[Soirée interconfrérie] Samedi 4 Octobre.

La fraîcheur du soir l’effleurait à peine. Elle allait bientôt trouver de la chaleur, plus puissante que celle de n’importe quelle étoile. Isolde se tenait devant le Dark Night, un peu en retrait, tous ses sens ouverts à la fête qui commençait à l’intérieur. Elle écoutait la musique sans l’entendre encore, elle imaginait les couleurs, les sons, les gens. Immobile sur le trottoir, elle dansait. Elle ferma les yeux. Respira un grand coup l’air vif d’Avalon. Elle souriait.

Pourtant, elle avait juré de ne jamais remettre les pieds ici. Un mois auparavant, elle s’était enfuie en courant d’Haveirson, de cette académie de fous, de cet endroit qui n’apportait que des tourments. Elle était revenue. Ses raisons, elle les avait expliquées dans ses lettres à Novenka ; mais ici, elles prenaient un autre sens, une autre réalité. Si elle craignait toujours autant l’Académie et son directeur, elle ne comprenait plus comment elle avait pu envisager de quitter tous ces gens. Ils formaient son quotidien, plus réel que tout le reste. En jouant avec eux comme des pantins, le Comte pensait les séparer, briser les liens ? Il s’était lourdement trompé. Isolde souriait de plus belle, une lueur presque féroce allumant ses pupilles. Peu importait le nombre de coups ; les élèves se tenaient droits. Bien sûr, c’était quasi suicidaire. Mais les étudiants avaient fait leur cette université si hostile, ces confréries vierges de toute renommée autre que celle qu’ils construisaient à cet instant, ce château menaçant, ce village, le Dark Night, et jusqu’aux rues colorées par les affiches. Aussi dangereuse qu’était l’université, ils s’en étaient emparés, en tiraient le meilleur. Aux yeux de la Phénix, c’était déjà une victoire. Sa rancune envers le Comte ne faiblissait pas ; elle avait moins peur, se sentait plus hardie. Elle ne supportait pas qu’on ait joué avec sa vie et sa liberté de mouvement aussi impunément. Elle voulait comprendre.

Mais pas ce soir. Ce soir, elle penserait à Novenka, à Chris, à William, à tous ceux qu’elle n’avait pas vus depuis un mois. Et elle n’allait pas laisser ce directeur gâcher la fête. Son coeur battait plus vite. Elle avança d’un pas vif et assuré vers la boîte de nuit. Les épaules droites, le regard sûr ; elle ne courbait plus sous le poids de ses tracas. Elle les prendrait à bras le corps désormais. Elle avait passé l’année précédente à les enfouir en elle, à les éloigner, mais ils n’en revenaient que plus forts, attaquant au seuil de la nuit, fissurant ses défenses branlantes. Maintenant, elle les accueillait, les laissait venir à elle comme des vieux amis, pour mieux les connaître, et mieux les combattre. A son retour au Royaume-Uni, elle était allée voir le psychomage de Ste-Mangouste délégué aux victimes de la bataille de Poudlard, et y retournerait chaque semaine. Et mots par mots, séances après séances, ils bâtissaient ensemble de meilleures fondations sur les restes des précédentes.

Isolde poussa les portes des deux mains et entra à grand pas dans la boîte. A ses pieds, ses chaussures à talons en forme de licornes réfléchissaient la lumière des spots, et son long collier argenté brillait sur sa poitrine. Elle avait revêtu son unique robe de soirée, noire et coupée aux genoux avec des motifs ajourés le long de l’encolure. Elle s’était autorisée à porter ces chaussures absurdes achetées pour la fête de la Saint-Valentin en espérant surtout faire rire Novenka ; ses dernières lettres l’avaient beaucoup inquiétée, et à défaut de trouver les mots pour la réconforter, elle essayait d’offrir son affection dans ces petits gestes.

L’endroit était magnifiquement décoré. Isolde avança, souriant de plus belle à la vue des couleurs des trois maisons, son coeur tambourinant alors qu’elle croisait le regard de son amie. Elle lut dans ses yeux l’écho de ses propres pensées ; la fierté de tenir bon, la rage de rester ensemble. Isolde était fière de son amie, et elle l’applaudissait de tout son coeur. Les mots lui semblaient un peu vains, tout d’un coup.

Alors elle lui sauta au cou et la souleva presque de terre, l'enserrant dans une étreinte qui résumait tout.

Tout comme l’initiative d’Isolde et Jess, pour accueillir les nouveaux Phénix, une nouvelle soirée avait été organisée. Cette fois, il s’agissait d’une soirée inter confrérie, qui réunissait tout le monde et l’organisatrice était Novenka, une jolie Sinistros, entre autres. La soirée était prévue au Dark Night. Ça faisait des mois que la Mexicaine n’y avait pas mis les pieds.

On était déjà en octobre. Un mois était déjà passé depuis la rentrée. Tout était rentré dans l’ordre et les étudiants d’Haveirson n’avaient toujours eu aucune info sur leur enfermement de cet été. Enfin bref, ce soir c’était soirée étudiants donc Jess avait décidé de laisser ses recherches de côté pour se consacrer à la soirée uniquement. Pas de prise de tête, pas d’enquête pour ce soir. Le froid automnal était de retour et cela se sentait surtout tôt le matin et tard le soir.

Qui dit soirée, dit aussi robe de soirée. Aussi la jolie Mexicaine qui adorait s’habiller, avait opté pour une belle robe rouge. Le rouge allait bien avec sa peau légèrement métissée. Une belle robe rouge bustier avec un bas un peu bouffant. Elle avait sorti des chaussures noires allant merveilleusement bien avec la robe. Pour ce qui est maquillage, comme à son habitude, elle avait fait quelque chose de léger. Elle était belle naturellement, elle n’avait pas besoin d’en mettre trop. Enfin pour la coiffure, elle avait bouclé les cheveux et les avait laissé tomber en cascade sur ses épaules.

Tout comme elle, Zaha aussi était en train de se préparer pour la même soirée. Cette dernière avait choisi une robe de chez elle. Une très belle robe qui lui allait à merveille ! Etant prête bien avant elle, elle lui dit qu’elle y allait. De toute façon Jess la retrouverait au Dark Night plus tard.

Il était 20 heures passées, lorsque Jessica arriva, seule devant le club d’Avalon. Il faisait froid et elle s’empressa d’entrer pour se retrouver au chaud. A l’intérieur elle vit Novenka, et Isolde ainsi que Zaha. Elle alla les saluer :

- Coucou les filles, très jolie déco Nova !

Dit-elle à la Sinistros. En effet les trois confréries étaient à l’honneur ce soir. Des bougies magiques flottaient dans les airs et des banderoles aux couleurs de chaque confrérie étaient accrochées un peu partout.
Jess aperçue très vite une piste de danse ainsi qu’un karaoké. Elle avait hâte que la soirée commence…

La soirée commençait à peine de tomber lorsque Mélina rentrait à Haveirson. Elle venait de s’offrir une bonne journée de pêche. Bon certes, elle revenait les mains vides mais la sieste qu’elle avait faite au bord de l’eau l’avait mise de bonne humeur.  Elle entra dans sa chambre en sifflotant et rangea dans son placard sa canne à pêche avant de se laisser tomber sur son lit. Elle sortit un galion de sa poche et s’amusa à le lancer au-dessus de sa tête et à le rattraper. Elle se demandait de quelle manière elle pourrait occuper sa soirée tout en jetant  un coup d’œil à la chambre pour trouver une idée. Son regard se stoppa et elle se redressa d’un seul coup laissant le galion retomber sur le lit en voyant une bouteille vide sur le sol de la chambre. Cela lui rappela qu’une soirée inter-confréries avait lieu à Avalon.

Mélina se leva brusquement et partie se changer à la hâte. Il était hors de question qu’elle ne rate la première soirée inter-confrérie de l’année.

La nuit s’était installée depuis un petit moment quand enfin prète, elle prit le chemin de la soirée. Il lui tardait d’y être, d’entendre la musique et les étudiants chanter faux. Puis trouver peu à peu qu’ils chantent juste grâce à ce doux breuvage qui chauffe les oreilles appelé communément alcool. Rien qu’en pensant à cela, son pas s’accéléra et un sourire arbora son visage. A présent il lui tardait d’y être.

Arrivée à Avalon, Mélina ne mit pas longtemps à apercevoir le Dark Night. Le nom lui plaisait déjà.
Dark Night, Dark Angel. C’est presque pareil  dit-elle en pensant au parfum de son cocktail favori. En s’approchant elle constata qu’il n’y avait pas encore de bousculade à l’entrée. Elle regarda l’heure sur sa montre « en même temps il est encore tôt ». Elle continua sa route vers l’entrée.

Une fois la porte du Dark Night poussée, elle remarqua qu’une personne était postée à côté de celle-ci. Mélina n’ayant jamais vu cette fille et en déduit que ça devait certainement être la guichetière de la soirée. Elle s’arrêta nette. « Ha zut, ce n’était pas marqué que l’entrée était payante. Non mais j’vous jure, ils ne sont pas idiots ces sinistros. » Pensa-t-elle en se passant la main dans le cou. Puis elle jeta un coup d’œil à la salle et se dit que finalement un tarif d’entrée était peut-être justifié en voyant le travail que les sinistros avaient dû effectuer. Son regard revint vers la demoiselle de l’entrée et, tout en la fixant Mélina chercha son portefeuille enfouit au fond de sa poche en demandant.
Bonsoir, c’est combien l’entrée ?

Novenka accueillit les premières invités, car ce fut exclusivement des filles qui arrivaient à la porte. Toutes de la même confréries. Et malgré les louanges sur la décoration et les questions étranges sur un prix d'entrée, Novenka n'avait d'yeux que pour Isolde. Malgré sa robe longue à s'en prendre les pieds dedans, et le décolleté plus que plongeant, elle serra son amie dans ses bras et se laissa porter.
En retombant sur ses talons, elle remit les bretelles de sa robe en place. « Hope déteste cette robe. » Dit-elle comme accueil. Elle se mit à rire, presque aux larmes. Il était si bon de la revoir. Si bon de la toucher.
Elle n'était plus abandonnée, ils revenaient doucement de l'enfer mais tous revenaient.
La robe dévoilait des formes et des parties de son corps qu'elle ne montrait qu'à ... son colocataire qui ne la regardait jamais ou furtivement.
Son dos nu était mis en valeur par une coiffure haute.

Elle sourit aux nouvelles arrivantes en ouvrant grand les bras pour les prendre dans ses bras les unes après les autres. « Vous êtes magnifiques. Bienvenue à la soirée ! Faites comme chez vous... Il y a plusieurs boissons sur les tables mais sinon vous pouvez commander directement au bar, tout est... gratuit. » dit-elle en regardant Mélina. « Mes économies entières y sont passées et j'ai eu un petit peu d'aide, inutile de penser à ce genre de chose ce soir. »

Elle resta près de la porte en tenant fermement la main de son amie, Isolde. « Je suis devenue Présidente de ma confrérie. J'espère que Chris ne m'en voudra pas d'avoir ... pris sa place à la tête de la maison du chien maudit. » Son regard s'attarda sur l'extérieur et elle se mit à sourire, malicieuse. « Tu as dit à toute ta confrérie de venir ce soir ? » Elle lui donna un léger coup d'épaule et baissa les yeux vers les chaussures licornes. « Par Merlin, s'écria-t-elle, elles sont magnifiques ! » Elle s'écarta sans lâcher la main de son amie pour les observer. « Je veux les mêmes ! »
Elle salua les nouveaux arrivants d'un sourire et se tourna vers Isolde. « Comment s'est passé ton mois chez tes parents ? » En réalité la question qui lui brulait les lèvres était toute autre. « Tu m'as ramené la cuisine de ton papa ? » Elle se mit à rire, à n'en plus pouvoir.
Que c'était bon.
Bon d'oublier, de revenir à avant.

En silence, ses doigts ajustèrent le col de sa chemise. Droit. Opalin. Constitué de fibres délicates et ornées d’arabesques argentées. Concentré sur cette tâche méticuleuse, l’ancien Serpentard y adjoignit ensuite une cape à l’ébène profond – et inquiétant. Tempétueux. Autant que l’était son humeur depuis la veille.

Ils méritaient tous la damnation éternelle.

Et se vêtir d’atours aux étoffes coûteuses – quoi que toujours sobres et mesurées – ne le rendait guère plus jovial. Au contraire.

D’un geste néanmoins délicat, il glissa un Lisianthus blanc dans les entrelacs cendrés et rutilants de sa pelisse. Un reliquat éphémère – une promesse ? – du bouquet envoyé quelques heures auparavant à Novenka.

Un avertissement, en vérité ; il serait là.

***

Quelques silhouettes évoluaient déjà aux alentours de la bâtisse. Mais Rowan ne s’y intéressa guère – pas plus que les quelques auras féminines qui compliquèrent considérablement ses déplacements pour atteindre l’entrée. Peu en importe, cependant : il se mouvait avec l’assurance caractéristique des infants de la Pourpre. Le port altier – impérial, même – et nonchalant.

Lui conférant cette impression mystique et déroutante d’évoluer hors-du-temps. Intouchable et intouché, par le commun des mortels. Presque intangible.

Novenka. Dès qu’il la vit, le jeune aristocrate s’extirpa de la liesse méprisable des curieux pour rejoindre sa camarade. Et Isolde. Une alliée estimée.

« Mesdemoiselles. » Il s’inclina avec politesse, avant de reprendre d’une voix implacablement maîtrisée. « Pardonnez mon interruption. Cependant... Je suis ravi de pouvoir vous retrouver en de pareilles festivités. » Ses iris pâles et inquisitrices glissèrent vers le visage de sa compagne. « Et les dieux savent à quel point elles promettent d’agréables louanges de la part des invités. »

Quelques secondes, il ne put s'empêcher de détailler les traits appréciés de la Slave. « Si je peux me permettre, comment allez-vous, toutes deux ? »

Lara était angoissée, elle faisait les 100 pas  dans sa chambre ; mais que lui avait il pris d'accepter ce rendez vous ? Oui elle avait peur de rien mais là elle avait peur d'elle même, de ce qu'elle devait faire.

Puis prenant son courage à deux mains, elle revêtit  la robe qu'elle avait trouvée.  Elle était noire, longue un simple bustier mettant ses formes en valeur pour retomber tel un voile sur ses longues jambes. La jupe était fendue sur le côté dévoilant ainsi la longueur de jambes. Elle conclut sa tenue par des petits escarpins noirs. Elle la peaufina par un maquillage et un parfum discrets. Pour ce qui est de la coiffure, elle décida de laisser retomber sa chevelure brune dans le dos.

Elle sortit de la salle de bain, salua Alyson au passage et lui dit « rendez vous à la fête je t'y attends avec ton ami je pense ? » en lui adressant un clin d'oeil. Sa camarade n'était pas encore prête.

Elle sortit rapidement de la confrérie, pour se diriger vers le lieu de rendez vous qu'elle leur avait fixé, sur le perron du château.

Il était là, celui qui l'avait laissée pantoise sur le bord de la piscine attendait quelques marches plus bas. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand il se retourna ; la classe jusqu'au bout. Il était parfait ; une tenue cintrée qui le mettait en valeur. Quand elle le vit la dévisager elle ne manqua pas de baisser les yeux au point qu'elle ne les releva qu'au moment où il lui prit la main pour déposer un  tendre baiser. Elle lui répondit « il en va de même pour vous Monsieur Farmest ; votre invitation m'est allée droit au cœur, j'espère pouvoir y rendre complètement honneur ce soir ». Elle n'avait jamais appris comment se comporter dans ces situations ; elle les fuyait. Une partie d'elle même voulait à ce moment même repartir dans sa chambre pour se cacher sous sa couette. Ce n'était pas de la peur qui hantait Lara, c'était juste une montée d'émotion qu'elle n'arrivait pas à gérer.

Il lui donna le bras sur lequel elle posa sa main délicate pour se diriger vers Avalon, là où la soirée se tiendrait.

Quand ils arrivèrent devant la porte, Hadès lui tint la porte pour la laisser rentrer. Le monde déjà présent coupa les jambes de Lara sur le coup. Elle se prenait sa hantise de plein fouet. Elle connaissait tout le monde mais en même temps elle ne connaissait personne. Elle vit plusieurs des partenaires qui l'avaient rejointe à la piscine l'autre jour, notamment la pile électrique Melina à qui elle adressa un discret signe de la main et il y avait aussi Emeraude qui avait remarqué son trouble lors de l'arrivée d'Hadès ; elle remarqua Zahara seule dans son coin à qui elle adressa également un discret signe de la main. Elle faisait partie de la même confrérie. Elle choisit prudemment de suivre Hadès. Après tout, ils voulaient profiter de la soirée pour se connaître, elle le rejoint au bar, ou elle s'assit sur un des tabourets présents en croisant ses jambes.

Le regard de Novenka réchauffa Isolde de la pointe des pieds jusqu’au crâne. Elle jugea son départ encore plus absurde ; et à la joie vint se mêler la culpabilité, le remord d’avoir abandonné son amie ici. Mais la joie d’abord ; son rire clair s’accorda avec celui de sa camarade et souffla tous ses doutes. Elle avait bien fait de revenir. Au diable le Comte et ses manigances, ce qu’elle retrouvait ici valait tous les risques.

Sans se départir de son sourire, Isolde observa la robe de Novenka et pouffa de nouveau. Elle n’avait aucun mal à deviner pourquoi la robe s’attirait les réprobations de la jeune Westminbrook. Malgré la désaprobation serpentarde qui étendait son aura même ici (Isolde pouvait littéralement voir les yeux plissés de Hope devant le décolleté plongeant, et elle en souriait encore plus), la coupe mettait splendidement Novenka en valeur et la Phénix, en observatrice pas tout à fait neutre dans ce domaine, ne pouvait qu’admirer la vue.

- Tu es magnifique !

Elle écouta à peine les explications de son amie, souriant juste aux têtes connues qui défilaient devant elles, trop concentrée à détailler son visage poudré pour chercher les traces de l’été passé. Elle semblait revivre, dans son rôle d’organisatrice de soirée. Isolde la trouva forte, et elle l’admirait. Plus forte que cette silhouette mince et ce visage doux le laissaient paraître. Assez forte pour rester dans le château même après son ouverture, pour tenir bon, pour croire, faire confiance malgré tout. Elle serra fort la main de son amie. Isolde n’oubliait pas, ne voulait pas revenir en arrière. Mais elle pouvait maintenant avancer.

Elle pensait avoir ruiné ses chances pour la présidence en partant ; et si…

- Il y a déjà eu des nouvelles élections ? Ou ton titre a été transféré à Sinistros ? Son coeur se serra à l’idée que le poste avait dû être donné par défaut à Chris en son absence. Elle considérait son ami tout à fait capable, la question ne se posait pas ; mais elle aurait aimé continuer, donner son temps et ses idées pour sa confrérie. Elle s’était laissé prendre au jeu et les responsabilités de présidente lui manquaient. Tu sais ce qu’il en est à Phénix ? L’envie se lisait dans ses prunelles brillantes. Chris est déçu d’avoir quitté Sinistros, mais je doute qu’il t’en veuille… Ce n’est pas toi qui a décidé de lui prendre son poste, ajouta-t-elle avec un doux sourire. Sinistros a beaucoup de chance de t’avoir en tout cas !

- Je n’ai même pas eu besoin de leur dire de venir, dit-elle en riant. Les Phénix sont des fêtards nés, ça doit un des critères de répartition. Ça, et le goût inégalé pour la mode, dit-elle en exhibant ses chaussures avec un air d’esthète. Puis, perdant de nouveau son sérieux :

- Je demanderais à Clemens de les dupliquer ! Je suis certaine que Rowan les adorerait. Tout comme Hope adorait la robe. Je me demande si on pourrait les enchanter pour qu’elles hennissent, dit-elle alors que sa main allait tortiller une de ses boucles en signe de réfléxion intense. Clairement, les chaussures étaient encore trop discrètes.

Elle lança un nouveau franc sourire à son amie. Peu de gens lui avaient écrit pendant son absence, et l’Abraxane - non, la Sinistros, il faudrait s’y habituer - avait été d’un soutien sans failles. Comme toujours.

- Ça s’est bien passé. Je les ai un peu inquiétés les premiers jours, avoua-t-elle d’un air coupable, ils ont compris que quelque chose n’allait pas, même si je ne leur ai pas tout raconté. Mais je ne suis pas restée tout le mois chez eux. Je suis allée voir une… amie. Une vieille amie. On a eu une discussion très enrichissante, elle a trouvé les mots, c’est… difficile à expliquer. Parfois, l’avis d’une personne extérieure éclaire notre situation d’une lumière nouvelle. J’en avais besoin. Son regard se perdit au loin une seconde, avant de revenir à la situation présente. Je suis aussi allée voir une ancienne Abraxan, Amaranthe, tu la connais ? Elle vit à Salem. J’ai changé d’air, ça m’a fait du bien. Et merci pour tes lettres, dit-elle avec un sourire sincère. Bien sûr que je t’ai ramené des gâteaux ! Mon père ne m’aurait pas laissé partir sans de toute façon !

Elle sortit de son sac une boîte en verre remplie de petites crêpes et un gros gâteau aux pommes et à la cannelle, soigneusement emballé avec un petit mot pour Novenka. Le mot avait été enchanté par Isolde et lorsque la Slave l’ouvrirait, des notes jouées par la clarinette paternelle s’échapperaient du papier pour les saluer depuis Dublin.

Rowan entra à son tour. Le sourire d’Isolde se figea une seconde. Il les salua de sa politesse imperturbable et inchangée, et la Phénix lui répondit mécaniquement. Pendant une seconde, elle eut peur. Pendant une seconde, elle vit le Rowan des journaux, des procès, le Rowan ancien Mangemort, et elle eut peur. Elle retint avec peine son regard qui tentait de glisser vers l’avant-bras droit du jeune homme. Pendant une seconde, elle se demanda ce qu’il pensait d’elle, Née-Moldue, s’il la méprisait, la détestait derrière son masque de bienséance.

Une deuxième seconde passa. Non, Rowan n’était pas de ces gens, il était trop entouré de Sangs-mêlés et de Nés-Moldus pour les haïr sincèrement. Il ne pouvait feindre son attachement pour Novenka. Quel intérêt y gagnerait-il ? De plus Clemens lui faisait confiance, et Isolde avait une confiance presque aveugle dans le jugement de l’allemand en ce qui concernait ses amis. Elle avait beaucoup moins de considération pour ce torchon qu’était la Gazette.

Alors pourquoi s'était-il marqué ainsi ? Elle commençait à peine à mesurer l’étendue de ce que signifiait être aristocrate dans le monde sorcier, et c’était beaucoup plus que cette attitude guindée dont elle souriait avec affection ou qui la révoltait parfois, habituée qu’elle était à vivre sans cette pression. Elle devait être honnête, elle n’avait aucune idée des fils dans lesquels il se débattait.

S’il s’était agi de Clemens, elle aurait pardonné sans hésiter. Elle aurait compris sans qu’il ait à se défendre. Mais Rowan était entré dans un entre-deux flou. Elle avait un peu peur, sans le détester pour son ancienne appartenance, mais sans pouvoir lui accorder la même confiance qu’auparavant. Tout dans son apparence semblait vouloir l’écraser, elle le ressentait plus violemment que jamais. Elle se redressa.

- La fête est magnifique, je le disais à Novenka.

Elle laissa ses yeux glisser sur son visage, sondant son expression impénétrable. Elle sourit doucement.

- Je vais mieux, et toi ? J’arrive tout juste à Avalon, j’ai pris des vacances pour reprendre des forces. Je suis contente de te savoir de nouveau à Haveirson.

Elle l’était, sincèrement. Malgré son apparence encore plus imposante, malgré l’infâme titre de Mangemort, il avait été son ami. Il comptait, pour Hope, pour Novenka, pour Clemens, pour elle. Et elle voulait qu’il en reste ainsi.

Elle tendait doucement les mains vers les délicieux plats qu'avait préparé, avec amour, le père d'Isolde. Novenka posa le tout sur une table et ouvrit la petite carte qui se mit à faire une musique superbe, cette carte enchanté, Novenka y lut la gratitude quant à ses compliments, elle rougissait légèrement. Alors que la carte se taisait... Elle devrait penser à lui écrire directement, et lui demander de nombreuses recettes.
La gourmandise l'appelait, lui demandait d'ouvrir et de goûter les mets. Mais elle se retint. Elle voulait profiter de son amie, qu'elle soit de retour, près d'elle et avec elle. Pour affronter le futur... Le Comte.
Et chasser une bonne fois pour toute cette voix détestable. « Il faut que je te parle de ... »
Mais elle releva aussitôt les yeux, coupa nette sa phrase.

Alors qu'Isolde semblait perdu dans une analyse poussée de la silhouette de son ami, Novenka, elle, le regardait en rougissait légèrement. Elle ne savait pas comment se comporter en tel public, alors elle se contenta d'un mouvement maladroit de la tête avec un sourire timide. Quoi offrir d'autres, même s'ils étaient hors de château, il insistait pour que les choses soient dissimulées, non ?
Elle plissa légèrement le nez, tic qu'elle avait attrapé durant l'été lorsqu'elle réfléchissait un peu trop, et que les solutions manquaient.

Elle se tourna doucement vers Isou quand elle affirmait que la fête était magnifique. Novenka n'était pas peu fière des moyens qu'ils avaient employé et de l'aide précieuse qu'elle avait reçu de ses amis de confrérie.
Mais sa vie semblait changer, autant que les couleurs qu'elle représentait désormais. Mia & Chauncey s'étaient éloigné d'elle, ou était-ce elle ?. Anton ne lui parlait plus depuis que Rowan était rentré, et Azphel avait tout simplement disparu... Dans la nature.
Elena ne parlait pas beaucoup, mais elle était toujours là. Non, cette nouvelle année l'avait rapproché de RJ, William et Isolde. De nouveaux alliés pour une nouvelle mission : défaire cette école. Dénoncer.

Mais ce soir, c'était la fête. « Veuillez me pardonner un instant. »
Elle se dirigea vers Zahara, laissant sa robe trainer sur le sol. Elle épousait parfaitement ses formes qui se remplumaient légèrement. Elle posa une main doucereuse sur l'épaule de la jeune Marocaine. « Est-ce que ça te dit de lancer la soirée Karaoké en nous offrant la première chanson ? »
Elle se tourna vers Isolde et Rowan, un sourire mystérieux sur les lèvres. Elle leur fait signe d'approcher et s'installa à une table voisine à la marocaine et les Phénix déjà présents.
Elle sortit sa baguette de son sac et donna un coup silencieux vers le milieu de la piste et la machine se mit en marche. « Tu n'as plus qu'à demander ce que tu veux chanter et y aller. Donne tout ! »
Elle finit par glisser doucement son regard sur Rowan, un sourire en coin. Discret.
Légèrement aguicheur. Subtile.
Des verres glissèrent dans les airs pour se poser délicatement sur les tables, Novenka porta ses doigts fins autour de l'un d'eux. Prête à trinquer.

Il y eut quelques infimes secondes de silence – d’appréhension cristallisée entre eux. De bourdonnements inquiets qui se prélassaient dans l’atmosphère pourtant agréable de la bâtisse. Ce furent des instants dérisoires et futiles, volés aux rouages du présent par quelques pensées extatiques.

Mais une incertitude suffisante pour qu’il la soupçonna sans en avoir véritablement la preuve. Aux confins de l’intuition et de la paranoïa – des emblèmes souffreteux de son observation minutieusement menée auprès de ses pairs. Deviner. Anticiper. Pour ne plus jamais se laisser piéger. Quitte à se fourvoyer davantage sur des points litigieux.

Or, il ne laissa rien paraître des violents entrelacs de sa conscience. Les traits de son visage se contentant de paraître – et non, d’être. Quiets. Nonchalants. Présumés intouchables. Un masque ciselé avec une précision proche du génie ; aussi splendide que redoutable dans l’indifférence notable qui s’y lisait.

La fête est magnifique. Il acquiesça avec une délicatesse travaillée et affable. Sans se départir, toutefois, de son audacieuse et impériale stature. Je vais mieux. « J’en suis heureux, Isolde. » Toi ? Il détesta cette interrogation, plus que toutes les autres offenses auxquelles il avait du faire face par le passé.

Que répondre ? Ses aînés avaient été assassinés. Sa sœur, arrachée. L’autre, défigurée. Son bras gauche, dressé et brimé au-devant de la foule. Son avenir au Ministère, brisé. Il n’éprouva que du dégoût à se risquer aux aveux. Aux lamentations. Ces choses-là ne méritaient pas de s'y attarder.

Ses iris restèrent un moment à toiser sa brune camarade. Cruellement ingénue. « Tout va pour le mieux. » Et il mentait comme il respirait ; avec un naturel effroyable. Méticuleux. Propre aux héritiers de la Pourpre insolente – quoi qu’il n’était plus, désormais, l’un d’eux.

Mais un patriarche dans toute sa puissance - craquelée. « Il est plaisant, pour moi, de pouvoir vous côtoyer de nouveau. » Son regard glissa de l’étudiante de Phénix vers sa consœur de Sinistros. Novenka. Vraisemblablement distante et maladroite. Intimidée ? Ils s’étaient salués tels des étrangers – et il s’en agaçait derrière les apparences savamment lissées de sa contenance.

Veuillez me pardonner un instant. La Slave se déroba à leur proximité. Rowan en profita immédiatement pour s’approcher d’Isolde et lui souffler quelques mots à l’oreille. Une supplique dissimulée par l’ardeur d’une sommation impériale ; un avertissement, en vérité. Nécessaire. Dès que ce fut fait, il reprit sa place. Droit et altier.

Implacablement maîtrisé. Se refusant à s’adonner à quelques intérêts sybarites envers sa compagne – à se perdre dans les étoffes finement taillées et traînantes de sa robe. Ce serait déraisonnable. N'est-ce pas ?

Brièvement, elle se tourna vers eux. « Allons-y. » L’ancien Serpentard tendit son bras à l’attention de sa complice aux boucles brunes. En un geste lent et maniéré. Une action qui leur permettait de rejoindre, en toute sérénité, la table de leur amie commune. « Je suis curieux de connaître ce que tu nous réserves encore, Novenka. » De s’y installer élégamment, pour intégrer une proximité tant espérée.

Et, soudain, il la sentit – autant qu’il la vit. Cette esquisse de sourire. Cette ondée presque licencieuse qui s’insinuait entre eux. Brûlante et âpre. Caressante. Il ne s’y déroba guère – et consenti même à le soutenir. Les veines piquées d’un intérêt rudement contenu, tant la bravade se faisait défi.

La voix de l’infante McWood, pourtant mille fois reconnaissable, ne parvint pas à briser cette attraction. « Mademoiselle McWood. » Pas même alors qu’elle s’osait à évoquer l’interdit. « Considérez, Elena, que c’est une joie de pouvoir vous retrouver ici-bas. »

Et que lui, Empereur, se contentait de noyer avec une amabilité effroyable.

Résumé: