La Salle Commune

En sentant Gwen s'asseoir, Malva lui lança un coup d'oeil ; leurs regards se croisèrent et Malva eut un sourire en coin.

- Hé.

Dans l'ensemble, tous les Gryffondor s'en étaient pris plein la poire par Rogue, mais Gwen semblait être celle qui s'était le plus attiré ses foudres aujourd'hui.

- Pour Rogue... apparemment il est comme ça avec tout le monde, ne le prend pas trop personnellement, ok ?

- Hm. Et toi t'es première de classe en étude de moldus...

Malva lui lança un coup d'oeil appuyé, avant de s'accroupir près du feu qui crépitait dans la cheminée ; elle passa ses bras autour de ses genoux et ferma les yeux. Le silence, coupé seulement par le feu de cheminée, lui rappelait chez elle. Elle se sentait à la fois bercée et étrangement mélancolique. Bien que la remarque de Gwen ait été juste, Malva avait quand même souffert des regards méprisants et des sourires moqueurs de Rogue ; naturellement, ce n'était pas comparable à ce que sa camarade avait eu à affronter, mais une passionnée de plantes telle que Malva en avait quand même été blessée.

Harry rentra dans la salle commune précipitamment couvert d'oeufs. Peeves avait canarder le hall d'oeuf frais et le pauvre Gryffondor qui passait justement par là n'avait pas été épargné.

"Saleté de Peeves va!" grogna-t-il.

Entre la tarte au banquet de bienvenue, et les oeufs, il pouvait dire que Peeves avait une dent contre lui. Il regarda autour de lui les élèves le dévisager et dit

"Quoi? je ne fais que passer, je vais me changer..." dit-il en prenant la direciton des escaliers.

En voyant Harry Potter passer couvert d'oeufs, Malva eut un petit sourire en coin, légèrement moqueur, puis elle haussa les épaules. Aujourd'hui, elle n'avait pas de serviettes à lui donner.

- Ah oui, je comprends mieux, répondit-elle plus froidement.

Gwen ne lui avait jamais dit qu'elle était d'origine moldue. Malva s'en était certes doutée, mais elle avait à présent confirmation que Gwen était potentiellement une menace pour elle et sa famille.

Une fois de plus, Malva se renferma brusquement ce qui fini par énervée Gwen. Elle n'était pourtant pas du genre à prendre la mouche pour rien, mais le comportement de Malva était blessant surtout qu'elle ne comprenait pas ce que Malva lui reprochait.

-Tu sais quoi, j'en ai marre de tes sautes d'humeur! répliqua Gwen en se levant du canapé, quand tu seras décidé à dire ce que je t'ai fais, viens me trouver! dit-elle en tournant les talons.

Gwen quitta la salle commune d'un pas furieux jusqu'au dortoir qu'elle partageait avec les autres filles de première année.

Malva haussa les épaules à la réaction de Gwen. Bah ! Elle avait probablement les nerfs à vif à cause de Rogue, voilà tout. Pas la peine d'en faire un plat. Au fond d'elle, elle culpabilisait un peu, mais elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle avait fait de mal. Et de toute façon, il valait mieux pour elle qu'elle évite de se lier d'amitié avec sa camarade, celle-ci était trop dangereuse. Soupirant doucement, Malva s'étala à plat ventre sur le tapis devant la cheminée et commença à se plonger dans son livre de métamorphose, à contrecoeur.

Malva descendit de son dortoir dans la salle commune et laissa son gros manuel de sortilèges tomber lourdement sur l'une des tables libres. Demain, la semaine de cours reprendrait, et elle n'avait même pas fini tous ses devoirs, trop occupée qu'elle avait été à passer le week-end en compagnie de Shell. En soupirant, elle s'installa, assise sur une fesse, sur l'une des chaises, et commença à feuilleter son livre distraitement, sa tête à la chevelure ébouriffée reposant sur sa main droite, dont le coude formait une équerre avec la console.
Un groupe de première années bavassait au coin du feu de façon animée, ce qui l'empêchait de se concentrer. Malva leur lança un regard courroucé, ce à quoi ils répondirent par quelques rires et des chuchoteries animées. Soufflant de plus belle, la Gryffondor fronça les sourcils et tenta de faire abstraction des nuisances sonores alentour.

Installé au coin du feu, Cyril fit une boulette de son parchemin et la jeta dans l'âtre. Pour la troisième fois, il essayait de commencer un courrier à l'intention de sa mère, mais il ne parvenait pas à trouver les mots. Il avait envie d'être à nouveau dans leur cottage, en bord de mer, pour se raconter leurs anecdotes. L'esprit léger, libre de tous doutes. Cela lui paraissait cependant bien naïf et puéril au vu de la situation. Il décida de s'y reprendre le lendemain, une fois qu'il se serait reposé. La fraîcheur matinale de l'automne et une petite balade dans le parc lui éclairerait sans doute les idées et l'aiderait à trouver l'inspiration. De plus, un groupe d'élèves de première année avait eu l'indélicatesse de s'installer à la table voisine et il se sentait parasité par leur conversation, qu'il s'efforçait d'occulter depuis plus d'une demi-heure. Tanpis. Il ferma les yeux et se laissa aller.

Malva. Le prénom soufflé à demi-voix, juste à côté de lui éveilla son attention. Depuis leur retour à Poudlard, il avait à peine croisé la petite Stark. D'après ce qu'il avait pu voir au détour d'un couloir, son attitude sauvage mais distinguée ne l'avait pas quittée. Il tendit donc l'oreille pour capter plus de la conversation, curieux. Le Grffondor regretta rapidement son idée; les propos à l'égard de la jeune fille était plutôt persifleurs. Le groupe se tournait sans cesse vers un coin de la salle commune et repartait de plus belle dans son fou-rire. Cyril suivit leurs regards et découvrit Malva, raide et solitaire face à un livre qui semblait lui en vouloir. Il jeta un regard noir aux premières années qui se turent aussitôt sous le coup de la surprise - avant de repartir de plus belle. Peu lui en importait, il traversait déjà la salle commune à grandes enjambées pour se laisser tomber sur une chaise en face de son amie. Peu probable qu'elle voie les choses de la même façon.

" Salut Malva ! Un peu à la bourre sur tes devoirs ? " la taquina-t-il. " Tu as été si demandée ce week-end que tu n'as pu avancer ? "

Cyril se doutait, tant grâce à ce qu'il connaissait d'elle, que grâce à la discussion qu'il avait surprise, que ce n'était pas le cas. Une approche encore plus directe l'aurait néanmoins brusquée.

" Salut Malva ! Un peu à la bourre sur tes devoirs ? "
- Oh, Cyril, réagit la jeune fille en relevant la tête de son livre. L'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres. Bonjour. On ne s'est pas beaucoup croisés depuis la rentrée, et pourtant, nous sommes dans la même maison...

Elle avait prononcé cela d'un ton égal. À dire vrai, depuis septembre, ils n'avaient dû guère se parler plus d'une fois, lorsque ce dernier était venu la féliciter pour son admission à Gryffondor, la même maison que lui. Depuis, ils n'avaient guère fait plus que de se croiser dans les couloirs entre deux cours, mais Cyril n'avait jamais manqué de lui sourire ou de lui adresser un clin d'oeil complice lorsque c'était le cas. Ce à quoi Malva répondait la plupart du temps par de brefs hochements de tête, courtois mais secs.

Pourtant, elle était quelque part soulagée de le voir aujourd'hui. Depuis sa rentrée, elle ne s'était fait aucun vrai ami - même si, force était de le reconnaître, elle ne pouvait guère s'en prendre qu'à elle-même sur ce chapitre. Oh, elle appréciait bien la compagnie silencieuse et discrète de Roxane lors des cours, et Hermione ne manquait jamais de se montrer gentille avec elle lorsqu'elle la croisait, mais en dehors de ça, ses contacts avec Poudlard n'avaient pas été extraordinaires. Cyril était l'une des rares personnes avec qui elle pouvait se permettre de se détendre un peu, de relâcher la boule de tensions qu'elle avait accumulée depuis qu'elle était arrivée ici.

Parce que Cyril savait qu'elle était sang pure, et Malva savait que Cyril l'était. Si le jeune homme avait été prudent, il ne s'en était probablement pas vanté depuis la rentrée. Grâce à cette connaissance qu'elle avait de lui, la jeune Stark savait que le fait de le fréquenter ne mettait pas sa famille potentiellement en danger. Il était également au courant qu'elle adorait la botanique, intérêt qu'il partageait également grâce à sa mère, ce qui aidait.

Au final, curieusement, la seule chose qu'il ne savait pas à son égard et qui ne permettait pas à la Gryffondor de se laisser totalement aller avec son aîné, c'était Shell. Enfin...

" Tu as été si demandée ce week-end que tu n'as pu avancer ? "

Malva sursauta et lui lança un coup d'oeil soupçonneux. Etait-il au courant pour ça aussi ? Il ne fallait rien laisser paraître, peut-être n'était-ce qu'une parole malheureuse... Elle se força à grimacer un sourire, tout en marmonnant à mi-voix :

- Hum... oui... on pourrait dire ça.

Cyril acquiesça. Avec les quatre ans d'écart, ils n'avaient que peu l'occasion de fréquenter les mêmes endroits aux mêmes moments. Il était souvent en vadrouille à droite ou à gauche dans le château et ses occupations ne convenaient pas vraiment à une élève de première année. Du moins, pas à une comme Malva qui tenait probablement à se faire discrète et à préserver sa réputation. De toutes façons, il n'aurait jamais envisagé la possibilité de l'emmener avec lui dans ses escapades. Il assumait ses entorses au règlement, mais il mettait un point d'honneur à ne jamais emmener un innocent avec lui. La salle commune était de plus un endroit fort bruyant donc il s'esquivait volontiers avec un groupe restreint d'amis. La jeune Stark n'avait cependant pas besoin d'être entretenue de tous ces détails. Il se contenta donc de lui répondre, innocemment.

" Nous sommes tous très occupés... Pour moi, c'est l'année des BUSEs, alors j'essaye de travailler avec plus de sérieux. "

Demi-vérité. C'était son intention, en effet, mais il n'avait pas encore eu l'occasion de la mettre en pratique. Certes, il aurait pu mettre plus de coeur à l'ouvrage, mais entre les folies avec Abbie et toutes ses autres rencontres diverses et variées... Enfin, voilà.

Néanmoins, le Gryffondor fut soulagé que la jeune fille l'accueille avec une courtoisie amicale. A chaque fois qu'il la saluait, il ne parvenait pas à déterminer si sa réponse empreinte de raideur était son attitude, ou une marque d'agacement. Elle se démarquait sans conteste de tous les autres élèves de premières années qu'il avait jamais rencontré. Roxane était elle aussi dotée d'une maturité surprenante, mais elle n'avait pas la noblesse et la conscience que Malva présentait. Les attentes qui pesaient sur ses frêles épaules de fillette marquaient incontestablement son caractère et imposait une distance presque naturelle et inconsciente avec ses camarades. Cyril fut donc surpris, et content, qu'elle semble avoir été occupée durant le week-end.

" Ah bon ? Raconte ! "

Il la fixait avec des yeux brillants, un enthousiasme non-feint se trahissait dans ses paroles. Il s'était attendu à devoir trouver des excuses pour la mêler à ses camarades... Peut-être serait-ce inutile ? Un doute émergea néanmoins en lui, au souvenir de leurs conversations estivales. Malva était rusée. Et les sous-entendus qu'il avait perçu quelques minutes plus tôt de l'autre côté de la salle commune confirmait son doute.

" C'est rare qu'en première année, on se lie déjà avec des élèves d'autres maisons !"

Commentaire positif, l'air de rien. Pour un peu, il serait tombé dans le panneau. Cette fois-ci, l'expérience l'avait cependant mis en garde.