Expérience littéraire : l'écriture du moi (1er avril - 1er mai)

Roxane : Tes mots m'ont beaucoup touchée, merci :). Tout comme tes mots à toi, sur ton expérience. J'ai un peu vécu ça avant mon opération, car je marchais bizarrement, j'avais les jambes déformées et quand on a 12 ans, ça pardonne pas. Heureusement pour moi, ça c'est réglé "vite et facilement." Vivre le harcèlement aussi longtemps et de manière aussi intense que toi, sans soutien et sans compréhension, je n'ose même pas imaginer ce que c'est. Je ne sais pas trop quels mots utiliser d'ailleurs, pour te dire que si tu étais là, devant moi, j'aurais envie de te serrer dans mes bras juste pour dire " Nous, ici, on s'en fout de tout ça, on voit bien qui tu es, à quel point tu es exceptionnelle et on t'aime juste pour ça. " Mais c'est pas évident de trouver les mots qu'il faut sans que ça sonne niaiseux ou hypocrite. Reste que je le pense, je te souhaite beaucoup de bonheur dans ta vie future, j'espère sincèrement que les choses s'amélioreront pour toi !


Je me demande ce que Malva doit penser, à lire tous nos messages. Globalement, on exprime nos ras-le-bol, nos peines et nos douleurs, je ne me souviens pas avoir vu passer un message purement et simplement joyeux, à part peut-être au début ? Il est probablement plus difficile d'exprimer ses peines et ses faiblesses quand on a le sentiment de ne pas encore connaître les autres. Avec le temps, alors que chacun se découvre peu à peu, c'est plus facile... J'ai hâte de lire les conclusions, en tout cas.

Aujourd'hui, il y avait de nouveau grève nationale. C'est assez marrant, bien que les gens râlent et que certains soient en train de crier dans la rue, sur Facebook, on voit passer les habituels : " Un jour, la Belgique dominera le monde. Mais pas demain, y a grève. " ou alors " Pas de poste, pas de trains, pas de bus, pas d'écoles, pas de services, jour de grève en Belgique. Autrement appelé : le mercredi. " C'est vrai que ça arrive toujours les mercredis en dehors des périodes de vacances. Ca m'ennuie un peu parce que ça me fait à chaque fois louper mon cours de linguistique, qui va donc être doublé la semaine prochaine et que je vais donc en partie louper parce que je dois aller à Bruxelles. Vu que c'est la matière dans laquelle je veux faire mon master ET chez le prof qui sera très probablement mon directeur de mémoire, ça le fait vraiment pas... Mais bon, y a des choses qu'on ne contrôle pas.

Par conséquent, j'ai passé une journée plutôt peinarde chez moi. J'ai rattrapé les huit ou neuf RPs que j'avais en retard depuis dimanche soir, j'ai terminé mon travail de linguistique (j'en tremble rien qu'à penser que je dois le rendre), j'ai fini de lire un article d'une densité extrême et j'ai rajouté deux milles caractères à mon travail de littérature. J'ai ENFIN atteint la moitié, courage ! J'ai vraiment hâte d'avoir ce bachelier derrière moi...

Demain, je vais aller manger à midi avec une de mes meilleures amies, dans le nouveau coffee bar qui a ouvert en face de mon unif. Je me réjouis car cela fait trois semaines qu'on n'a plus eu la possibilité de vraiment parler ensemble alors qu'on se voit quasiment tous les jours en cours. Se retrouver juste à deux pour papoter va faire du bien, on a beaucoup de choses à rattraper. En suite de ça, j'ai un cours que j'adore. Espérons qu'il fasse beau et la journée commencera sous de très bons auspices !

Vendredi, je vais enfin retourner monter à cheval. J'ai décidé de me lever tôt afin de travailler une heure ou deux avant d'aller aux écuries. Le stress dut à mes cours m'empêchait vraiment de prendre le temps de renouer avec ma passion et je me rends compte que ça joue de plus en plus sur mon moral. J'ai donc fermement décidé de prendre du temps pour moi vendredi matin. L'après-midi, je donnerai sans doute un coup de main à ma mère pour préparer le repas du soir. On va fêter mon anniversaire et l'anniversaire de ma soeur en même temps, car avec nos agendas overbookés, il était impossible de les fêter séparément. Ca ne me dérange pas, mais j'espère juste qu'on ne va pas parler bébé toute la soirée. Mes deux soeurs sont enceintes et elles attendaient ça depuis longtemps, elles rayonnent et je suis très heureuse pour elles. Cependant, je suis dépourvue d'instinct maternel, les mini-objets et les chaussettes roses ça me laisse de marbre et je ne veux surtout pas qu'elles essaient de me coller leurs nouveaux-nés dans les bras quand ils seront là. Du coup, j'ai envie de pouvoir aussi fêter MON anniversaire, avec plus de deux semaines de retard, sans passer la soirée à regarder le plafond et à me demander quand on va changer de sujet. Un peu, ça ne me dérange pas, mais à force, ça me lourde... Evidemment, avec les accouchements qui approchent à grand pas, les travaux de chambre etc... Bref, on n'y est pas encore que je ne sais même pas si j'ai envie d'être présente à ma propre fête d'anniversaire.

Samedi, on est invités chez des cousins. C'est la seule partie de la famille avec qui on s'entend bien et qu'on voit régulièrement. J'appréhende un peu car ça va encore constamment parler bébé, et surtout, ma cousine a prévu un barbecue. Ca fait longtemps qu'on ne sait plus réunit autour d'un "vrai" repas (du moins, pas sans que je sois à l'étranger) et je pense qu'ils n'ont pas trop capté que j'étais végétarienne. Quasiment deux ans après mon dernier morceau de viande, je sens que je vais devoir repasser par la case explications, questionnements, justifications... Heureusement, ma mère et moi avons été chargée de préparer les salades donc j'essaie d'être plus ou moins aux commandes afin de ne pas bouffer de la laitue et du pain pendant toute la soirée. Ca me fatigue déjà, pourquoi ne peuvent-ils pas simplement regarder leurs assiettes et foutre la paix à la mienne ... ?

Dimanche, je décompresse. Et je me rappelle combien j'ai de la chance d'avoir une famille comme la mienne... Malgré leurs défauts - et les miens - je ne serais pas grand chose sans eux.

23/04 :

Suite au message de Clemens qui m'a interpellée, j'ai retracé le fil de mes participations pour voir l'évolution de mes messages et voilà ce que ça a donné : (m'en voulez pas d'pas avoir fait les autres LA FLEMME est mon alliée dans la guérison lol)

01/04 : Bonne humeur
02/04 : Vague d'amour
03/04 : Triste
04/04 : Cool
05/04 : Fatiguée
08/04 : Pensée réflexive
09/04 : Victorieuse
12/04 : 50/50
13/04 : Débordée, malade et inquiète
15/04 : Malade
20/04 : Confiante
22/04 : Vague d'amour + Révoltée

Je trouve qu'il y a de tout. Par contre c'est vrai que quand je râle, je fais pas les choses à moitié. Quand je suis "triste", non plus. Mais quand je suis heureuse, c'est pareil. Et aujourd'hui, je ne m'étais pas sentie aussi pleine de vitalité et d'euphorie depuis longtemps.

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Et je vous aime mes loulous <3

L'expérience est bientôt terminée. Je prends beaucoup de plaisir à y participer. Néanmoins, j'avoue qu'hier, bien que l'envie de poster était présente, le fait de savoir Malva sans connexion internet m'a perturbée... Tout ça pour rien finalement ? Et elle, comment allait-elle faire pour continuer son projet si elle ne peut pas nous lire ni participer comme prévu... ? Et puis, finalement, je ne suis pas d'accord. Quoiqu'il arrive, ce ne sera pas pour rien. Ecrire, raconter, partager, ça m'a fait beaucoup de bien et je serais prête à continuer si ça ne semblait pas étrange.

Roxane, juste comme ça : je n'ai pas d'exemplaire si vraiment personne de ton côté n'en veut... (qui ne tente rien n'a rien comme on dit lol)

Je vous aime tous mes loulous.

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Cette deuxième partie concerne mes personnages connus : Vela et Hermione. Et moi en fait.

Hermione : Mon premier personnage ici. J'ai beaucoup de tendresse pour elle bien que je sois bloquée comme le pense certains par le fait que ce soit un personnage du livre. Sauf que lorsque je l'ai choisie, je n'avais que 12 ans et je m'identifiais pas mal au personnage de JK Rowling. Bon, après, je le jouais à l'époque n'importe comment et j'en pleure de rire quand je relis les bêtises qui me sortaient du ciboulot ! J'ai grandi avec Hermione comme on grandit auprès d'une amie d'une certaine façon et JKR n'imagine même pas combien son imagination m'a permis d'avancer et de me sentir moins seule. La sage HP restera toujours spéciale à mes yeux et son personnage féminin d'autant plus.

Vela : Premier personnage que j'ai inventé de toute pièce. Grâce à elle, je pouvais faire ressortir mon caractère plus rebelle. Mais finalement, à l'époque de sa création, le RP me semblait plus autant accessible et il aura fallu la réouverture de cette année pour réellement me l'approprier. Et finalement, c'est comme si il y avait une zone d'ombre que je n'arrive pas encore tout à fait à définir dans sa vie et son évolution. C'est comme si j'avais voulu créer le côté face d'Hermione. Les deux sont très studieuses mais là où Hermione se montre excessivement altruiste et adore partager son savoir quitte à saouler tout le monde sans s'en rendre compte, Vela préfère qu'on lui fiche la paix et ne se gêne pas pour envoyer balader quand ça lui chante. Là où Hermione n'a jamais eu peur d'afficher son côté Miss Je sais Tout quitte à être seule, Vela est devenue studieuse plus pour combler cette solitude, comme un moyen de survie et d'oubli. Et finalement, Vela a Haveirson s'épanouit. C'est fou ce qu'elle me fait penser à moi au final. Et à l'après collège. Le collège, je l'ai réellement vécu de la même manière qu'elle. Seule, à l'écart, priant pour qu'on m'oublie à défaut de m'apprécier. Priant juste pour qu'on ne s'aperçoive pas de ma solitude qui me rendait fragile et qui faisait de moi la cible rêvée. Et qui finalement, en sortant de cet univers, a pu enfin profiter de la joie d'être entourée par des personnes de son âge qu'elle rejetait par crainte d'être rejetée à nouveau. Vela, c'est un peu une part de moi-même qui a protéger la Hermione qui vivait en moi. Je sais pas si c'est compréhensible.

Mon côté Miss Je sais Tout je l'ai depuis toujours, mais je n'ai su me faire accepter comme telle qu'arrivée au lycée. Mes amis avaient tendance à toujours venir vers moi pour me poser leurs questions sur n'importe quoi, au point qu'on m'avait surnommée "Google" et "Wikipédia". Et étrangement, c'est grâce à ma carapace Vela que j'ai réussi à me détacher de cette image de moi que je vivais comme un fardeau et à l'accepter. Et c'est aussi grâce à elle que ces petits surnoms m'ont plus fait rire que pleurer. Grâce à elle et grâce à ceux qui me l'ont donné. Car contrairement aux autres qui me regardaient de haut, il n'y avait aucune méchanceté dans leur propos et je savais que je pouvais compter sur eux. Depuis la primaire, j'avais enfin à nouveau des amis sur qui compter. Je pouvais enfin m'épanouir à nouveau.

Ca n'a peut-être pas beaucoup de sens vu de l'extérieur ce que je raconte mais je le ressens au fond de moi. Je suis habitée par différentes facettes qui ont tendance à vouloir s'exprimer et que je dois maîtriser en fonction du contexte et de mes interlocuteurs. Mais elles existent et les deux qui m'accompagnent le plus, j'ai la chance de pouvoir les faire vivre à travers le RP. Pour reprendre l'humour d'internet : Nous sommes plusieurs dans ma tête, mais c'est moi le chef ! Mais peut-être qu'après avoir lu ce passage, si c'est le cas, vous comprendrez mieux quand je dis que je suis en mode *Hermione* ou en mode *Vela* ou que l'une ou l'autre n'est pas d'accord avec la seconde x)

Lundi 27 Avril 2015
19h52

L'expérience se termine bientôt et pourtant, je ne me sens plus libre de dire ce que je ressens. Pourtant, j'en aurais beaucoup à dire.

Je n'aurais probablement pas le temps d'écrire avant le 1er mai.

Merci de m'avoir lu, merci les autres pour le partage de leurs sentiments, de leur vie, de leurs pensées, c'était très intéressant.

A toutes les personnes qui ont écrit ici: Sachez que je vous aime et que je suis heureuse de vous avoir rencontré.

Mina : Han mais nous aussi on t'aime <3

29.04.2015

Le soleil avait brillé toute la méridienne d'un éclat vert sombre sur la plaine brûlante de DomPêtard. On comprenait naturellement que les réfugiés affluaient de toutes parts vers l'oasis de Goroadugoût, oasis minable et rustique, aux conditions hygiéniques plus que douteuses mais enfin, signe d'abri quand même.

Deux semaines durant, les populations avaient envahi l'endroit, se servant librement parmi les récoltes des ouvriers qui travaillaient ici et payaient durement leur place. Une semaine durant, Ezéchiel n'avait rien dit, contenant son mécontentement. Par une ironie du sort bien cocasse, l'esclave s'était retrouvée enfermée là depuis la première lune du mois d'Enverose déjà. Elle savait qu'elle n'avait plus qu'une tournée de lunes rouges à attendre avant d'être enfin affranchie - déjà, elle avait fini d'amasser la somme d'argent nécessaire pour acheter ce lourd collier de terre brune qui certifiait qu'elle pourrait quitter Goroadugoût. Après cela, elle traverserait la mer de nuages en empruntant le détroit à bord de l'Albionaile, un vaisseau immense qui en transportait d'autres. À son bord, les personnes ne comptaient guère plus que des fourmis.

Toujours était-il que l'entrée à son bord n'allait pas de soi. Les capitales électroniques d'Ezéchiel n'étaient pas tout à fait en règle - pas qu'elles furent fausses, non, mais elles étaient semi-lumineuses. Il n'était pas assuré que les contrôleurs interstellaires ne rechigneraient pas à la laisser rentrer en Désarrence. Elle avait pris rendez-vous avec la Tour Blanche pour s'assurer de leur soutien, mais elle avait dû attendre une demi-tournée de lunes jaunes avant de réussir à l'obtenir, et savait pertinemment que cela lui coûterait sa troisième jambe, sans parler du scooter hydromatique qu'il faudrait emprunter pour voler à l'autre bout du désert.

La première semaine, comme nous l'expliquions plus haut, Ezéchiel avait pris son mal en patience. Le Maïwa Groloro welcomait tous les immigrants sans distinction, dont certains qui avaient une nécessité réelle plus que douteuse, mais Ezéchiel avait elle-même accueilli son âme. Elle ne pouvait décemment émettre aucune plainte sans remettre en cause la présence de son âme ici.

Mais son âme était partie, et son courage avec. Ezéchiel ne pouvait plus rire de sa situation, l'esclave était condamnée à nouveau à subir. Une tournée de lunes rouges, une tournée de lunes rouges... et pourtant, chaque rond de soleil violet s'égrenait avec une lenteur pesante et moite. Elle était rentrée des champs épuisée le Craye dernier alors que le soleil violet commençait à plonger à l'horizon, pour trouver trois parfaits étrangers venus de DomPêtard assis paresseusement sur ses maigres propriétés. Aucun n'était un ajourneur de la tente, et ils l'avaient pourtant accueillie en ces mots :

- Yo Zéchie !
- Bonjour, avait-elle répondu du bout des lèvres, mal à l'aise.
- Ça allait la journée ?
- Hm... oui. Et vous ?
- Nickel. Tu veux de l'aide, Zéchie ?
- Ça ira. Je vous remercie.

Avec la désagréable impression dans leurs tons qu'ils se moquaient d'elle, l'esclave était allée s'enfermer dans son coeur, n'osant leur demander de partir. Ezéchiel était lâche, et elle excusait cette lâcheté par une soi-disante politesse et gentillesse. Mais ce n'était que du vent : elle était simplement lâche, et hypocrite.
Le Chowsmy suivant, en s'éveillant, elle avait surpris trois autres DomPêtardien dans l'oasis privée. L'un deux faisait trois mètres de haut et avait des pointes qui lui sortaient du crâne. Encore une fois, la lâcheté avait pris le dessus, et elle avait tenté d'arborer un sourire sympathique. Un mielleux sourire sympathique de quelqu'un qui avait déjà perdu.

- Hm... je peux vous aider ?
- Je suis Lova, et voici Tcho.
- Salut. On s'est vus hier.
- Oh, euh... je vois, répondit-elle, la gorge nouée. Je suis Zéchie, ajouta-t-elle faiblement. Le Maïwa Groloro sait-il que vous êtes ici ?
- Oui oui.

Elle n'avait pas osé insister. Elle n'était qu'une esclave, et à Goroadugoût, les esclaves ne valaient rien. Même si en théorie, leurs paroles en tant que travailleurs comptait plus que celles des DomPêtardiens... Sur l'interminable chemin qui la séparait des champs, Ezéchiel avait ruminé ces pensées, bouillonnante. Ces gens volaient leur pain, leur eau, les maigres ressources de leurs oasis, et ils restaient ici à ne rien faire tandis qu'eux, les véritables propriétaires, devaient partir au loin suer sous le soleil vert pour aider des parasites à se complaire dans leurs ennuis ! Elle enverrait de ce pas une missive au Maïwa Groloro. Oui. Même si elle avait juré de ne pas devenir ennemie avec lui pour ne pas se faire battre à nouveau, elle le ferait. Cette situation ne pouvait plus continuer ainsi.

Ce qu'elle fit. C'était une très longue missive, écrite à l'encre rouge, dans un style qui se voulait respectueux et amical. Elle l'avait envoyée au plus vite, espérant ainsi changer les choses. Lorsque le soleil violet avait embrassé l'horizon, elle était rentrée dans une tente vide. Ezéchiel avait profité de ces moments avec le même délice que l'on pourrait apprécier une part de glace à l'éphémère lors d'une journée d'Esbow, carbonisée par le soleil vert.

Mais Euthyphron avait depuis longtemps montré ses anneaux nocturnes lorsque quelqu'un avait tenté avec insistance de briser l'entrée de sa tente. Ne pouvant plus dormir, Ezéchiel avant entrouvert le pan de la tente, pour apercevoir l'un des DomPêtardiens squatteurs de la veille. Le monde s'écroulait autour d'elle. Il était l'heure la plus avancée de la nuit et la plus matinale du matin, une heure où tout le monde de Magura était censé dormir. Ne pouvait-elle avoir un peu de paix ?

- Euthyphron a montré ses anneaux nocturnes, dit-elle d'un ton froid et courtois à l'étranger. Que veux-tu ?
- Le Maïwa Groloro est-il ici ?
- Le Maïwa Groloro n'est pas là. Je ne sais pas quand il rentrera. Je ne peux pas t'aider.
- Euthyphron est froid. Je n'ai nulle part où dormir.
- Ce n'est pas une heure pour venir perturber les gens. Je ne peux pas te laisser entrer, désolée. Bonne nuit.

Elle avait violemment refermé la porte derrière elle, soulagée dans son égoïsme. L'Aizawa, la religion dans laquelle ses parents l'avaient éduquée et qu'elle pratiquait elle-même plus ou moins, répétait pourtant souvent qu'accueillir l'étranger à toute heure de la journée, c'était aussi accueillir le Maître. Et Ezéchiel, dans son égoïsme, n'avait pas voulu accueillir le Maître. Mieux : cela lui avait fait du bien.

Le DomPêtardien avait attendu le Maïwa Groloro à l'extérieur pendant l'écoulement de deux anneaux d'Euthyphron. Puis le Maïwa Groloro était rentrée l'esprit encombré de fumées et l'avait fait entrer, lui et un deuxième réfugié. Ezéchiel les avait découverts au petit matin et encore une fois, sa politesse avait dissimulé sa lâcheté, qui elle-même dissimulait sa colère, qui elle-même dissimulait son égoïsme.

Il faudrait bientôt combattre la tentation d'une luxure sanglante avec encore plus de férocité.