Labyrinthe : Entre illusions et désillusions

17 Février,
19h56.

Dans les longs corridors qui menaient jusqu'aux cuisines, une silhouette se faufilait, silencieuse.

La chevelure blonde, longue et ondulée de la jeune femme avait été attachée en une longue natte. Elle était vêtue simplement, d'un jean & d'un gros sweat-shirt confortable moldu. Megan n'était pas très féminine, surtout dans les circonstances de sa présence ici et en sachant ce qui risquait de lui tomber dessus dans le souterrain. Mais ce soir, ce n'était pas particulière l'ombre du souterrain qui la préoccupait, mais plutôt son futur coéquipier. Rowan Westminbrook. Elle ne savait pas grand chose de lui, sauf qu'il faisait partie de l'aristocratie sorcière et qu'il était très maniéré, notamment dans sa façon de parler...

Elle avait accepté ce partenaire d'infortune pour faire plaisir à Clemens mais aussi parce qu'elle voulait être sur qu'il ne viendra pas lui vue comment c'était soldé leur première expédition. L'avantage de faire équipe avec Westminbrook, c'était que Megan n'hésiterait pas à utiliser tout les sorts qu'elle jugeait utiles, bons comme mauvais.
Elle finit par arrivé sur les coups de 20h au niveau des cuisines, ou Rowan était déjà là ? Et bien, il était du genre ponctuel lui !

-Bonsoir, dit-elle en arrivant.

Ouais bon, elle avait oublié quelques détails à penser avant. Comment se comporter avec lui ? Elle n'avait pas confiance en lui, ne le connaissant pas, mais il était un très bon ami de Clemens. Bref, elle opta pour une approche un peu réservée, mais amicale tout en tenant compte de l'aperçu qu'elle avait eu sur l'éducation du jeune homme.

-Vous êtes très ponctuel, contasta-t-elle d'une voix calme et posée.

Vouvoyer quelqu'un de son âge était vraiment difficile, mais dans l'éducation des sang-purs, cela se faisait assez souvent, Megan en savait quelque chose.

Ces derniers jours – devait-on seulement se référer au bal de la Saint-Valentin et sa diabolique suite ? – le jeune aristocrate avait préféré se concentrer sur ses études tout autant que ses recherches annexes, plutôt que de s’appesantir sur sa navrante vie sentimentale. Pour l’heure, si la délicate et pernicieuse boite de Pandore s’égayait de la distance et des crispations internes de la chair de son amant, qu’elle le fasse. Si elle s’enorgueillissait de le punir de la sorte, qu’elle continue à se gaver de sa propre vanité et de son silence dédaigneux. Lui, avait bien assez de problèmes à gérer pour s’en durcir le cœur et la conscience.

Et, connaissant la capacité surprenante de la jeune femme à le fuir dès qu’il devait affronter monts et tempêtes, comme si elle se trouvait incapable de le soutenir ne serait-ce qu’une fois, il estima judicieux de se reposer davantage sur ses amitiés solides et féroces. Sur des mentors sibyllins et puissants, qui se partageaient la gracieuse tâche de soigner les blessures les plus infimes de son armature.

De l’injustice grossière qu’il ressentait avec douleur depuis plusieurs semaines – n’avait-elle pas décidé de le rayer de sa vie il y a maintenant un mois ? – et de la constatation mordante de se battre pour une chimère, était issue une sorte de colère âcre et animale. Soit. Il ne lui donnerait plus l’occasion de capter son regard ni de se gausser de sa misérable attente. D’autres personnes, plus fiables et aimantes, avaient besoin de lui. Et, compte tenu de la situation actuelle, c’était peu de le dire.

Après avoir révisé quelques notions de défense avec Freya, et les risques encourus entre les murs de ce mystérieux labyrinthe avec son colocataire, Rowan s’était décidé à quitter les appartements de Sinistros bien avant l’heure dite. De ce fait, il arriva en avance au point de rendez-vous, en profitant pour songer avec ardeur à toutes les informations que lui et ses camarades avaient assemblés depuis fin décembre.

Le Comte. Haveirson. L’infiltration de ce dernier dans la moindre des particules de leurs vies... Et la magie noire ?

La voix douce et avenante de Megan attira les iris céruléennes de l’ancien Serpentard. « Bonsoir à vous. » Il nota, avec une agréable stupéfaction, les efforts qu’elle déployait en cet instant pour ne pas le brusquer. « En effet, Megan. Je ne me permettrais pas de vous faire attendre. » Un sourire, irrémédiablement reconnaissant, gagna ses lèvres. Il appréciait à sa juste valeur ce qu’elle lui conférait avec sérénité, sachant pertinemment que les conventions sociales ne tiendraient plus d’ici peu.

D’ailleurs, maintenant qu’ils se faisaient face sans l’ombre d’un autre individu, le jeune homme ne pouvait que constater à quel point son avis avait évolué positivement sur sa camarade. Surprenant. « Du reste, si votre préférence se porte vers le tutoiement, n’ayez aucune crainte à l’employer. » Il inclina le visage lentement, avant de diriger son regard vers les murs aux alentours. « Nous n’aurons sûrement pas le temps de nous perdre en civilités. » Qui sait ce qu’ils allaient rencontrer ici bas ? «  Je vous suis. »

Megan avait la désagréable impression de revivre ses années passées avec les Rockwood, la famille qui l'avait élevé après que sa mère l'est laissé entre leur main avant de s'enfuir sans même se retourner. Les Rockwood avaient fait en sorte d'éduquer Megan de façon traditionnelle par rapport au statut de son nom et de son sang. Le vouvoiement, cet air calme, posé, bref, tout ce qui pouvait montrer le rang de son statut social. A Poudlard elle s'était détaché de tout ça, se comportant comme n'importe quel élève normal, en pire... Seulement Rowan avait cette éducation et autant elle devait s'en méfier, autant par respect pour le jugement de Clemens, elle faisait des efforts en s'adaptant à l'éducation qu'avait reçu Rowan. Peut-être se trompait-elle de toute façon et que Rowan n'avait rien à voir avec ces snobinards prétentieux de sang-purs qu'elle avait côtoyer.

-Je vous en remercie, dit-elle en inclinant doucement la tête.

Elle n'aimait pas attendre, donc Rowan gagnait un bon point pour l'occasion. Ce qui surpris encore plus Megan, c'est sa proposition poir le tutoiement. C'était agréable de voir les efforts qu'il faisait et la jeune femme lui accorda un grand sourire.

-Avec plaisir Rowan, mais ça va dans le deux sens dans ce cas, on se tutoie mutuellement... Dans le feu de l'action, le vouvoiement risque de... Me rendre de mauvaise humeur... Dit-elle avec un sourire désolé.

Au moins il avait un court aperçu decson caractère... Quoique... Il en avait déjà eu un aperçu dans les cuisines.. Oups. Elle lui avait renversée la pâte a gaufre d'Anna sur la tête !

-Et j'espère que tu consentiras à accepter mes excuses... Pour le petit incident dans les cuisines... Dit-elle gênée d'aborder le sujet.

La jeune femme entreprit donc de prendre la direction de l'entrée de l'enfer suivit par Rowan. Elle était quand même curieuse de savoir pourquoi Rowan voulait s'aventurer là dedans..

- Sans indiscrétion, Clemens t'as probablement parlé de notre première aventure, alors pourquoi souhaites-tu t'aventurer là, en connaissant le danger ? L'interrogea-t-elle curieuse, tout en marchant vers les lieux.

« Et bien, je me plie de bon grès à cette proposition. » Avec une douceur toute maîtrisée, le jeune aristocrate inclina une nouvelle fois le visage vers son interlocutrice. « Et je ne tiens guère à prendre le risque de... Te mettre de mauvaise humeur. » Il se redressa nonchalamment, avant de porter ses iris sur les alentours. Encore. Devait-il noter la moindre fissure ? Le signe le plus infime d'une distorsion du temps et de l'espace ? « Nous aurons déjà bien assez à faire ici-bas pour nous échiner à perpétuer une telle distance. »

À ces mots, son regard devint entendu. « Et, je suis amplement d'accord, ce serait gênant que nous nous retrouvions en péril à cause d'un vouvoiement déplacé. » Le Labyrinthe n'était-il pas, après tout, le summum du danger dans cette académie ? Il apparaissait donc évident que, l'un comme l'autre, ils avaient davantage d'intérêts à coopérer... Plutôt que de se dissocier pour quelques broutilles naïves.

« L'accrochage dans les cuisines ? » Rowan haussa brièvement un sourcil, ayant du mal à se retrouver si abruptement face à un événement devenu dérisoire au fil des mois. Un bol de pâte était... Un incident bien futile en comparaison des menaces de Christopher et des exactions tantôt libidineuses du Comte. « En toute franchise, Megan, je n'y ai pas songé depuis longtemps. » Et que dire de la sordide découverte de ces derniers jours ? « A mon sens, tu as toutes les raisons d'être pardonnée. Tu peux donc considérer que je n'ai aucun grief à mener contre toi... Et que tes excuses sont acceptées. » Un fin sourire s'invita sur ses lèvres, s'estompant dès qu'ils s'enfoncèrent dans le couloir.

Prendre le temps d'analyser chaque élément. Ne pas se laisser prendre au jeu. Avec une déférence toute singulière, l'ancien Serpentard répétait ces phrases dans son esprit. Et, surtout, pas de magie noire.

« Je dois t'avouer que, suite à la visite de quelques regards inquisiteurs dans nos miroirs, et les déconvenues de nos camarades, j'ai essayé d'établir différentes hypothèses quant à notre situation. » Il avançait, le pas lent et précautionneux. Ses yeux se portaient d'un point à un autre, y cherchant vraisemblablement quelque chose. À moins qu'il ne tenta de retenir le chemin ? Ses marques ? Ses failles ? « Ce lieu est la dernière pièce qu'il manque à mon investigation. » Il hésita un court instant sur ses prochaines allégations. « Et... Je m'interroge sur une théorie en particulier. Peut-être aurons-nous l'opportunité de l'employer ? Cela dit, si je me trompe, elle risque de nous coûter. » Ses iris céruléennes se dirigèrent vers l'étudiante. « Nous verrons bien que faire au moment venu. »

Plusieurs secondes s'écoulèrent. « Entre nous, Megan. » Sa voix venait heurter le silence assourdissant de cet espace aux confins des mondes. « J'ai eu un aperçu de tout le mal que ces murs ont fait à Clemens. Si je ne m'étais pas dévoué, il serait venu pour ne pas te laisser seule. » Brusquer la quiétude moite et figée. « Je ne peux pas le permettre. » Un vif coup d’œil à sa gauche, par précaution. « Il a besoin de repos, et de temps... Et je refuse qu'il souffre davantage. »

Il avait cette façon de s'exprimer, si différente des autres étudiants de son âge. Rowan était à part et cela faisait son charme. Il avait une vraie maîtrise du ton qu'il utilisait, des mots qu'il employait, c'était étonnant venant d'un jeune homme de son âge. Étonnant, certes, déstabilisant même et peut-être aussi intimidant. Le moindre geste provenant de lui semblait maîtrisé, calculé, comme si l'imprévisibilité n'avait aucune emprise sur lui. Megan était un peu admirative face à lui, mais elle doutait vraiment de sa capacité à s'adapter à ce qui les attendait avec autant de facilité. Tout ce que montrer Rowan n'était peut-être qu'une simple façade, et par Morgane ! Elle avait appris à se méfier des apparences qui étaient bien trop souvent, trompeuses. Pour l'heure, elle lui laissait le bénéfice du doute. Elle allait avoir l'occasion de voir par elle-même s'il était aussi réfléchi, posé et maniéré qu'il le prétendait. Elle laissa un rire doux, s'élever entre eux, brisant un court silence.

-Et je t'en serai reconnaissante !

Casser la distance, créer une certaine complicité ou un minimum de familiarité était possible, c'était le minimum pour pouvoir faire équipe, du moins à ses yeux. Malgré les mots soutenus prononçés avec aisance par Rowan, la jeune femme ne s'en offusqua pas. Il avait accepté de taire le vouvoiement, et c'était ça façon de s'exprimer. Elle n'était pas là pour changer les bases de son éducation, et malgré l'étrangeté du langage, ça ne la mettait pas aussi mal à l'aise qu'elle ne l'avait pensé. D'ailleurs, elle laissait quelques interrogations futiles lui transpercer l'esprit. Est-ce que Rowan avait déjà prononcé, au moins une fois dans sa vie des grossièretés ? Si c'était le cas, était-ce des insultes datant des siècles passés ? Ou des noms d'oiseaux bien à la mode à cette époque ? Elle s'abstint de le lui demander, même si cela lui avait titiller la langue.

Leur seconde rencontre, tout aussi désastreuse que la première qui avait d'ailleurs était écourtée par l'attaque impromptue des mangemorts dans le cimetière d'Avalon, semblait pardonnée. Megan dans son impulsivité quotidienne avait réagi de manière assez violente face à une maladresse de Rowan. Le pauvre ne l'avait pas vu rentrer dans les cuisines et avait par inadvertance, lancé un aliment sur Megan qui avait aussitôt répliquée. Satisfaite de la réaction de Rowan et de son pardon pour le geste qu'elle avait eu à cette époque, la jeune femme qui marchait dans le corridor tourna la tête vers Rowan et lui sourit en guise de gratitude alors que Rowan le lui renvoyer également.

Finalement, l'ambiance paraissait beaucoup plus légère qu'elle ne l'avait pensé alors qu'elle appréhendait cet escapade avec le Sinistros quelques heures auparavant. Megan observa le jeune homme qui avançait à ses côtés. Megan nota qu'il était très attentif à ce qui se passait autour de lui, et la posture droite qu'il adoptait dans sa marche. Il paraissait tendu, comme l'impression qu'il lui avait toujours dégagée. Megan se surpris à tenter de le comparer à elle. La jeune femme marchait les mains dans les poches de son jean de façon décontractée, le dos à peine voûté et le pas assuré. Les aventures dangereuses étaient loin d'être une grande première pour Megan, cette fois-ci elle c'était préparer psychologiquement à ce qui l'attendait et elle n'avait pas Quinlan dans les pattes. Et puis, elle allait avoir l'occasion dans peu de temps de stressé, autant se détendre et profiter des derniers instants de répits auxquels ils avaient le droit.

La conversation devint soudain bien plus sérieuse et intéressante. Rowan avait une façon de s'exprimer qui était vraiment captivante, et il entretenait le mystère sur la théorie qu'il avait envisagé à propos d'Haveirson, donnant presque l'envie à Megan de lui sauter dessus pour lui faire cracher les mots qu'il gardait pour lui. Fort heureusement, elle savait se contenir (de temps en temps), et elle ne résista pas à la curiosité qui s'insinua dans son esprit.

-Pardonne ma curiosité mais, si nous devons nous aventurer dans le labyrinthe pour que tu testes une théorie, pourrais-tu me la partager ? Je n'ai pas eu l'occasion d'avoir à faire à des événements qui sortent de l'ordinaire à Haveirson, enfin, plus depuis un certain temps, mais tu n'es pas la première personne à me parler des miroirs, c'est vraiment étrange.

Elle avait bien entendu parlé de la mésaventure de Clemens et Isolde lorsqu'ils avaient eu la brillante et stupide idée de brûler le règlement. Quand Clemens lui en avait parlé dans sa lettre, Megan avait bondit et avait décidé de reprendre ses investigations sur Haveirson qu'elle avait laissé de côté pour se focaliser sur ses études et les missions de l'ordre.

Rowan lui avoua la véritable raison qui l'avait poussé à se joindre à elle. Clemens. Il voulait épargné le jeune homme qui avait vécu des situations difficiles dernièrement, c'était compréhensible. C'était ce qu'aurait fait un véritable ami. Megan sourit à Rowan alors qu'il tournait au dernier angle. Au fond du couloir une grande porte de bois, noire.

-Je n'aurai jamais accepté que Clemens vienne de toute façon, quitte à le stupéfixer pour être sur qu'il reste à l'écart. Il a de la chance d'avoir un ami comme toi Rowan, quelqu'un qui veille sur lui comme tu sembles le faire...

La sincérité s'entendait dans le son de sa voix. Elle enviait cette amitié, cette complicité. Rowan était pour Clemens un véritable ami, elle n'en doutait pas, et si Clemens faisait ainsi confiance à l'ancien serpentard, alors elle pouvait peut-être baisser les barrières qu'elle imposait entre elle et le reste du monde, pour apprendre à faire confiance au Sinistros. Enfin ! Du moins pouvait-elle peut-être l'envisager?

La porte noire au bout du couloir était close et n'inspirait aucune confiance. Elle était elle-même un signe évident du danger qui les guettait une fois à l'intérieur, comme un panneau « Attention », peu engageant. N'importe quelle personne un tant soi peu réfléchi aurait fait demi-tour sans se faire prier. Sauf pour eux, visiblement.

Megan regarda l'ancien serpentard afin de tenter d'apercevoir le moindre trouble, la moindre cassure dans le comportement du Sinistros. L'énigme qu'était Rowan Westminbrook allait-elle se résoudre face aux épreuves qui l'attendaient ce soir ? La jeune femme avança dans le corridor qui semblait aussi interminable que petit (notons la contradiction volontaire).

-Tu es prêt ?

Elle se tourna vers Rowan alors qu'ils arrivaient enfin devant la porte à la poignée ronde, sans aucune serrure. La jeune femme attendait l'approbation de son partenaire d'infortune avant d'ouvrir cette satanée porte qui allait irrémédiablement les conduire dans un enfer bien réel, du moins pour leurs nerfs.

Le rire qui s’échappa des lèvres de son interlocutrice, léger et fragile, lui sembla être une marque appréciable de leur coopération. Tant bien même que cette dernière reposait sur des terrains incertains et faillible par endroits – ne se doutait-il pas de certaines vérités, compte tenu de leurs affiliations respectives ? – qui risquaient potentiellement de lui coûter.  Cela dit, par respect et par honneur pour leurs relations communes, et surtout par volonté de dépasser les bassesses de leur monde en ces lieux, il s’était fait la promesse d’ignorer ce pan doucereux de leur réalité.

Progressivement, les pas des deux jeunes gens les conduisirent plus profondément dans le couloir. Où était-ce un tunnel vers les profondeurs les plus terribles de leur académie ? Difficile à dire en l’état, tant les choses se mêlaient les unes aux autres... Et risquaient de les prendre à revers dès le moindre manquement à une vigilance souveraine.

La question de l’étudiante le tira de son observation raide et calculatrice des environs – bon sang, quelles étaient les pierres qui constituaient le fondement de la bâtisse ? –  tout en l’obligeant à considérer sa demande avec douceur. « Et bien, si nous considérons le fait que les miroirs et les tableaux sont des outils de surveillance à notre encontre... En quelque sorte, les yeux de messire le Comte... Il se pourrait bien que toute la demeure dans laquelle nous évoluons participe à ce paradigme. » Il pinça brièvement les lèvres, sans s’autoriser à perdre le fil de sa précautionneuse observation des alentours. « Techniquement, nous serions alors en permanence sous son jugement. Et c’est là que je m’interroge plus particulièrement. » Assurément que les choses se révéleraient davantage complexes et... Délicates à gérer. Entre la théorie espérée du bout des lèvres et les faits diablement avérés, le jeune homme ne douta pas un seul instant qu’il n’avait que des estimations sur lesquelles s’appuyer. Des espoirs creux et des idéaux futiles. « Pourquoi un individu, jusque-là inconnu du monde sorcier, prendrait à cœur d’héberger de jeunes générations dans ses locaux ? Et, surtout, pourquoi s’échinerait-il à pister les plus petits gestes de ses invités... Quitte à user de sentences injustes en cas de manquement au règlement de sa demeure ? » Il y avait tellement d’indicateurs à considérer. « Jusqu’à aujourd’hui, nous avons toujours agi sur la défensive et la méfiance. Nous prenons les phénomènes qui nous tiraillent comme des menaces, et elles se révèlent en être assez souvent... Peut être à cause de cette perception. » Ses iris céruléennes vinrent rencontrer leurs jumelles, brièvement. « Dans notre entourage commun, les personnes les plus touchées par les maléfices apparentés au Comte sont celles usant de la plus grande défiance à son égard. »

Il laissa les mots s’éteindre d’eux-mêmes dans l’atmosphère froide et poussiéreuse du sous-sol, avant d’enchaîner, animé de cette sombre détermination qui le caractérisait tant auprès de Clemens. « Et si nous nous trompions, Megan ? Nous n’avons jamais essayé d’aborder le problème par l’autre bord, l’autre possibilité. » Rowan marqua une courte pause dans ses allégations. « Je me demande si en proposant nos services au Comte, en nous soumettant de bonne grâce à son commandement, nous n’aurions pas... Une réaction dissemblable de toutes les autres, en face. »

Ses sourcils se froncèrent en un geste vif, plus pour ses propres réflexions que pour gêner Megan. « Je me demande si une coopération est possible. » User de diplomatie, plutôt que de magie et de rire. « Dans tous les cas, ce n’est qu’une théorie. Aussi faillible et critiquable que n’importe quelle autre. »

Un sourire fin et prudent gagna ses lèvres. Sûrement le dernier de la soirée. « A l’évidence, si je me fourvoie dans mon jugement, nul doute que notre hôte prendra le temps de me le faire comprendre. N’est-ce pas ? »

À la remarque sur son colocataire, l’ancien Serpentard acquiesça avec lenteur. La préservation de ses proches était une constante dans ses objectifs. Même ceux ayant attraits à des domaines plus obscures. Il ne faisait jamais rien de ce genre sans une raison aussi évidente et impérieuse que l’amour qu’il portait sur eux.

Lorsqu’ils arrivèrent enfin devant l’immense porte d’ébène, luisante et brûlante de ténèbres, le jeune homme prit le loisir de détailler sa structure, ses bords et ses ornements. Il avait comme l’impression de sentir quelque chose pulser dans le bois : une ondée turpide et sordide. Était-ce une défaillance de son esprit ? Un mirage ? En cet infime instant, devant-eux, il sût jusqu’au fond de ses veines que plus rien ne s’attacherait à la réalité. Ses membres se tendirent silencieusement, par un instinct glacial et prévenant.  

Restait à savoir s’il parviendrait à conserver la clarté des rouages de sa conscience face aux épreuves. « Je le suis. Allons-y. »

En parcourant les dédales sombres et froid des lieux, Rowan accéda à sa requête en lui exposant sa théorie qui était également celle des autres. La jeune femme l'écoutait avec attention, réfléchissant à chaque paroles qu'il avait prononcé. Dans un sens, ça se tenait. Entre les miroirs, les tableaux et la sensation constante d'être épié, ils avaient eu un raisonnement bien réfléchi et qui tenait la route. Mais pour quelle raison le comte faisait-il ça ? Rien avait vraiment de sens à bien y réfléchir. Il les accueillait dans sa demeure sans jamais se dévoiler à eux. Des dizaines d'élèves parcouraient les couloirs du château chaque jour et pourtant jamais personne ne l'avait encore vu. Et puis une autre question la tracassait, ce que d'ailleurs souligna Rowan. Dans quel but faisait-il ça ?

-Soit c'est un maniaque du contrôle, soit c'est un pervers, ou peut-être bien les deux après réflexion...

A vrai dire, elle ne pouvait pas trop juger sur ce point là puisqu'elle avait été plutôt épargnée par toutes les étrangetés dont se camarades avaient étés victime. Mise à part le labyrinthe, elle ne pouvait pas se plaindre de son séjour à Haveirson.  Mais Rowan avait raison, le plus touché par ses ripostes avait été Clemens, celui qui avait le enfreint le règlement. Le comte l'avait vu faire, mais personne n'avait vu le comte.

-Pourquoi ne se montre-t-il pas ? Je veux dire... Il y a riposte automatiquement, et quasi-instantanément. Comment fait-il pour être là ou il y a infraction au même moment et sans qu'on le sache ? Même s'il observe par les miroirs et les murs il ne peut pas répliquer directement et pourtant c'est ce qui se passe... Surveille-t-il des étudiants en particulier ? Est-il caché sous une cape d'invisibilité pour pouvoir riposter ainsi directement ?

Megan se passa une main dans les cheveux, les repoussant vers l'arrière tentant de réfléchir à la théorie de Rowan pour percer le mystère qui planaît sur Haveirson. Rowan suggéra que le comportement qu'ils avaient n'était peut-être pas celui à adopter, la jeune femme n'était pas spécialement d'accord avec lui, notamment par principe. Elle qui avait longtemps été du genre à tout faire pour se montrer rebelle et indomptable refusait d'accepter le fait de changer de comportement pour quelqu'un d'autre que soi-même. C'était se dénaturer et c'était intolérable. Mais en fouillant dans ses souvenirs, une autre idée lui vint à l'esprit.

-Peut-être oui, ou peut-être pas... Chaque infraction au règlement provoque une réaction de la part du comte sans qu'il ne se dévoile... Peut-être que les infractions n'étaient pas suffisantes  ? Peut-être qu'il faut frapper plus fort pour le forcer à sortir de ses gonds et à sortir de sa cachette, et là... on pourra lui demander des comptes ! Je veux dire... Lorsque j'étais à Poudlard, Rogue me laissait tranquille, en fait il m'ignorait et les punitions étaient de simples retenues banales. Et pourtant j'en ai fait des conneries pour l'énerver... Il n'a réagit que lorsque j'ai... Accidentellement (bien sur !) Renverser un chaudron rempli de préparation d'une potion sur la tête.

Megan se rendait compte de son monologue et de ses confessions. Cela c'était passé en retenue donc aucun élève n'était vraiment au courant, même si des rumeurs avaient circuler dans les couloirs de Poudlard pendant un moment. L'ancienne Gryffondor fut soudain mal à l'aise, comprenant qu'elle en avait trop dit. Trop tard, elle ne pouvait rien changé, autant poursuivre son raisonnement.

-Bref, de l'ignorance totale, je l'ai fais rentré dans une colère noire, peut-être que c'est ce qu'il faut faire pour le comte. Le pousser à se dévoiler en le provocant suffisamment pour le faire sortir de ses gonds ? Et pas s'en prendre à un simple règlement affiché sur le panneau d'affichage... Surtout que vu comment il a réagi face à un bout de papier brûler facilement remplaçable, imagine si on s'en prend à quelque chose de pas remplaçable ?

Une idée germa dans l'esprit de Megan, lui décrochant un sourire en coin. Elle savait exactement ce qu'elle allait faire ensuite pour provoquer le comte. Mais pour le moment, l'heure était à la résolution du mystère du labyrinthe. Megan sourit à Rowan le regardant à nouveau.

-Ton raisonnement tiens la route, je pense...

Il était prêt. Elle ? Et bien elle ne savait pas trop en fait. Elle savait parfaitement ce qui l'attendait derrière cette porte et il fallait vraiment qu'elle se concentre un maximum pour fermer son esprit afin de ne se focaliser que sur ce qui l'attendait la dedans. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes, sans se soucier de la présence de Rowan. Sa concentration rassemblée, ses pensées vidées,  elle rouvrit ses yeux avec un éclat de froideur dans le regard et de détermination. Toute la douceur qui c'était lu jusqu'ici dans son regard avait disparu, comme si elle était devenue une autre personne.

-Allons y...

Et elle tourna la poignée, la porte s'effaçant pour laisser place au noir. La jeune femme rentra en premier tout en libérant sa baguette des sangles qui la retenait jusqu'ici attachée à son bras. Elle était prête à faire face. La porte se referma derrière eux et disparue aussitôt, laissant les deux étudiants à l'entrée du cauchemar vivant. Un seul chemin s'offrait à eux, l'entrée du labyrinthe. Megan s'y engagea, une démarche féline les guidant, ses sens en alerte.

-Si tu entends un tic-tac... Tiens toi prêt à affronté l'ombre.

La jeune femme avertit Rowan, ignorant si Clemens lui avait parlé du signal qu'il entendait avant chaque apparition cauchemardesque.

« Ce serait navrant que notre hôte soit... Un adepte de la perversité. » Le jeune aristocrate avait formulé ces quelques mots avec une appréhension grandissante, compte tenu de toutes les choses dont il avait nécessairement connaissance. Entre les miroirs aux reflets troublés et les peintures animées d'intentions licencieuses, la remarque ne tombait clairement pas dans l'oreille d'un sourd.

Le Comte, qu'importe sa véritable identité, tenait à conserver son joug sur une génération à la croisée des opportunités et des décisions. Ce fait s'avérait être un indice difficilement négligeable, tout en impliquant des considérations très dissemblables. Des interrogations toujours plus tremblantes et imprécises. « J'imagine qu'il surveille surtout ceux promptes à le défier. Ce qui expliquerait que Clemens se situe au cœur de la tourmente. »

Son colocataire – davantage qualifiable de meilleur ami – n'arrêtait pas de cumuler les actes d'opposition. De résistance. Renouvelant sans cesse une méfiance exacerbée à l'encontre du propriétaire des lieux. « Je ne pense pas qu'il use d'une cape d'invisibilité... Il est partout et tout le temps à la fois. » En permanence. « Partons plutôt du principe que, si ses yeux sont les reflets et les tableaux, la bâtisse... Est son corps. » Ses doigts glissèrent les uns contre les autres. « La réaction immédiate aux ripostes et aux malversations s'expliquerait d'autant plus, puisque nous baignons ainsi dans la chair même d'une âme et de sa magie. »

Cette théorie avait de quoi lui retourner les entrailles.

Aux réflexions de Megan, il acquiesça sobrement, se refusant néanmoins à commenter le long flot des estimations de cette dernière. Tout en mesurant les tenants et les aboutissants de telles propositions, Rowan jugeait peu opportun de s'en prendre violemment au Comte. Ce faisant, ses camarades continuaient à persister dans une voie délicate et peu propice aux évolutions positives. À moins que cela se trouve être le résultat recherché ? « Peut-être. As-tu une idée de ce qui pourrait être visé, pour le faire réagir de la sorte ? » En dépit de son questionnement, l'ancien Serpentard ne perdait pas de vue la mise en place de ses propres initiatives. Comment pouvaient-ils tous se targuer de suivre le meilleur embranchement possible, sans avoir essayé ne serait-ce que de remettre les choses en perspectives ? Ces considérations le dépassait.

Où alors était-il diablement trop versé dans la diplomatie, au point d'en oublier de précieux éléments ?

Ils cessèrent peu à peu de converser au sujet de l'académie, pour se concentrer sur leur épreuve commune. Le labyrinthe. À la suite de l'Abraxan, il se glissa à l'intérieur de la porte. Les ténèbres engloutirent les alentours, jusqu'à la dernière étincelle de réalité. D'un pas lent et alerte, il s'avança. « Noté. » Qu'il était étrange que leurs actions soient délimités par un ancrage temporel... Dans une dimension qui n'en avait plus.

Son esprit s'agita soudainement. « Megan, te souviens-tu des détails affiliés à ces balancements ? » D'un coup qu'il puisse raccrocher ça à quelques mythes...

Alors pour Rowan, le château serait le comte ? Et dire qu'elle pensait que ce gars avait vraiment une logique implacable, les apparences étaient bien trompeuses. Megan le regarda, sceptique. Sérieusement, elle avait envie de rire car c'était la, l'explication la plus loufoque qu'elle avait entendu jusqu'ici. Au lieu de ça, elle devia le regard, tentant de masquer au mieux l'hilarité qui la menacait.

L'idée qu'elle avait été dangereuse, vraiment. Si le comte n'avait pas hésité à tenter un barbecue humain pour un simple bout de papier brûlé, il fallait imaginer ce qu'il pouvait faire si on lui cramer sa bibliothèque et ses précieux ouvrages. Bon, c'était du genre suicidaire certes, mais nul doute que le comte serait vraiment hors de lui et il y avait de forte chance qu'il se trahisse.

-bien sur, Brûler la bibliothèque...

Le ton calme et sérieux qu'elle venait d'employer montrer bien qu'elle ne plaisantait pas. Elle avait vraiment envisager cette option.

Rowan lui demanda quels etaient les autres signes de balancement. Megan n'eut pas besoin de fouiller bien loin dans sa mémoire, ces derniers étaient particulièrement bien ancré en elle.

-et bien...

Elle se figea. Le brouillard était le premier signe. Elle recula d'un pas par reflexe alors que le tic-tac vint tintinabullé dans son oreille. Un mur de feu devant eux apparaît, une chaleur écrasante. La première manifestation de... La chose. La silhouette brulante la pousse d'une force inhumaine, l'envoyant dans le decor. La jeune femme se heurte au mur, le souffle coupé, sonnée. Elle releve la tête s'aperçoit que la silhouette s'en prend à Rowan.

Megan récupère aussitôt sa baguette tomber a côté d'elle et la pointe sur l'ombre.

-stupefix !

Mais trop tard. La silhouette c'est volatilisé, et le décor est redevenu normal. La jeune femme se lève et se précipite vers Rowan.

-Rowan !  Ça va ?

Elle est inquiète, et l'empreinte de brûlure qui orne a présent le cou du sinistros la fait aussitôt regrettée de l'avoir mêlé à tout ça. Je regarde la brûlure. Elle n'a pas l'air trop grave, c'est rouge certes, mais je m'attendais à pire. Je fouille alors dans mon sac em bandoulière et j'en ressors un baume.

-c'est pas vraiment pour les brûlures, mais ça permet d'apaiser les irritations de la peau. Je n'avais vraiment pas pensé à affronter du feu, la dernière fois c'était l'eau...

J'attends son accord pour le lui appliqué, a défaut de guérir immédiatement la brûlure, ca pourra le soulager et peut-être même atténuer la marque.

-bienvenu en enfer mon cher.

Je n'avais pas pu m'empêcher de sortir cette phrase avec un sourire gêné. Il devait déjà regretté de s'être porter volontaire...

Brûler la bibliothèque. En d'autres circonstances, il se serait certainement immobilisé en entendant de telles allégations – elles dépassaient de très loin son entendement et ce qu'il se trouvait capable de tolérer – saugrenues. Mais, cette fois-ci, il préféra seulement pincer les lèvres. Dubitatif. Ce n'était ni le lieu ni le moment pour se formaliser d'une théorie somme toute fallacieuse : quoi qu'elle se trouva certainement plus proche de faire réagir le Comte que ses tentatives à lui de passer par le biais de la diplomatie.

Il soupira. Plus pour lui-même que pour marquer un mécontentement désobligé. Celui auquel on s'attendrait naturellement de la part d'un homme de lettre, pour qui le moindre ouvrage était un trésor fastueux gorgé de promesses poétiques et instructives. En l'état, il lui paraissait davantage avisé de se focaliser sur leur mission.

Le reste attendrait des auspices plus favorables.

La réponse à la dernière interrogation qu'il avait formulé, ne tarda guère à se dévoiler devant eux. Le brouillard, d'abord. Puis tous les autres signes d'une dégénérescence temporelle. Le fameux balancement de l'horloge, terriblement caractéristique maintenant qu'il pouvait l'entendre et le cerner dans cet espace infime et obscure. À cela se succède les flammes, qui le font reculer de quelques pas précautionneux, la main tendue devant ses yeux pour restreindre l'aveuglement soudain de ces étincelles brûlantes.

L'ombre, à peine tangible, échappa presque à sa perception devant la foule animée des éléments. Bon sang.

Et la suite, imprévisible à ses iris céruléennes, ne manqua pas de l'ébranler. La chimère nébuleuse se manifesta violemment, tant à lui qu'à sa compagne de mésaventure, jusqu'à l'étreindre à la gorge. Cette silhouette vraisemblablement humaine, tout du moins sur les grandes lignes, le tenait en un étau douloureux et cuisant. Par tous les dieux... La poigne détestable qui le broyait, qui faisait crépiter une chaleur odieuse contre son épiderme, n'avait rien d'une illusion. Il le sentait jusque dans les tréfonds de sa chair.

Et à travers l'empreinte rougeâtre sur son cou.

La panique, pernicieuse et moqueuse, tordait ses entrailles et neutralisait son souffle. Au point que la plus infime des respirations se transformait en un sifflement troublant. Souffreteux. Derrière l'horreur de l'instant, le jeune aristocrate s'efforçait pourtant à dissocier les choses. À les considérer autrement... Toutefois, la douleur et la terreur rendaient le processus laborieux, déficient et lent.

Une créature à la croisée des matières. D'une force démente et ivre ; dont toute la volonté se destinait à une tâche inconnue. Fanatique ?

La réalité commença à lui faire défaut, l'étreinte devenant irrémédiablement insoutenable. La pensée ironique qu'il laissa sa peau dans un songe un peu trop vrai, en compagnie d'une camarade qui n'était ni une brune détestable ni une blonde fraternelle, le poussa même à envisager platement la chose : peut être que, lui aussi, pouvait simplement y perdre la vie. Il n'eut pas l'occasion d'aller au bout de sa réflexion que l'instinct de survie prit le dessus et distilla en lui le besoin impérieux de s'échapper. De tenter – vainement – n'importe quelle action. Un brin de panique cristallisé dans les veines.

C'est là qu'il fut lâché.

Son dos heurta le sol dans un grognement mêlé à des halètements. Une joyeuse symphonie désarticulée et gutturale ; très loin d'une petite toux guindée pour notifier la gêne. Un petit moment d'incertitude passée – l'équilibre du monde et, surtout, la continuité de son existence étant de mise – l'ancien Serpentard se releva légèrement. Ses membres geignaient d'une crispation maintenue ardemment, tout en sentant l’adrénaline l'abandonner progressivement. Et les élancements s'accentuer. « Bon sang... » Il grommela à demi-mot, regrettant de façon notable l'absence de jurons plus cathartiques dans son vocabulaire. « C'est... »

Son regard se posa sur Megan, nouvellement à son chevet. « … Une sacré mélasse. » Assurément qu'il aimerait pouvoir se parer de sa distance habituelle et protectrice ; mais il n'y parvint guère. Seul l'hébétement perça sur ses traits, et une contenance davantage perdue que guerrière.

Distraitement, Rowan pencha son visage sur le côté, laissant le champ libre à l'Abraxan pour qu'elle puisse s'affairer à son secours. Il se permit néanmoins d'articuler un : « Fais, tu as ma confiance. »  Aussi étrange que cela pouvait lui paraître en temps normal, ici, sa seule alliée se tenait à ses côtés. Et, en dépit de toutes leurs méfiances respectives, si elle jugeait bon d'intervenir avec quoi que ce soit de sa sacoche, il se plierait de bonne grâce à son expertise.

N'était-elle pas en cursus de médicomagie, après tout ? « Et bien... Nous pourrons au moins dire que la comité d'accueil a été particulièrement chaleureux... »

Rowan semble être vraiment secoué par l'apparition. Je suis vraiment navrée pour lui et je commence déjà à culpabilisé d'avoir accepter sa présence. Pourquoi j'ai écouté Clemens déjà ? C'est une bonne question... J'y penserai quand on en aura fini avec se labyrinthe.
Je me met à lui appliquée le baume. Ça soulagera la brûlure, c'est déjà ça. Je me met à rire à son commentaire. Il a le sens de l'humour ! Jamais je l'aurai cru pourtant !

-Et encore, ce n'est que le début !

Je dis ça sur un ton amusé, même si je suis sérieuse. La dernière fois, c'est allé en empirant, tout le temps. Bref, maintenant qu'il a pu avoir à faire à la chose, peut-être qu'il a une idée de ce que ça peut être, enfin... s'il a remis son cerveau en marche.

-Alors Rowan, maintenant que tu as rencontrer la Chose, tu as une idée de ce que ça peut-être ? Une théorie?

J'avais juste pu constater, que même en se préparant, la Chose avait toujours un coup d'avance et même en réagissant au plus vite, rien y faisait, aucun sort ne l'atteignait. Le Colosse avait pourtant était touché indirectement par son sort d'explosion, mais malheureusement, cela n'avait pas suffit à faire se dévoiler la chose et encore moins à la comprendre.

-On avance ?

De toute façon ce n'était pas comme si on avait le choix. C'était la seule solution pour sortir de là, continuer d'avancer...

Les iris pâles et secouées du jeune homme glissèrent sur les alentours ; les ténèbres et les murs de pierres froides. Celles qui formaient devant-eux un corridor, dont l’étau semblait courir sur une distance difficilement appréciable. Sans fin notable ? Après tout, ils évoluaient bel et bien dans un endroit nommé avec effroi le ‘labyrinthe’. Ce nom ingénieux – quoi que moqueur – ne provenait certainement pas du néant.

Au contact du baume, il ne put s’empêcher de frémir ; le corps bousculé tant par la contiguïté de leur position que par la brûlure tiraillant sa chair. Néanmoins, Rowan s’efforça de lancer un regard obligé à sa camarade. Une reconnaissance muette et réelle – il lui devait bien cela – moins coûteuse à transmettre par ce biais. Moins éreintante pour ses poumons et sa gorge.

Une nouvelle fois, le rire léger et presque cristallin de la blonde Abraxan perça le silence menaçant des lieux. Le réduisant à ce qu’il était réellement : une supposition. Un bruissement. Ayant pourtant la faculté singulière de s’extraire des entrelacs chimériques pour se manifester à eux physiquement.  « Je le pense bien. Il serait trop aisé de nous en sortir seulement avec une rougeur, n’est-ce pas ? » Compte tenu des retours formulés par son meilleur ami, impliquant notamment une mort métaphorique, nul doute qu’ils allaient encore tâter des maléfices de cet endroit.

En un mouvement lent et précautionneux, le jeune homme quitta la proximité du sol pour retrouver une hauteur appréciable ; celle d’un être humain. L’interrogation portée par sa camarade l’obligea à s’éclaircir la voix. Et l’esprit – encore piqué par la stupéfaction et les tremblements passés. « Je t’avoue que l’identification est difficile. » Il devait impérativement cerner ses pensées. Viser la cohérence. La logique. « Les éléments employés, les ténèbres et le feu, sont des références courantes de la littérature religieuse. Je ne t’apprends rien en te disant que les versets dédiés à l’Apocalypse, par exemple, s’approchent assez de ce que nous voyons ici bas. » Une pause. Courte. Suffisante à se remémorer un passage de la bible. « Mais les lâches, les renégats, les dépravés, les assassins, les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref, tous les hommes de mensonge, leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort. » Ses lèvres se pincèrent après le dernier mot. Empreinte de son hésitation. Anxiété. « Il pourrait s’agir d’un parallèle intéressant, faute de plus. »

Ses iris gratifièrent leurs jumelles d’un semblant d’excuse. « Toutefois, nous sommes également face à une structure défensive. J’entends par-là que les sortilèges employés correspondent à un système dissuasif plutôt bien orchestré. Quant à la Chose... Un gardien. Un maître du purgatoire si nous estimons l’approche biblique. Une autre, plus ancienne, pourrait puiser ses racines dans la mythologie grecque, néanmoins nous revenons encore une fois à l’idée d’un tartare entre les mondes. »

Il laissa ses mots s’éteindre d’eux-même dans la quiétude temporaire de l’endroit. Il manquait encore de données ; et de souffrance. « Oui, continuons. » Cette fois-ci, il prit le temps de dégainer sa férule d’orme.

Parfois la fierté pouvait être un obstacle invisible à la reconnaissance. C'était difficile d'exprimer sa gratitude, surtout lorsqu'on était pas habitué à cela. Megan le comprenait fort bien, c'était pareil pour sa personne. Rowan avait, dans un simple regard, montrer sa reconnaissance, du moins c'est ainsi que Megan l'interpréta. Elle se contenta de lui sourire avant de se redresser, l'aidant à se mettre debout par la suite.

-Effectivement, toutefois, je remarque que c'est la première fois que le labyrinthe utilise le feu comme arme. La fois précédente, c'était l'eau et la force brut. Et il commence fort dés le départ... La première fois, c'était... disons moins dangereux...

La première fois qu'elle était venue dans le labyrinthe avec Clemens et Quinlan, une ombre leur était apparut au commencement se contentant de saisir Megan par le coup avec violence et de la lâcher quelques secondes après. Là, c'était directement l'épreuve du feu. Le Labyrinthe semblait se montrer bien plus agressif dés le début, et mine de rien, la jeune femme s'autorisa à se demander s'ils en sortiraient indemnes.

Rowan mis quelques secondes avant de lui annoncer une théorie plutôt, surprenante. À ses mots «  je ne t'apprends rien », la jeune femme le regarda bizarrement, fronçant le nez et en grimaçant un peu. Genre, elle connaissait la bible par cœur, c'était son livre préféré ! Et les versets sur l'apocalypse elle les lisait tout les soirs... Non sérieusement, Rowan venait d'une autre planète n'est-ce pas ?

-Euh ouais... Je lis la bible tout les soirs... c'est mon passe-temps favori...

Elle lui avait rétorqué ça avec un ironie et cynisme et elle ne s'en rendait compte qu'après coup. La jeune femme ferma les yeux, se rendant compte qu'elle ne parlait pas à un ennemi avant de les rouvrir.

-Désolé... l'habitude... Et bien, cette théorie est intéressante dans ce cas là, mais... La première fois que je suis venue, il n'y avait pas de feu. Est-ce que dans les versets que tu parles, il y mentionne l'eau et la force à l'état brut ? Et si ta théorie s'avère plus cohérente, pourquoi la magie-même s'attaquerait à des sorciers ?

Il fallait bien admettre que ce qu'il venait de se passer n'était absolument pas banal mais plutôt un acte magique assez puissant. Est-ce que... se laisser faire pouvait-être une réponse à donner au labyrinthe ? Encore fallait-il accepté de se laisser malmener...

-Et si on laissait la chose... nous malmener sans tenter de se défendre ?

Bon fallait pas se leurrer, elle était incapable de se laisser agresser sans même tenter de riposter, mais si elle était ici avec Rowan, c'était pour partager leur point de vue afin de trouver des réponses à leurs questions.

Les deux jeunes gens reprirent leur chemin, marchant durant quelques minutes, tournant en rond la plupart du temps, se retrouvant quasiment tout les 10 mètres à des intersections. Rowan avait décidé de se parer de sa baguette, faisant sourire Megan par la même occasion...

L’aide apportée par sa blonde comparse lui donnait la force de persister et de se relever, en dépit des douleurs passées et de celles à venir prochainement. « Est-ce vraiment la première fois que le labyrinthe use de cette défense ? » Une fois debout, ses iris s’étaient dirigées vers leurs jumelles avec un intérêt non feint, piquées en plein cœur par l’étrange dessein que leur hôte escomptait deviner en ces lieux à la croisée des mondes. « De l’eau. Soit. » Les sourcils de l’ancien Serpentard se froncèrent légèrement.

Assurément que ce nouvel élément à envisager, ne laissait présager qu’une situation davantage complexe. Ésotérique. Mythique ? La dernière idée évoquée sembla se tordre d’excitation au creux de son esprit, lui tirant un soupir anxieux. « Et s’il s’agissait d’un système de défense potentiellement axé sur les quatre éléments ? Tout du moins, j’ose aborder la chose sous cet angle en tenant compte de tes indications. » D’une main fébrile, il désigna le chiffre quatre. « De sorte que chaque incursion menée dans le labyrinthe se trouve à l’origine d’une nouvelle étape dans la révélation de son énigme. Si nous partons de cette hypothèse singulière, en tant que structure affiliée au purgatoire divin, il nous faudrait quatre visites en ces lieux pour espérer triompher de son mécanisme. »

D’un geste vif, ses doigts fins et pâles vinrent frôler la bordure de son menton. « Une succession d’épreuves apparentées à l’eau, le feu, l’air et la terre. » Une esquisse de sourire gagna même brièvement ses lèvres. « Cela dit, je peux amplement me fourvoyer ; il nous faudra affronter la suite de notre périple pour nous assurer d’une telle supposition. »

Le jeune homme se perdait de nouveau en élucubrations intellectuelles lorsque la voix de sa camarade le cueillit avec un cynisme certain. « Ce n’est rien. » Son visage se pencha sur le côté, plus par sympathie et curiosité qu’autre chose. « Je pensais sincèrement que tu connaissais ces détails, loin de moi la volonté de te froisser. » L’éclat plus humain qui s’anima dans son regard, bordé d’empathie, témoignait de la sincérité de ses propos. « L’eau y est mentionnée en tant qu’essence fondatrice du monde sous la main de Dieu. Telle qu’elle apparaît également dans d’autres religions pré-chrétiennes. D’où mon interrogation somme toute légitime sur le lien entre ces éléments naturels et le fonctionnement du labyrinthe. »

Il s’immobilisa un court moment, lançant un regard prudent sur les alentours. « Techniquement, elle pourrait être l’outil de puissances supérieures pour lesquelles nous ne serions rien de moins qu’une mauvaise engeance. » Ses doigts affirmèrent leur étreinte autour de la baguette d’orme. « Toutefois, je te rejoins sur ce point, ce serait étrange et inhabituel. Nous n’avons aucune preuve, au sein de l’histoire, que de tels effets aient été menés à notre encontre. » Ses iris se dirigèrent vers leurs jumelles. « Tout du moins, rien qui ne se compte pas en millénaires révolus. »

En un lent mouvement, un brin maniéré, le jeune aristocrate reprit son cheminement. « C’est une optique que j’ai envisagé, Megan. Si tu veux que nous l’appliquons, je suis prêt à m’y plier. » Et, avec une certaine inquiétude, il était prompte à ranger sa baguette au profit d'une soumission offerte de bonne grâce.