La Salle Commune

" Nous sommes tous très occupés... Pour moi, c'est l'année des BUSEs, alors j'essaye de travailler avec plus de sérieux. "
- Oui, bien sûr, et c'est tout à ton honneur, répondit-elle d'un ton placide mais courtois.

" Ah bon ? Raconte ! " repartit le jeune homme. " C'est rare qu'en première année, on se lie déjà avec des élèves d'autres maisons !"

La Gryffondor fronça légèrement les sourcils, partagée entre soulagement et suspicion. D'après sa réaction, il aurait été surprenant qu'il soit au courant de quoi que ce soit pour Shell, ou alors il était excellent comédien. Non, Cyril voulait en venir quelque part, où elle l'ignorait, mais elle ne tarderait sans doute pas à le savoir.

- Je ne pensais pas à des amis, répliqua-t-elle simplement avec un haussement d'épaules, mais ma collection botanique me demande toujours beaucoup de temps, et c'est normal quand on veut en avoir une digne de ce nom.

Un demi-mensonge, mais qui marcherait sans doute bien puisqu'il savait la passion qu'elle avait pour toutes sortes de plantes... passion héritée par ailleurs de sa mère. Mais elle n'eut pas le temps d'entendre sa réponse qu'elle se retourna vivement vers la cheminée, suite à des éclats de voix furieux.

"-Ne vous moquez pas des différences des autres."

Alexandre venait de frapper au visage le leader du groupe qui semblait se moquer d'elle. Malva se redressa sur sa chaise, ne sachant trop comment réagir. Une part d'elle-même ronronna de satisfaction, se disant que ce coup était bien mérité, mais une autre, cependant... Alexandre l'avait défendue, mais en agissant ainsi, il l'avait également montrée comme une victime toute désignée et, qui plus est, qui ne pouvait se défendre seule. La jeune fille doutait que l'attitude de son camarade, même s'il partait d'intentions louables, lui serait bénéfique au final.
Elle se leva avec raideur.

- Merci beaucoup, Alexandre, articula-t-elle d'un ton détaché. J'apprécie beaucoup cette marque de dévouement à mon égard, mais sache cependant que je n'ai pas besoin que l'on me protège. Je peux très bien me charger de ces affaires seule, conclut-elle en lançant un coup d'oeil en biais au groupe.

Le leader saignait du nez ; nul doute qu'il tenterait tôt ou tard de se venger.

Avant même qu'il ait pu réagir à la réponse de Malva, un autre élève de première année fonça droit vers le groupe des importuns et s'en prit à la grande gueule du milieu. Cyril observa d'abord la scène d'un air perplexe. D'où était-il sorti, celui là ? Sa question intérieure portait tant que le coup de poing que sur le garçon. Son regard perplexe se posait alternativement sur la petite furie, puis sur son amie, sans qu'il ne parvienne à véritablement comprendre la situation. La jeune Stark s'était de toute évidence fait au moins un ami, même si une réaction si remarquable n'arrangeait probablement pas ses affaires. Existait-il un lien entre eux de plus longue date que leur rentrée à Poudlard ? Le cinquième année se promit de réfléchir plus amplement à cette question. Mais cela devrait attendre, il avait plus urgent sur les mains.

Cyril se leva, traversa la pièce d'un pas rapide et vint se planter à côté du groupe, laissé hagard et désordonné par ce déchaînement de fureur. Il s'efforça d'afficher une expression sévère et toisa les élèves du haut de sa carrure impressionnante, pour un jeune homme de quinze ans, du moins.

" Et si vous l'ameniez chez Madame Pomfresh, au lieu de rester plantés là comme des abrutis ? " tonna-t-il, tout en désignant l'élève gémissant. "Allez, filez !"

Il aurait probablement pu s'occuper lui-même de soigner un nez cassé, mais à cette heure, ils trouveraient encore facilement l'infirmière. De plus, cela l'arrangeait bien de les pousser à ficher le camp. Malva n'était déjà pas bien prompte aux confidences, mais avec un groupe d'antagonistes à quelques mètres d'elle, c'était tout à fait peine perdue. Avec un soupir, il revint s'installer auprès des deux autres jeunes Gryffondor.

" Vous semblez doués pour vous faire des amis. " les taquina-t-il avec un petit sourire. Ensuite de quoi, il s'adressa directement à Malva. " Je me doute bien que ta collection d'herbes nécessite une attention constante. Mais tu devrais vraiment essayer de t'intégrer à ton année. En essayant de te rendre discrète, tu ne te fais que plus remarquer. "

Cyril se tourna vers le jeune garçon aux tendances violentes.

" C'était certes très noble de ta part de prendre la défense de Malva, mais tu as eu de la chance qu'aucun préfet ne se soit trouvé dans la salle commune. Tu aurais eu des ennuis, sinon. "

Il s'était efforcé de parler d'une voix ferme, bien qu'il se savait mal placé pour faire la morale à qui que ce soit. Sa réputation de fauteur de troubles le poursuivait bien au delà de la tour des Gryffondor. Néanmoins, en tant qu'ainé, il se devait bien de montrer l'exemple... Ou d'essayer, du moins.

Une fois que la bande fut sortie grâce à Cyril, la Gryffondor se détendit légèrement, souffla et se laissa retomber mollement sur sa chaise. Elle eut un secouement de tête désespéré à la taquinerie de Cyril tandis qu'Alexandre répondait à l'humour par l'humour. Mais la suite la fit sortir de sa torpeur, et elle fixa son aîné avec un regard irrité qui en disait long. Alors qu'Alexandre était là - et d'autres personnes dans la pièce - il venait de livrer l'un de ses secrets, sur sa réserve d'herbes et de plantes. Grave erreur. Aussitôt, tel un bernard l'hermite, Malva se retira au fond de sa carapace. Elle ne savait pas si son camarade de première année avait entendu ou non, mais le cas échéant, il était au courant de deux secrets sur trois. C'était beaucoup trop, le pire étant que, si ces deux continuaient à livrer ses secrets comme un hibou livrait le courrier, d'ici cinq minutes Cyril saurait pour Shell, et Alexandre pour sa famille.
Beaucoup trop dangereux. Le regard bleu perçant passa d'Alexandre à Cyril, et de Cyril à Alexandre, se demandant quoi faire. Partir ? Non, ça ne séparerait pas pour autant les deux garçons. Il ne restait qu'une solution. Elle recomposa son visage, et se força à adresser à ce dernier un grand sourire avenant, qui faisait apparaître ses fossettes.

- Cyril, l'apostropha-t-elle de façon courtoise et impérieuse à la fois, ces évènements m'ont donné le besoin de m'aérer. Désires-tu m'accompagner ? Après tout, depuis notre arrivée, j'ai passé si peu de temps en compagnie de mon frère de coeur, termina-t-elle en glissant une main sous le coude de celui-ci avec un regard insistant.

Sans attendre de réponse, elle se dirigea vers la sortie en sa compagnie, pourtant, arrivée sur le seuil de la salle commune, quelque chose la fit s'arrêter net. Ils laissaient Alexandre seul, et si le groupe revenait pendant leur absence et qu'ils le trouvaient isolé, Merlin savait ce qui pourrait se produire...

- Tu ne devrais pas rester seul ici, déclara-t-elle plus doucement qu'elle ne l'avait voulu. Tu devrais...

Elle hésita, incertaine. Malva ne voulait pas qu'Alexandre les accompagne, c'était la raison exacte pour laquelle elle avait choisi d'entraîner Cyril dehors. Pourtant, après ce qu'il avait fait, elle ne voulait pas prendre le risque de le laisser isolé. D'autant plus qu'elle n'avait pas oublié la dette immense qu'elle avait à l'égard de ce dernier.

Bien que blessé en son for intérieur, Cyril soutint le regard irrité de Malva. Il avait réagit pour la défendre et lui apporter un peu de calme, afin de pouvoir discuter sereinement avec elle. D'autant plus qu'il avait fait attention à ne pas se montrer en chevalier servant de la jeune fille, se doutant qu'elle prendrait la mouche. Ses précautions semblaient néanmoins avoir été insuffisantes. Parfois, elle lui donnait l'impression de toujours faire le mauvais choix, peu importe la décision qu'il prenait. Même quand il essayait de préserver ses considérations, elle parvenait toujours à trouver un détail digne de reproches. La vie à Poudlard ne semblait pas lui avoir appris à mettre de l'eau dans son vin, ni à admettre que son entourage ne pouvait constamment agir en fonction d'elle. Heureusement pour elle, Cyril était épris d'une affection fraternelle et laissa passer l'affront une nouvelle fois.

" Bien sur, ma petite sorcière. Ca te fera du bien. " lâcha-t-il en réponse, avec une ironie à peine voilée.

Immédiatement, il s'en voulut. Malva n'avait que onze ans et malgré toute la maturité dont elle pouvait faire preuve, elle était bien mal armée pour survivre dans le milieu ingrat d'un internat. L'autarcie dans lequel il avait grandit avait été un réel handicap pour lui, durant ses premières années. Par conséquent, il osait à peine imaginer les difficultés et les surprises que sa jeune amie pouvait rencontrer chaque jour. Son éducation était si différente de celle qu'avaient reçu ses camarades... Il ne pouvait pas vraiment lui reprocher d'être si incisive envers les autres. L'adolescent lui adressa un sourire d'excuse et se laissa entraîner à sa suite.

Il s'était attendu à ne pas connaître de pause avant d'atteindre leur destination. Néanmoins, la jeune Stark se tourna vers Alexandre, prise d'un doute et visiblement, d'une inquiétude. Cyril laissa son regard glisser de l'un à l'autre pendant un moment, tentant à nouveau de percer à jour leur relation. Le jeune garçon semblait prêt à tout pour défendre sa jeune amie, or, être le protecteur d'un bouc émissaire faisait de lui une cible. Pas besoin d'être sorcier pour le comprendre. A nouveau, il tenta d'utiliser son autorité d'aîné pour débloquer la situation.

" Malva a raison, si le groupe revient et te trouve seul, ils vont probablement te chercher des ennuis. Tu ferais mieux de t'installer dans le dortoir des cinquième années, ils ne seront pas revenus avant longtemps. Ca laissera du temps à tes camarades de se calmer un peu. " conseilla-t-il d'une voix ferme et qui ne semblait pas tolérer de contradiction.

Sans un regard derrière lui, il profita de l'emprise que la première année avait sur son bras pour l'entraîner en dehors de la salle commune. Sous les yeux de la Grosse Dame, visiblement perplexe devant ce drôle de couple, il s'adressa à elle d'une voix douce et où perçait l'affection.

" On n'a plus beaucoup de temps avant le couvre-feu. On devrait aller faire un tour du côté de la Tour d'Astronomie, si tu veux être tranquille. "