Lendemain de veille [Hope]

Les évènements des jours précédents avaient été particulièrement éprouvants pour Hope. Plus encore, tout s'était succédé à une vitesse hallucinante, si bien qu'elle ne parvenait pas à gérer convenablement ses émotions. La journée elle tentait de se confectionner un masque agréable, lisse, exempt de toute tristesse. Elle avait pris la décision de s'impliquer autant qu'il lui était possible de le faire à Sainte Mangouste. Elle ne faisait pas énormément de choses, bien sûr - elle apportait quelques repas, tenait compagnie aux patients pendant leur sortie quotidienne dans le parc, leur faisait un peu de lecture... -  Polie et courtoise comme elle savait si bien l'être, jamais une once de tristesse n'était perceptible. L'espace de quelques heures elle oubliait totalement les malheurs qu'elle avait vécus et échappait alors à son douloureux quotidien. Mais le soir venu, alors qu'elle passait à peine les grandes portes de l'hôpital, tout semblait s'évaporer, comme s'il lui était impossible de poursuivre ses efforts pour cacher ce qu'elle ressentait.  Elle se renfermait totalement sur elle-même, passant alors de longues heures sans produire le moindre son, s'enfermant parfois dans un mutisme véritablement pesant ; pour son entourage, surtout.

Evidemment, elle avait vécu des choses particulièrement éprouvantes, et cela en l'espace de tout juste quelques heures. La vision de son frère blessé et affaibli à Sainte Mangouste ; la mort de leur père, victime de la barbarie du seigneur des ténèbres, qu'elle apprit en même temps que Rowan, tandis qu'elle lui rendait visite ; et puis la découverte du corps sans vie de leur mère, dans le manoir familial, le soir-même. A cela s'était ensuite ajouté la nouvelle de la mort de Gabrielle Rosier, d'Alycia McWood ainsi que de William et Yvain Gallant. Et les innombrables blessés - en commençant par Daphné Greengrass. En vérité, elle avait absolument toutes les raisons du monde pour ne pas aller bien. Elle aurait aimé hurler son désespoir mais elle en était tout simplement incapable : son caractère toujours posé et réfléchi l'en empêchait et, de plus, elle ne parvenait tout simplement pas à exprimer ses sentiments en public. Ainsi elle ne parlait pas d'elle, se contentait simplement d'accuser le coup, de supporter son supplice sans même réellement chercher à s'en décharger sur quelqu'un d'autre - et puis sur qui ? Elle ne voulait surtout pas être un fardeau.

Ce jour-là pourtant, elle ne se rendrait pas à l'hôpital. C'était en vérité son jour de repos et, ainsi, elle resterait chez elle, dans ce manoir dont elle évitait avec une précaution minutieuse l'endroit où elle avait vu le corps de sa mère pour la dernière fois. Ainsi, il y avait plusieurs pièces qu'elle n'empruntait plus, préférant faire des détours plutôt que de devoir affronter ses souvenirs. Il était encore tôt, ce jour-là, et la matinée ne faisait que commencer. Enfermée dans sa chambre, elle regardait au travers des grandes fenêtres qui éclairaient toute la pièce et observait le parc, distraitement, sans même faire attention à ce qu'elle regardait vraiment. Mais c'est alors que quelque chose attira son attention. Une silhouette s'avançait sur la pelouse, et tandis que Hope semblait totalement désoeuvrée, elle observa avec beaucoup d'attention la personne qui se trouvait là ; c'était Clemens. Immédiatement elle se leva et appuya ses mains contre un bureau qui se trouvait là afin de mieux observer encore ce qu'il était entrain de faire. Oh, Hope ne voulait pas vraiment l'espionner, mais disons qu'elle était... intéressée.

Et avant même qu'elle ne s'en rende vraiment compte, elle avait quitté sa chambre et descendait les escaliers. Bientôt, elle se trouvait dans le parc du domaine appartenant à sa famille, foulant l'herbe tendre simplement chaussée de petites sandales. Bientôt elle se trouva près de lui, préférant oublier qu'elle agissait parfois de façon inconsidérée ou totalement désorganisée lorsqu'il était question de Clemens Neubach. Ce dernier se retourna alors bien vite, certainement intriguée par les bruits de pas de Hope. Elle observa un instant le visage de Clemens sur lequel on pouvait encore voir les traces de la bataille. Les vestiges de ses blessures, bien évidemment, mais plus encore ses traits étaient tirés, et la fatigue était aisément visible. Un instant elle pencha la tête sur le côté et tenta de lui sourire - ce qui fut en réalité un véritable échec car cela semblait être tout simplement au dessus de ses forces. Ils avaient toujours partagé beaucoup de choses, entre autres le Quidditch et les Métamorphoses, même si en vérité elle se demandait, parfois - souvent ! - si à la base, elle n'avait pas orienté ses choix un petit peu en fonction de lui. A présent ils partageaient bien plus encore ; ils avaient découvert ensemble le corps de Jessica Hahn et vivaient dans le même manoir. Et si Hope aurait dû être heureuse de se retrouver si proche de lui - et, dans le fond elle l'était vraiment - elle aurait toutefois préféré que ce soit dans d'autres circonstances.  

Ses yeux étaient rouges ; elle avait pleuré. Pourtant, mis à part ces rougeurs et la pâleur excessive de son teint, rien n'aurait réellement pu la distinguer de la jeune fille qu'elle était d'habitude. Elle tentait, pour lui, de s'appliquer à se constituer un masque calme et impassible, doux et accueillant. Alors, sans un mot, elle s'installa près de lui, dans l'herbe, assise sur ses propres genoux - toujours élégante. « Que fais-tu là ? », demanda-t-elle doucement, plus pour faire la conversation qu'autre chose. Sans doute la même chose qu'elle : fuir son quotidien. Lissant les plis de sa jupe de soie noire, son regard se fit lointain. Elle scrutait le paysage, observait le domaine, tandis que son chemisier blanc paraît la fraîcheur du vent et que ses longs cheveux sombres voletaient très lentement. Et tandis qu'elle jouait encore avec le tissu de sa jupe, afin de l'étaler un peu plus sur l'herbe verte, elle remarqua la présence, dans l'une de ses poches, d'un objet qu'elle avait oublié. C'était une fiole d'espoir.

Comme un porte bonheur, l'objet ne la quittait pas. Elle le transportait avec elle, où qu'elle aille, et tentait de s'y accrocher, même si elle n'était pas tout à fait certaine de ses véritables effets. Dans ses mains, tandis que les rayons du soleil et le ciel bleu se reflétaient contre le verre, elle brillait, faiblement. Pendant quelques rapides secondes, elle se perdit dans la contemplation de cette petite fiole, perplexe quant à ses véritables propriétés. Elle espérait seulement qu'elle porterait bien son nom. Sans un mot elle la tendit à Clemens. « Je ne suis pas bien certaine qu'elle ait un véritable effet, mais elle ne me quitte jamais ». Et, si elle ne brillait toujours que bien faiblement, peut-être était-ce parce que Hope elle-même perdait espoir. « On se perd facilement à la contempler, tu ne trouves pas ? ». Il était tellement plus simple d'évoquer un sujet comme celui-ci plutôt que de repenser aux malheurs qui frappaient leur monde...

D'une façon qu'elle ne parvenait pas à s'expliquer, la présence de Clemens apaisait énormément Hope. La jeune fille était heureuse qu'il soit avec elle, qu'il l'ait raccompagnée jusqu'à Raven Heaven après qu'elle ait vu Rowan à Sainte Mangouste et, plus encore, qu'il soit à ses côtés à présent, alors qu'elle allait, au fond d'elle-même, terriblement mal. Elle le regardait alors sans rien dire, tandis qu'il tenait à présent dans sa main la fiole d'espoir que Hope lui montrait. Un doux sourire s'inscrivit sur ses lèvres. « En vérité, Rowan et Novenka m'ont offert cette petite fiole. Je pense que je la garde avec moi comme un porte bonheur », dit-elle, sereine et tout à coup apaisée. « D'une certaine façon, je trouve qu'elle m'aide à me détacher des choses, à prendre du recule. On a un sentiment étrange quand on la regarde plusieurs minutes comme... de l'apaisement ? Je ne saurais réellement dire si c'est cela mais... ce qui est indéniable, c'est qu'à son contact on se sent rapidement mieux ». Toujours avec son doux sourire, elle observait tout autant le verre délicatement travaillé que le regarde de Clemens. Tour à tour, les yeux de Hope allaient de l'une à l'autre.

Observer cette petite fiole avait quelque chose de tellement reposant que cela en était déconcertant. Et puis, tandis que Clemens et Hope l'observaient tous deux, le verre se mit à scintiller. On aurait tout d'abord pu croire à un effet des rayons du soleil, mais il n'en était toutefois rien ; le liquide qu'elle contenait brillait tout doucement. Hope n'était pas surprise de voir ce phénomène se produire du fait qu'elle l'avait si souvent observé ces quelques jours, mais c'était toujours quelque chose de fascinant. « On se perd véritablement à la contempler », ajout-elle, presque plus pour elle-même que pour réellement entretenir la conversation. « Et il est vrai que l'on se prend facilement à imaginer une destination lointain comme... une île, peut-être même ? Perdue au milieu de l'océan. Le bruit des vagues, la chaleur du soleil... des odeurs douces et sucrées... ». Cette petite fiole semblait avoir bien des qualités. Et plus d'être apaisante, elle faisait voyager, d'une certaine façon, la personne qui l'observait.

Mais alors que les « pouvoirs » inattendus de cette petite fiole semblaient commencer à faire effet, la phrase suivante que prononça Clemens sembla briser la « magie » qui s'en échappait. « Comment ? », demanda Hope d'un seul coup, surprise de ce qu'il venait de lui confier. « Pourquoi cela ? ». Et un accent angoissé venait à présent teinter le ton de sa voix, alors qu'elle réalisait peu à peu ce que toute cette phrase impliquait. Quitter Haveirson signifiait également abandonner son poste de stagiaire à Poudlard et... les Métamorphoses également. Hope secoua vivement la tête comme pour refuser catégoriquement une telle chose, mais c'était là la volonté de Clemens, et elle savait qu'elle ne pourrait rien y changer. « Mais... comment... ». Elle avait ouvert la bouche puis l'avait refermée presque aussitôt, tandis qu'une ride d'expression - inquiète et contrariée - s'était formée entre ses deux grands yeux bleus. « Tu ne peux pas abandonner les Métamorphoses, Clemens, c'est impossible. Tu es bien trop doué pour tout laisser tomber comme cela ! ». Il était bien rare de la voir parler avec un ton aussi passionné. Peut-être risquait-elle alors d'avoir un peu trop tendance à s'emporter, aussi. Pas contre lui, bien sûr - jamais elle ne le pourrait ! -, mais parce que tout ceci était tellement inattendu... et surtout parce qu'elle trouvait cela dommage. Un instant, elle repensa à cette carrière qu'il avait déjà dû abandonner une première fois. Clemens était un excellent joueur de Quidditch, mais une blessure l'avait obligé à changer de voie. Il lui semblait voir l'histoire se répéter une fois de plus.

Son coeur battait sans doute un peu trop vite pour que cela soit normal. Elle tentait aussi de se faire violence pour que Clemens remarque le moins possible à quel point la nouvelle la perturbait. « Mais dans ce cas, que vas-tu faire, Clemens ? ». Elle n'osait plus vraiment parler, mais une question lui brulait toujours les lèvres, sans qu'elle n'ose la formuler directement. « Est-ce que... tu comptes t'en aller ? », demanda-t-elle, à tout hasard. Mais en vérité, cela voulait même presque dire « est-ce que tu comptes me laisser ? ». Evidement, jamais elle ne se serait permis de demander cela à voix haute - jamais elle n'aurait osé. L'expression qu'elle avait à ce moment-là ne devait d'ailleurs pas être loin de celle d'un petit chaton pris en faute. Elle avait parlé d'une toute petite voix, inquiète et gênée. D'une part elle n'osait pas vraiment savoir, mais d'un autre côté elle craignait de paraître un peu trop concernée par la question.

La fiole ne semblait plus avoir d'effet du tout, soudainement. Tout doucement, Hope tenta cependant de la remuer un peu, avec discrétion, et l'espace d'un instant elle fixa toute son attention sur elle, comme pour lui demander - la supplier ? - de ne pas l'abandonner à ce moment-là, au moment où elle en aurait le plus besoin. Toutefois, ce que Hope ne savait pas encore, à cet instant, était que la fiole brillait toujours plus à raison de l'espoir qui se dégageait de son porteur - et d'espoir, Hope n'en avait pratiquement plus. La présence de Clemens l'apaisait indéniablement, mais la nouvelle qu'elle venait d'apprendre la laissait presque sans voix, en proie à une multitude d'interrogations, aussi, mais surtout anxieuse. Elle rangea alors sans plus attendre la fiole dans la poche de sa jupe de soie.

Les choses ne furent d'ailleurs pas plus aisées, pour Hope, lorsque Clemens posa sa main sur son bras, en geste qui - sans nul doute - se voulait apaisant. Discrètement ses yeux se posèrent à l'endroit où sa main se trouvait, et elle battit des paupières un peu trop vite peut-être. Heureusement - de ce point de vue, car cela lui permis d'ignorer la chose - Clemens prit aussitôt la parole en parlant de sa réorientation future. Empressée et désireuse de porter son attention sur autre chose, Hope répondit presque immédiatement, manquant alors cruellement de modération. « Peut-être suis-je entrain de faire fausse route mais il me semble qu'une réelle redirection n'est... effective, qu'à partir du moment où l'on sait avec exactitude vers quoi se tourner... ? ». Pardonne-moi. Pardonne-moi. Pardonne-moi. Elle aurait pu répéter ces mots à voix haute au moins une centaine de fois si cela avait pu effacer ce qu'elle venait de dire. Décidément, elle n'arrivait plus à se reconnaître. Trop emportée, peut-être - et Hope laissait bien volontiers ce trait de caractère à Astoria, elle, elle n'en voulait pas. Mais le fait est que, face à Clemens, elle semblait parfois bien différente de qui elle était réellement.

Hope se mordit alors légèrement la lèvre inférieure, terriblement gênée - bien qu'en soit, elle pensait réellement ce qu'elle venait de lui dire. Aussi voulu-t-elle ajouter qu'elle se ferait toujours du soucis pour lui, à plus forte raison parce qu'elle le connaissait depuis longtemps et que, de manière implacable, il tenait une place particulière dans sa vie ; mais cela ne lui ressemblait pas, et elle se garda bien de le lui dire, préférant une autre formulation. « Peut-être pourrais-je t'être d'une quelconque aide ? », demanda-t-elle tout doucement. Oh, elle ne savait pas en quoi. Mais elle aurait mille fois aimé qu'il lui dise « oui », au moins pour cela. « Avec mes faibles moyens, je veux dire », se rattrapa-t-elle cependant. Elle replaça alors une mèche de cheveux derrière son oreille, tandis qu'une brise d'été rafraichissait très légèrement l'atmosphère.

Les paroles que Clemens prononça ensuite la surprirent fortement et sans doute ses joues durent rosirent. Evidemment, ce devait être une formulation toute simple, sans sens caché ni quoi que ce soit qui s'en rapprocherait, mais... sans qu'elle ne le veuille, Hope se remettait à émettre des hypothèse et à se poser des questions. Son coeur battait un peu plus vite, sous l'étonnement. Décidément, ses entretiens avec Clemens n'étaient jamais de tout repos. Elle bégaya alors quelques questions, légèrement confuse. « Ah oui ? C'est vraiment ce que tu penses ? Que parfois nous... nous devons de ne pas suivre ce que l'on ressent au fond de soi ? », demanda-t-elle en se faisant violence pour ne pas lui montrer que la tournure que prenait leur discussion la faisait trembler comme une feuille. Toutefois, prise d'une soudaine force qu'elle ne se connaissait que bien peu souvent ces derniers temps, Hope se redressa et osa - finalement - relever la tête vers lui. « Peut-être ne devrais-je pas poser ce genre de questions, mais qu'importe ». Elle prit une petite inspiration, à peine plus forte que sa respiration naturelle et, dans une voix qui paraissait à peine plus audible qu'un murmure, elle osa finalement : « Clemens, que désire-tu en réalité ? ». Hope posait cette question d'un point de vue entièrement professionnel, évidemment - ou presque, et le problème était bien là. « Quelle voie pense-tu devoir prendre ? », se rattrapa-t-elle bien vite - formulé ainsi, les choses pouvaient peut-être paraître moins... familières ?

Et tandis que Clemens sembla un instant observer les yeux de Hope, la jeune fille détourna le regard, légèrement paniquée à l'idée qu'il puisse comprendre que ce qu'elle pouvait ressentir pour lui dépassait aisément le seuil de la simple amitié - car bien que Hope ne parvenait pas réellement à définir ce qu'elle ressentait, elle savait toutefois qu'à ce stade, ce n'était plus de l'amitiée. « Tu disposes de tout le temps qui te seras nécessaire », lui dit-elle avec sérénité. « Et puis... Je suppose que Rowan ne s'opposerait toutefois pas à ce que tu restes à Raven Heaven un petit peu plus longtemps que prévu... si tu en éprouves le besoin, je veux dire », se hasarda-t-elle tout d'abord à avancer. Mais cela n'arrangerait toutefois pas ses affaires, car le problème principal restait toujours le même : elle ne reverrait plus Clemens à Poudlard comme c'était le cas l'année dernière.

Et tandis qu'elle réfléchissait de nouveau à cet éloignement forcé que Clemens lui imposait, la pression qu'il fit sur son bras manqua de peu de la faire sursauter, et elle tressaillit légèrement toutefois - elle l'avait presque oubliée, cette main ! Mais les explications suivantes du jeune homme la laissèrent dubitative et Hope pinça alors les lèvres. « Oui, Avalon n'est effectivement pas très loin », commença-t-elle. Mais Hope n'avait que bien peu d'occasions de s'y rendre, puisqu'elle reprendrait les cours en septembre - du moins l'espérait-elle, aux vues de ce qui s'était produit - et que les quelques sorties qui lui seraient éventuellement permises ne dépasseraient de toute évidence pas Pré-au-Lard. Dans ces conditions, et sans Clemens en tant que stagiaire à Poudlard, Avalon lui semblait être à l'autre bout du monde.

Mais malgré tout, elle secoua doucement la tête, contrariée. « C'est absurde », dit-elle alors bien vite. « Tu étais un excellent professeur, Clemens, je ne peux pas te laisser dire de telles choses ! Je suivais toujours tes cours avec beaucoup d'attention... ». Elle cherchait quelque chose pour le convaincre, et elle ne se rendait même pas compte d'à quel point son jugement pouvait être altéré. « Et puis je n'étais pas la seule. Souvient-toi de ce cours supplémentaire que tu avais donné et où Alycia McWood et Gabrielle Rosier étaient pré... sentes ». Dans l'emportement, elle n'avait plus réellement mesuré les paroles qu'elle prononçait, et c'était naturellement qu'elle avait évoqué les deux jeunes filles qui avaient perdu la vie le 25 juin 1997. Ce n'était donc que sur la fin de sa phrase qu'elle l'avait réalisé et que sa voix semblait s'être bloquée, d'un seul coup. Elle baissa alors la tête, comme un peu plus tôt, tandis que ses longs cheveux sombres cachaient son visage. « Peut-être as-tu raison de t'éloigner de Poudlard, tout compte fait », dit-elle tout doucement. Et elle se souvint alors d'à quel point la rentrée à venir l'angoissait. Clemens choisit ce moment pour retirer sa main, et Hope aurait mille fois préféré qu'il la laisse sur son bras.

Hope n'aurait réellement su dire ce qu'elle attendait comme réponse de la part de Clemens, et encore moins pour quelle elle lui demandait des choses aussi personnelles. Certes la conversation s'orientait vers une pente plus privée, mais c'était justement ce qui intéressait Hope. Elle voulait en apprendre plus car elle voulait savoir ce que Clemens pensait réellement, à présent. Mais sans doute n'aurait-elle pas dû. « Oh... oui, bien sûr. » Elle se trouva un peu bête, soudain, d'avoir imaginé que ses paroles pourtant si anodines puissent cacher quelque chose qui n'aurait pas été visible en surface. « Mais je ne m'inquièterais pas si j'étais toi. Il faut parfois du temps pour trouver sa voie et ce que l'on veut réellement », tenta-t-elle de temporiser, avec son sourire accueillant. « Tout ce que je peux te souhaiter est de trouver ce qui te permettra d'accéder au bonheur et à la sérénité ». Et, bien qu'elle ne l'ajouta pas, elle pensa, au fond d'elle-même, que si il en avait le besoin, elle serait toujours présente pour l'y aider.

Et puis il sembla disposé à lui parler, à lui confier certains choses, intimes et secrètes, et son coeur se mit à battre plus vite que de raison, alors que mille interrogations lui venaient à présent à l'esprit. « Cela me semble... important », dit-elle tout d'abord, alors que le ton qu'il prenait, à la limite du solennel, laissait tout supposer de la confidentialité de ce qu'il s'apprêtait à lui divulguer. Hope s'approcha alors un peu plus de lui et se redressa, prête à tout entendre. « Je t'écoute, Clemens. Et je ne trahirai pas ce que tu me confieras. Jamais. Sois sans crainte ». Il n'en était même pas question. Qu'importe ce qu'il s'apprêterait à lui confier, elle n'en parlera à personne. Et elle lui intima alors de poursuivre. Car elle voulait qu'il lui dise tout, absolument tout, à plus forte raison s'il gardait cela sur le coeur ou si les choses étaient trop pesantes pour lui. Cela n'était peut-être pas le cas, cependant, et aussi ne mesurait-elle sans doute pas la portée de ce qu'elle s'apprêtait à apprendre, mais il était question de Clemens, et pour cela, elle était décidée à tout entendre. « Qu'importe ce que tu me confieras je ne dévoilerai rien de tout ce que tu pourras me dire. Et je suis prête à tout entendre ». Ce qu'elle n'aurait de toute évidence pas dit à tout le monde.

Et tandis qu'elle s'apprêtait à ce qu'il lui dévoile le plus gros secret qui puisse exister, la question qu'il lui posa ensuite la surpris. « Haveirson ? », répéta-t-elle sans comprendre. Elle cligna des paupières et fronça légèrement les sourcils, réfléchissant, se demandant pour quelle raison l'école de magie faisait irruption dans la conversation. Curieuse et intriguée, elle lui répondit bien vite. « Bien peu de choses, en réalité. En dehors de la description officielle des lieux et des quelques articles de La Gazette du Sorcier je ne me suis jamais véritablement intéressée à cette école. Sans doute est-ce un tort, je suppose ». Elle savait qu'il y avait trois confréries, Sinistros - celle de Rowan et de Clemens -, Abraxan - la confrérie de Novenka Cieslack - et enfin Phénix - celle d'Isolde Mayer. Aussi était-elle au courant que l'un des amphithéâtres dans lesquels les cours étaient dispensés portait son nom de famille - Westminbrook. Mais elle avait beau chercher, elle ne connaissait pas grand chose sur cet institut. « Je sais simplement que c'est un académie qui se plait à entretenir un certain mystère. En vérité, nous n'en avons jamais réellement parlé, avec Rowan ».

Et puis soudain, elle eut peur. Peur de savoir vraiment de quoi il retournait, et surtout en quoi cette école était liée à la reconversion de Clemens. Il s'était passé quelque chose, Hope en était alors intimement convaincue, sinon il ne ferait pas dévier leur conversation sur cette nouvelle école. Mais toutefois, malgré les nombreuses suppositions qui lui venaient en tête, rien de ce qu'elle supposait ne semblait finalement convenir à la situation. Elle pinça alors les lèvres, faisant une moue intriguée, et elle tapota très légèrement sa joue avec ses doigts fins, tandis qu'elle cherchait une explication logique et qui tiendrait la route. Mais elle ne trouait rien. Alors elle mis un terme à son silence. « T'est-il... arrivé quelque chose, là-bas ? Quelque chose de grave ? », articula-t-elle tout doucement, hésitante, tandis que mille suppositions lui venaient à l'esprit. Et en supposant cela, elle s'inquiétait d'autant plus. « Des désaccords ou bien... des conflits avec d'autres étudiants, peut-être ? ». Ce que Clemens s'apprêtait à lui révéler était sans doute bien loin de tout ce qu'elle aurait pu imaginer, c'était certain. Et sans doute se trouverait-elle bien bête, par la suite, d'avoir émis des suppositions aussi... scolaires et enfantines. Hope s'arrêta alors, songeuse. Peut-être lui avait-on conseillé d'abandonner les métamorphoses, ou lui avait-on dit qu'il n'était tout simplement pas doué pour cela et ne pourrait en faire son métier et y baser son avenir. Mais si ce n'était que cela, Clemens ne lui demanderait pas de garder cette conversation sous le sceau du secret.

Alors elle arrêta définitivement de tergiverser. Mettant un terme à ses circonvolutions, elle songea qu'il était sans aucun doute préférable de le laisser poursuivre sans le couper. « Où veux-tu en venir en réalité ? Quel lien y a-t-il entre toi et cette école ? ». Cela ne servait définitivement à rien d'émettre ainsi des suppositions qui n'avaient sans doute rien à voir avec le fond du problème. Et Hope avait beau réfléchir à tout cela, elle ne comprenait pas vraiment le lien qui existait. Mais cependant, il y avait bien une chose dont elle était certaine, c'était le fait que la façon dont Clemens avançait les choses ne la rassurait en rien. Un peu mal à l'aise, elle lui lança un regard gêné, avant de reprendre. « Je ne voudrais pas paraître plus peureuse que ce que je ne suis réellement, mais pour être tout à fait honnête avec toi, la façon dont tu viens d'amener les choses m'inquiète assez... ».

Elle suivait avec la plus grande des attentions ce que Clemens lui confiait, tout en prenant soin de ne pas perdre un seul mot, pas une seule syllabe de ce qu'il lui expliquait, hochant par moments légèrement la tête afin de lui signifier qu'elle suivait ce qu'il lui disait. Et tandis que les minutes et les secondes s'écoulaient, elle sentait comme un poids se porter à sa poitrine ; de l'appréhension et de l'angoisse - la peur d'en apprendre d'avantage. Hope n'avait évidemment pas peur pour elle. Mais elle avait peur de ce qu'il lui confierait ; de savoir ce qui avait touché Clemens, et de mesurer à quel point cela devait être grave, pour l'avoir peut-être poussé à tout abandonner, malgré son talent manifeste pour les métamorphoses.

Hope ressentit un pincement au coeur lorsqu'il lui confia les difficultés qu'il avait eut à oublier le Quidditch ; son rêve, sa passion, son avenir. Aussi se sentit-elle un peu coupable, à ce moment-là, d'avoir tant parlé de sa propre évolution dans l'équipe de Serpentard, à mesure qu'elle réalisait les sacrifices que cela lui avait imposé. Oh, elle ne doutait pas qu'il avait toujours été heureux de la soutenir, mais... cela devait sans doute lui faire quelque chose, à lui aussi. Mais tandis qu'elle continuait de réfléchir, ce que lui confia Clemens par la suite l'interpella. « Des châtiments corporels ?! », sursauta-t-elle. Et sa voix monta dans les aiguës. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour comprendre que, si le Comte était des plus discrets et ne s'imposait aux gens que lorsqu'il avait envie de les voir... c'est que cela avait dû se produire pour Clemens. Et si l'allemand évoquait les punitions c'est qu'il y avait sans douté été confronté. Peut-être même plus d'une fois. Et plus encore elle sentait l'angoisse l'envahir.

Et il poursuivit alors et elle recommença à l'écouter, continuant d'hocher la tête lorsqu'elle trouvait cela nécessaire. « Oui, il est certain que j'aurais bien du mal à vous imaginer vous soumettre aussi aisément aux désirs d'une autre personne. Qu'il soit question d'un comte ou de qui que ce soit d'autre, d'ailleurs. Ce n'est pas dans votre nature ». Et c'était sans doute en partie pour cela que Hope les admirait tellement. Rowan et Clemens avaient toujours été des modèles pour elle, quoi qu'elle semblait à présent progressivement réaliser qu'elle tenait sans doute à Clemens d'une façon bien différente que ce qui la reliait à Rowan. Elle avait toujours pris exemple sur le meilleur ami de son frère, en témoignaient alors sans doute sa passion pour le Quidditch ainsi que pour les métamorphoses ( Mais elle aimait réellement ça, cela dit, et ne se contentait pas d'agir par simple mimétisme ! ), mais avec le temps elle commençait à prendre conscience de certaines choses, d'une affection si bien dissimulée jusqu'à maintenant mais qui, pourtant, tentait à présent de faire surface. Elle ne comprenait pas encore exactement de quoi il retournait - ou ne voulait pas le comprendre, plus largement.

Hope réfléchissait à tout ce que ces révélations impliquaient, à ce qui pouvait réellement se cacher derrière les mots que Clemens employait. Et tellement d'inquiétudes et d'interrogations lui venaient en tête. Dont certaines qu'elle osait à peine prononcer à voix haute. « Rowan a-t-il... lui aussi... ». Été blessé. Violenté. Torturé d'une quelconque façon. D'un point de vu physique ou peut-être même plutôt totalement psychologique. Elle eut alors du mal à déglutir, et ses yeux commencèrent à briller légèrement, rougis par ses craintes, tandis qu'elle les fixait une nouvelle fois sur Clemens. « Que t'a-t-il fait ? », murmura-t-elle. « Et s'il te plait, Clemens... ne tente même pas de minimiser les choses pour me rendre la vérité plus acceptable que ce qu'elle n'est en réalité ». Ce n'était pas utile. Et en un sens elle ne voulait pas non plus qu'il la protège en dissimulant la vérité pour la décharger d'un poids, pour éviter de l'inquiéter plus qu'elle n'était déjà. Hope voulait savoir parce qu'elle voulait être sur un pied d'égalité avec lui.

Regardant autour d'elle comme si le paysage alentour lui donnerait plus d'explications encore que ce que Clemens voulait bien lui dire, elle repensa à l'une des phrases qu'il avait prononcées, au fait qu'il aurait peut-être été trop fanfaron, et qu'il aurait espéré résoudre les mystères qui entourent apparemment cette école. « Ce que tu m'as dit... sur le fait que tu aurais voulu comprendre, que tu as tenté de faire la lumière sur tout cela... malgré tout as-tu... découvert quelque chose ? Est-ce cela - ce que tu as peut-être trouvé - qui t'a définitivement décidé à quitter Haveirson ? ». Et, suite à cette question, elle attendit patiemment qu'il poursuive, et pendant ce temps, pendant ces quelques minutes d'attente elle continua de réfléchir à la situation, à tout ce que cela impliquait. Son départ définitif d'Haveirson mettait sans doute un terme à ses études, mais Hope ne voulait pas croire qu'il soit condamné à abandonner les métamorphoses pour autant. Elle hésita alors un peu, avant de poursuivre. « Mais Clemens... n'y aurait-il pas une solution pour que tu poursuives les métamorphoses sans pour autant être élève à Haveirson ? Après tout... même si l'enseignement qui y est dispensé est de très bonne qualité, il y a bien d'autres façons d'approfondir ses connaissances et de se perfectionner dans cette discipline. Du moins je pense ».

Les mots de Clemens l'inquiétaient tout autant que l'expression qui animait les traits du jeune homme. N'osant toutefois le quitter des yeux elle écoutait ce qu'il lui confiait, attendant chacune de ses phrases le coeur serré. Elle se forçait à garder contenance, à ne pas se laisser dépasser par ses inquiétudes, mais elle avait cette angoisse qui ne la quittait pas, à mesure que les minutes s'écoulaient. Les mots que prononçait Clemens ne la mettaient absolument pas à l'aise et sans doute cela devait-il se voir, mais elle ne dit rien, car ce qui lui importait le plus à cet instant c'était de savoir, et surtout de comprendre. Alors elle prendrait sur elle pour affronter ce qui, finalement, n'était rien d'autre que la réalité. Elle aurait sans doute pu se passer d'un choc supplémentaire, pour le moment du moins, mais Clemens faisait toutefois partie de ces rares personnes pour qui Hope serait sans doute prête à tout faire et à tout donner.

Elle accusa chacune de ses phrases avec un calme bien étrange. Elle se voulait impassible, comme si elle avait déjà les épaules nécessaires pour supporter un tel poids, mais ce n'était définitivement pas le cas et au fond elle le savait bien. Silencieuse, elle prenait sur elle autant qu'elle le pouvait pour ne pas laisser entrevoir ce qu'elle ressentait vraiment, mais dans ses yeux l'inquiétude mêlée de panique devait indéniablement se voir. Plus encore lorsqu'il entra dans les détails. Aussi, son coeur battait un peu plus fort. Elle lui avait demandé de ne rien lui épargner, en quelques sortes, de tout lui dire, de tout lui avouer, sans tenter de rendre les choses plus facilement acceptables pour elle, et moins dures, surtout. Elle désirait toujours savoir et elle ne voulait toujours pas qu'il minimise les choses, mais elle comprenait à présent tout ce que cela impliquait. Et la confrontation était rude. « Pourquoi ne pas être parti plus tôt ? Dès le départ, lorsque vous avez compris pour les miroirs... pourquoi être restés ? ». Pour l'enseignement peut-être... ou bien pour les autres, pour ceux qui seraient encore là ? Elle le regardait, un peu perdue, tentant de se mettre à sa place, d'imaginer les scènes qu'il avait vécues, et elle baissa le menton, fermant les yeux, et secoua tout doucement sa tête pour que ces pensées s'échappent ; que ces images ne deviennent pas plus réelles encore. Il poursuivit, évoquant le labyrinthe, et ses explications parvinrent à lui donner froid, comme si un vent glacé et pourtant inexistant soufflait tout autour d'eux, malgré la chaleur de cette journée de juillet.

Ce qu'il lui confiait, en plus d'être profondément gravé dans son âme, était atrocement douloureux, pour lui surtout, mais aussi pour elle, qui tentait de ne pas rater une bride de ce qu'il lui disait. Il la regardait, mais presque comme s'il pouvait voir à travers elle, fixant quelque chose d'inconnu, les yeux perdus, mais toujours vers elle. C'est alors qu'elle remarqua les poings crispés sur ses genoux, et ses jointures qui blanchissaient. Instinctivement, sans même qu'elle n'y réfléchisse, elle approcha sa propre main de l'une des siennes, et avec le revers de son index, elle traça comme une ligne imaginaire sur le dos de sa main, très légère, sans doute de la même façon qu'elle l'aurait fait si elle avait craint de se bruler. Et elle recommença une fois de plus. Mais son calme s'effaça d'un seul coup tandis qu'il en venait à présent à ce nouvel épisode, celui où il était avec Isolde et que leurs vêtements s'embrasèrent. Elle retira brusquement sa main. « Mais c'est horrible ! », s'exclama-t-elle, la voix sans doute plus aiguë que ce qu'elle n'était réellement. Et elle porta une main à sa bouche, battit des paupières et imaginant une fois de plus la scène qu'il avait dû vivre. Machinalement, instinctivement, elle porta son regard sur chacune des parties visibles du corps de Clemens, sur chacune de celles qu'il lui était possible de voir, détaillant chaque centimètre, comme pour s'assurer, bêtement, qu'il n'avait pas gardé de séquelles visibles.

Elle s'arrêta bien vite, cependant, tandis qu'elle réalisait au combien cela pouvait être déplacé, et elle baissa de nouveau la tête avant de reprendre. « Et quant à la journée que tu a passée sans que personne ne te remarque... ça a dû être affreux... comment cela s'est-il terminé ? ». Mai aussitôt, Clemens évoqua l'usurpation d'identité qu'il avait subie. Elle tenta également de se mettre à la place de cette pauvre jeune fille qui avait reçu une missive si indélicate. A sa place, Hope aurait-elle réagit comme elle ? Peut-être pas ; parce qu'il était question de Clemens. Ou peut-être que si ; justement parce qu'il était question de lui, et qu'elle aurait été réellement affectée, dès lors qu'il aurait été concerné. Et immédiatement elle hocha la tête pour en savoir plus. Pour l'encourager à poursuivre, à lui confier encore quelque chose. Elle aurait tant préféré qu'il n'ait rien de la sorte à lui dire, cependant. Mais elle était heureuse de constater qu'il avait assez confiance en elle pour se livrer ainsi. « Je n'aurais jamais imaginé que les choses soient ainsi... Je suppose que je n'aurais pas pu y penser de moi-même si tu ne m'en avais pas parlé, cependant ». Elle s'arrêta un instant. « Mais ce Comte n'est pas invincible, c'est impossible ! Il ne peut pas être immortel et intouchable ! Après tout, même le Seigneur des Ténèbres a été conduit à sa fin. Il y a forcément un moyen ou une solution pour le prendre à son propre piège... » ... pour qu'il paye le mal qu'il avait fait à ses proches. Mais qui était-elle, du haut de ses seize ans, pour réfléchir à une chose que Clemens et Rowan eux-mêmes n'étaient pas parvenus à faire ?

Elle soupira alors, réellement attristée. « Je n'aurais jamais été capable de penser que cette école ait pu briser tant de personnes qui me sont si chères ». Elle baissa alors la tête. Rowan, Clemens, Isolde... Novenka sans doute aussi, et peut-être même Amaranthe. Et elle s'inquiéta évidemment pour l'année à venir. « Et les choses ne risquent pas de s'arranger à la rentrée, je suppose... N'est-ce pas ? ». En vérité, elle se doutait déjà bien assez de la réponse. Aussi baissa-t-elle la tête en soupirant. « Mais je comprends mieux tes choix, maintenant. Et je pense que quelque part, tu as eu raison d'agir ainsi, de quitter l'académie définitivement ». Et à présent qu'il l'avait mise au courant, elle était soulagée de savoir qu'il n'y retournerait pas. Mais... et les autres ? Un frisson la parcourut et elle trembla un peu avant de tenter de se reprendre. Au même moment, il la rassura quant au fait qu'il n'abandonnerait pas les métamorphoses pour autant. Hope hocha la tête silencieusement sans pour autant quitter Clemens du regard. « Oui, bien sûr ! », répondit-elle lorsqu'il lui proposa d'aller plus loin, immédiatement, soulagée du ton plus serein avec lequel il s'exprimait. Et son enthousiasme était palpable, car savoir qu'il n'abandonnait pas une chose pour laquelle il était si doué lui réchauffait indéniablement le coeur. A plus forte raison après la discussion qu'ils venaient d'avoir. Hope se leva alors immédiatement, passant ses mains sur les pans de sa robe afin de se donner une apparence un peu plus présentable, et elle reporta toute son attention sur lui. « Je te suis. Où doit-on aller exactement ? ».

Ses yeux fixaient un point invisible devant elle tandis qu'elle tentait de remettre en place et d'analyser, une fois de plus, tout ce qu'il lui avait confié. Et tandis qu'elle le suivait, elle s'arrêta un instant. « Clemens ? », l'interpella-t-elle. Elle réfléchissait toujours, et elle attendit quelques secondes avant de lui répondre. Enfin elle posa ses grands yeux bleus sur lui et elle tenta de lui sourire, de la manière la plus pure et sincère qui soit. « Merci pour... pour m'avoir confié toutes ces choses. Cela compte beaucoup à mes yeux », murmura-t-elle tout doucement. Evidemment, le fait qu'il ait accepté de partager ces souvenirs bien douloureux avec elle la rassurait dans le sens où c'était là une preuve de toute la confiance qu'il avait en elle. Et quelque part elle se mit à espérer que peut-être elle pouvait également avoir une place particulière pour lui. Peu importe de quelle façon.

Pourquoi avait-elle ressenti le besoin de le remercier ? En vérité elle n'aurait su le dire. Sans doute était-ce dû au fait que la confiance et la sincérité étaient des valeurs qui s'étaient perdues, au fil du temps et en raison du contexte bien sombre de ces derniers mois. Les sorciers se méfiaient de tout et de tout le monde, à présent plus encore en raison de la douloureuse bataille qui avait eu lieu à Poudlard, au soir du 25 juin. Il y avait bien trop de pleurs et de désespoir en ce monde, et si peu d'entraide. Aussi les gens semblaient-ils tous avoir perdu foi en l'avenir, Hope la première, et ainsi cette discussion lui avait certainement permis également de voir les choses sous un autre angle ; que le désespoir personnel n'était rien en comparaison des tourments de son entourage et de ses proches. Tout ce que Clemens lui avait confié, il l'avait gardé pour lui pendant des semaines et des mois, et d'une façon particulière, elle pensait que cela l'avait peut-être soulagé, comme si elle lui avait été d'une aide particulière. Du moins, c'est ce qu'elle espérait.

Et puis surtout il s'agissait de Clemens, et dès lors tout était différent. Là où quelque chose serait, pour elle, passé peut-être inaperçu, dès lors que cela touchait au meilleur ami de son frère les choses étaient différentes ; et ça, elle le savait bien. Cela avait toujours été différent avec lui. Si bien qu'elle n'avait jamais réellement su dire ce qu'il était vraiment pour elle. La question ne se posa pas pendant un moment, du fait de la hiérarchie qu'il y avait entre eux, mais à présent qu'il n'était plus son professeur... qu'était-il réellement ? Elle lui sourit après cela, s'apprêtant à reprendre sa marche, mais ce fut sans compter sur la bien surprenante réaction de Clemens. Et tandis qu'elle se perdait encore dans ses réflexions, quelque chose d'inattendu se produisit. Et en vérité, il ne suffit que de quelques rapides secondes pour que la situation change et se modifie du tout au tout. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, l'allemand la pris dans ses bras, et une étreinte à laquelle elle ne se serait jamais attendue.

Il avait passé ses bras atours d'elle et l'avait doucement rapprochée de lui, quelque chose que jamais il ne s'était autorisé à faire avec elle. Hope resta alors interdite, comme figée, l'espace de quelques secondes, se laissant faire toutefois mais sans réelle réaction de sa part pour autant ; un peu comme si le temps s'était complètement arrêté, ou bien encore comme si elle venait de louper un ou deux battements de son coeur. Elle restait là, impassible, stoïque, sans aucune réaction. Un peu trop raide peut-être même, pour espérer que cela paraisse naturel. Mais elle était aussi étrangement mal à l'aise - comme si une barrière était franchie. Non pas parce que cela la dérangeait - au contraire ! - mais plutôt parce qu'elle ne s'y était absolument pas attendue, et encore plus parce qu'elle ne savait pas comment appréhender ce genre de choses. Les contacts physiques et les démonstrations d'affection lui étaient bien étrangers ; aussi ne parvenait-elle pas vraiment à trouver une manière rationnelle de réagir. Les paroles qu'il prononça n'arrangèrent par ailleurs absolument rien à la situation, et en plus d'avoir l'impression d'être totalement déconnectée de la réalité, ses joues durent rougir un peu trop pour que cela soit naturel.

Et juste au moment où elle commençait à se calmer, à ne plus être sur la défensive et à simplement apprécier l'instant, il se détacha bien trop rapidement d'elle. Elle le suivi du regard, inclinant sa tête vers lui à mesure qu'il s'éloignait d'elle, sans plus se formaliser des rougeurs qui animaient ses joues. Elle voyait bien qu'il s'éloignait, mais toutefois elle dû attendre peut-être une ou deux secondes de plus afin de pouvoir le suivre ; un peu comme si elle avait perdu tout sens des réalités. Et lorsqu'elle recommença à avancer, il se trouvait déjà un peu plus loin, sous le couvert des arbres. Elle observa le regard de Clemens, et celui-ci avait diamétralement changé, il n'était plus pareil que quelques minutes plus tôt ; plus vite, plus pétillant.

Et c'est alors qu'elle comprit.

Tout d'abord elle cru ne pas bien voir, comme si toutes ces émotions depuis des semaines maintenant se manifestaient d'un seul coup, et qu'elle devrait à présent accuser le choc ; mais il n'en était rien. La silhouette de Clemens s'était progressivement effacée au profit d'un oiseau de proie ; un busard. Stupéfaite, elle fixait l'oiseau, suivant son parcours alors qu'il fendait l'air ; et elle ne le quitta pas un seul instant des yeux, complètement ébahie qu'il ait réussit quelque chose de tellement spectaculaire. C'était donc pour cela, qu'il lui fallait être au couvert des arbres ; c'était pour cela qu'il ne devait pas y avoir d'autres témoins qu'elle. Sa transformation risquait d'attirer toutes les convoitises... et par là-même les personnes mal intentionnées. Alors, éviter de dévoiler cela plus encore semblait être une bonne solution.

Un animagus. Clemens était devenu un animagus. Pendant quelques secondes elle ne bougea pas, alors qu'il se trouvait pourtant là, devant elle, et qu'il venait de reprendre forme humaine ; complètement sonnée. « Tu es un animagus ! ». Un murmure ; un constat. Elle n'en revenait pas. Bien sûr, elle savait qu'il était extrêmement doué pour les métamorphoses, bien plus qu'il ne le pensait et n'osait le dire, sans doute, et effectivement, devenir un animagus semblait être le prolongement logique de l'apprentissage de cette matière. A l'instar de Minerva McGonagall. Pour autant, il y avait une réelle différence entre le fait d'avoir conscience de quelque chose et le voir de ses propres yeux. Et Hope en eut véritablement le souffle coupé. Mais lorsque la surprise fut passée, elle se précipita vers lui. « Mais... quand est-ce que tu... comment.... depuis quand... ? ». Tant de questions se bousculaient dans sa tête, si bien qu'elle ne parvenait pas à les formuler correctement. Son discours était irrégulier et totalement confus, et cela l'énervait assez. « Mais c'est... fantastique ! Vraiment ! ».

Alors oui, sans doute Haveirson avait-il eu du bon, tout de même. Mais du point de vue de Hope, c'était là un prix toutefois bien cher à payer. « C'est là la reconnaissance de tout ton travail, la récompense au bout de tout tes efforts. Et je suppose qu'Haveirson a bien des qualités également... Mais aux vues de ce que tu m'as confié tout à l'heure, je pense tout de même que tu as payé cette victoire bien chère... ». Désolée de lui dire tout cela si rapidement, elle lui fit un sourire attristé, et regarda ailleurs. Un peu honteuse de jouer les rabat joie. « Mais qu'importe, après tout. Le résultat est plus important que tout le reste ! », tenta-t-elle de tempérer, évinçant délibérément le reste de la question. Car elle ne voulait pas lui gâcher son plaisir, et encore moins gâcher ce moment si particulier qu'il partageait avec elle. « Où était-ce ? Ta première transformation, je veux dire. Cette salle dont tu me parles, à quoi ressemblait-elle ? ».

Il lui avait présenté là un spectacle si inattendu qu'elle craignait de ne pas avoir bien vu, de s'être trompée, d'avoir mélangé les choses. Mais pourtant c'était bien réel, il avait réussi une transformation, quasiment parfaite ! « J'ai lu tellement de choses sur les animagi, tellement de témoignages ou de légendes ! Je ne sais même pas réellement comment je peux distinguer le vrai du faux... Faut-il réellement garder une feuille de mandragore dans la bouche pendant un mois entier ? J'ai toujours trouvé cela relativement... écoeurant ». Mais s'il fallait en passer par là... « Je parle un peu vite, excuse-moi... Mais c'est que j'ai tant de questions à te poser ! ». Pourtant, son sourire, cette fois, n'était pas gêné. Au contraire, il était éclatant, si bien que cela reflétait tout le bonheur qu'elle ressentait pour lui. Elle était tellement heureuse qu'il soit parvenu à réussir quelque chose de si extraordinaire ! « Te déclarer ? Non, voyons, surtout pas ! Enfin je veux dire... si tu penses que ce serait une sécurité, oui, sans doute devrais-tu te déclarer mais... mais je ne vois pas comment le Ministère le saurait dans tous les cas. Pense-tu que ce soit bien utile ? Qui est au courant ? Beaucoup de personnes le savent ? ». Sans doute pas grand monde, en vérité, car elle se doutait bien qu'il n'aurait pas ébruité la nouvelle.

Hope devait bien avouer qu'elle redoutait assez le Ministère, plus encore à présent que Rowan était en instance de procès. Alors, tant qu'il lui était possible de le faire, elle préférait rester le plus éloignée possible de lui et conseiller à ses proches d'en faire de même, qu'importe le sujet, car après tout, personne ne pouvait réellement savoir ce que cela donnerait par la suite. Le fait que Clemens ne se déclare pas pouvait sans doute être un avantage indéniable pour lui, si toutefois il en avait besoin un jour, et Hope ne doutait pas que bien des animagi ne devaient pas se déclarer. « Mais c'est tellement fantastique ! Je n'ai jamais douté que tu y parviendrais mais c'est... si soudain ! Mais en un sens, cela ne m'étonne pas. Tu ne pouvais qu'y parvenir à terme, vu ton niveau ! D'autant plus que les animagi capable de voler son extrêmement rares ! Et donc d'autant plus difficiles à obtenir ! ». C'était étrange à décrire, ce sentiment qu'elle avait au fond d'elle ; un peu comme de la fierté, peut-être ? Ce n'était pas très facile à expliquer. Sans doute était-ce là la satisfaction de ne pas s'être trompée sur lui. Elle avait toujours eu conscience de son niveau, et à présent cela se confirmait. « M'expliquerais-tu les étapes ? Me décrire comment tu as procédé ? Oh ce n'est pas que... enfin je n'ai pas la prétention de... ». Elle sourit, gênée. « C'est simplement de la curiosité ». Elle était impatiente, curieuse mais aussi extrêmement intéressée par toutes ces choses nouvelles qu'il était susceptible de lui apprendre. Toutefois, une question lui brûlait les lèvres. Elle aurait voulu ne pas la poser, pour ne pas paraître trop indiscrète et surtout pour ne pas chercher des explications là où il n'y avait de toute évidence pas lieu d'en trouver, mais elle voulait savoir ; elle était curieuse. « Mais d'ailleurs... pourquoi me le montrer maintenant ? ».