We be burning

L’année touchait presque à sa fin. L’heure approchait, cette heure à laquelle William allait devoir passer dans la meule des ASPICs. Will détestait les examens presque autant que tout le reste du système éducatif. Il était persuadé qu’il allait se foirer sur toute la ligne, qu’il n’aurait aucun de ses examens, et qu’il allait devoir redoubler. Peut-être qu’il aurait dû prendre Divination en option, en fait.

Du coup, pour décompresser, il faisait deux fois plus de sport que d’habitude, et d’habitude il en faisait déjà énormément. Tout son samedi aura été consacré à courir, faire des pompes, courir un peu plus, s’hydrater avant de courir encore un peu, faire des tractions, encore un peu de pompes… Certains se saoulaient avec de l’alcool, lui c’était aux endorphines. C’était presque comme s’il essayait de s’assommer à force d’user son corps, comme s’il testait ses limites. Et il devait avoir un problème, car lorsqu’il rentra dans sa salle commune après plusieurs heures à s’agiter sans manger, il n’avait pas sommeil. Il était même plutôt de bonne humeur.

Souriant, il se mit à fredonner un air avant de se mettre à danser seul, sans musique. C’était un spectacle pas si étonnant dans la salle commune des Poufsouffles, sauf qu’il s’agissait de Will et que ce n’était généralement pas son genre. Plutôt effacé, discret et réservé, il affichait souvent une mine sombre et lugubre, un peu celle de l’adolescent qui n’avait aucun avenir. Il était toujours convaincu qu’il n’avait pas de futur, mais s’être défoulé avait anesthésié cette partie de lui.

Tout le monde n’allait pas aussi bien — ou aussi mal — que lui. Il avait beau fredonner joyeusement, il ne put s’empêcher de remarquer l’expression éteinte d’un de ses potes. Et ce n’était pas parce qu’il était incapable de régler ses propres problèmes qu’il ne pouvait pas aider ses potes. Se calmant un peu, il s’approcha d’Aaron et abaissa la capuche de son sweat shirt qu’il s’était amusée à mettre un peu plus tôt.

— Hé ben, c’est pas la grande forme on dirait !

Oh, Aaron n’était pas le seul à avoir le cafard… Disons que chacun avait sa façon de le camoufler. À vrai dire, William avait été si occupé à se regarder le nombril pour cacher ses propres soucis qu’il en avait oublié ses amis. Il n’était pas aussi seul qu’il le pensait et… S’il pouvait être utile alors, il ferait tout pour aider ses potes. Son pote.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

Il pouvait bien le lui dire, non ? Will n’était pas connu pour être une commère, bien au contraire. Et puis, il avait deux ans de plus, la sagesse & l’ancienneté et toutes ces conneries… Au pire, Aaron ne lui dirait rien et il continuerait à chanter en lui demandant s’il ne voulait pas danser avec lui. Étrange qu’il soit de si bonne humeur, lui qui était au 36e sous-sol la veille à peine.

Les larmes avaient depuis peu cessé de couler, tandis que le maigre corps du sable & or était affalé à côté de son lit, la tête reposant sur ses bras & le genoux ramenés vers son torse ─ statique. Un regard éteint. Se sentant affreusement trahi, en vérité.
Ses mots, notés d'une plume aussi soignée & élégante qu'auparavant, l'avaient autant blessé que si elle avait été en face de lui pour lui révéler ces paroles d'une lâcheté sans égale. Crachés avec amertume ─ avec dégoût. Alors il était finalement sorti de sa taverne, se dirigeant d'un pas las vers la salle commune des Poufsouffles, souhaitant sûrement y trouver un peu de réconfort, parce qu'il ne devait pas rester tout seul. Voir du monde lui ferait du bien. Pourtant, il s'était abstenu de participer aux festivités de McPhee ; faire la fête ne lui disait rien. Peut-être parce qu'il savait qu'elle serait là. Probablement. Certainement.

Désormais avachi dans le canapé, faisant face à la cheminée éteinte, encore remplie de cendres sombres en ce mois de juin, il fixait un point au hasard ─ les BUSEs n'étaient plus d'actualité, alors se changer les idées en essayant du mieux qu'il le pouvait de réviser, n'avait même pas effleurer son esprit encombré de pensées hostiles.

Parce que malgré tout, ce n'était pas lui le fautif ; il ne l'avait pas abandonnée ; ne s'était pas non plus rendu dans l'effrayante forêt dans l'espoir de tripoter Blaise ; ne comptait pas rejoindre ce côté-là, et encore moins prendre part à cette guerre inutile.
La grande & majestueuse Alycia Mcwood. Le fait de penser à son nom le fit doucement tressaillir, tandis que sa lettre raisonnait en boucle dans son crâne, tel un disque rayé. Mais que l'on ne souhaite pas pour autant arrêter ─ ou qu'on ne peut pas stopper. Il tentait à nouveau de chasser sa conscience obscure ; cette plume, qu'allait-il en faire ? Aaron n'avait toujours pas trouvé le bon moment pour lui offrir. A quoi bon. Apparemment, il n'y en aurait plus.

Le sorcier n'entendit qu'à peine le sifflotement joyeux de Sharen, dansant seul au milieu de la pièce ;un événement carrément étonnant quand on connaissait le ton maussade & la mine cafardeuse habituels du septième année. Pas désagréable pour autant. Sa remarque sarcastique tira un léger sourire à Aaron, qui posa lentement ses iris chagrinés sur sa silhouette ; faisant un peu zombie sur les bords, tout de même. Il n'avait rien avalé depuis hier matin, et ne s'était quasiment pas reposé. Étant resté cloisonné dans son dortoir. Faiblement.

« Elle m'a largué. » lâcha-t-il alors, pas besoin de passer par trente-six chemins. Il détourna rapidement le regard, sentant finalement son chagrin remonter comme une flèche à la surface.

Putain, ça faisait mal.