[FLASHBACK PV JARETH] Patate, bouclettes et acné

30/03/2015

Avril 1991

- Parle-lui parle-lui parle-lui s’il te plaît !

Sophie avait bien accentué la dernière syllabe, rajoutant un peu de pitié à sa supplique. Accrochée au bras d’Isolde qu’elle secouait comme un prunier, elle fixait des yeux un garçon plus âgé qui se tenait seul, à quelques mètres des deux adolescentes. Le couloir faisait un coude qui protégeait les filles de la vue du jeune homme et les laissait l’observer à loisir. Sophie et Isolde revenaient d’un cours d’histoire de la magie commun aux élèves de Poufsouffle et Serdaigle, pénible pour la première et passionnant pour la seconde. Le professeur avait beau être aussi enjoué qu’un mérou, elle était toujours curieuse d’en apprendre plus sur sa deuxième culture d’adoption. Et puis pour être honnête, elle profitait du flegme de Binns pour papoter allégrement avec Sophie. Un peu. Beaucoup. Bon, au pire, elle rattraperait ce qu’elle avait râté avec les livres de la bibliothèque, non ?

Revenant du cours pour aller à ladite bibliothèque, elles tombèrent donc sur le charmant jeune homme qui miroitait dans les pupilles admiratives de Sophie. Poufsouffle comme lui (d’après le petit blason affiché sur son pull), elle l’avait croisé dans sa salle commune et mourait d’envie de lui parler, sans jamais avoir réussi à faire le premier pas. Isolde avait d’abord rigolé un peu, mais le fangirlisme de sa copine de classe commençait un peu à l’agacer. Il était plus âgé qu’elle, d’accord, mais qu’elle aille lui parler ! Au moins elle serait fixée. Mais visiblement, Sophie préférait que la Serdaigle s’en charge. L’heure de la négociation était venue.

- Ok, je vais lui parler pour toi, si tu me payes deux paquets de chocogrenouilles à la prochaine sortie à Pré-au-lard !

- Un seul paquet !

- Trois !

- Bon d’accord, deux.

- Et une biéraubeurre !

- Non mais ça va, tu vas pas le demander en mariage non plus !

- Attend, il est grand, il va falloir que je lève la tête, je risque un torticolis pour toi là !

- …

- Vendu pour trois paquets de chocogrenouilles alors.

Sans laisser à Sophie le temps de répondre, Isolde s’avança d’un pas assuré dans le couloir, droit vers le garçon. Elle se planta devant lui, affichant un grand sourire, pas vraiment gênée mais pas vraiment sûre de ce qu’il fallait dire non plus. Il la dépassait de 15 cms, était en 7ème année et allait donc se demander ce qu’une fille de 13 ans lui voulait… Mais trois paquets de bonbons étaient en jeu ! A cette pensée, Isolde se sentait remplie d’un grand courage. Elle qui n’était pas timide d’ordinaire, elle aurait parlé avec presque n’importe qui. Sauf Rusard peut-être ; courageuse mais pas téméraire quand même.

- Salut ! Euh…

Mince. Inspiration, inspiration, viens à moi !

- Alors comme ça, tu… tu te balades ?

L'étreinte caniculaire du soleil estival riffaudait le corridor empierré dans lequel je fis halte pour reprendre haleine ; le faisceau coruscant me piquait l'épiderme de par ses rayons éblouissants. Si bien que je finis par grimacer sous la foucade de l'astre ardent, le visage contracté et plissé. À la suite de quoi j'esquissai un mouvement de la main pour ombrager mes mirettes encore ensommeillées. Comme à l'accoutumée je préférai la quiétude des murs séculaires du château au tumulte sempiternel auquel j'assistai à chaque fin de cours depuis six années consécutives déjà. D'autre part la perspective de stagner un an de plus à Poudlard ne m'enchantait guère. Un soupir s'esbigna de mes lèvres scellées tandis que je courbai l'échine pour empaumer une sorte d'orbe mouchetée de tons pastel de ma poche ; un sourire fendit mon visage raviné. D'emblée je le mis en bouche. Mes paupières convulsèrent d'extase. Je me laissai choir contre les dalles … Du moins c'est ce que je pensais faire lorsqu'une sorcière à la crinière indisciplinée se figea devant moi. Je la surplombai de deux bonnes têtes, tout au plus – Si l'innocuité avait une frimousse il serait semblable au sien.

« Salut ! Euh… Alors comme ça, tu… tu te balades ? » S'enquit-t-elle fébrilement. Le sourire aux lèvres.

« Yo ! Non, pas vraiment. Je baguenaude plus qu'autre chose. Pourquoi cette question ? Tu t'es perdue ? »

Un rictus machinal parcourait à toute bringue ma bouche émaciée que j'humectai à mesure qu'elle jactait. Ses cheveux étaient comme montés sur ressorts et la lubie d'y mêler mes doigts inonda mon être d'euphorie. Le perle de ses dents éperonnait mon œil inquisiteur par ses sourires éhontés. Elle était mignonne pour une demi-portion. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien me vouloir ? Ça je me tardai de le savoir. Bientôt une forme malingre attisa mon attention jusqu'à présent portée sur la Serdaigle impudente. Son amie se planquait depuis le départ dans l'angle d'un couloir adjacent au nôtre et à la seconde où je planta mon regard sur son minois bourgeonneux elle le dissimula dans la paume de ses mimines.

« T'es au courant que tu as l'air d'un mouton là, comme ça ? » Lui dis-je au bout d'un instant.

30/03/2015

Au moins, il ne la chassait pas comme le faisaient souvent les élèves de son âge avec les gamins comme elle. Un bon point pour lui ! Il souriait, mais sans qu’Isolde puisse déterminer s’il se moquait d’elle ou non. Elle s’en fichait un peu à vrai dire ; son seul intérêt était la récompense promise par Sophie (ou arrachée à elle, selon le point de vue). Le couloir s’était vidé, laissant les deux jeunes gens face à face, la petite Poufsouffle embusquée près d’eux.

- Tu sèches un cours ? Non, je suis pas perdue, je me…euh… baguenaude aussi.

Et hop, ainsi Jareth ne se douterait pas que ce mot lui était inconnu. Par contre, elle n’avait toujours pas d’idées de conversation. Il allait commencer à la trouver louche. Réfléchis ! Le regard volatile du garçon glissa sur les pierres, approchant dangereusement de l’endroit où était caché Sophie. Une diversion, vite ! L’air le plus innocent possible, Isolde commença à se balancer d’un pied sur l’autre. Tout aussi discrètement (dans son esprit en tout cas) elle amplifia le balancement pour tourner lentement autour de Jareth, forçant ainsi le garçon à tourner le dos à la cachette de l’amie d’Isolde pour poursuivre leur discussion. Lorsqu’elle fut en face de la jeune fille, Isolde lui lança un (presque) subreptice clin d’oeil rassurant. Relevant la tête, elle adressa de nouveau un grand sourire à Jareth. Sourire qui se figea à sa question.

- Un mouton…

Une seconde de blanc. Et puis, ce fut comme si son cerveau enclenchait le mode troll. L’occasion était trop belle pour la laisser passer. Elle baissa la voix et se pencha légèrement vers lui.

- C’est ça, je suis un mouton infiltré à Serdaigle, dit-elle d’un ton conspirateur. Ma couverture était parfaite jusqu’à maintenant, comment tu m’as découverte ?

Elle arqua un sourcil en signe d’interrogation, luttant pour garder son sérieux. La demande de Sophie pouvait attendre un peu ; Jareth ne semblait pas décidé à partir. Et puis, voir la réaction du jeune homme lui semblait soudainement plus intéressant que les chocogrenouilles.

HRP:

Marasme et décombres ; il ne restait plus rien de ma tour d'ivoire. Était-ce envoyer le bouchon trop loin que de vouloir s'évincer du reste de Poudlard l'espace d'une matinée ? — Tout tendait à croire que oui. Je dardai mon interlocutrice de mon immuable regard sémillant depuis près d'une minute déjà ; elle avait le beau rôle ainsi parée. Que pouvait-elle bien avoir dans la caboche pour en arriver à bavasser de la sorte avec moi ? Par quel enchantement était-elle parvenue jusqu'à moi ? Était-elle venue de son plein gré ou bien était-elle sujette à un maléfice qui avait pour unique dessein de me porter atteinte ? Je n'en avais cure à vrai dire. Je prenais même un malin plaisir à prendre part à ses élucubrations insensées. Tant et si bien que ma pomme d'Adam fit un soubresaut machinal au moment où ses lèvres se décelèrent pour reprendre la parole.

« Tu sèches un cours ? Non, je suis pas perdue, je me…euh… baguenaude aussi. » S'enquit-t-elle derechef.

« Non. Absolument pas. Pourquoi ferais-je une chose pareille ? » Réfutai-je à mon tour. « N'as-tu donc rien de mieux à faire que de venir me faire la causette, petit mouton esseulé ? » Finis-je, sur le ton de la désinvolture.

Il ne m'en aura pas fallu davantage pour que l'iris céruléenne de mes mirettes guigne une fois de plus son méli-mélo capillaire. Je feignis de m'étirer pour lécher de ma main la courbe frisottante de sa houppe au risque de passer pour un fou à lier qui se serait tout juste évadé d'Azkaban. Ni une ni deux, je laissai choir ma main le long de ma cuisse après l'avoir effleurée —L'affaire était dans le sac ! Sitôt je fis mine d'étouffer un bâillement dans le creux de ma main pour brouiller les pistes et sans crier gare l'échevelée se mit à se dandiner autour de moi alors que mon regard se perdit par-delà les pierres vétustes du château.

« Serais-tu en train de me séduire avec ta parade amoureuse ? Si tu tiens tant que ça à m'inviter au bal, il suffit de le demander hein ! » Lui dis-je dans la plus grande insouciance.

« Un mouton … C'est ça, je suis un mouton infiltré à Serdaigle ! »

En plus d'avoir une coupe hirsute, il lui manquait une case.

« Ma couverture était parfaite jusqu'à maintenant, comment tu m'as découverte ? » Confessa-t-elle.

« … Dis, tu ne serais pas la fille tout droit sortie de Sainte Mangouste dont tout le monde parle ? Il n'y a pas de mal à être différente, tu sais. Je veux bien être ton ami ça m'est égal. »