Le Club de Slugh - Soirée sur Invitation

Ona écoutait vraiment d'une oreille distraite tout en buvant son verre de jus de fruits. Pour le moment, elle refusait le vin puisqu'elle voulait avoir les idées claires pour discuter. Seulement voilà, la conversation n'était pas vraiment attrayante. Ona n'avait pas vraiment d'affinité avec les élèves présents et n'aimait pas vraiment leur professeur de potion. Elle le trouvait trop bizarre et toujours à vouloir parler comme s'il devait ses faires des amis bien placés dans la hiérarchie sorcière. Ona trouvait déjà que les dîners de ses parents quand elle les partageait à Londres étaient parfois trop mondain mais ici on aurait plutôt dit que chacun était plus hypcorite et mielleux que son voisin.

"Mes rêves ?"

Ona venait de revenir dans le monde présent à la question posée par Monsieur Slughorn. Elle y répondit juste pour être polie. La serdaigle n'avait pas la tête à faire la conversation sur un sujet qu'elle ne connaissait pas. Elle se disait qu'elle aurait bien le temps pour sa vie adulte. Elle n'allait avoir que quinze ans dans quelques jours.

"J'espère finir ma scolarité du mieux que je peux. Pour le travail je ne sais pas. Je verrais ça plus tard. J'ai bien le temps de m'en préoccuper. A presque quinze ans, ce n'est pas la priorité de tous les élèves. Qui peut prévoir ce que lui réservera l'avenir."

Elle se tut un long moment où beaucoup autour de la table de bois pourraient se demander finalement si Ona O'Sullivan allait se taire jusqu'à la fin du repas ou pas.

"D'ailleur qui me dit que l'on ne peut pas mourir demain ? Rappellez-vous du banquet de Noël et vous verrez qu'il y a des choses plus graves dans la vie que de répondre aux questions de Monsieur Slughorn. Je vous trouve tous hypocrites, miellleux comme si vous attendiez de vous faire bien voir de notre cher Hôte de la soirée. C'est juste un repas pour moi. Je n'attends rien de celui-ci."

Elle ajouta, tout en sachant que cela allait ne pas plaire à certains :

"Je suis venue ici ce soir plus par politesse que par envie. Me retrouver avec des gens imposés ; très peu pour moi. Mais ne vous inquiétez pas. Je vais faire honneur aux plats préparés par nos elfes de maison de Poudlard. Eux au moins je les respecte beaucoup. Je crois même que je les défendrais dès que possible..."

Ona ne savait pas qu'elle aurait put passer pour une adepte de la S.A.L.E si elle avait déjà parlé avec Hermoine Granger la gryffondor responsable de la création de ce mouvement de libération. Mais voilà, Ona n'était pas une amie de Miss Granger et ne lui avait même jamais encore parler face à face pour lui dire ne serait-ce que "Bonjour" ou "Merci".

L'atmosphère de ce dîner était des plus étranges – entre expression convenue, regards torves et sous-entendus disharmonieux. Cela ne semblait gêner outre mesure leur professeur, cependant. Ona fit un peu de rermue-ménage, en mettant les pieds dans le chaudron ; signalant à tous que le cou de Blaise était marqué d'un rouge tout à fait artificiel. La blonde se concentra sur son assiette, refusant d'accorder un instant de l'importance aux luxures desquelles se paraient Zabini. C'était inconvenant, ridicule et même pénible. Et il n'y avait aucun intérêt à s'y attarder.

Le professeur le railla gentiment, évitant une pique trop violente dudit Zabini envers sa cadette impétueuse. Harmony se retint de pouffer et releva la tête, amusée. Ona, jalouse des fans de Blaise ? C'était du plus bel effet. Elle sourit au professeur qu'elle respectait pour son agilité verbale : ce chat retombait toujours sur ses pattes quand il s'agissait de garantir des mondanités heureuses.
Mais la remarque la plus gênante prononcée par la Serdaigle ne passa pas inaperçue et le professeur la releva. Bien sûr que non, il n'y avait aucun problème à Serpentard – il n'y avait jamais de problème à Serpentard. La solidarité de la maison ophidienne avait été éprouvée à travers les siècles sans jamais s'émousser. Blaise s'en était déjà défendu mais le professeur demandait confirmation à Charlie. Celle-ci prouva qu'elle était bien une Serpentarde, malgré ses travers débiles, en réfutant l'accusation et la retournant à l'envoyeur. Harmony se contenta de sourire et de goûter à son vin. Elle retint un rictus, le liquide sirupeux étant à la fois trop sucré et trop alcoolisé pour elle.

C'est alors qu'Horace Slughorn se tourna à nouveau vers elle, pour lui demander ce qu'elle projetait pour l'avenir. La remarque était à nouveau flatteuse, encourageant un rosissement de ses joues. « Je ne suis pas encore tout à fait certaine, il faudra d'abord que je réussisse mes examens l'année prochaine, pour m'orienter, bien sûr. Mais je suis intéressée par les métiers de l'administration, notamment de la coopération magique internationale. » répondit-elle d'une voix assurée, les sourcils froncés. Il lui faudrait beaucoup travailler pour se distinguer, certainement apprendre d'autres langues, et dans ces temps troubles, on ne pouvait réellement estimer la composition ou le fonctionnement du ministère, à moyen terme. Elle tut son intérêt pour les objets magiques – c'était tout à fait déconsidéré et serait mal vu dans un tel cadre. « Evidemment, tout ceci est très incertain. » conclut-elle. Après un nouveau sourire aimable, elle tourna la tête vers O'Sullivan, également interrogée sur ses projets.

Elle n'avait pas tort, on ne pouvait pas prévoir. Et après tout, Harmony n'était absolument pas sûre de ce qu'elle voulait faire. Les métiers du Ministère l'intéressaient simplement davantage que l'enseignement, le commerce ou le journalisme. Elle n'était pas étonnée du manque flagrant d'ambition démontré par Ona.
Sa gorge se serra à la mention des troubles actuels – une fois de plus, elle avait raison et elle abonderait certainement en son sens. Ses grands yeux s'arrondirent à l'accusation suivante. Mais c'était quoi, son projet ? Tout le monde savait que le club de Slug était un lieu élitiste de socialisation. Ce n'était pas pour autant qu'ils ne pouvaient le concilier avec un bon moment passé autour d'une table. La condescendance, le mépris qui transpirait de son discours était détestable.
Une fois de plus elle se présentait comme une adolescente rebelle, venue ici pour perturber. Jusqu'à ce qu'elle ne pointe du doigt Blaise et ne s'excite seule sur sa chaise, ils étaient justement en train d'amorcer un bon repas. Et d'ailleurs, sa remarque concernant les elfes de maison était risible. En disant cela, elle justifiait seulement leur asservissement : « oh, leur ardeur à la tâche produit de bons résultats, que je les respecte ! » C'était tout bonnement ridicule.

N'attendant pas la réponse du professeur, Harmony lui répondit en souriant, bien que ses yeux suggéraient qu'elle n'était pas si amène que cela. « Eh bien Ona, nous sommes tous venus ici pour passer une soirée agréable, dans le calme, vois-tu. Notre professeur nous fait l'honneur de nous inviter et il est normal de répondre adéquatement à ses questions, pour discuter et faire connaissance. Autrement, dis-moi, quand nous voyons-nous ? Entre deux cours, dans les couloirs ? » Sa voix était douce, n'appuyant que sur certains mots. « C'est dommage que, pour cela, tu nous juges aussi peu respectables. » ajouta-t-elle d'une voix plus basse. Car, en substance, c'était bien ce qu'elle disait. Qu'elle allait honorer les plats car les elfes, eux, au moins, elle les trouvait respectables. Et après c'étaient les Serpentards qu'on qualifiait de teignes bouffies d'orgueil ! La bonne blague.

« Oui, je suppose. »

Si Blaise ne se formalisait plus de la condescendance paternaliste de Slughorn, la mention de Drago froissa brièvement son expression - et quoiqu'il n'y eut aucun problème, entre Drago et lui, il fronçait bientôt les sourcils avec une impatience à peine dissimulée par son sourire agacé. Par le dessous de ses airs bonhommes, de sa connivence chaleureuse, leur enseignant savait, avec la précision diligente d'un médicomage, quels étaient les plus brûlants des sujets ; les intrigues les plus confuses, les canevas les plus compliqués. Et, à la façon dont les griffes d'une charogne forent l'endroit où la peau est la plus tendre, la plus vulnérable, il attaquait.

Oh - n'avait-il pas été le directeur de la maison Serpentard ?

Blaise salua d'un sourire amusé la saillie de Charlie ; tâchant distraitement de prêter attention aux rêves et aux plans d'avenirs d'Ona et d'Harmony sans tout-à-fait pouvoir s'y résoudre. Souriante, mesurée et vive, Harmony se prêtait avec talent à l'exercice qui leur était imposé ; mais Harmony était irritante et, bien que la loyauté et la confiance ont toujours été de mise chez les Serpentards, Blaise ne pouvait se résigner à feindre la bienveillance.

Leur adversion mutuelle tenait presque de la logique ; elle posait un regard glacé de dédain sur son insolence, sur l'arrogance clinquante de la tenue qu'il offrait au monde - et lui s'amusait de son ascendance, qui semblait être un sujet sensible & un peu douloureux - à la manière d'une maladie terrible et secrète.

Le soudain caprice d'Ona l'extirpa de sa désinvolture, pourtant, et d'une façon plutôt désagréable ; dans l'admonestation de la jeune fille, il était question d'hypocrisie, de la mort, et des droits des elfes de maison. Il n'était pas le plus docile des garçons, mais les règles laborieuses de l'étiquette lui avaient été consciencieusement inculquées - la serviette se déplie dans le sens de la longueur, les couverts ne se posent pas sur la table, il est impensable de se resservir sans y avoir été invité et il existe des sujets qui ne doivent pas être abordés à l'occasion de dîners formels - la politique, l'argent, la santé, et à peu près tout prétexte à quitter son sourire courtois pour adopter un air préoccupé et sérieux.

Surtout : ne pas offenser son hôte et ses convives.  Ne pas briser la toile lisse et affable de la conversation.  

(Parmi ces rigoureux principes, naturellement, il se trouvait le suivant : ne pas arriver en retard ; et il l'avait brisé.
Et quelques mois auparavant, il avait brisé d'autres de ces principes lors du banquet de Noël.)

« N'importe quoi », cracha-t-il avec mépris, y joignant un vague mouvement de la main - l'expression d'une dérision désabusée qui fit ondoyer dans la lumière dorée les pierres scintillantes de ses bagues. Harmony s'appropriait bientôt le problème avec adresse tandis qu'il détournait les yeux, agacé, vers Charlie, dans une connivence dédaigneuse. 

Ona répondit à Harmony K. Sharen le plus poliment qu'elle put. La serdaigle s'était déjà fait remarquée dans la soirée et cela lui suffisait amplement.

"Je vous respecte ne croyez surtout pas le contraire. C'est juste que comme beaucoup de gens sur Terre, j'ai des affinités amicales avec certaines personnes plus que d'autres. Et désolé de défendre les elfes de maison mais qui le fera à ma place si je ne le fais pas."

Elle se tourna vers leur hôte de la soirée et le félicita de ce repas somptueux.

"Merci professeur. Ce repas était une excellente idée. Désolée d'avoir perturbée votre dîner Monsieur et vous aussi mes camarades."

Il n'y avait aucune haine, rancoeur ou supériorité dans les paroles de la jeune fille. Elle s'excusait juste d'avoir froissé quelques âmes sensibles et la politesse lors de repas formels. Ona était pourtant habituée aux mondanités avec sa famille et c'est peut-être cela qu'elle voulait changer. Devenir une enfant normale enfin une enfant sorcière sans rang de sang-pur à tenir. Cela tombait bien puisqu'elle était sang-mêlée par sa moldue de mère qu'elle adorait beaucoup.

"Professeur, aurions-nous besoin d'avoir des connaissances amicales ou autres pour entrer à Haveirson ? Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de me lier avec eux. Les instants où nos deux écoles sont réunies sont souvent trop peu nombreux."

Elle ne dit pas que ces instants étaient souvent gâchés par de trites évènements comme lors du festival de Novembre 96 ou du banquet de Noël de la même année. Elle en avait éjà évoqué le souvenir avant. Pour ne pas faire de bourde, Ona attrappa un morceau de viande dans le plat devant pour accompagner ses fageots de haricots verts.