt ne s’étendait pas aussi loin à l’époque, et qu’il s’agit du cimetière particulier du château. Hmm… De quand date la tombe la plus récente, tu penses ?”

Encore loin de penser à l’usage d’une magie particulière pour répondre à leur question, Clemens s’enfonçait dans une réflexion logique et pragmatique. Il lui semblait nécessaire de récolter le plus d’informations possibles sur les gens qui reposaient ici. Ainsi, ils pourraient fureter dans le village ou à la bibliothèque à la recherche de correspondances de noms et de dates. Après tout, Avalon rendait publique ses archives et il ne devrait pas être bien difficile de trouver des traces des premiers habitants , même si une fillette de onze ans ne risquait pas d’y être mentionnée… Alors qu’il déneigeait les stèles les plus proches, il se redressa lentement, pris d’un doute. Quelque chose clochait à Haveirson, quand on le comparait à Poudlard. L’étudiant n’y avait jamais pensé, mais à présent, cela lui semblait particulièrement étrange.

“Dis… Ca ne t’a jamais frappé qu’il n’y ait pas de fantômes à Haveirson ? Le château ne doit pas être beaucoup moins ancien que Poudlard, qui pourtant, grouille d’esprits dans tous les coins. Je n’y avais jamais pensé jusqu’à présent mais…”

Le jeune homme s’interrompit en roulant des yeux, laissant le soin à Lanalia de comprendre la fin de son idée.

Son accent, encore plus prononcé qu'à l'habitude quand il a voulu me donner une idée de comment prononcer Deirdre, m'a fait sourire encore. Je comprenais comment tant de mes amies avaient pu craquer pour lui à Poudlard, même si lui n'avait jamais vraiment joué de son charme auprès d'elles. Ses hypothèses firent rapidement tourner à nouveau la roue de mes propres réflexions et ma curiosité s'enflamma. S'il est une chose que tous les Serdaigles partagent, c'est bien l'amour d'une bonne intrigue, c'était pas pour rien qu'on devait répondre à une énigme pour entrer dans notre salle commune à Poudlard.

- Peut-être qu'ils vivent encore dans le château? Je veux dire, tout le monde ignore l'identité du Comte, après tout. Si ça se trouve, il est un Peverell et ce domaine appartient à sa famille depuis des siècles... Ou alors quelqu'un a simplement été chargé d'entretenir les épitaphes? Le concierge par exemple?

Je caressais mes lèvres du bout de l'index en fronçant les sourcils, comme je le faisais souvent lorsque je réfléchissais ou que j'étais concentrée. Mon équivalent féminin du traditionnel "je me touche la barbe parce que je pense trop fort" masculin. Clemens, lui, s'affairait déjà à déneiger les tombes les plus proches, après m'avoir fait part de ses réflexions concernant l'emplacement étrange du cimetière abandonné (ou pas). J'ai continué de réfléchir tout haut.

- À l'époque il était courant d'enterrer les membres de la famille sur le domaine familial, d'autant plus que le château possédait une chapelle. D'ailleurs, avec la présence du cloître, je me suis souvent demandé si à une certaine époque l'endroit n'avait pas pu être un monastère. Si c'est le cas, et que le domaine a été béni à un moment ou à un autre, il est possible que les personnes enterrées ici n'aient pas été excommuniées...

J'ai vite décidé de déneiger moi aussi quelques stèles. Les inscriptions n'étaient pas toutes aussi claires et entretenues que celle de la petite Deirdre. Celles que je déchiffrais, toutefois, dataient de plusieurs siècles. "1642 - 16..." "13...6 - ...64". Des noms, pas tous des Peverell, mais certains oui. Des dates, quelques symboles, des écrits qui avaient dû signifier des choses mais qui aujourd'hui étaient devenus illisibles. Je me demandais si Clemens avait plus de succès, quand j'ai finalement déneigé une tombe dont la date m'a donné froid dans le dos. 1922-1996. Seules des initiales : G. P. En dessous des traditionnels R. I. P., bien sûr. J'allais informer mon confrère de ma découverte, mais il s'était arrêté et me regardait d'un drôle d'oeil. Sa déclaration sur les fantômes m'a fait froncer les sourcils à nouveau.

- Tiens... Je m'en étais même pas rendue compte. Mais maintenant que tu le dis, moi j'en ai jamais vu, et j'ai jamais entendu d'autres étudiants en parler non plus... D'ailleurs, je sais pas trop ce qui fait qu'un esprit reste sur Terre ou quitte vers l'au-delà. Si ça se trouve, les morts d'Haveirson hantent plutôt ses bois...

Bravo Lana. Je venais de me faire peur à moi-même. J'ai regardé autour de moi en frissonnant et je me suis rappelé de ce que je venais de voir.

- Au fait, je pense qu'on a réponse à ta question par ici. Un certain G. P. mort... cette année. Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Est-ce que c'est le cimetière privé du château ?

Clemens hocha la tête en silence. L’hypothèse de sa camarade était entièrement plausible, mais c’était également vrai pour toutes les autres qu’ils avaient énoncées jusqu’à présent. Sans plus d’indices et de détails sur l’histoire du château, il était difficile de faire un véritable tri. Lors de son arrivée, le flou qui entourait l’identité du Comte et les raisons de son soudain altruisme ne lui avait pas semblé être une priorité. L’ouverture de l’université lui offrait un nouveau départ et une échappatoire du gouffre dans lequel il s’enfonçait toujours plus profondément depuis son accident. Quatre mois plus tard, il avait sérieusement changé d’avis: chaque semaine apportait son lot de nouvelles découvertes étranges et d’interrogation. Il devenait impossible de ne pas s’inquiéter.

Il entreprit donc de déneiger les autres pierres tombales, dans l’espoir de trouver une piste sérieuse. A côté de lui, Lanalia réfléchissait toujours à voix haute, l’aidant lui aussi à structurer ses idées. Un détail le fit réagir, et il se détourna de la stèle qu’il avait commencé à épousseter. Il jeta un regard perplexe à sa camarade avant de gratter la neige à nouveau. Le nom illisible et les dates vieilles de trois siècles étaient un nouveau cul-de-sac.

“C’est possible, mais les cimetières étaient toujours bien délimités non ? J’ai l’impression que les tombes ici sont plutôt cachées que bénites. Et si le concierge était chargé d’entretenir les pierres, il n’a pas vraiment fait du bon boulot.”

Le Sinistros avait la désagréable impression que quelque chose lui échappait. Les hypothèses qu’ils construisaient n’étaient pas improbables, mais ils trouvaient chacun des détails qui venaient infirmer les idées de l’autre. A l’exception du problème des fantômes, sur lequel ils venaient enfin de tomber d’accord. Clemens aurait préféré que Haveirson soit simplement dépourvue d’esprits perdus, car il n’avait jamais vraiment apprécié leur présence à Poudlard. Certains pouvaient être plutôt sympathiques, surtout la Dame Grise qui était toujours d’excellent conseil pour les élèves de sa maison. Cependant, il fallait avouer que croiser des morts trois fois par jour quand on voulait simplement descendre manger un morceau n’était jamais devenu une rencontre agréable. Lanalia venait d’ailleurs de tirer la même conclusion que lui, et il grimaça.

“C’est ce que je craignais. Je me serais satisfait d’un château sans fantômes, mais j’ai l’impression qu’avec un cimetière perdu dans les bois, on risque de faire de mauvaises rencontres…”

Heureusement, avant que son imagination ne s’enflamme, la jeune femme fit une découverte qui allait sans doute leur permettre d’avancer. Clemens la rejoint à côté d’une tombe bien plus récente que les autres.

“Pourquoi se contenter des initiales et pas du nom complet ? C’est bizarre, non ? Je vois deux explications… Soit c’est quelqu’un mort au château avant l’ouverture de l’académie, ce qui expliquerait pourquoi on n’en a pas entendu parler et pourquoi il est enterré ici et pas à Avalon. Ou alors, c’est quelqu’un mort au village, mais qui pour une raison probablement religieuse n’a pas pu être enterré dans le cimetière.”

Les étudiants n’étaient pas vraiment au fait des naissances et des décès dans le village voisin, d’autant que la grande majorité de la population était moldue. L’Allemand ne savait même pas si l’église était encore fréquentée assidûment, ou même s’il n’y avait qu’un seul cimetière dans la région. Peut-être les habitants avaient-ils ressenti le besoin de… Une illumination le saisit brutalement. Il ne s’était approché qu’une fois de la vieille église, mais tout le monde savait ce qu’il était advenu du bâtiment ce jour-là.

“Tu penses que ça peut être lié à la destruction du clocher ? J’ai entendu dire que des rumeurs courraient à propos d’un courroux divin ou quelque chose comme ça. Les habitants du village n’osent peut-être plus enterrer leurs morts près d’une église qui a été détruite.”

Après tout, si tout le monde savait que le clocher avait explosé, peu de gens savaient exactement ce qui s’était passé et qui était à l’origine du massacre. Clemens lui-même préférait éviter d’y penser, surtout en songeant aux cadavres qui se trouvaient peut-être toujours dans les ruines. A moins que cette tombe ne soit justement celle d’un mangemort … ? Un frisson lui parcourut l’échine. Dans tous les cas, l’origine et l’utilisation de ce cimetière lui laissait une impression très désagréable.

Clemens s'était rapproché de moi alors que je regardais d'un air perplexe les fraîches inscriptions sur la tombe. Effectivement, pourquoi se contenter des initiales? Soit on cherchait à identifier la tombe sans que les non-initiés ne puissent savoir à qui elle appartenait, ce qui pourrait signifier une certaine importance ou un statut particulier à la personne enterrée là, soit c'était une volonté du mourant pour x raison, ou bien alors c'était quelqu'un de piètre importance dont le nom ne valait pas la peine de traverser les âges. Cette troisième hypothèse m'a rendue un peu triste et je me suis sentie presque mal d'avoir envisagé la possibilité ; y avait-il des gens dont la mémoire ne valait tout simplement pas la peine d'être perpétuée? Quelqu'un qui avait vécu aussi longtemps que cette personne devait bien avoir accompli des choses dans sa vie, pourtant. Difficile à dire. Certaines personnes ne recherchent pas la gloire ou la renommée et se contenteraient que leurs proches et les personnes qui les ont aimées sachent où venir honorer leur mémoire. D'autres vont chercher à mettre leur nom complet et des informations ou des citations représentant ou décrivant leur vie, par souci que même les inconnus aient une petite idée de la vie qu'ils ont menée. Bon... ayant grandi dans un monde capitaliste, une dernière option s'est tout de même frayée un chemin à ma conscience : peut-être que c'était moins cher de mettre juste les initiales. Peu de gens savent à quel point les funérailles sont onéreuses. Faut bien sauver un peu là où on le peut non?

Merf, toute cette réflexion m'apparaissait un peu glauque. Je me suis raccrochée à celles de mon acolyte.

- Donc le cimetière sur lequel on se trouve serait celui accueillant les non-catholiques ? Ça se pourrait. Mais pourquoi le faire si près du château ? À moins, comme tu dis, que cette personne soit morte au château. Peut-être un domestique ?

Clemens proposa une nouvelle hypothèse relative à la destruction du clocher d'Avalon et ça m'a fait comme un petit pincement dans les entrailles. J'avais entendu avec moult détails l'histoire de cette journée et ça donnait des frissons dans le dos. Mais en même temps, la crédibilité de l'hypothèse m'exaltait.

- Oui c'est bien possible... L'église a-t-elle été condamnée après ça ? Ce serait logique, je pense, que les gens ne veuillent plus enterrer leurs morts près d'une église détruite et abandonnée... Mais en même temps...

Zut. Plus je parlais, plus je réfléchissais et plus je réfléchissais, moins je comprenais la nature de ce sur quoi on se trouvait.

- ...en même temps, si c'était un cimetière "officiel", on y trouverait une voie d'accès, une entrée bien indiquée, une plaque commémorative, je sais pas... quelque chose d'officiel, justement. Non? Ça aurait pu n'être qu'un cimetière abandonné avec une tombe en particulier dont l'épitaphe serait demeuré intact soit par sortilège au moment de l'enterrement, soit grâce à un entretien régulier... mais avec la tombe qu'on vient de trouver, ça fait plus vraiment de sens. À moins que la famille de G. P. ait été enterrée ici avant la fermeture du cimetière et qu'il ait voulu être enterré avec eux? C'est peut-être tout simplement ça. On cherche peut-être trop loin?

J'étais un peu confuse à présent. J'avais tendance à vouloir connaître le fond de tout mystère, c'était dans ma nature et ça avait été valorisé et entraîné à Serdaigle. Mais parfois, ça faisait en sorte que je niais l'ordinaire pour me raccrocher à l'extraordinaire, qui m'apparaissait beaucoup plus attrayant. Sauf que la vie n'était souvent pas un roman, et l'ordinaire arrivait bien plus souvent, en fin de compte. Bref, je m'emportais facilement... !

Ce craquement dans les bois non loin, comme une brindille qui se brise, n'a pas aidé ma cause. Je me suis là encore emportée rapidement, mais je vous ferai grâce de toutes les idées qui me sont venues en tête à ce moment-là, au risque d'avoir l'air d'une gamine effrayée... J'ai juste attrapé le bras de Clem en me retournant vers là où j'avais cru entendre le son, les yeux grands ouverts pour tenter de percer l'obscurité au-delà de la lueur diffusée par ma baguette.

Lana et lui semblait tomber d’accord sur un début d’hypothèse, ce qui était un pas encourageant pour la suite. Malheureusement, en deux bons Serdaigles qu’ils étaient, cela ne les empêchaient pas de se remettre en doute aussitôt, voire de poser immédiatement de nouvelles questions. L’un dans l’autre, ça commençait à faire beaucoup de bonnes pistes à suivre, mais ils allaient devoir se décider, sinon, ils ne trouveraient jamais rien. Clemens adressa donc une moue contrite à sa camarade et haussa légèrement les épaules. Il n’avait de réponses à aucune de ces questions, mais il les considérait tout à fait pertinentes.

“Je ne sais pas… Il y a peut-être d’autres raisons que la religion pour exclure quelqu’un d’un cimetière consacré ? Je t’avoue que je n’y connais pas grand chose. Et au vu de la modestie de cette tombe, je pencherai aussi plutôt pour un domestique. Ca m’étonnerait qu’on planque la mère du Comte au fond d’une forêt, comme ça…”

Clemens grimaça à cette idée. Les étudiants de l’académie en savait tellement peu sur leur bienfaiteur qu’il était même impossible de dénouer le plausible de l’impossible. Ce fameux comte possédait peut-être le château sans y avoir jamais mis les pieds et c’est pour éviter qu’il tombe en ruine qu’il y avait ouvert une université. Certes, c’était un peu capillotracté et de toute façon, il ne croyait pas à un élan altruiste dans le monde actuel… Mais qu’en savait-il, au final ?

“J’ai évité l’église de très loin depuis sa destruction, je n’ai pas trop envie d’aller fourrer mon nez dans ces affaires-là. Je ne sais pas ce que les moldus en pensent exactement, ni même si ils comptent remettre le bâtiment en état. De nos jours, qui dépenseraient autant d’argent dans un édifice religieux ? D’ailleurs, je ne suis même pas vraiment sur de la religion à laquelle elle était consacrée…”

Encore une nouvelle hypothèse. Deux religions différentes, ça collait assez bien avec l’existence de deux cimetières. Et comme généralement, l’une prenait le pas sur l’autre, ça paraissait cohérent d’avoir un cimetière bien entretenu entre quatres murs et un autre, câché dans une forêt. Même si à nouveau, ça lui paraissait étrange que le cimetière clandestin se trouve justement dans le parc du château. A défaut, il rebondit sur la dernière idée de Lana, qui était à la fois aussi plausible et bien plus raisonnable que ce qu’ils avaient évoqués jusqu’à présent. Clemens aurait bien voulu la croire, mais ça lui semblait trop simple pour une énigme qui lui paraissait si passionnante, en même temps d’être un peu effrayante.

“Je ne sais pas… Si cette famille se préoccupe assez de ses morts pour enterrer chaque membre de la famille dans un cimetière abandonné, ils se tracassent quand même peu de l’entretien des tombes. Et puis, même pas assez fier pour écrire leur nom en entier… Rhaa, tout se tient, mais tout se contredit en même temps ! Je crois qu’on devrait plutôt partir sur…”

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un bruit au fond des bois le fit sursauter, lui aussi. La pression sur son bras et l’inquiétude soudaine de sa camarade eurent étrangement l’effet de le calmer, et l’étudiant se contenta de lui adresser un sourire amusé. Sa baguette pointée devant lui, il attrapa la main de Lana et l’entraîna avec lui, vers l’origine du bruit.

“Ah ben tiens, on va peut-être avoir quelqu’un à qui demander !”

Bon en fait, il n’en mênait pas large, mais il préférait aller au devant d’un éventuel danger plutôt que de risquer de se faire prendre par surprise. Clemens avança donc d’un pas décidé entre les arbres, quittant la clairière pour être accueilli dans une atmosphère oppressante de ténèbres. A une dizaine de mètres d’eux, entre les arbres, une ombre de la taille d’un homme semblait danser, à moins que ce ne soit seulement dû à la flamme frémissante de leurs deux baguettes ? Dans le doute, le Sinistros s’arrêta, se plaçant un peu devant sa camarade.

“Qui êtes vous et que faites vous là !?”

HRP: :

Le sourire amusé que Clemens me lança après que j'eus serré son bras m'a fait sourire moi aussi, un peu par réflexe. J'étais vraiment pas rassurée, mais de voir qu'il se moquait un peu de moi, ça m'a donné l'impression qu'il était au-dessus de tout ça et qu'il gérait la situation avec bravoure et détachement. C'était bien, ça m'a fait me sentir pas mal plus en sécurité.

C'est bizarre, parfois, comme l'obscurité transforme un lieu. Le bois d'Haveirson, qui m'avait apparu tellement apaisant, accueillant, calme et ressourçant quelques heures plus tôt, me paraissait désormais épais, mystérieux, redoutable et angoissant. La lumière, ça change tout. Car l'obscurité, c'est d'abord et avant tout l'inconnu. Ne pas savoir ce qu'il y a à quelques mètres de soi, à quelques centimètres parfois, c'est ça qui est angoissant. C'est de pas savoir. C'est que ça pourrait être n'importe quoi ; un animal sauvage, un coup de vent, un tueur en série. Allez savoir pourquoi, mais l'imagination est aussi toujours plus fertile dans l'obscurité. Je parierais gros sur le fait que la plupart des plus grands poèmes ont été écrits au coeur de la nuit. La nuit, on est comme à part du monde. À côté du monde le temps de quelques heures. Quand toute la ville est endormie, quand y a plus le son des voitures, des téléphones, des lecteurs cassettes, c'est comme si ça nous laissait seul face à nous-même, avec nous-meme, complètement libre... libre de s'imaginer tout un tas de choses. Le jour, c'est clairement juste un lièvre qui passait par là. La nuit, ça peut être tellement de choses, l'univers des possibles est tellement grand à cause de l'inconnu, que la créativité se réveille et, nourrie par la peur, elle nous fait s'imaginer les pires scénarios.

J'avais donc pas la moindre idée de ce qui se trouvait devant nous ni même s'il se trouvait effectivement quelque chose. Mon imagination fertile m'a tout de suite fait penser à un individu qui ne nous voudrait pas de bien, à un fantôme effrayant revenu d'entre les morts pour nous terroriser, à une créature sauvage dangereuse, etc. J'étais pas certaine d'avoir envie de savoir si j'avais raison ou non, mais encore une fois, la seule façon de faire taire la peur engendrée par l'inconnu, c'est de changer ce dernier en connu.

Clemens, lui, avait l'air bien décidé à savoir ce que c'était. Il s'est dirigé en direction du bruit et je l'ai suivi à contrecoeur, en ne lâchant pas son bras. Quand la lueur de nos baguettes a éclairé une ombre humanoïde dansante et que mon confrère a interpellé la possible personne ou chose qui se trouvait là, j'ai poussé un léger gémissement craintif et j'ai enfoui mon visage dans son épaule, incapable de regarder. C'est bizarre, quand même. C'est comme quand on lève la couverture devant nos yeux en réalisant qu'on a laissé le placard ouvert. L'inconnu nous terrifie, mais on préfère quand même rien voir. Paradoxal.  

On n'a reçu aucune réponse, pendant les secondes de silence qui ont suivi les paroles de Clemens. Je savais pas s'il fallait que ça me rassure ou que ça m'inquiète davantage. Moi qui me décrivait facilement comme étant prête à tout pour résoudre un mystère, j'étais pas mal moins encline à dire ça quand il était vraiment temps de poser des gestes!

Le visage toujours enfoui dans l'épaule du jeune homme, j'ai marmonné :

- Y a quelqu'un ou pas ? Clemens j'ai peuuur.

J'avais dit ça sur un ton plaintif de gamine, mi-sérieux, mi-exagéré. L'attitude sûre et brave de mon confrère me permettait de le faire. Si je m'étais trouvée en compagnie de quelqu'un d'effrayé, je me serais montrée courageuse pour compenser. Mais là, si lui n'avait pas peur et était prêt à aller au devant du mystère en se mettant à risque de tomber sur quelque chose de dangereux, ça voulait dire que j'avais tout le loisir de me laisser envahir par ma propre peur... Ce que j'avais définitivement fait, à ce moment-là.

Malgré son apparente frayeur, Lana se laissa emmener par Clemens qui la couva d’un regard amusé. Il ne doutait pas qu’au fond, elle était tout aussi curieuse de découvrir ce qu’était cette ombre, mais il était facile de perdre pied quand on avait une ancre. C’était un peu pareil pour lui, au fond. Il se sentait investi du devoir de protecteur dans cette affaire, et son inconscient lui murmurait que si la blonde demoiselle n’affichait pas de tels traits terrifiés, il aurait sans doute moins fait le fier-à-bras. Ça importait peu, mais il se demandait quand même sérieusement pourquoi, depuis son arrivée à l’académie, il ne cessait d’aller au devant de dangereux mystères et de devoir jouer le valeureux défenseur ? Certes, il aurait pu arrêter de fourrer son nez partout où sa curiosité le menait, mais c’était impossible de demander ça à un ancien Serdaigle.

Enhardi par la confiance que Lana semblait placer en lui, il balayait les arbres du regard, la baguette prête à accueillir un éventuel assaillant. Son panel de sorts d’attaque était un peu limité, mais il lança tout de même un Charme du Bouclier informulé devant eux. Dans ce genre de situations, il ne savait jamais vraiment si ça pouvait être d’une quelconque efficacité, mais si il avait appris quelque chose de ses drôles de rencontres avec Megan, c’est bien qu’on était jamais trop prudent. Pendant un moment, il perdit l’ombre de vue et fut soudainement incertain qu’il avait bien vu quelque chose. Au fond d’une forêt, on n’était jamais surs de rien, entre les bruits véritables et les imaginations qui s’enflammaient…

La tension avait atteint un nouveau palier maintenant qu’ils étaient dans le doute. Sa camarade vint plaquer son visage contre son épaule, à la fois tremblante et joueuse, ce qui le rasséréna un peu. Clemens avait à présent la conviction qu’ils avaient simplement été trompés par leurs sens, et il abaissa sa baguette. Sa préoccupation était devenue de rassurer la jeune femme qui se serrait contre lui, mais alors qu’il s’apprêtait à lui répondre qu’il n’y avait personne, ses yeux furent attirés par un nouveau mouvement. Son regard s’était à présent habitué à l’obscurité et ce que la lumière lui avait occulté se révélait maintenant devant lui avec une sorte de fascination. Il ne savait même pas s’il devait être effrayé.

“Lana, regarde…”

Il poussa l’épaule de la Sinistros doucement pour l’encourager à se retourner alors qu’il observait la scène en silence. Devant un, à quelque pas, se dressait une stèle beaucoup plus importante que les autres. Envahie de lichens et effrités aux coins, on pouvait néanmoins reconnaître une haute croix celtique qui surmontait ce qui semblait être l’entrée d’un caveau. Là, une ombre diffuse mais à la douce aura argentée se tenait agenouillée devant un bouquet de fleurs sauvages. Complètement sourde à la présence d’étrangers pendant son rituel, elle restait prostrée là, tout en ajoutant de nouvelles fleurs, une à une, à l’avant de la tombe.

Clemens se sentait paralysé, était-ce un sortilège ou simplement son propre esprit qui respectait ce recueillement centenaire ? Il n’aurait su le dire. L’impression oppressante qui l’avait inquiété dans ses premiers pas en dehors de la clairière s’était un peu calmée. La menace ne semblait pas directe, mais comment réagirait le fantôme quand il réaliserait qu’il n’était pas tout seul ? Existait-il des esprits plus sauvages que d’autres ? Considérerait-il que ces deux vivants avaient profanés son lieu sacré ? L’étudiant n’en gardait pas loin sa baguette pointée vers le sol, sa main serrée autour de celle de Lana. Il ne savait simplement pas quoi faire.

J'ai entrevu que Clemens avait baissé sa baguette, alors j'ai relevé un peu mon visage dont le nez et la bouche étaient toujours plaqués sur son épaule, et ai risqué un oeil effrayé vers lui pour lui demander si la voie était libre. Avant que je puisse le faire, son regard a changé de direction et il m'a dit de regarder. Pendant une seconde, j'ai failli lui dire "t'es fou je regarderai pas c'est certain", mais en entendant son ton mi-effrayé mi-intrigué et surtout quand j'ai vu qu'il ne se sauvait pas à toutes jambes, la curiosité a pris le dessus. Je lui faisais confiance, après tout, dès le moment où il m'avait donné l'impression qu'il avait la situation bien en mains. Et la petite poussée que j'ai sentie de sa part pour m'encourager à me retourner a fini de me convaincre.

J'ai pris mon courage à deux mains et je me suis retournée, sans toutefois lâcher sa main, pour observer la scène que Clemens voyait déjà. J'ai d'abord été parcourue d'un frisson tout au long de ma colonne vertébrale, avant de comprendre que la forme humanoïde fantomatique ne se préoccupait pas de nous et semblait même ne pas nous avoir vus. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier? Cette immense stèle, qui semblait plus vieille et plus importante que toutes les autres tombes que nous avions vues plus loin, marquait l'entrée d'un caveau. Tout cela devenait de plus en plus étrange... mais aussi de plus en plus intriguant. Si j'avais pas eu si peur, j'aurais pu avoir envie d'interpeler le fantôme pour lui demander des explications. C'était pas comme si on n'avait jamais vus de fantômes, après tout. Mais le contexte de la découverte et l'espèce de glauque mystérieux qui se dégageait de la scène me retenait. Ou alors c'était autre chose? Qu'est-ce qui me retenait, en fait? Parce qu'à vrai dire, j'avais qu'une envie et c'était de déguerpir au plus vite.

Surtout quand l'aura fantomatique s'est levée et s'est retournée vers nous. Là, j'ai cru mourir.

J'étais tétanisée et j'ai serré la main de Clemens le plus fort que je le pouvais. Mais ma terreur s'est amplifiée quand j'ai compris que serrer sa main, c'était le seul mouvement que j'étais capable de faire. J'ai essayé de gémir de peur, de parler, de crier, rien. Clouée sur place. Ça vous est déjà arrivé, la paralysie du sommeil? J'avais la même sensation. Une sensation de danger imminent mais l'horreur de ne pas pouvoir le fuir. J'aurais pleuré si j'avais pu. La forme s'est avancée en marchant vers nous (ça m'a semblé bizarre parce que tous les fantômes que j'avais vus auparavant flottaient) et j'ai pensé que mon coeur allait exploser tellement il battait fort. Quand elle est arrivée près de nous, j'ai vu qu'il s'agissait d'une femme en costume d'époque et qu'elle me fixait droit dans les yeux. Du moins j'en avais l'impression. Jusqu'à ce qu'elle passe... à travers nous.

Un courant glacial m'a rempli les veines, mais ça n'a duré que quelques secondes. Quand elle a été sortie de notre champ de vision, j'ai repris possession de mon corps dans un incommensurable soulagement. J'ai lâché la main de Clem pour plutôt lui serrer le bras.

- Qu'est-ce qui s'est passé?! j'ai murmuré, après un léger gémissement craintif.

Le bouquet de fleur sauvage, posé soigneusement sur la tombe par l'aura fantomatique, était toujours là, mais la forme, elle, avait disparu.

Debout dans la neige, hypnotisé par l’ombre fantomatique qui se tenait devant eux, Clemens n’était plus conscient de rien. Seule la présence de Lanalia et la forte pression sur sa main le reliait encore un tant soit peu à une réalité qui semblait se disloquer. Même s’il l’avait voulu, il aurait été incapable de détourner son regard de la scène qui finissait de se jouer. Avec une lenteur extrême et un silence parfait, le spectre déposa la dernière pensée sauvage au pied de la tombe puis se releva. Perdu hors de toute raison, l’Allemand eut cette pensée bizarre à propos de la capacité d’un fantôme à se relever. Le mouvement semblait difficile, à tel point qu’on pouvait presque sentir le poids des ans sur ces épaules à jamais diaphanes.

L’anonyme leur fit face sans un mot et marcha toujours aussi lentement dans leur direction. Son pas lourd et un peu claudiquant rajoutait à cette atmosphère de réelle contredite par la transparence de son être. Clemens ne put s’empêcher de chercher dans son regard une quelconque émotion qui trahirait ces intentions, mais il faillit lâcher une exclamation de stupeur. Enfin, il l’aurait fait s’il avait été capable de prononcer le moindre son durant ces quelques secondes. L’esprit arborait des yeux d’un bleu profond, aussi brillant qu’un ciel d’été en bord de mer. La lueur qui y dansait était néanmoins fixée bien loin au-delà d’eux, peut-être perdue dans un monde qui ne leur appartenait pas.

Une fois l’ombre passée au travers d’eux sans vouloir les remarquer, l’étudiant retrouva son souffle dans un halètement. Il réalisa soudainement qu’il s’était abstenu de respirer pendant les quelques longues secondes du rituel fantomatique et il porta involontairement la main à son cœur. Lana sembla retrouver contenance un peu plus rapidement que lui, et il mit un peu de temps avant de pouvoir lui répondre.

“Je… Je ne sais pas. Tu avais déjà vu un fantôme si réel ? Son aura était si différente de tous ceux qu’on connaît à Poudlard…”

Clemens hésita à évoquer la drôle de sensation qui l’avait paralysé. Peut-être était-ce seulement de la peur, et il rechignait à se faire passer pour un couard devant sa camarade alors que, de toute évidence, elle comptait sur lui pour être le courage personnifié. Pourtant, il avait la conviction que ce n’était pas si simple, sans pour autant pouvoir trouver une autre réponse. Les fantômes pouvaient-il ensorceler les êtres vivants ? Il n’avait jamais rien entendu de tel. Mais est-ce que cela signifiait que c’était impossible ? Difficile à dire.

A défaut d’avoir une quelconque explication à fournir, le Sinistros choisit encore une fois la voie de la curiosité. Il franchit la courte distance qui les séparait du tombeau et en fit le tour pour l’observer à la lumière de sa baguette. La construction était de bonne facture, la pierre installée autrefois avait du être polie et témoin de richesses. Ce soir-là, dans la maigre lueur d’un Lumos, elle ne ressemblait guère plus qu’à une vieille tombe abandonnée qui ne recevait plus de visiteur. Seule la gravure qui surplombait l’entrée du caveau était encore raisonnablement lisible.

“Nec obscura, nec ima. Et encore le nom de Peverell… Tu sais ce que ça veut dire ? Ca ressemble à du latin, mais je n’y comprends rien. Tu crois qu’on devrait jeter un œil dans le caveau … ? “

Sa voix trahissait le doute. D’un côté, il était tiraillé par la curiosité et maintenant qu’ils avaient tant avancés dans ce mystère, le jeune homme serait volontiers allé jusqu’au bout. Cependant, la présence étrange de ce fantôme lui pesait encore sur le cœur et il se sentait terriblement mal à l’aise dans cette forêt. Les cimetières et les diverses légendes qui y étaient liées ne l’avaient jamais vraiment inquiété, mais… N’était-il pas si différent de lire une histoire et de la vivre ?

[HRP : Traduction “Rien d’obscur, ni de bas”]

Alors que je goûtait à la merveilleuse sensation que me procurait le fait de me sentir en contrôle de mon corps, Clemens laissait durer un léger silence. Il avait l'air aussi perturbé que moi et ça avait à la fois un effet rassurant et inquiétant. Rassurant parce que s'il avait vécu la même expérience que moi en sentant cet aura fantomatique nous figer et en la voyant marcher vers nous jusqu'à nous traverser, ça voulait dire que j'étais pas folle. Mais inquiétant, parce qu'alors, ça voulait dire qu'il y avait effectivement quelque chose dans les bois de Haveirson capable de nous faire ressentir ça.

Il a répondu à ma question en en énonçant une autre qui m'avait moi aussi traversée l'esprit. Effectivement, je n'avais jamais rien vu de tel auparavant et ce, malgré que j'aie côtoyé plusieurs fantômes dans ma vie.

- À vrai dire, je n'ai jamais vu de fantôme marcher avant... Ça avait presque l'air d'une vision plus que d'un fantôme, je me suis un peu sentie comme si... j'étais témoin d'une scène qui se jouait dans un autre temps que le nôtre. Mais ça n'explique pas que le bouquet de fleurs soit encore sur la tombe...

Je frissonnais encore à l'idée des sensations qui m'avaient habitées durant le court moment où j'avais observé la dame déposer une après l'autre les fleurs sauvages qu'elle tenait dans ses mains. Si ça n'avait été qu'une vision, elles auraient disparu aussi... non? Et la paralysie, aussi... C'était presque comme si...

- ...Et le fait de ne pas pouvoir bouger... On aurait dit que quelqu'un nous avait forcés à regarder, nous avait obligés à être témoins de la scène! Tu t'es senti comme ça, toi aussi?

J'avais réfléchi tout haut, finalement. Et à partir de cet instant, c'était officiel, la curiosité avait pris le pas sur la peur. La fascination que j'éprouvais pour le mystère mélangée au fait que je ne sentais pas que nous étions face à un danger imminent avaient éclipsé ma frayeur, du moins pour le moment. Je voulais comprendre ce qui venait de nous arriver, ce dont nous avions été témoin, ce que cette tombe faisait à cet endroit, ce pourquoi il y avait un cimetière au fond des bois d'Haveirson, pourquoi on continuait d'y enterrer des gens et pourquoi les morts continuaient d'y honorer les morts.

Clemens s'est avancé vers le fameux monument mortuaire et je l'ai suivi d'un pas un peu plus déterminé que la dernière fois. Je suis néanmoins restée à courte distance, immobile avec ma baguette relevée devant moi, pendant qu'il examinait la pierre.

- Aucune idée... Peverell encore? Ça devait être une famille importante, ou ayant joué un rôle crucial pour l'école, dans ce cas... Pour que la tombe de la petite soit toujours entretenue aujourd'hui et pour qu'un tel monument soit érigé en leur honneur ici.

C'était la seule conclusion que j'arrivais à tirer des informations qu'on avait pour le moment. Ça m'énervait vraiment de ne pas arriver à me souvenir dans quel contexte j'avais entendu parler des Peverell auparavant. Peut-être que l'intérieur du caveau nous donnerait plus d'indices... Oh. Décidément, la curiosité avait bien gagné la bataille, moi qui me sentais désormais prête à descendre dans un souterrain, en pleine nuit, au fond d'une forêt hantée par des apparitions que j'avais jamais vues auparavant. Heureusement que Clemens était là, en fait, parce que sinon, je me serais sauvée bien avant. Mais sa présence me rassurait et m'aidait à relativiser.

- J'imagine qu'on peut jeter un oeil, oui... Voir s'il y a des indices plus évidents à l'intérieur.

Je lui ai offert un sourire en coin et je me suis dirigée vers l'entrée, une porte en bois qui semblait verrouillée. Un simple Alohomora a toutefois réglé ce problème (oui, le monde des sorciers était très pratique) et j'ai tiré la porte vers nous pour l'ouvrir. Ça a fait un craquement sinistre et un nuage de poussière et de toiles d'araignées s'est agité. Personne n'était entré là depuis un très long moment.

La curiosité me donnait du courage, mais celui-ci avait quand même ses limites. J'ai tenu la porte à Clemens pour qu'il entre en premier en mode galanterie inversée, mais je l'ai suivi sans attendre. Une forte odeur d'humidité se dégageait de l'endroit alors qu'on descendait les petites marches en pierre. Une fois à l'intérieur, les murs, éclairés par nos baguettes, se révélaient faits de pierre et suintaient justement d'humidité. La pièce, s'il s'agissait bien d'une pièce mais j'en n'étais pas convaincue parce que j'arrivais pas à éclairer le mur du fond encore, semblait très grande. Là où on aurait dit le centre, un très grand et très massif cercueil de pierre était éclairé par un rayon de lune provenant d'un trou en forme de croix creusé dans la pierre de ce qui devait être la fameuse pierre tombale, dehors.

Je me suis approchée et j'ai passé la main sur la tombe pour la dépoussiérer et lire ce qui y était inscrit. Une autre inscription en latin, mais aussi un nom bien connu.

Cadmus Peverell.

Après avoir lu le prénom, je me suis retournée vers Clemens et l'ai répété de vive voix en ouvrant de grands yeux. Me revenait maintenant le conte de Beedle le Barde sur les trois frères, un conte que j'avais tellement entendu dans mon enfance. Cadmus Peverell, le frère du milieu, l'amoureux au coeur brisé avec sa tendre ressuscitée qui n'appartenait ni au monde des morts, ni à celui des vivats... Se pouvait-il que...