Café, Bavardages & Passerelles interdisciplinaires

Le jeudi 17 avril 1997, fin d’après-midi

Traditionnellement, le jeudi c’est ton jour de glande. Enfin un jour où t’es pas obligé de te lever aux aurores pour aller t’occuper de tes patients ou pour t’adresser à des étudiants parfois très moyennement intéressés à ce que tu racontes. Oh, tu les aimes bien, c’est pas ça la question. D’alleurs, t’es tellement habitué à ta vie de prof à Haveirson que même si tu as le loisir de faire la grasse matinée, tu peux pas t’empêcher de te lever super tôt pour faire quand même ton tour de piste. Un petit salut à l’infirmerie, un détour dans un couloir, un petit en-cas à la cafétéria : tu hantes cette Académie comme si t’étais un de ses fantômes. Assez étrangement d’ailleurs, tu n’as jamais croisé de fantôme ici.

Le pire, c’est que tu te sens pas spécialement désœuvré, tu ne t’ennuies pas de ton travail qui reprendra dès le lendemain. Tu te lèves juste tôt. C’est comme ça. Ça a toujours été le cas, et ça t’as sauvé la peau une paire de fois. Supporter un internat, c’est bien plus simple quand t’as pas besoin de trouzmille heures de sommeil. Aujourd’hui, tu en as profité pour passer à la bibliothèque, tu as cherché de nouvelles informations sur certaines créatures magiques, mais tout avait le goût rance du déjà vu. Tout ce qui s’étalait en lettres calligraphiées sous tes yeux, tu le savais déjà. Tu l’as mémorisé, rangé dans une jolie boîte mentale qui commence à être sacrément remplie. Le seul souci, c’est que tu persistes à croire que tout ce que tu sais n’est qu’une infime partie de ce que tu devrais savoir. Le sujet t’échappe, file entre tes doigts comme une anguille facétieuse. Engranger de nouvelles connaissances, lire tout ce qui est possible de lire est une façon de compenser cette sournoise impression que tu ne sais toujours rien. Que tu ne sauras jamais rien. Que t’es tout simplement indigne de savoir.

Ça te désespère. Tu pensais finir par prendre l’habitude, mais pas vraiment… À l’extérieur, les choses changent, trop vite et pas toujours en bien. Ce Carwood t’inquiète, même si tu ne peux pas frontalement critiquer toutes ses actions. Tu doutes, de tout. Le monde est en train de basculer, d’un côté ou de l’autre, et toi, tu te sens toujours en équilibre au centre, sans savoir si tu finiras par atterrir sur la terre ferme, ou chuter dans le gouffre. Finalement, avoir des choses à faire comme donner cours, ce n’était pas forcément un mal.

Ces réflexions t’ont presque déclenché une migraine, t’as arrêté juste à temps. L’après-midi a filé, et le décor de la bibliothèque commence à t’ennuyer. Trop grand, trop de monde. Rangeant consciencieusement les grimoires derrière toi, tu reprends tes affaires et décides d’aller te poser un peu dans la salle des profs. Ton appartement est trop vide, ton bureau trop austère : tu as besoin de voir du monde. Mieux, de parler à du monde. Tu as déjà croisé la plupart des nouveaux professeurs — le Comte sait comment renouveler le corps professoral — et la plupart t’avaient paru plutôt sympathiques. Seulement, tu n’avais jamais eu le loisir de réellement discuter avec eux. Tu avais toujours quelque chose à faire, un cours à préparer ou un bobo à soigner, et le temps avait passé avec une rapidité telle qu’on était déjà en avril.

La salle des professeurs n’est pas vide quand tu y mets les pieds. Elle l’est rarement, du moins, c’est ce que tu penses. Tu ne la fréquentes pas trop, en réalité. Il y a bien une cafetière modifiée que tu affectionnes particulièrement, mais c’est tout. Là, ce n’est pas la machine qui attire ton regard, mais le prof de psychomagie qui est là. Un visage qui t’es familier, que tu as déjà croisé. C’est un collègue qui te sera particulièrement précieux pour tes cours, d’autant plus que tu t’estimes être en grand manque de compétences en psychomagie. T’as cru savoir, et t’as fait des conneries. Tu t’en souviens encore de Clemens qui buggue sur une foutue baignoire vide pendant des heures. Tu t’en souviens, et tu t’en bouffes les doigts. Une ombre passe sur ton visage, quelque chose que tu ne peux pas voir mais que tu sens, et dont tu es persuadé qu’elle n’a pas échappé à ton vis-à-vis. Tu la remplaces par un sourire qui, sans être forcé, cache mal l’humeur maussade de ton jeudi de glandouille.

— Bonjour Pr. Dewitt !

Écartant délicatement ta robe de sorcier d'un violet sombre dévoilant un veston de brocart vert et noir, tu t’asseois dans un des fauteuils. Tu t'es versé un café dans un des mugs — tu aurais tellement aimé avoir ton mug préféré, celui avec l’emblème de l’Empire, mais comme c’est ton préféré, il est bien sûr chez toi, dans ton appartement — et tu le regardes en sirotant le breuvage fumant. Il a un physique spécial, mais loin d’être déplaisant. Tu as toujours été plus réceptif que la moyenne — paye ton euphémisme — mais là, on ne parlait pas de moyenne, bien au contraire. Ce James il était… Hors catégorie. Mais ce n’était pas le moment pour ce genre de choses. Tu t’envoya une bonne tarte mentale avant de revenir sur ce qui t’intéressais vraiment à propos de James : le travail.
Quand on sait que c’était aussi ton excuse pour Clemens… Vive la crédibilité.

— Comment se passent les cours ? Vous avez commencé non…? Je me demandais…

Tu hésites. C’est rare chez toi, mais le sujet n’est pas non plus anodin. Derrière se cache tes échecs, et le pire étant que ce n’est pas toi qui en paye les conséquences.

— C’est possible d’avoir des cours particuliers ?

Merde, c’était pas sorti exactement comme tu l’aurais voulu. Pas de doute, il allait croire que tu le draguais, le pire étant que ça aurait pu tout à fait être le cas. Mais non, tu es on ne peut plus sérieux. Tu veux des cours.

25/02/2016

J'étais alors dans cette fameuse salle des professeurs, tranquillement assis sur un fauteuil avec une tasse à café dans les mains. J'observais les allers et venues de chacun de mes collègue, observant tous ceux que je n'avais pas encore pu rencontrer, en même temps ils semblent courir un peu partout, visiblement les cours ne sont pas si tranquille que ça, tant mieux pour moi, ça me changera de mon ancien emploi du temps plutôt vide.

Perdu dans mes pensées, je fixai la table basse non loin de moi, pour quelle raison je ne savais pas, j'étais juste en train de la fixer alors que je pensais à mes prochains cours, les sujets que j'allais aborder et comment bien expliquer toute les causes et conséquences de la psychomagie aux élèves. Avant d'arriver ici je ne m'étais jamais exercé à enseigner quoi que ce soit sur ce que j'avais retenu au fil des années et je dois dire que c'est un exercice plutôt agréable, aller fouiller dans mes souvenirs pour en remonter ce que j'ai pu en tirer et essayer de tout remettre en ordre pour l'expliquer correctement et assez clairement afin que d'autres puissent suivre le chemin par lequel je suis passé avant eux et peut-être même aller encore plus loin.

Tandis que mon café était en train de refroidir, une silhouette s'approchait de moi, s'installant alors sur le fauteuil à mes côtés. Un professeur en pause sûrement, j'étais bien trop perdu dans mes pensées pour m'en soucier et franchement je ne voulais pas couper le fil de mes réflexions simplement pour un peu de mouvement autour de moi. Je faisais tourner la tasse dans mes mains, puis la cuillère pour remuer le peu de sucre qui avait du fondre depuis maintenant un bon moment. Puis la voix du professeur retentit alors, il s'adressait visiblement à moi.

— Bonjour Pr. Dewitt !

Cette phrase me fit sursauter, échappant de peu ma tasse que j'ai reposé sur la table avant de relever mon regard vers cet homme qui venait me voir. C'était le professeur de Médicomagie, je l'avais déjà croisé, il semble être quelqu'un de sympathique, même si je n'ai pas vraiment eu le temps de discuter avec lui plus que ça, peut-être que justement aujourd'hui cela va changer, enfin en attendant, il semble vouloir entamer la discussion et c'est un assez bon début.

— Comment se passent les cours ? Vous avez commencé non…? Je me demandais… C’est possible d’avoir des cours particuliers ?

Des cours particuliers? De psychomagie en plus? C'est assez étrange pour un professeur de demander des leçons, en général c'est nous qui les donnons. Cette pensée me fait sourire. Je ne savais pas encore pourquoi il désirai des cours particuliers, peut-être même qu'il ne me donnera pas de raison exacte. En tout cas, pour des cours particuliers ça va être compliqué, je ne vois pas comment on pourrai s'organiser afin de les mettre en place et surtout je ne sais pas si il veut étudier quelque chose de spécial ou si il veut des leçons plus générales.

- Et bien les cours se passent plutôt bien Je n'en ai pas encore fait beaucoup pour l'instant. Pour ce qui est de votre demande, il me faudrait savoir ce que vous désirez étudier. Une envie particulière ou des cours généraux? Dans ce dernier cas vous pourriez assister aux cours que je donne. Nous pourrions même en donner ensemble pourquoi pas.

En effet la médicomagie est assez proche de ce que j'enseigne et nous pourrons sûrement trouver des sujets qui touchent aux deux thèmes et ainsi grouper nos thèmes pour nos élèves.

Tu ne sais pas vraiment pourquoi tu lui as demandé ça de façon si soudaine et abrupte, mais au moins c’est sorti. Peut-être que c’est ta journée qui ne s’est pas exactement passée comme tu l’avais prévu, ou alors c’est juste que tu profites que vous n’êtes que deux dans la pièce pour l’instant. Tes mots le tirent de ses pensées, et l’espace d’un instant, tu te dis que tu aurais pu le laisser tranquille, que tu le gênes. Mais c’est trop tard. Tu as parlé, tu as souri et tu as demandé. Parce que tu es comme ça, tu te lances avant même de vérifier si tu as bien pris ton parachute avec toi.

Heureusement, ce professeur Dewitt ne semble pas t’en vouloir outre mesure. Il te répond poliment, t’invitant même à assister à ses cours, voire à participer à leur élaboration. Médicomagie & psychomagie sont deux sœurs qu’il est aisé de réunir dans un seul programme. Tu es bien d’accord, tu as même déjà essayé de le faire, de façon très superficielle, en invitant les étudiants en psychomagie à l’un de tes cours pour spécialistes. Hélas, ça n’a pas eu beaucoup de succès et tout ce que tu en conclus, c’est que tu as ennuyé tes étudiants plus qu’autre chose.

— Je serais content d’assister à vos cours, je pense. Je ne sais pas, peut-être que ça pourrait suffire à répondre à mes questions.

Tu ris doucement. Tu te souviens subitement que toi et les psy, ça n’avait jamais été une grande histoire d’amour. En tant que pair, tu espères collaborer, apprendre même, mais tu ne peux pas t’empêcher de repenser à cette période sombre où c’était toi qui était dans le rôle du patient. Et tout ce que tu as fait et dit pour brouiller les pistes, pour continuer à te cacher, pour simplement prouver que tu étais le plus malin. Tu pourrais en conclure que tu as appris ta leçon, que tu as grandi, que tu ne tomberas plus jamais dans ce genre de travers mais le sourire intérieur que tu as en repensant aux tribulations du Dr Gilliam te prouve le contraire.

Mais tu n’oublies pas ce que le psychomage te propose en sus : donner des cours ensemble.

— L’idée d’avoir des cours communs me plaît assez oui ! J’avais tenté de parler un peu de la prise en charge des patients dans des cas d’urgence mais je doute que ça ait beaucoup intéressé mes étudiants…

Tu souris doucement.

— Ce sont de purs médicomages. Ils veulent du sang.

L’image te fait rire intérieurement, mais tu sais que c’est exactement ça. Tu te souviens de tes propres études, de ton internat à Stockholm où tu t’occupais du patient presque comme d’une machine. L’aspect humain, tu avais mis du temps à le comprendre, à intégrer son importance : tu étais trop jeune, trop focalisé sur tes compétences médicomagiques pour prendre le recul nécessaire. C’est exactement ainsi que sont tes étudiants aujourd’hui. Tu ne peux pas leur en vouloir.

25/02/2016

Ma proposition semble donc l'intéresser, mélanger nos cours pour nos élèves respectifs. Il me dit qu'il avait déjà essayé mais que ses élèves ne semblaient pas intéressé, mais en même temps, il n'es pas psychomage et je ne vois pas comment il pourrai parler de ce qu'il ne connais pas tout en rendant cela intéressant pour des étudiants. Je sourit simplement à ses phrases en l'observant. Il semble lui aussi troublé par quelques pensées qui ont l'air de lui sauter à l'esprit, mais là n'est pas le sujet, peut-être qu'il viendra me dire lui-même qu'il a des problèmes ou alors est-ce simplement sa façon d'être.

Ses lèves à lui veulent du sang, les miens veulent du complexe. Je suis certain qu'on peut trouver un terrain d'entente et arriver à établir une base solide qui se trouve au juste milieu de ces deux points de vue. Le médicomage ne doit pas laisser en plan l'aspect social du patient et le psychomage ne doit pas laisser l'aspect physique. Ainsi je pense que j'expliquerai les bases d'une bonne prise en charge aux étudiants psychomage et le Professeur Fitzsimmons expliquera à mes élèves ce qu'il faut savoir pour éviter toute aggravation du cas d'un patient.

- Vous avez donc essayé de leur parler psychologie? J'aurai aimé voir ça tiens. Cependant je pense qu'il serai peut-être plus préférable que ce soit moi qui essai d'expliquer à vos élèves comment s'y prendre, et c'est pourquoi je vous ai proposé de travailler ensemble lors des cours. Nos expériences misent en commun ne pourront qu'aider les élèves, et en même temps vous pourrez peut-être prendre quelques leçons pour vous-même.

Je m'adressai à lui sur un ton amical et sur l'ordre de la rigolade, je ne voulais pas le brusquer ni me moquer de lui bien au contraire, mais l'idée qu'un professeur de médicomagie s'essaye à donner des leçons psychologique me faisait sourire. Mais après tout pourquoi pas, il a sûrement appris lui aussi à bien s'occuper des patients et à tenir en compte de leur changement de comportement en fonction de l'évolution et des résultats de leurs maladies.

Cependant il ne m'a toujours pas précisé la raison de sa demande ni le sujet exact qu'il voudrait aborder, j'en déduit donc qu'il cherche quelque chose de général, mais je ne m'avance pas trop vite, il désire sûrement une chose en particulier et n'ose pas encore m'en parler, pourtant entre collègues il ne devrait pas y avoir de problèmes. Mais je vais tranquillement attendre qu'il se décide à m'en dire un peu plus, ou pas, selon ses envies. Je ne voudrai pas le forcer et ruiner notre collaboration avant même qu'elle n'ai commencée.

La remarque du Pr. Dewitt pique ton orgueil. Il a l’air de se moquer de toi et de ta présomptuosité à vouloir enseigner des choses que tu ne maîtrises pas vraiment. Il n’a pas totalement tort, mais si tu n’as pas la casquette de psychomage, tu as dix ans d’expérience et tu sais ce qui fonctionne et ce qui fonctionne un peu moins bien. Ce psy te fait l’effet de quelqu’un de très professionnel, mais tu ne peux pas t’empêcher d’être vexé.

— J’avoue qu’il vaudrait mieux que ce soit vous qui vous vous en occupiez… Même si on est restés sur des choses très générales.

Qu’il n’aille pas s’imaginer que tu avais été leur faire un cours sur la dépression ou l’apomagie… Ça n’avait été qu’une simple évocation d’une situation concrète, le but étant de faire comprendre à tes étudiants qu’il n’y avait pas que l’urgence médicale mais aussi la psychologie du patient à prendre en compte. Franchement, tu ne pensais pas être rentré dans les détails de la psychomagie, et donc tu n’estimes pas mériter autant de condescendance. Il rit, mais ça ne change rien au fait que ton orgueil, organe vital chez toi, ait été sévèrement atteint.

— En fait, je n’ai vraiment parlé que du cas où le patient était en panique. La plupart des étudiants ont totalement zappé l’état d’esprit de la personne en se penchant d’abord sur le purement physique. C’est un problème qu’on rencontre souvent, et je ne pense pas avoir dit d’ânerie.

Tu n’as pas envie de lui balancer qu’il ne fallait pas un diplôme pour avoir un minimum d’empathie et de bon sens, mais tu l’aimes bien ce nouveau collègue, alors tu n’as pas envie de tout foutre en l’air à la première discussion véritablement intéressante.

— Je pensais qu’on pourrait peut-être présenter un cours avec un cas qui demanderait à la fois des connaissances en psycho et en médicomagie… Une idée ?

Tu ouvres les paumes, comme pour montrer que tu es quand même ouvert aux suggestions. Et puis tu reviens à une posture plus neutre, sirotant ton café fumant avec un air un peu pensif.

25/02/2016

Ma réflexion semble l'avoir brusqué, ce n'était absolument pas mon but. Je me doute bien qu'un médicomage avec un tant soit peu d'expérience sait bien qu'il faut aussi faire attention au ressenti du patient et pas seulement à ce qu'on peut observer car bien des maux peuvent se dissimuler si on n'y porte pas une attention toute particulière.

Il me dit n'avoir parlé que de cas général pour la prise en compte du patient. Pour moi il se cherche plutôt des excuses, mais je comprend, son orgueil a été touché et il veut se justifier en apportant des précisions, mais je l'écoute avec plaisir, au moins il me donne un peu de détail sur ce qu'il a essayé d'aborder. C'est déjà une bonne initiative de sa part que d'avoir voulu présenter cet aspect là à ses élèves, histoire de leur faire voir la vérité en face. Le patient n'est pas juste un mannequin avec du sang et quelques os brisés, il ressent des choses et son bien-être mental est tout aussi important que celui physique, certains médecins ont tendance à l'oublier, il ne faudrait pas que cela soit le cas de ces jeunes là.

- Je ne cherchais pas à vous discriminer, c'était simplement un peu de rigolade de ma part. Pourriez-vous me dire en bref ce que vous avez raconté aux élèves? Ainsi nous pourrions leur en faire un petit rappel avant de passer à autre chose. Votre proposition est très intéressante, nous pouvons évidemment lier nos deux domaines pour en faire un seul cour. Je suis ouvert à toute proposition que vous pourrez apporter et nous étudierons ensemble toutes les causes et conséquences qui résultent de ce qu'on pourra trouver en commun.

Cet exercice allait s'avérer être très intéressant, donner un cour qui mélange à la fois médicomagie et psychomagie. Il faudra trouver un problème qui résulte à réunir ces deux domaines là, que ce soit un sortilège, une potion ou un simple accident. En suite nous devrons étudier chaque aspect de la chose et voir ce qui peut en découler en fonction des soins apportés au patient, expliquer ce qui pourrai se passer si jamais l'aspect médicomagie ou l'aspect psychomagie venait à manquer à l'autre. Comment faire face aux potentielles aggravations et bien sûr comment soigner en toute tranquillité le patient.

Je m'en réjouissait déjà d'avance, toute ces réflexions et toutes ces possibilités qui se présentent à nous en mélangeant ces deux domaines. Je suis certain que cela va plaire aux élèves, en tout cas je ferai en sorte de les intéresser à ce cours et j'espère que mon collègue fera de même. Je n'ai encore jamais vu ses cours et je ne sais pas comment il s'y prend, mais moi j'ai bien l'intention de faire participer les élèves, les faire interagir en les mettant face au problème avec un certain temps donné, comme si ils étaient réellement en face d'un patient en phase critique.

- J'ai quelque chose à vous proposer, je ne sais pas comment vous faites vos cours, mais pourquoi ne pas faire participer les élèves? En instaurant par exemple une sorte de petit concours entre eux. On les sépare en deux groupes avec le même problème face aux yeux, le premier groupe qui arrive à résoudre le problème sans trop d'encombres remporte.... Je sais pas moi, quelque chose qui pourrai leur faire plaisir et ainsi les motiver à étudier si jamais ils ne gagnent pas pour réussir à gagner le concours suivant. Non?

Le Pr. Dewitt a dû sentir ta vexation, car il s’empresse de préciser quelques petites choses. Il n’avait pas voulu paraître condescendant. Bien sûr, personne ne le veut jamais. Ton esprit s’est habitué à discerner les fausses excuses des vraies, mais tu ne lui en tiens pourtant pas rigueur. Tu pourrais, tu l’as déjà fait. Ça fait même partie de tes défauts, en réalité, cette capacité à envoyer chier le premier venu simplement parce que tu ne le connais pas et que lui a dit un mot de trop. Tu es impitoyable quand tu veux bien, tu ne fais pas de cadeaux. Comme l’urgentiste que tu es, tu te fais un avis très rapidement et reviens très rarement dessus. Pourtant, ça t’es déjà arrivé de le faire. Avec de bonnes raisons, ou des enjeux qui dépassaient ta simple personne. Tu n’es pas aussi fier et égoïste que tu veux bien l’admettre.

Pour ce qui est du psychomage, tu préfères retenir ce qu’il dit ensuite. Se concentrer sur vos prochains cours est quelque chose de bien plus constructif que de démolir la moindre de ses paroles simplement parce que tu as appris à vivre en état d’alerte permanent et que tu suranalyses tout.

— Oh, on n’a pas eu le temps de faire grand-chose, le cours s’est déroulé un peu trop vite. J’ai exposé une situation, un patient avec une grave brûlure au bras, et bien évidemment paniqué. Je leur ai simplement demandé la première chose qu’ils feraient dans ce cas-là. On a surtout parlé des moyens de tranquilliser le patient pour le soigner correctement et dans les meilleures conditions.

Tu ne penses pas que ce soit quelque chose de très ancré dans la psychomagie, pas vraiment, mais c’est diablement important pour les médicomages. Tu t’attends maintenant à subir les remarques de ce professeur, tout en sachant que tu n’es pas en position de critiquer ses paroles. C’est lui le spécialiste, et pas toi. Si tu veux collaborer avec lui, pour le bien de tes étudiants, il va falloir que tu ravales cette fierté amère qui te colle au palais.

Tu lui proposes alors d’exposer ses idées. Une petite session sur une maladie qui lierait mental et physique, c’était intéressant, non ?

— Les faire travailler par deux ou trois fonctionne bien, je l’ai déjà fait. La plupart de mes étudiants sont très volontaires, et intelligents. Ils sont même un peu exigeants, alors il ne faudra pas hésiter à les remettre à leur place. Donc oui, la situation à résoudre en temps limité, je suis pour.

Tu souris, content de voir que vous allez sûrement arriver à quelque chose de concret. Et puis, en parlant d’étudiants, tu te souviens que tu en connais certains qui sont en psychomagie.

— D’ailleurs, je connais certains de vos étudiants. Skyler Thanatos est une ancienne connaissance, un jeune homme motivé même si un peu distrait. Et Jessica Summers. Un peu spéciale…

Tu ne diras pas que tu avais failli coucher avec la première et que si le premier te le demandais, tu hésiterais sûrement. Tu espères d’ailleurs que ta réputation ne t’a pas précédé… Pas que tu aies honte ce que tu es — ce que tu étais, maintenant que tu t’es “rangé” — mais ça pouvait rendre les choses très gênantes très rapidement.

25/02/2016

Je l'observe avec toujours le même sourire amical aux lèvres, levant ma tasse pour en boire une gorgée avant de me rappeler que le café dedans est froid depuis maintenant un moment, je ne fais alors que reposer tranquillement la tasse sur la table tout en écoutant ce que mon collègue est en train de me raconter. Il a simplement exposé le cas d'un patient brûlé, je vois, malheureusement les élèves n'ont fait que discuter de la façon de soigner les brûlures sans prendre en compte le traumatisme psychologique qu'il aurai pu avoir.

J'ai donc pas mal de boulot pour essayer de faire comprendre aux élèves qu'il ne faut pas seulement soigner, mais aussi rassurer le patient. Pour l'instant je ne vois pas vraiment comment leur expliquer clairement mais peut-être que cela me viendra pendant le cours, avec leurs questions auxquelles nous devrons bien évidemment répondre sans trop dévier du sujet.

Il semble être d'accord pour faire une sorte de petit concours entre les élèves. Apparemment ils aiment bien travailler en groupe, tant mieux, cela les aidera pour progresser dans leur carrière, ils seront tout le temps en contact avec d'autres professionnels et il faut qu'ils puissent travailler en équipe tout en étant sous pression.

- Vous les avez déjà fait travailler en groupe? C'est parfait. J'espère qu'ils s'entendent bien entre eux, ce sera quelque chose de crucial pour plus tard. Cependant j'aimerai casser les codes. Ils ont sûrement déjà leur petite préférences entre eux à vouloir se mettre plus avec un tel ou un tel, mais cette fois, nous allons établir les groupes sans leur laisser le choix. Nous allons leur imposer un groupe avec lequel ils ne se sentent pas forcément à l'aise pour justement voir leur facilité à s'adapter. Qu'en dites-vous?

Voilà tout le but de l'exercice que j'avais en tête. En plus de les exposer à une certaine pression avec le temps limité, rajouter à cela le fait qu'ils doivent évoluer avec des personnes un peu moins proche, voir des inconnu si jamais les élèves de nos classes ne se sont jamais croisés. Ils devraient alors établir un terrain d'entente avant de pouvoir travailler en toute tranquillité.

Il me dit en suite qu'il a déjà rencontré certains de mes élèves, tant mieux il ne sera pas dépaysé, tant que cela ne va pas poser de problèmes pour les cours, ça ne me dérange pas plus que ça. En même temps il est professeur depuis plus longtemps que moi et il doit connaître bien plus de monde, c'est assez logique.

- Vous connaissez donc quelques-uns de mes élèves, bien tant mieux. Tant que cela ne pose pas de problèmes pour les cours. Pour ce qui est du problème à leur exposer, j'ai une idée à vous proposer. Nous avons donc un patient qui a tenté de se suicider sans succès en sautant d'un pont, une fracture ouverte à la jambe, il était endormi durant le trajet mais viens de se réveiller sur le brancard. Et donc ils doivent trouver comment rassurer le patient tout en agissant vite pour qu'il ne perde pas tout son sang. Après l'opération il devra donc avoir un suivi strict pour éviter qu'il ne refasse une tentative de suicide juste après être sorti de l'établissement.

L’idée d’imposer les groupes aux étudiants te plaît, et tu te souviens de l’avoir déjà mise en place lors d’un cours ouvert à tous. Tu hoches la tête pour montrer à Dewitt que tu es tout à fait d’accord avec lui. Et plus encore, tu rajoutes quelque chose avec un petit sourire :

— Excellente idée. Autant les préparer à ce qui va leur tomber dessus : travailler en équipe avec des gens qu’on ne peut pas sentir, c’est monnaie courante dans la médicomagie. Je ne sais pas pour la psychomagie, cela dit… L’image du métier est un poil plus… solitaire.

Est-ce que le Pr. Dewitt avait plus l’habitude de travailler en solo ? Tu te poses la question, tu t’interroges sur les détails de ce métier qui te fascine et que tu aimerais presque apprendre toi aussi. Peut-être as-tu raté ta vocation de peu, car quand tu te retournes sur ton parcours, l’esprit humain et ses méandres sont partout, complexifiant la moindre de tes intéractions sociales. Tu crèves d’envie d’avoir les clés, d’en faire profiter ton entourage aussi, mais tu te lamentes de ta propre ignorance. Dans ce domaine, tu dois te rendre à l’évidence, tu es inutile.

Tu sirotes ton café en te demandant si le Pr. Dewitt allait tilter sur la mention d’étudiants que tu connais déjà. Apparemment non, et c’est tant mieux. Au moins n’auras-tu pas à répondre d’éventuelles accusations qui risqueraient bien d’être fondées. Il enchaîne rapidement avec l’étude de cas qui lui trotte dans la tête : tu soupires intérieurement, te disant que tu échappes, pour l’instant, à un interrogatoire en règle. Depuis Gilliam, tu as tendance à te méfier des psy autant que tu les admires pour le travail qu’ils font.

Le cas qu’il te présente te fait froncer les sourcils. Une tentative de suicide, combinant donc soins physiques et psychologiques. Pensif, tu tournes et retournes la scène dans ta tête, tout en parvenant rapidement à quelques solutions.

— Pour le sang, on a un sort qui est au programme des médicomages de première année, mais qu’on n’a pas encore abordé. Tôt ou tard, il faudra le faire, donc ça ne me gêne pas. Un bon médicomage aura aussi rapidement soigné la jambe du patient. Pour le reste, je ne vois pas trop comment on peut faire mais ça, c’est normal, c’est votre domaine. J’ai bon ?

Tu souris doucement en finissant ton café, reposant ensuite le mug vide sur une des tables basses. L’idée de travailler sur une tentative de suicide te trouble, tout de même. Tu ne sais pas si le sujet te gêne ou t’intéresse, alors tu te fais silencieux, pensif, comme si tu cherchais toi aussi un cas à présenter en cours.

25/02/2016

Visiblement il semble plutôt apprécier ma proposition de créer nous même les groupes, et sa réflexion ne fais que confirmer ce que je pensais déjà. Les faire entrer dans un monde inconnu où ils doivent apprendre à réagir vite et pas forcément avec des gens qu'ils apprécient, un travail qui pourrai en pousser certains à bout de nerfs, et c'est surtout ça que je voudrai aborder avec eux.

Cependant mon idée pour le cas de tentative de suicide semble le troubler à sa façon de réagir. Il m'explique donc que ses élèves auront rapidement soigné la jambe du patient, il n'a pas l'air d'avoir compris mon but dans cet exercice, peut-être me suis-je mal exprimé.

- Tout le but de l'exercice se trouve en fait sur ce point là. Je n'ai aucun doute sur les capacités d'un médicomage pour en avoir côtoyé. Cependant, j'aimerai là aussi corser les choses et je me suis peut-être mal exprimé dans ce que je voudrai leur faire travailler. Pour cet exercice, l'un ne doit pas aller sans l'autre, si seul l'aspect physique est soigné, le patient pourra sortir mais refera sans aucun doute une tentative de suicide qu'il réussira à coup sûr. Donc il faut faire travailler leur méninges, garder le patient un certain temps. Le choc de son accident plus les raisons qui l'ont poussés à faire sa tentative lui ont laissé un esprit en compote. Ils devront donc le rassurer sur son état, éviter les crises de paniques puis faire un suivi sur le plus long terme pour comprendre les raisons de sa tentative et y trouver des solutions.

J'espère avoir été plus clair. Je me suis un peu laissé emporté dans mon discours mais je ne voudrai pas que mon collègue loupe ma vision des choses là-dessus et oriente les élèves dans une direction qu'il ne faudrait surtout pas prendre. Je laisse tout de même un certain temps pour qu'il puisse assimiler tout ce que je viens de raconter, j'espère qu'il ne m'en voudra pas j'ai parfois tendance à me laisser aller quand je suis lancé sur un sujet comme celui-ci.

Il semble réfléchir, peut-être qu'il cherche lui aussi de son côté quelque chose à me proposer d'un peu moins brutal comme cas, même si pour moi c'est un très bon exemple. Les élèves doivent gérer deux problèmes en même temps, la jambe brisée et le choc psychologique qui pourrai créer un traumatisme. Bien sûr si il a une autre idée, je l'écouterai avec plaisir, nous sommes là pour discuter après tout.

Tu sors de ta rêverie pour écouter le psychomage. Apparemment, il pense que tu as mal compris. Peut-être est-ce le cas, après tout : toi aussi tu n’es pas formé en psychomagie et tu peux encore en apprendre… Seulement, il avait choisi une urgence, et après huit ans à travailler en tant qu’urgentiste, tu avais tes réflexes. Les explications de Dewitt te font prendre conscience qu’il voyait bien plus loin que ça dans son étude de cas. Tes sourcils se froncent de nouveau.

— Ils pourront toujours dire que le patient sera sûrement transféré dans un autre service. Tu verras, mes étudiants sont vraiment chiants et pointilleux, mais bon, on ne peut pas leur en vouloir.

Tu ne précises pas que toi aussi tu peux être infect avec eux. Tu es un professeur aux airs laxistes quand il s’agit de ponctualité en cours, mais quand il faut discuter de travail, de thèse ou faire de la pratique, tu te transformes en véritable diable du détail. La moindre petite chose te fait tiquer, et comme tu le fais souvent, tu suranalyses tout. Tu es guérisseur, et tu peux justifier ça en disant que la moindre erreur dans ton métier pouvait coûter une vie, mais dans le fond, tu te demandes si c’est bien sain comme trait de caractère. Tu n’as pas toujours été comme ça.

— Enfin, le cas pourrait être intéressant, en effet. De mon côté, je me disais que ce serait sympa d’aborder une maladie incurable ou fortement handicapante, le genre de chose qui va impacter autant le patient que son entourage.

Tu lances des idées en l’air, mais tu as bien du mal à les concrétiser. Tu te grattes la barbe en te levant machinalement de ton fauteuil, tournant et faisant les cent pas dans la salle des profs, comme si ça t’aiderait à réfléchir.

— On pourrait prendre un cas extrême, comme une maltraitance au Doloris ou à l’Amortentia, qui aurait laissé des séquelles non seulement au patient, mais à tout le monde aurait de lui ou d’elle. Vous croyez que ça peut se faire, ou est-ce que c’est trop compliqué ?

Ou trop hardcore, même si tu penses que Dewitt étant le genre d’homme à avoir comme première idée d’étude de cas un suicide, il ne doit pas reculer devant ce qui peut paraître choquant pour les autres. En tant que psychomage, il en avait sûrement vu des vertes et des pas mûres, un peu comme toi. Mais tu te demandes quand même ce qui est pire : la souffrance physique, ou psychique.

25/02/2016

Apparemment ses élèves vont chercher les petits détails, ou même la simplicité plutôt. Je veux vraiment les faire réfléchir, les pousser à trouver une solution eux-même et pas juste qu'ils envoient les charges à quelqu'un d'autre sous prétexte que ce n'est plus à eux de faire ce suivi. Il me propose autre chose, apparemment il voudrait aussi parler de ce que peut ressentir l'entourage à la suite de l'annonce d'un handicap ou autre.

- Vous ne pensez pas qu'une tentative de suicide affecterai l'entourage du patient? Il a voulu se donner la mort, je suis presque certain que cela affectera ses proches, une chose comme ça n'est pas anodine, mais nous pouvons aborder autre chose bien sûr.

Il commence alors à rentrer un peu plus dans les détails, il propose une maltraitance à l'Amortentia, pourquoi pas aussi, ça pourrait être intéressant, mais on s'éloigne de la blessure physique que je voudrai aussi inclure. Puis sa deuxième proposition me laisse pantois, j'ouvre de grands yeux emplis d'une frayeur que je n'avais pas ressentie depuis longtemps.

- Pas le Doloris!!

Cette phrase est alors sortie de ma bouche comme un hurlement, je venais de lui crier dessus sans m'en rendre compte. Un léger temps pour reprendre mes esprits puis je m'éclaircit la voix en laissant échapper une quinte de toux.

- Pardon.... Je veux dire... Le Doloris n'est peut-être pas approprié et, tout comme l'Amortentia, le trouble n'est que psychologique, il n'y a aucun effet physique qui nécessite des soins. Sauf si des blessures ont été infligées alors que la victime était soumise à l'Amortentia, mais je ne pense pas que cela mériterai un médicomage, si?

J'espère vraiment ne pas l'avoir effrayé. Ce sujet n'avait pas été abordé depuis longtemps et le souvenir douloureux que j'en garde n'est pas complètement parti. J'espère surtout qu'il ne sera pas trop curieux, je n'ai pas forcément envie de discuter de cela.

Tu ne sais pas comment aborder le sujet, mais tu sais qu’il vaudrait mieux le faire le plus vite possible. Après tout, tu as en face de toi un professionnel, non ? Tu ris doucement, intérieurement. Gilliam aussi était une professionnelle, ça ne l’a pas empêchée de faire n’importe quoi avec toi, ou avec ses autres patients. Le professeur Dewitt trouve tes arguments faibles, et c’est bien normal. Une tentative de suicide secoue également l’entourage du patient : tu ne peux nier qu’il a raison. Alors, tu t’enroules dans toute la mauvaise foi qu’il te reste.

— Encore faudrait-il qu’il ait un entourage qui s’inquiète. Parfois, l’entourage est la cause…

Tu te souviens d’un de tes patients, un jeune gamin du nom de Nathan. Putain tu as toujours du mal à te souvenir des prénoms, mais celui-là t’est resté gravé dans la mémoire, comme taillé au couteau dans le fond de ta tête. Tu l’avais sauvé, une première fois. La deuxième fois, il s’est assuré que tu ne pourrais rien faire. Tu clames souvent être capable de gérer ton empathie pour te protéger mais ce jour-là, tu te souviens avoir eu beaucoup de mal à le faire. Et c’était il y a six ans… Et puis, il y avait eu octobre 1988. Ça, tu préfères ne pas t’en souvenir.

Tu proposes donc d’autres cas, moins chargés pour toi, en glissant au détour de la conversation le mot ‘doloris’. Cette fois, c’est Dewitt qui réagit violemment, te faisant même sursauter au passage. Les yeux grands ouverts, tu le regardes, un peu dubitatif. Tu hésites à dire quelque chose, mais il se reprend, et argue que les cas que tu proposes sont intrinsèquement psychomagiques, et non médicomagiques. Gardant ton air perplexe, tu soupires.

— Vous n’avez pas tort… sauf s’il y a eu infection magique sexuellement transmissible. Ce serait un peu violent pour un premier cours commun, non ?

Oh, et maintenant que tu y penses…

— Il y a certaines maladies magiques qui ont un impact sur l’esprit, il me semble.

Ta voix s’éteint, comme si la discussion venait de perdre tout intérêt. Ton regard se détourne, et, avec un léger temps de retard, tu réalises à quel point tu as pu blesser ton collègue. Tu te forces à planter de nouveau tes prunelles noisette dans les siennes — tu remarques d’ailleurs que leur couleur est si belle qu’elle te semble irréelle — avant de t’excuser platement.

— Et je vous demande pardon pour tout à l’heure, pour l’évocation de…

Tu ne vas pas faire l’erreur de le redire une seconde fois, tout de même !

— À vrai dire, je préférerais éviter d’évoquer une tentative de suicide en cours. Sûrement… pour les mêmes raisons.

Tu te fais évasif, tu commences à parler par énigmes, mais tes yeux ne quittent pas ceux du professeur Dewitt. Tu te targues d’être à l’aise sur tous les sujets, mais ce n’est clairement pas le cas, et tu n’as pas vraiment envie de plancher sur une étude de cas avec un écho aussi fort. Pas sans le connaître un peu plus, du moins.

25/02/2016

Visiblement il cherche les petits détails et ce n'est pas pour me déplaire, j'aime bien les gens qui poussent leur réflexions jusqu'au bout. Il me dit que l'entourage d'une personne peut aussi être la cause d'un suicide, c'est vrai aussi.

Ma réaction l'a fait sursauter, en même temps, moi non plus je ne pensais pas réagir comme ça après autant de temps, je pensais avoir réussi à passer outre cette partie de mon histoire mais visiblement ce n'est pas le cas et il me reste encore quelques problèmes liés à cela. Il va vraiment falloir que je me concentre un peu mieux pour ne pas reproduire cette réaction devant les élèves.

- En effet certaines maladies ont un impact psychologique, rien qu'un sortilège de crache-limace pourrai affecter un jeune enfant. Il y a sans doute bien plus de maladies magiques existantes, il faudrait faire quelques recherches.

Il s'excuse pour avoir mentionné l'usage du Doloris, ce serai plus à moi de m'excuser pour avoir réagi comme ça. Il ne connais pas mon passé et ne pouvais pas deviner que j'ai un dégoût certain pour les utilisateurs de ce sort.

- Non, c'est moi qui suis navré, vous ne pouviez pas savoir et ma réaction a été un peu trop brutale.

Au fond de moi j'espère qu'il ne posera pas trop de questions mais je pense que c'est mal parti pour que nous puissions continuer à discuter des cours comme si de rien n'était. Son refus d'aborder les tentatives de suicide le preuve, cette discussion entre collègue va lentement devenir une conversation un peu plus privée. Je ne suis pas certain que cet endroit soit le mieux choisit pour cela mais apparemment nous n'allons pas bouger de si tôt.

- Je... Pourrai-je savoir les raisons de votre refus? Bien sûr, je vous dirai aussi la raison pour laquelle j'ai réagi comme ça. Cela nous donnera l'occasion de nous connaître un peu mieux. Vu que nous allons travailler souvent ensemble, autant savoir quel chemins nous pourrons emprunter sans brusquer l'autre. Enfin, si vous êtes d'accord évidemment.

Je ne vais pas non plus lui forcer la main. Si il ne désire pas s'expliquer sur ce sujet alors nous parlerons d'autre chose, de quoi je ne sais pas, mais il faudra bien trouver pour éviter de jeter un froid alors que nous commençons à peine à nous côtoyer. Je pense être prêt à discuter de ce qu'il m'est arrivé et surtout, ce qui a fait que je suis devenu psychomage. J'espère simplement qu'un autre professeur ne rentrera pas dans la pièce entre temps.

Votre réflexion avance doucement mais sûrement, prenant des tours et des détours inattendus à la fois pour toi, mais aussi pour lui. À la mention du Doloris, le professeur Dewitt se rétracte comme une huître dans sa coquille, comme si tu venais de lui jeter le sort lui-même. Apparemment, il n’y a pas que toi qui as des cadavres dans le placard. Enfin, même si toi, on approche plus du cimetière à Narnia. Tu ne réponds rien à propos des maladies sur lesquelles il faudrait faire des recherches : tu hoches silencieusement la tête. Il n’y a pas grand-chose à dire de plus, non ? Quant à l’exclamation de James, tu secoues rapidement la tête en souriant, cherchant à le rassurer.

— Vous n’avez pas à vous excuser de votre réaction. Je… me montrerai plus délicat à l’avenir.

Tu peux arguer que ta propre réaction à la mention d’un suicide avait été particulière aussi, mais tu n’avais pas réagi aussi violemment, preuve que ça ne devait pas te toucher autant que ça le touchait lui. Pas la peine d’en rajouter une couche, surtout si c’était pour se lancer un concours des pires malheurs.

Mais c’est sans compter le psychomage, prenant le pas sur le professeur. Il est curieux, peut-être même inquiet et il te demande de but en blanc pourquoi tu préférerais éviter d’en parler. Une myriade de mensonges éculés te passent par la tête en moins d’une demi-seconde, avec dans le lot, la vérité. Mais non, tu n’es pas habitué à dire la vérité, surtout l’une des seules vérités n’étant connue que de Neal, ton frère. Même Clemens l’ignorait. Tu ne pouvais pas lui faire ça, malgré toutes les bonnes intentions de Dewitt. Très rapidement, tu te décides pour une version édulcorée, mais pas inexacte pour autant.

— Oui, je comprends… C’est juste que j’ai toujours eu une sensibilité particulière à ce niveau-là. Soigner les blessures physiques de quelqu’un en ne sachant pas pourquoi il ou elle s’est infligé ça… Ou pire. Le savoir. Avoir compris que c’était la pression et/ou l’ignorance familiale qui les poussait à une telle extrémité…

Tu soupires. Tu n’as même pas besoin de jouer, de mentir.

— Je peux sauver les gens d’une maladie ou d’une autre personne, mais comment on peut sauver quelqu’un de lui-même ?

Parce que c’était ça, le cœur du problème, non ?