Come to the Dark Side, we have Vodka - Feat Mara Kvelgen

28/12/2015

L’alcool coulait dans ses veines, remplaçant peu à peu les dernières globules par le sang incolore des Russes. Plus il se noyait et plus ses origines refaisaient surface. Il s’exclamait même dans un russe mâché, craché comme une bouillie. « Ia.. rajou.. oubit.. » bredouillait le sorcier en dansant entre les racines noueuses de la forêt interdite.

Un piège le fit tourner sur lui-même, se lancer dans un pas de danse technique, qui fit s’envoler quelques minces filets en dehors du goulot. « Aï.. Si durement glanée, si facilement envolée. » murmura-t-il sans articuler. La lune se reflétait dans sa bouteille et envoyait des reflets opalins se nicher sur les huit billes qui l’observaient. Il s’avança un peu, tituba beaucoup, jusqu’à ce que son pied ne s’enfonce dans une sorte de rocher clair et visqueux. Le Russe échappa un juron et secoua sa botte. « Pank.. » souffla-t-il tandis qu’un frisson courait le long de sa colonne vertébrale.

Ses instincts, sauvages, reprirent le dessus en s’alliant au coton qui garnissait ses membres. Si certains moines excellaient dans l’art du combat alcoolisé, un sorcier qui ne possédait pas toutes ses facultés n’était rien. Il le savait, totalement, irrémédiablement. Il était en terrain connu. Si bien que le feu, sous sa peau, revenait lécher sa chair sans qu’il puisse ne rien faire. Sa précieuse bouteille dans une main, sa baguette dans l’autre, il n’avait pas le loisir de creuser sa peau jusqu’au sang. Néanmoins, à travers les brumes, son pouvoir grondait. Il voyait la lumière, éblouissante, au creux de son être et il savait comment l’activer. C’était une habitude.

Il fit un pas en arrière, écrasant au passage un autre oeuf laiteux, ce qui fit s’agiter un corps immense derrière les broussailles. Les cliquetis raisonnèrent et il but encore, à grandes rasades. « Ia rajou vidiet tibia.. pank.. » gronda le sorcier de sa voix grave, sourde. Un son de caverne qui appela la créature velue. Les cliquetis s’intensifièrent lorsqu’elle daigna enfin dévoiler ses longues pattes et mandibules. Le venin, acide, dégoulinait de son corps prêt à l’assaut. La chasseuse était de sortie et elle le voulait, lui.

« Acromantula.. » fit-il, en écartant les bras, comme pour la recueillir contre lui. Tout humain, sorcier ou moldu, sain d’esprit aurait fuit dès les premiers signes annonciateurs. Mais pas lui. Non. Il l’observait d’un oeil avisé, calculateur. Encore une gorgée avant qu’il ne pose sa précieuse contre le tronc d’un arbre. Finalement, quand la bête sortit toute entière du feuillage, il fut déçu. Elle était plus petite que prévu, bien moins âgée mais un adversaire complet tout de même. Ses pattes s’agitèrent et elle commença à avancer alors qu’il restait stoïque. Enfin, c’était un grand mot puisqu’il tanguait, balloté par un vent pourtant inexistant.

La bête, sur son terrain, attaqua alors avec célérité. Miroslav bondit sur le côté, tel un toréador au sommet de son art. Mais l’araignée avait prévu cette parade tant est si bien que Miroslav eut l’amère déception de découvrir que ses jambes étaient prises dans une toile parfaitement dissimulée. « Et merde.. » Il essaya de bouger mais ne le pu. L’acromentule sembla rire derrière ses cliquetis. Elle aurait pu, vraiment, tant la situation était risible. Ses pattes l’amenèrent plus près de lui, il essaya de se défaire ; conquérante et lui défait. La main encore libre, il eut le temps d’affermir sa prise avant de lancer un Arania Exumai sur la créature. Une intense lumière bleutée se jeta sur l’agresseur et l’envoya au loin.

Il était passé à un cheveux d'une blessure qui aurait pu être pour le moins handicapante. Cela avait été simple, finalement, peut-être un peu trop. Ce devait être une jeune ou une vieille.. Bah.. Il se libéra de l'emprise par un sort lancé d'un geste sec qui le fit basculer en avant, sa bouche rencontrant l'éteinte aiguisée d'une roche et y laissa une empreinte carmin. Quel imbécile.

Miroslav se releva et s'échoua contre un arbre, sa bouteille de nouveau entre les lèvres.

Nuit sans lune, dis, pourquoi ne pouvait-elle s'endormir ? Pourquoi ses yeux ne se ferment-ils pas quand tu recouvres le monde de tes grands bras ? C'était pas comme si elle était pas fatiguée. Usée même, par la rage, par le feu qui l'animait. Dis, nuit sans sommeil, où peut-elle trouver le repos ? Elle n'aura pas la patience de le chercher. Ni de l'acquérir, d'ailleurs. Mara voulait tout. Tout, tout de suite. Et surtout ce qu'elle ne pouvait pas avoir. Quoi de plus attrayant, que l'interdit, n'est-ce-pas ? Rien ; c'est bien ce que je dis. Maintenant chut, cessez de m'interrompre sans arrêt. Je narre moi, messieurs dames !

Désert de présence dans la salle commune des Aigles. Normal, il était quasiment deux heures du mat '. Le château tout entier était rythmé par les respirations, ronflements et couinements des gentils élèves bien rangés dans leurs lits. Comme des pions dans un jeu d'échec. Kvelgen avait décidé de ne pas être pion. Elle voulait plus qu'on tire les ficelles à sa place, non, elle avait assez donné. A la fois le marionnettiste et le pantin. L'ultime maîtrise de tout et de rien, mais surtout d'elle-même. C'est-à-dire pas grand chose, finalement. Sigh. Même pendant son moment préféré de la journée -à savoir, la nuit-, elle arrivait à déprimer. Pourtant, personne pour l'emmerder, pas de cours, pas de magie... Juste le néant absolu des heures tardives sur la route du futur. Quelle horreur. Elle releva le nez vers les grandes fenêtres style gothique. Paupières closes une demi-seconde. Une brise imaginaire et glacée courut dans la pièce. D'un coup, ce besoin incompréhensible de se retrouver dehors. Besoin primaire de redevenir ce qu'elle n'avait jamais été ; une bête galopant à s'en décoller la plèvre. Chair de poule progressive dans tout son épiderme. De la naissance de sa nuque, jusqu'à ses chevilles. Brrr. L'instinct était trop fort, elle chopa son blouson en cuir, et sa baguette. Au cas où.

Putain, elle avait faillit se faire choper au moins vingt fois. Au moins. Entre les fantômes qui rôdaient et les chiens de gar... Hem. Les préfets, je voulais dire les préfets. Mais c'était sans compter sur l'agilité reptilienne de notre Mara. Rien que pour cette prouesse d'évasion, elle aurait du être envoyée chez Salazar. Héhé. Sur cette bonne blague, elle se faufila sans un bruit jusqu'au parc. Là, le vent glacé la happa comme un coup de fouet. Clac. Vibrante telle un animal découvrant un nouveau territoire, elle marchait à pas étouffés dans l'herbe. Ses yeux virevoltaient à droite, à gauche, devant. Parfois, la blonde se retournait, se sentant observée par les mille et unes présences nocturnes. C'est pas qu'ils étaient pas là, c'est qu'elle pouvait pas les voir. Ses jambes la guidèrent -inconsciemment ou non- la menèrent jusqu'à la bordure de la Forêt Interdite. Et comme elle portait bien son nom, ça lui donna une furieuse envie d'y pénétrer. Juste comme ça, juste pour voir. Pour pouvoir dire « j'y étais ». Son regard se perdait dans le vide obscur des arbres étroits, de l'immense masse monochrome. Elle sentait, elle savait que des créatures rôdaient là-dedans. Dangereuses et mortelles créatures. Le même foutu frisson que dans la salle commune. Le même qui lui murmurait de foncer, au creux de l'oreille. Fonce, si t'es cap.

Les mains dans les poches, Mara marcha en silence à travers les racines, les épines de conifères. Piétinant solennellement sur le territoire des habitants des bois. Alors elle se mit à lister tous les machins qu'elle pourrait -éventuellement- avoir le plaisir de rencontrer. Loups, Centaures, Acromentules, spectres, Pitiponk... Au loin, un immense jet de lumière bleu déchira les ténèbres, accompagné d'un léger grondement sourd. Sans s'en rendre compte, l'Aigle s'était figée sur place. Stupeur et tremblements. A ce stade-là de l'aventure, n'importe qui aurait normalement rebroussé chemin. Enfin, n'importe qui... Les froussards et les abrutis. Y avait un truc intéressant qui se passait là-bas, pas loin. Puis maintenant qu'elle était là, autant qu'elle fasse quelque chose de vraiment stimulant. En avant pour la stimulation, c'est tout droit. Fallait pas déconner, y avait un minimum de prudence à appliquer. Pour se donner une contenance, elle dégaina sa baguette. Réfléchis ; même les créatures les plus glauques font pas de lumière bleue. Alors, quoi ? Un con de sorcier, à tout les coups. Bingo. Pff... Sans déconner. Elle pensait tomber sur le modèle incarné du badass ; c'était tout l'inverse. Un mec, vu la carrure, adossé contre un tronc d'arbre, en train de siroter une boisson quelconque. Mais certainement pas du jus de citrouille. Dubitative, voire déçue, Mara s'approcha de lui, et s'agenouilla. Sans pression, la gamine.

« - Eh... Ca va ? Tu fous quoi ici ? Sa voix rauque troubla le calme. Dans la pénombre, elle vit briller le sang sur ses lèvres. Sourcils arqués, sa voix résonna à nouveau. Eh mais t'es amoché, là... Attends, tiens. » Comme il ne prenait pas le mouchoir qu'elle lui tendait, elle le pressa doucement contre la plaie. Il puait l'alcool. On n'avait rien fait de mieux depuis l'instinct maternel, hein ?

28/12/2015

La chaleur qui couvait sous sa peau, à l’intérieur même de sa chair, s’était déplacée à ses lèvres où logeaient ses entailles. La sensation, connue, le faisait sourire. Pour une fois, il n’avait à se concentrer que sur un ou deux points bien précis au lieu de tout son corps. La simplicité était belle, facile et entrainante. Il sentait gonfler ses lèvres, sa peau se reformer, l’alcool lécher et enflammer de plus belle ses coupures. La douleur, concentrée, avait quelque chose de réconfortant. Le con de sorcier n’arrêtait donc pas d’alimenter son organisme de vodka dans des gestes mécaniques et successifs.

Ce fut là qu’une frêle demoiselle apparut, comme recrachée de la forêt. Car oui, elle n’appartenait pas aux ténèbres, elle, blonde incandescente. Il la laissa s’avancer, tout en l’observant du coin de l’oeil, méfiant et attentif. Il ne chercha pas à savoir pourquoi elle était là, de toute façon, il s’en fichait royalement. Ou Tsaralement. Quand elle parla, il émit un bruit pouvant s’approcher d’un grognement. Les deux fois. Le grognement s’était même intensifié quand elle lui proposa son aide. Mais de quoi se mêlait-elle celle-la ? Malhabile, il repoussa sa main mais la demoiselle fut plus rapide et le mouchoir se posa sur sa bouche.

« Mais putain.. qu’est-ce que tu fous ? T’as pas mieux à faire que de trainer dans.. » Il décrocha son regard d’elle pour observer les alentours. « On est où là, d’ailleurs ? » Son accent russe était bien présent, voir peut-être même accentué par l’alcool. « Bah, de toute façon, ça m’est totalement égal. T’en veux ? » Demanda-t-il en tendant sa bouteille, presque vide, de ce que la Russie faisait de mieux, après les tyrans.

L’âge qu’elle avait ? L’origine de sa présence ? Son appartenance à un clan ? Si son acte était ou non contraire à ses fonctions de professeur ? Tout cela ne lui était même pas venu à l’esprit. Elle, lui, ils étaient là, c’était écrit, peut-être prévu, mais c’était l’instant présent et il n’y avait pas plus à dire.

« Y’avait.. une acromentule, petite fille. » marmonna le tout nouveau professeur. Il s’appuya alors d’une main contre le tronc, l’autre maintenant le mouchoir contre sa lèvre mâchée, et se mit debout petit à petit. Il était grand, très grand et d’un important gabarit. Sa chemise de moldu mettait ainsi en valeur son corps de sportif, même si elle était froissée, pleine de terre, feuillages et de quelques gouttes de sang. Bien stable sur ses deux pieds, il se rendit alors compte que sa baguette était à terre, oubliée. « Ah.. viens-là, ma jolie. » fit-il avant de ranger sa baguette dans la poche arrière de son jean.

« Alors, fillette, tu restes là comme une gourde ou tu viens explorer avec moi ? » Il tanguait, le sorcier, mais son regard informait quiconque qu’il ne fallait pas s’y arrêter. Il y avait un éclat explosif dans ses yeux qui pouvait rendre mal à l’aise par cette impression de dangerosité et de folie.

Le gaillard sembla revenir à ses esprits, avec véhémence. Il s'apprêtait sans doute à la sermonner de sa présence en dehors de son dortoir. Merde, manquerait plus que ce soit un prof' qu'elle aurait pas reconnu... Le comble, tout ça pour rien. En fin de compte, il savait même pas où il avait échoué. Épave. Soulagement intérieur, elle pouvait se détendre. Muette devant ce modèle de déchéance alcoolisé, Mara observait. Une dizaine de questions se bousculaient dans sa caboche. Qui il était, pourquoi, comment, où, quoi ? Mais la notion d'un danger probable muselait sa curiosité. L'addition était simple ; un sorcier adulte + alcool + baguette magique = toutes sortes de choses. Et pas forcément positives. Pour l'instant, valait mieux pas le froisser, voir où ça la menait. Un bref air surpris se peignit sur son visage quand il lui tendit sa bouteille. De la destruction liquide. Cap ou pas cap, cette fois ?

Cap. Sans rien dire, sa main pâle attrapa la vodka, qui glissa doucement dans sa gorge. Le breuvage brûlait tout sur son passage, comme un Feudeymon miniature. Heureusement qu'ils étaient dans le noir, sinon il aurait vu sa grimace de dégoût crispé. Pour faire passer sa soudaine nausée, l'Aigle avala encore une bonne gorgée. Combattre le mal par le mal. Puis elle voulait pas passer pour une idiote devant lui. Demandez pas pourquoi, elle saurait pas vous répondre. Sa fierté menait la barque. Les molécules filtraient dans son sang, et jusqu'à son cerveau. Une douce chaleur se répandit dans ses muscles. Détendue, qu'elle était. Son sérieux revint un peu quand il lui lâcha qu'une Acromentule était passée par là. Hm, c'était pour ça, l'éclair bleu ? Elle s'était trompée sur le compte de ce type avec un accent bizarre. C'était un vrai foutu badass.

Il se déplia de sa position assise, grandissant, impressionnant de stature. Mara devait limite pencher la tête en arrière pour le regarder dans les yeux. Fallait dire que c'était pas bien dur d'être plus grand qu'elle. Le voir comme ça, si imposant, ça lui filait presque le tournis. On n'avait pas idée d'être foutu comme une montagne ! Aucun mot était sorti de sa bouche jusque-là, et ça lui intimait l'envie de pas changer de fréquence. Putain, il aurait pu la broyer d'une seule main. Chair de poule sur son épiderme, comme une envie de tester. Une expérience de plus, sur la condition humaine. C'était comme un déclic dans sa tête ; la soirée allait peut-être devenir intéressante. Sans broncher, elle attendit qu'il récupère sa baguette. On aurait pu appeler ce moment "L'une des nombreuses contemplations de Mara, ch. I". Finalement, la bouche pâteuse, il lui proposa d'aller découvrir du pays. Enfin, de la forêt. Dans un sourire approbateur, légèrement abrutie par l'alcool, elle passa devant lui en guise d'approbation. La soirée était décidément en train de devenir intéressante.

Leurs pas glissaient sur les feuilles mortes, prévenant à l'avance les rôdeurs de la nuit de leur passage. Du coin de l'oeil, elle ne pouvait s'empêcher de le regarder. Et les mêmes questions revenaient la tarauder. Elle voulait en apprendre plus sur lui, y avait comme un truc qui la fascinait. Comme un mystère à résoudre. Se jetant sur son courage passager, elle lui reprit la bouteille des mains, but une lampée, et enchaîna :

« Bon, vu qu'on est partis pour traîner quelques heures ici, autant meubler le silence. Moi j'm'appelle Mara, j'suis à Serdaigle. Dernière année, ouais. Et toi, t'es qui ? »

Ses yeux de givre se posèrent sur sa blessure. C'était pas joli-joli. Tout à coup, une de ces envies subites et étranges l'envahit. Une envie initiée par le mélange alcool-sang. Un peu brusquement, elle se posta devant lui, et se hissa sur la pointe des pieds. Ses mains avaient encadrées son visage, et elle regardait la plaie. Avidement. Ou peut-être qu'elle regardait ses lèvres, tout simplement.

28/12/2015

Du coin de l’oeil, il avait observé la décadence qu’il avait provoqué. La lumière s’était faite absorber aussi rapidement qu’elle était apparue dans son champs de vision. Mais la demoiselle avait une belle descente, digne d’une petite Russe, même si les rares reflets de la lune avaient mis l’accent sur les contorsions de son visage.. un chaos en devenir.

Il l’avait suivi du regard, examinant sa démarche et sa posture, quand elle passa devant lui. Quelques secondes lui avaient permis de considérer ses points faibles, ses manières et ses habitudes. Ses jambes manquaient de puissance, sa main n’était pas précise, ni ses gestes. Elle avait une nonchalance, un quelque chose qui la rendait extérieure, non ancrée dans le monde.. celui qu’il connaissait. Il sentait que l’alcool abrutissait ses sens, il le voyait aussi. Il imaginait ses muscles se tendre, souffrir à ses pas sur le sol et anticipait l’endroit qu’elle allait choisir pour poser ses pieds. Elle était bruyante, naïve et cela le faisait grogner. Parce que oui, si elle tendait l’oreille, elle se rendrait compte qu’il n’y avait que ses pas pour avertir la population nocturne. Lui, était aussi silencieux qu’un félin.

Miroslav la fixait toujours, soutenant son regard quand leurs prunelles s’entremêlaient. « Tu m’as pris pour ton journal intime ? Mara, Serdaigle, dernière année, comme si cela m’intéressait.. Tu comptes me raconter tes problèmes existentiels sur qui à regardé qui à la récré ? » Il haussa un sourcil et détourna, enfin, le regard pour laisser celui-ci filer vers l’horizon. Il gouta le silence et passa une main, brûlante, dans ses cheveux pour chasser ses mèches à l’arrière de son crâne.

Quand elle lui fit barrage, il ne put que s’arrêter et baisser les yeux sur elle. « Quoi ? » Elle était dangereusement proche de lui, si proche, qu’elle décuplait le feu brûlant en lui, multipliait ses démangeaisons. Il eut alors des envies brutales, violentes, de la serrer et l’envoyer s’écraser contre un arbre. Ecouter ses os craquer et se fendre. Se délecter du sang qui coulerait..

Sa respiration s’accéléra quand elle prit son visage entre ses mains. Il combattait vivement le déferlement de sauvagerie qui faisait chanceler sa raison. Personne ne s’approchait aussi près de lui. Personne à part cette petite Serdaigle, ce petit bout de femme qui semblait hors du temps.

Acéré, aigu, ses yeux étaient des dagues qui lacéraient son âme. « Ose. » lui souffla-t-il en avançant son visage vers elle. Il la mettait au défi de pousser son petit jeu plus loin, tout en la mettant en garde. Si elle était passé à côté de sa folie quelques minutes plus tôt, celle-ci criait dans ses prunelles. Fuyez, pauvres fous. Court, pauvre folle.

Maintenant qu'elle était si proche de lui, elle regrettait. Quelques instant avant, elle se sermonnait intérieurement pour pas le contrarier. Pour pas faire quelque chose de stupide. Et voilà qu'elle s'était interposée. Un petit obstacle vivant et délectable sur son chemin. Mara ne s'était jamais sentie aussi inconsciente. C'était comme s'approcher tout au bord d'un gouffre sans fond. Le danger était là, palpable, réel. Mais l'instinct nous hurlait de sauter. Comme ça, juste pour voir. Pétrifiée par ce colosse sorti des ombres, elle le regardait. Plutôt, ses yeux trempaient dans les siens. La petite blonde était hypnotisée. Il dégageait une violence qui l'avait enveloppée toute entière. Elle résonnait en elle. Écho infini. Mais sauve-toi, idiote, reste pas là. Son corps refusait d'obéir. Ce soir, elle flirtait avec la Mort.

En plus, il la défiait. Pour qui il la prenait, hein ? Mais à trop convoiter, on finit par avoir peur de posséder. C'était précisément ce qu'il se passait. L'Aigle se sentait si petite, si faible, si rien, par rapport à lui. Écrasée. Tout en lui suintait la supériorité. De son indifférence surjouée jusqu'à sa carrure de titan. Jamais personne n'avait réussit à dompter la Kvelgen, à part son aînée. Jamais personne ne l'avait autant impressionnée. Son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine qu'elle flippait qu'il l'entende. Ou carrément que l'organe vital saute de lui-même hors de la cage thoracique. Les joues fiévreuses, elle pencha sa bouche pâle sur la sienne. Et tant pis si il abattait son courroux sur elle. Elle demandait pas mieux.

Le goût ferreux du sang se répandit sur sa langue. Ce baiser brusque, sans tendresse, parut durer une éternité. Son esprit était brumeux, elle ressentait tellement de trucs contradictoires à la fois. La peur de sa réaction, l'excitation électrique de son geste. Le désir d'entrer dans son monde, de l'apprivoiser et de le comprendre. Pendant une demi seconde, elle se demanda si c'était pas un rêve. Parce qu'elle faisait souvent des rêves hyper précis. La jeune fille recula de quelques pas. Elle passa ses doigts sur sa bouche. La texture poisseuse du sang la fit tiquer. Un éclair argenté de l'astre lunaire illumina son visage. Le liquide rouge lui déformait le visage. C'était comme une cascade de grenats à ses lèvres. L'illustration de la monstruosité sur un masque d'innocence.

« - J'ai osé. Quoi, maintenant ? » lança-t-elle, en écartant les bras. Elle était vraiment tarée. Mais que voulez-vous, elle pouvait pas s'en empêchait. Et l'alcool aidait, aussi.