Les débris fumeux des stupides orgies

Lâchant un faible « merci », peu crédible, à l'infirmière pour ce verre contenant un médicament qui avait l'air tout à fait répugnant, Charlie la regarda ensuite s'éloigner vers un autre « patient », qui avait apparemment plus besoin d'aide que les deux Serpentards qui pouvaient paraître bien bavards pour des malades. Fixant d'un air peu rassurée le liquide jaunâtre, elle avala le contenu visqueux & empestant d'un trait. Ce dernier fit immédiatement revenir ses nausées pour les faire disparaître quelques secondes plus tard. Bizarrement, elle se sentait déjà beaucoup mieux, ce qui l'empêcha d'insulter haut & fort la vieille femme, suite à son attitude plus que déplaisante. Voire impolie. Ce qui plaisait que moyennement à la Serpentard, qui était connue pour son tempérament peu calme, plutôt agité, même violent envers les personnes irrespectueuses, quelles qu'elles soient.

Maintenant, elle se retournait vers son ami, qui semblait songeur suite à sa dernière question ─ affirmation ? ─, dans laquelle il s'était renfermé & piégé tout seul, comme un grand. Parce qu'il n'avait pas intérêt à mentir à Charlie ; parce qu'il ne l'avait jamais fait. Il était obligé de répondre franchement, et elle savait ô combien il était compliqué d'obliger Blaise Zabini à quoi que ce soit. Mais un quelconque mensonge ne blesserait pas mais affecterait l'adolescente qui elle lui vouait une grand confiance, loyale & sincère.

Alors que fut la surprise de Charlie lorsqu'il lança son argument, incontestable, lâche même ; il avait promis. Depuis quand le fils Zabini promettait ? Il n'avait jamais su tenir sa langue, arrogant & fier qu'il était, revêtu dans son pull de cachemire ─ absolument divin, ce pull ! ─ & d'un pantalon de velours, noirs. Le regardant, de ses yeux meurtriers, qui avaient envie de l'étrangler sur place, pour cette justification impardonnable, qui laissait Charlie sans voix. Parce qu'elle ne pouvait rien répondre ! La loyauté était une chose importante dans leur maison, et si même Blaise Zabini se mettait à promettre des choses à quelqu'un ─ à qui ? Qui était cette mystérieuse personne qui retirait son jouet favori, les rumeurs & les secrets, à Grant ? Cette jeune blonde qui en voulait toujours plus, sans quoi elle s'ennuyait. Lâche. Vraiment, Lâche.

« Tu as promis ? » demanda-t-elle, dans l'espoir qu'elle avait mal reçu l'information, pour finalement lancer, dégoûtée, « T'es qu'un sale enfoiré, Blaise. Un bon, gros, enfoiré. »

Mais elle souriait, amusée ; parce qu'il avait gagné, et qu'elle n'aurait pas ce qu'elle voulait. Qu'il avait joué sa meilleure carte, imparable. Même pour Charlie Kristen Grant. Alors elle se leva du lit, soupira, & posa ses pieds sur le sol, toujours recouverts de ses chaussons très extravagants, qui avaient auparavant provoqué les moqueries de son ami. Elle se retourna vers lui, refaisant rapidement son chignon, en lui lançant.

« T'as gagné, bouffon », son amertume ressortant dans ses mots. Charlie n'aimait réellement pas perdre, putain, « Toujours est-il, si tu veux parler, je suis là. » Elle se redressa, regardant désormais son camarade droit dans les yeux, le jugeant encore un peu pour ce coup de.. bref, « Sur ce je te laisse avec ton infirmière favorite, très cher ! », lui adressant un sourire, sincère, elle se pencha pour lui chuchoter, « J'ai vraiment besoin de fumer. »

N'ayant pas l'intention de retourner dans son dortoir, pour se changer & se reposer, elle sortit d'un pas plus énergétique qu'à son entrée de l'infirmerie, les mains dans les poches, prenant au plus vite la direction du parc. Mais toujours une question en tête : Qui avait fait promettre quoi à Blaise Zabini ? Charlie sourit. Ça, c'était un défi.

Dans sa bouche, le goût de la potion de Madame Pomfresh, qui était acide mais dont l'effet fut fulgurant. Estompant sa fièvre ; raffermissant la prise de ses mains fébriles sur son verre, en dépit de la fatigue, de ses paupières brûlantes & du poids de son corps.  

Certain qu'il s'était victorieusement extirpé de la périlleuse situation lorsque le visage triomphant de Charlie se froissa soudain, comme sous l'effet d'une insulte terrible. Bientôt, elle s'offusquait, crachant ses insultes comme aurait feulé un chat blessé - et quelle férocité exprimait ce visage blême, emprunt d'indolence quelques minutes plus tôt !

Aussi, quand il eut posé son verre vide sur le guéridon, il riait, bien sûr. Attirant sur lui les regards circonspects/désapprobateur de l'assistance déconcertée/inquisitrice/avide.
(de quelle indélicatesse Blaise Zabini s'était-il encore rendu coupable auprès d'une fille ?)

Et puis il s'efforça d'étouffer ce rire rauque, d'interrompre le tressautement de ses épaules, pressant la paume de sa main contre sa bouche souriante.
Amusé alors que Charlie lui offrait sa présence ; exprimant un écho sincère à sa formule précédente, sibylline & espiègle --  si tu veux parler de quelque chose à quelqu'un, je peux être ce quelqu'un.

« J'apprécie ta sollicitude, Charlie, vraiment » assura-t-il, et il ne s'agissait pas d'un mensonge, quoiqu'il fut railleur - il n'avait pas la victoire modeste ; et ne s'agissait-il pas d'une victoire ? S'extirper des soupçons insidieux de Charlie Kristen Grant.  

(Pour le moment ; elle était obstinée, rusée comme le serpent, et lui n'était pas naïf.)

Sifflant je t'en prie alors qu'elle prenait congés - chaussée toujours de ses excentriques chaussons, dont la seule vision, une nouvelle fois, suffit à provoquer son hilarité : un rictus amusé qu'il affichait toujours en quittant l'infirmerie au profit des couloirs nébuleux de Poudlard - paralysés par l'accalmie, un début d'après-midi étouffé par la neige blanche, poudreuse & aveuglante.
Semblable à des les limbes glacées.

(Des « limbes » : car n'y avait-il pas été question d'un massacre, quelques jours plus tôt ? Un attentat terrible, dont les visages lisses qui hantaient les artères alambiquées du château portaient encore les stigmates.
Et Dieu sait comme il était rare de croiser des visages ! A la manière dont les lieux accidentés semblent pour toujours gagnés par un silence solennel, une quiétude un peu lugubre.
Ou bien était-ce simplement l'hiver, les vacances de Noël qui, toujours, vidaient l'établissement de ses élèves à l'occasion des fêtes.)

Le premier jour de l'année 1997.