Interlude [Libre]

Insoumise, versatile, sarcastique. Je n'ignorais pas l'exaspération de mon cher camarade de maison qui, comme beaucoup avant lui, commençait à trouver ma présence ennuyeuse ou envahissante. J'écoute. Je ne puis faire autre chose après tout, alors je l'écoute. J'affiche un sourire en coin, rien de bien fantastique, rien de dramatique. Je ne le regarde pas en réalité, je continue de fixer le mur en face de moi. Je me concentre vivement sur les carreaux de pierre qui résistent avec une force incommensurable au flux d'eau qui les bercent ou les tirailles selon son humeur.

Je finis par lever les yeux vers son visage renfermé. Je dois avoir posé la question de trop pour qu'il s'emporte ainsi et arrête de jouer. Voici donc la corde sensible, intéressant. Je perds mon sourire pour éviter d'enflammer pareille humeur, mais je garde mon regard sévère posé sur sa mine contrite. Je ne doute pas qu'elle sait quels sont ses sentiments, c'est moi que cela intéresse actuellement. Mais je ne pense pas avoir besoin de davantage de précision pour remarquer avec quelle attention et quel amour, il le dit. C'est un véritable livre ouvert pour moi, ça en deviendrait presque indécent. J'aimerais qu'Aaron parle de moi de la même manière...
Qu'importe. Que ce soit ou non le cas d'ailleurs, cela n'intéresse personne.

Je le perce de mon regard, ne le lâchant guère même lorsqu'il détourne les yeux pour affronter les yeux curieux de nos spectateurs qui resteront sur leur fin, s'amusant sans doute à réinventer ce qu'ils ont vu. Oui, Daphné le saura. Et c'est avec plaisir que je l'accueillerai pour remettre chaque élément à sa place. Que pouvait-elle bien me faire après tout ? Elle ne pouvait décemment pas me mordre, et je pourrais très bien lui dire ce que je pense vraiment, si Madame l'Héritière me faisait ménage. J'en doute, vivement. Daphné est bien des choses mais pas celui de l'impulsive jeune fille jalouse.

Je sors doucement de mes pensées quand il se lève et qu'il m'apostrophe. Je m'attendais à une réflexion cinglante, ou sarcastique. Une révélation. J'écarquille doucement les yeux sous l'effet de la surprise. Mon sourire ne veut pas naître mais il existe. Blaise Zabini l'homme d'une femme... Qui l'eut cru. Je suis finalement contente de ne pas avoir trop jouer à ce jeu dangereux. Je hoche la tête pour lui signifier que j'ai compris, ne pipant mot. A quoi cela servirait-il de toute façon ? Se faire pardonner. Je hausse un sourcil mais je fais un nouveau hochement de tête, avant de me lever à mon tour, avec lenteur. « Tout le plaisir est pour moi. »
Mon sourire nait enfin, en coin mais avec compassion. Presque amour. Que serais-je si Zabini n'existait pas ? Une Alycia pas véritablement entière, et ce serait dommageable pour les évènements à venir. Sa force devenait la mienne, et j'en ai plus que besoin.

Je le regarde s'éloigner, croisant mes mains sur mon ventre et chuchotant doucement. « Douce soirée, Zabini. » Et enfin je me jette à nouveau dans le fauteuil moelleux, attrapant le premier papier qui me passe sous la main. La Gazette du sorcier, les brèves. Étrangement le nom de Greengrass et Westminbrook soulignés avec force. Intéressant.