Gust Of Wind (PV Lanalia)

Les vacances avaient été pour le moins bénéfiques. Les derniers jours avant que je quitte Haveirson pour rentrer chez moi à Castlewood (oui, la maison de mes parents porte un nom) avaient été très difficiles émotionnellement, après ma discussion avec Megan au Parker's Coffee. Ma famille, aimante, saine et avec laquelle je passais toujours du bon temps m'avait donc permis de mettre un peu de côté mes soucis personnels et de m'adonner aux activités traditionnelles du temps des fêtes chez les Winslow-DeMiraniel, soit la fabrication de boules de Noël artisanales, la cuisine de biscuits en pain d'épices et l'illumination de la maison avec des lumières de toutes les couleurs. Les traditions sont réconfortantes.

J'étais donc rentrée à Haveirson avec un petit pincement au coeur. Et en cette journée enneigée et froide, je marchais sur le domaine du château avec nostalgie, quand, dans le jardin anglais, j'ai vu une silhouette familière s'asseoir sur un banc. Je l'ai rapidement reconnu à sa tignasse brune et bouclée que je voyais poindre sous ses vêtements : Anton Costello. Le beau brun et moi nous nous connaissions depuis quelques temps déjà et il n'avait pas fallu beaucoup de temps avant que notre relation tourne autour du flirt. Néanmoins, il ne s'était encore jamais rien passé entre nous. Il avait ce don de me faire enrager parfois, avec ses remarques arrogantes et son apparent narcissisme. Et pourtant, la façon dont il me frustrait parfois avait quand même le don de m'attirer, de me séduire. Je préférais les hommes qui me faisaient rager à ceux qui me laissaient indifférente. Et du reste, je sentais aussi qu'il n'était pas insensible à mes charmes, alors... je m'amusais bien à en jouer.

Et sur le coup, jouer, c'était bien ce dont j'avais envie. Laissant place aux plaisirs que je réservais normalement à mon domaine familial, je me suis penchée, j'ai formé une boule avec la neige que j'avais sous la main et je me suis approchée de lui. Quand il s'est retourné pour voir qui était là, je lui ai lancée la boule de neige qui s'est désagrégée en plein dans son visage.

Et je me suis sauvée pour me mettre à l'abri derrière un arbre, gloussant comme une gamine.

Le visage qu'il aperçu un fragment de seconde avant qu'une boule de neige froide et coulante vint saluer son visage n'était autre que celui de Lanalia Winslow. il avait rencontré la jeune femme avant d'entrer à l'académie et leur relation, bien qu'à son sens indéfinissable tournait autour d'un savant jeu de "fuis moi je te suis, suis moi je te fuis". Elle avait le don de l'agacer avec ses remarques parfois enfantine et son éternelle bonne humeur, mais ce côté chaleureux éveillait chez Anton, un goût de trop peu à chaque fois qu'ils se croisaient.

il suivit du regard la criminelle qui venait de s'échapper derrière un tronc d'arbre. Il la suivit d'un pas rapide pour lui éviter d'avoir le temps de confectionner une nouvelle arme gelée. D'un pas précautionneux, il s'avança vers son agresseur/future victime. Car elle le savait à présent, on ne s'attaquait pas à Anton Costello sans s'attendre à un retour de bâton.

Arrivé à sa hauteur, il leva sa baguette vers un tas de neige qui forma une énorme boule de poudreuse qui, s'il avait essayé de la soulever aurait été bien trop lourde pour lui. Il s'avança jusqu'à elle, de manière à ne se tenir qu'à quelques centimètre de son visage. Il esquissa un demi-sourire et dit d'une voix grave :

- As-tu passé de bonnes vacances Lanalia ?

La boule énorme se rapprocha de la jeune femme jusqu'à venir s'arrêter jusqu'au dessus de sa tête. D'un simple geste du poignet il pouvait, s'il le souhaitait ensevelir la belle blonde sous un monticule de poudre glacée.

Puis il recula d'un geste vif et continua :

- Moi j'ai passé de très mauvaises vacances... et j'ai besoin de me remonter le moral vois-tu ?

Cachée derrière mon arbre, je gloussais encore en attendant de voir ce qu'il me préparerait comme châtiment. J'ai osé glisser un oeil à côté du tronc à l'épaisse écorce, mais à ma grande surprise, Anton n'était plus en vue. J'ai froncé les sourcils et je me suis retournée dos contre l'arbre... Pour me retrouver face contre une énorme boule de poudreuse qui flottait à quelques centimètres de moi. Merde. Grillée.

J'ai poussé un petit cri sans toutefois perdre mon air jovial et je l'ai fixé du regard alors que le nuage de neige se promenait tranquillement jusqu'au dessus de ma tête, menaçant de me recouvrir dès que j'esquisserais un geste trop rapide. Pas le temps d'attraper ma baguette... Il me fallait gagner un peu de temps. Heureusement pour moi, Anton n'avait pas l'air trop pressé de me transformer en bonhomme de neige vivant. Joueur, il me questionna sur mes vacances et m'informa qu'après les siennes, il avait bien besoin de distraction... Je compris sans difficulté la menace sous-jacente et je levai le regard vers la boule de neige, peu rassurée.

- Oui, oui... de belles vacances... ai-je dit d'une toute petite voix, avant de m'éclaircir la gorge.

Je n'avais pas le dessus sur la situation, mais après tout, je l'avais provoqué. Il me fallait maintenant trouver un moyen de reprendre les rennes. Mon regard sur lui s'est donc fait plus séducteur et j'ai esquissé un sourire en coin en baissant le menton, sans le quitter des yeux.

- Je connais un bon moyen pour te remonter le moral... si tu vois ce que je veux dire. Ça aurait même l'avantage de nous réchauffer un peu...! J'ai dit, avant de lui lancer un clin d'oeil suggestif.

J'ai fait un pas vers lui, toujours en mode séductrice, attendant de voir si mon charme le ferait m'épargner ou si j'allais bientôt me changer en Jack Frost.  

- Mmmmh, c'est tentant. Mais non...

Anton jouait avec sa baguette d'un air distrait, faisant léviter à une distance plus ou moins importante de la tête de Lanalia la menace de neige. Un sourire en coin se dessinait sur son visage à chaque fois qu'il percevait une once d'appréhension dans les yeux de la jeune fille. Il se planta devant elle, éjectant d'une revers de la main les derniers flocons égaré sur sa veste.

- Je ne tomberai pas pour ça cette fois. C'est trop facile...

Il devait l'avouer, les lèvres entourant le sourire de la belle blonde étaient plus que tentante. Et il dû se retenir pour ne pas s'en rapprocher à nouveau. Mais Anton avait les pieds fermement ancré dans la neige et tentait de décider de son châtiment. Bon, d'un côté ils ne s'étaient pas vus depuis plusieurs semaines avant qu'Anton n'arrive à Haveirson, mais d'un autre, il voulait marquer leur première rencontre dans l'enceinte de l'académie d'une pierre blanche... comme neige. Ils avaient toujours eu cette compétition/relation qui ne rendait leurs entrevue que plus intéressantes.

- Sorry...

Il abaissa donc sa baguette et la moitié de la boule vint tomber sur le corps frêle et presque méconnaissable de Lanalia. Il la regarda en souriant avant d'enjamber le tas de neige pour venir la rejoindre. Il lui tendit les mains pour la dégager du monticule et l'attirer vers vers un sol plus palpable.

- Désolé mais tu m'a provoqué...

Il eu un regard adoucit, presque tendre à l'égard de ce petit bonhomme de neige aux cheveux blonds. Anton n'avait éprouvé qu'en de rare occasions ce genre de choses mais Lanalia avait le don de le rendre fou, et pas forcément dans le bon sens. Jusqu'ici il avait donc toujours réussi à mettre le ola avant que les choses ne prenne trop d'ampleur ou deviennent trop sérieuses. Et elle semblait faire de même de son côté, ce qui n'était pas sans déplaire à Anton. No strings attached comme on dit dans le pays.

Ma stratégie allait forcément fonctionner. Je savais qu'il n'était pas insensible à mes charmes... Alors ça ne pouvait pas échouer, right? ...Hmm... Mais son regard, bien que sensiblement amusé, n'avait pas l'air d'être berné par ma stratégie déterminée à la va-vite. Il me l'a confirmé par ses paroles. J'ai levé un regard légèrement apeuré vers la masse de neige qui flottait encore au-dessus de ma tête, consciente que j'allais probablement pas pouvoir m'en sauver. Mon regard s'est porté à nouveau sur lui, la séductrice en moi ayant laissé place à l'enfant suppliante. Et même ça, ça ne l'a pas empêché de faire tomber une bonne partie de la neige sur le sommet de mon crâne, me recouvrant presque au complet d'une enveloppe gelée et me coinçant dans un monticule neigeux au passage. J'ai laissé s'échapper un petit cri avant que ma voix se fige sous le froid que j'ai ressenti quand ma peau est entrée en contact avec les flocons.

J'ai secoué la tête pour dégager mes yeux et voir Anton se diriger vers moi en souriant, prêt à m'aider à me sortir de là. À la fois le bourreau et le sauveur. J'ai pris sa main avec une méfiance doublée d'un amusement enfantin et je me suis laissée entraîner sur le sol ferme, consciente qu'il me soulevait comme si je ne pesais pas davantage qu'une plume. Il m'a regardé pour s'excuser et j'ai eu envie de le pousser dans la neige. Sauf que son regard, qui s'était fait plus tendre, m'a rendue ambivalente. Comment pouvais-je avoir autant envie de l'attirer à moi que de le pousser pour me venger? C'était un peu toujours comme ça, avec lui. Plus il s'approchait de moi, plus j'avais envie de lui en faire baver et de me laisser désirer. Et vice versa. Les rôles s'inversaient constamment, entre nous.

Mais pour le moment, j'avais pas le temps de penser parce que la neige qui s'était infiltrée dans mes vêtements et qui me fondait sur la nuque me faisait frissonner des pieds à la tête. J'ai levé des yeux de chat vers lui avant de murmurer d'une toute petite voix :

- J'ai froid à cause de toi !

Non pas sur un ton de reproche, mais de supplication. J'ai laissé les secondes s'écouler en ne quittant pas son regard, nos visages plutôt proches l'un de l'autre, avant de me dégager pour m'éloigner de lui.

- C'était pas très gentil ça ! Ma boule de neige ne méritait pas une telle attaque !

Je me suis retournée pour lui sourire en coin tout en me secouant le plus possible pour dégager la neige et éviter de me retrouver trempée jusqu'aux os.

- Il va falloir que tu fasse quelque chose pour te faire pardonner !

Anton regarda Lanalia se rapprocher de lui et soutenir son regard. Elle semblait le défier, mais si elle pensait qu'il céderait, c'était mal le connaître. Il savait pertinemment que la jeune femme aimait le taquiner pour le faire craquer. De temps en temps, il s'était senti marcher dans son jeu, sans pour autant vouloir en sortir. A l'instant il ne souhait qu'attirer la boule de neige sur pied à lui pour la réchauffer, mais il s'approcha doucement et lui tendit sa veste, qui'l déposa sur ses épaules gelées.

- Toute tes attaques méritent mes ripostes !

Certes, il avait lâché une boule de neige relativement grosse sur la pauvre jeune femme suppliante. Cela aurait pu paraître injuste aux yeux de tous, sauf si l'on considérait les autres fois... Ces fois où Lanalia avait décidé qu'elle titillerait Anton pour passer le temps et sa propre distraction. Toutes ces fois, le jeune homme n'avait rien dit et s'était contenté de pourchasser l'étudiante jusqu'à ce qu'elle soit trop essoufflée pour fuir. Il finissait généralement par s'amadouer et à lui sourire doucement.

Mais aujourd'hui, après avoir passé d'aussi mauvaises vacances de Noël, il avait décidé que lui aussi aurait bien le droit à son moment de détente. Cependant, voir la belle blonde gelée jusqu'à l'os commençait à l'adoucir dans son jugement. Il sorti donc sa baguette et en fit sortir une vague de chaleur qui sècherait rapidement sa victime. Il s'était tellement servit de ce sort pendant sa scolarité à Poudlard qu'il aurait presque pu faire un décompte jusqu'au moment où les vêtements seraient totalement secs et chauds. Il se rapprocha à nouveau de Lanalia, un sourire sur son visage.

- Je suis désolé, promis je me ferai pardonner...

Certes il ne savait pas encore comment, bien qu'il imaginai que Lana avait sa propre idée de méthode, ce qui lui arracha un léger sourire. Anton posa ses mains sur les joues rosies de l'étudiante, sentant celles-ci se réchauffer désormais.

- Ça n'a pas durer longtemps non plus... Je ne vais pas te laisser attraper une pneumonie, tu serais capable de m'éternuer dessus par plaisir... Il rit doucement. La première fois depuis des semaines.

Plus la neige fondait sur mes vêtements, plus j'avais l'impression que le froid me transperçait jusqu'aux os. Le sortilège qu'Anton a utilisé pour sécher mes vêtements et me réchauffer m'a donc fait un bien fou. C'était exactement ça, en fait, notre relation. Bizarre comme ce moment pouvait résumer la façon dont je me sentais auprès de lui. Quelque chose de plutôt désagréable - comme le froid ou le fait qu'il ne tombait pas facilement dans mes filets - faisait en sorte que l'agréable - comme son sortilège de séchage ou l'attention qu'il finissait par me porter - était multiplié par 10. Séduire un homme c'est bien, mais séduire un homme qui représente un défi, c'est encore mieux. Parce que quand ça marche, la "victoire" est d'autant plus savoureuse.

Ma victoire, avec Anton, je l'avais pas encore eue. Mais quelque part, c'était presque plus amusant comme ça. Le flirt, c'est la vie. Non?

Quoi qu'il en soit, j'étais maintenant sèche comme la paille et mes vêtements étaient redevenus confortables. Il pouvait sembler un peu arrogant parfois, mais il demeurait toujours gentleman.

Quand il a posé ses mains larges et chaudes sur mes joues fraîches et qu'il s'est à nouveau rapproché de moi pour s'excuser et me promettre qu'il se ferait pardonner, j'aurais pu parier que mes joues, justement, n'étaient pas rosies que par le froid. Il était encore plus beau de près, ce qui était une rare qualité. Mon regard s'est perdu du côté de ses lèvres un moment, le temps que me mordille les miennes en me demandant quel goût aurait son baiser. Ses paroles, et surtout son rire, m'ont fait rire à mon tour.

- Eh bien si j'attrape une pneumonie à cause de toi, il n'est que pure justice de te la transmettre aussi, non ?  ai-je dit, un sourire espiègle aux lèvres, avant de me lever sur la pointe des pieds pour aller, très brièvement, coller le bout de mon nez sur le bout du sien dans un mouvement un peu enfantin.

J'ai ensuite pris son bras pour l'entraîner avec moi dans une ballade dans le pittoresque jardin enneigé.

- Je ne m'attendais pas à te voir ici en tout cas ! C'est bien, je commençais à m'ennuyer à Haveirson. Alors ces vacances, aussi mauvaises que tu me les as décrites pendant que tu me menaçais?

Petit sourire en coin. À vrai dire, j'étais réellement contente de le voir ici et c'était pour moi une excellente surprise. Je m'étais beaucoup concentrée sur mes études pendant le trimestre d'automne et j'avais eu quelques flirts mais beaucoup de gens avaient quitté l'Académie quand ils s'étaient rendus compte que c'était pas comme ils imaginaient ou que c'était pas trop leur place. J'avais commencé à m'ennuyer un peu... Et Anton était probablement la meilleure source de distraction que je connaissais.

Anton regarda son "adversaire" se hisser sur la pointe des pieds pour venir coller son nez au sien, délicatement mais tout en subtilité. Il eut l'occasion de voir ses traits fins et ses grands yeux de plus près. Et son parfum, toujours si envoutant que la première fois qu'il l'ait remarqué. Il fut un peu surpris du geste de Lanalia mais encore plus de sa finalité. S'il avait vu n'importe qui d'autres faire ce genre de chose, il aurait trouvé cela puérile et niais, mais il ne s'agissait pas de quelqu'un d'autre. Il recula légèrement après que la belle blonde aie retrouvé sa position initiale, ainsi, il pouvait reprendre contenance. Il avait tendance à être troublé par les faits et gestes de sa comparse.

- Peut-être... Avoua t-il doucement, dans un demi-sourire. Après tout, les chances pour que cela se produise réellement étaient tellement minces qu'il pouvait bien lui donner raison sur ce point. Pour une fois...

Elle l'attira par le bras pour l'emmener marcher le long du chemin enneigé. Il aimait ce contact mais ne lui fit pas remarquer, cela faisait partie du "jeu", ne jamais dévoiler quoi que ce soit. Ils marchaient lentement côte à côte et il l'entendit confesser qu'elle était contente qu'il soit là. Bien heureusement ! Qu'elle lui dise l'inverse ou rien du tout l'aurait vexé en son fort intérieur. Il releva le nez de ses chaussures enneigées pour croiser son regard, toujours joyeux.

- Oh et bien tu connais ma famille... C'est rarement joyeux avec eux...

Lanalia connaissait effectivement bien la famille Costello, elle avait eut l'occasion de les rencontrer à plusieurs reprises lors de rendez-vous de la Haute Société Anglaise. Ces même rendez-vous où les deux jeunes gens s'étaient croisés pour la première fois. Ainsi, elle se souviendrait que sa mère, une grande blonde - décolorée quoi qu'elle veuille admettre - d'une minceur à rendre jalouse toute sorcière au foyer, était un modèle d'hypocrisie. Elle ne faisait ou ne côtoyait que ce qui pourrait lui être profitable. Elle ne riait jamais, n'était que très rarement agréable envers les autres et aimait rendre quiconque misérable, par plaisir. Le père d'Anton était un homme secret et sombre. Il n'était presque jamais présent chez lui et les rares fois où il l'était, il ne parlait pas. Ou en de très rares occasions pour réprimander son fils pour une quelconque raison. Il était dur, et peu aimant.
Quant aux deux frères d'Anton, ils avaient depuis longtemps fuit Londres pour être à l'abris d'un nouveau jugement pour magie noire. Quand ils se revoyaient, ce n'était jamais très bon signe.

Anton avait donc du passer Noël et les jours alentours cloîtré dans la demeure familiale, froide et sans vie, à écouter sa mère se plaindre des mesures du Ministère de la Magie. Ils n'avaient pas offert de cadeaux où célébrer réellement le réveillon. Ils n'avaient pas eu de visite du reste de leur famille ou de quelconques amis - les Costello n'en avaient que par commodité. Le jeune Abraxan avait donc compté les jours jusqu'à son départ pour l'Académie.

- Et toi ? Comment va ta famille ?

Il se souvenait des Winslow. Ils étaient amicaux et paraissaient aimer leur fille plus que tout au monde. Anton aimait parler avec eux, ils étaient enjoués et souriants. Rien à voir avec la famille dans laquelle il avait grandit et été élevé.

Il parlait d'un ton joyeux de sa famille, probablement un peu pour éviter d'avoir l'air de s'apitoyer sur son sort, mais je savais comme la joie était une chose qui n'existait pas dans son foyer. Sa mère, une pimbêche notoire dissimulée sous des airs mielleux et séducteurs lorsqu'elle avait quelque chose à tirer de quelqu'un, avait épousé un homme froid, taciturne et légèrement sadique. J'avais peu connu ses frères, mais je savais qu'ils étaient peu fréquentables. Je ne pouvais donc qu'imaginer à quel point il avait dû se sentir seul durant les vacances de Noël. Cette pensée m'a fait resserrer mon étreinte sur son bras. Personne ne méritait de se sentir seul à Noël et j'ai vaguement regretté de ne pas l'avoir invité chez pour pour participer aux festivités. Je savais pas s'il était du genre à construire des bonhommes de neige ou à participer à un concours d'Ugly Christmas Sweaters, par contre.

Il n'a pas donné davantage de détails sur ses vacances et m'a plutôt questionné sur les miennes. Mon regard était fixé sur mes chaussures qui écrasaient la neige molle dans un crissement étouffé que je trouvais plutôt agréable à l'oreille. J'ai souri en repensant à ces deux semaines de pur bonheur que j'avais passées. Oh, bien sûr, ma famille n'était pas parfaite. Mais tout le monde s'entendait bien et on parvenait à communiquer quand quelque chose posait problème, ce qui faisait en sorte que les froids, les disputes ou les insatisfactions ne duraient jamais longtemps. Par dessus tout, on s'aimait beaucoup et on partageait l'amour des traditions, ce qui tendait à s'exacerber pendant le temps des fêtes. Ma mère, Laura, faisait les meilleurs biscuits en pain d'épice d'Angleterre. Mon père Anthony était imbattable aux batailles de boules de neige et mon frère Jude et moi étions les rois de la décoration de sapin. Bref, à Noël, je redevenais une vraie gamine et le reste de ma famille aussi. Quoi que le reste de l'année j'étais une vraie gamine quand même.

- Ma famille va bien, ai-je dit en relevant les yeux vers lui, tout sourire. Tu devrais m'accompagner la prochaine fois que j'irai leur rendre visite.

La proposition était lancée, il en ferait bien ce qu'il voulait. Peut-être même que je voulais trop être gentille avec lui et que ça lui était égal de passer du temps avec sa famille à lui, qu'avec le temps il s'y était habitué. Et peut-être que ce que moi je trouvais agréable chez moi, lui trouverait ça complètement stupide. Mais bon, j'avais un grand coeur, alors j'avais pas pu m'en empêcher.

On est passé près d'un banc de pierre que j'ai dégagé en passant ma mitaine dessus, avant de m'y asseoir. Le soleil allait bientôt se coucher, puisqu'il se couchait particulièrement tôt ces dernières semaines, et la température n'était pas sur le point de grimper, mais l'air frais me faisait du bien.

- Alors, tu t'es inscrit en quoi finalement? Et t'es dans quelle confrérie? Raconte-moi tout !

J'ignorais effectivement quel choix il avait fait en s'inscrivant à Haveirson. Et même si j'étais pas mal convaincu qu'il n'avait pas été réparti à Sinistros, l'idée de pouvoir passer des soirées à boire avec lui au coin du feu dans la salle commune de ma confrérie me tentait pas mal... Je croisais donc les doigts pour qu'il soit chez les vert pomme lui aussi.

Anton sentit l'étreinte autour de son bras se serrer presqu'immédiatement après qu'il ait mentionné sa famille. Il pouvait deviné que Lanalia se souvenait très bien d'eux. Sa mère avait été tout sauf amicale lorsqu'il lui avait présenté au détour d'un match de polo un peu trop parfait à son goût pour qu'il ne soit pas trafiqué. Sa très chère mère qui, dans l'intimité de sa maison lui avait presque défendu de revoir la belle jeune femme qu'elle trouvait trop "oisive". Il avait rit et depuis lors, s'était fait un plaisir de passer du temps avec elle à chaque occasion que lui donnait la Haute.
Il fut surpris d'entendre Lanalia lui proposer de l'accompagner la prochaine fois qu'elle rentrerait chez elle. Il sourit en repensant à la chaleur du foyer qui devait l'attendre à chaque vacances. Elle le méritait.

Il laissa sa main glisser le long des doigts de la jeune femme avant de les enfoncer dans sa poche.

- Il faudrait que je consulte mon emploi du temps... commença t-il sérieusement mais j'en serait ravi. J'adore ta famille, ils son tellement... vivants !

Ils s'arrêtèrent devant un banc que Lana dégagea du dos de sa moufle pour qu'ils puissent tout deux s'y asseoir sans se préoccuper de la désagréable sensation que causerait le contact de la neige qui fonderait à leur contact. Il regretta de ne pas avoir pris de gants, le froid était mordant et le vent qui soufflait doucement lui rappelait que l'hiver dans cette région pouvait être plus rude. Il frotta ses mains ensemble et souffla dessus. La chaleur qui se dégagea fut d'abord désagréable avant de le soulager.

- Alors, dans l'ordre, Médicomagie et Abraxans. À part ça... rien de bien neuf. Il échappa un rire devant l'empressement de la jeune femme à son égard.

Cela faisait un moment qu'ils ne s'était pas vu, c'était vrai, et Anton ne pensait plus être reçu lorsque Lanalia était partie à l'Académie. Il l'avait donc félicité sans pour autant lui avouer que lui-même s'était inscrit. À son arrivée, il avait secrètement espéré la voir l'accueillir mais à la place il avait été accompagné par son professeur de Médicomagie en personne. Le chemin le plus long qu'il ait jamais eu à endurer dans un château. Pourtant il avait connu les détentions avec Rusard...

- Et toi donc ? Toujours passionnée par les Oubliettes ?

Anton se souvenait en avoir discuté avec la belle blonde au cours d'un repas. Elle lui avait parlé de son intention de devenir Oubliator, mais il ne savait pas si cette ambition était toujours d'actualité.

Sa réponse me tira un nouveau sourire. Je savais qu'il appréciait ma famille mais je ne m'attendais pas à ce qu'il laisse entendre aussi rapidement son désir de m'accompagner lors des prochaines vacances. Ça m'a ravie. J'ai commencé à imaginer la scène, mon père faisant préparer les appartements des invités en croyant que sa petite fille était toujours pure et ne partageait jamais son lit avec les garçons... God, s'il fallait qu'il sache tout ce que j'avais pu faire ces dernières années, le pauvre ne s'en remettrait jamais.

Tous deux assis sur le banc, le froid se faisait de plus en plus sentir. Anton a soufflé dans ses mains pour les réchauffer et spontanément, je me suis tournée vers lui, passant une jambe au-dessus du banc de façon à y être assise à califourchon, et j'ai pris ses mains entre les miennes pour les envelopper de mes chaudes mitaines.

- Médicomagie ! Ai-je dit avec une surprise joyeuse. Je ne savais pas que cette matière t'intéressait au point de vouloir en faire une carrière ! Si tu veux, je pourrai jouer ta patiente quand tu devras exercer tes compétences pratiques...

Je lui ai fait un clin d'oeil suggestif, ses mains toujours entre les miennes, avant de rigoler en baissant les yeux. Ainsi donc, il avait été réparti à Abraxan. La maison de mon ancienne ennemie jurée Megan O'Neill. Dommage, je ne pourrais donc pas passer devant son dortoir à moitié habillée en faisant mine de ne pas avoir fait exprès.

- Oui, je trouve le contenu des cours vraiment intéressant, mais avec le contexte politique dans lequel on est actuellement j'ai du mal à voir pour le moment à quoi les oubliators pourront bien servir dans le futur... J'imagine que s'ils continuent à nous former, c'est qu'ils ont une idée du rôle qu'on devra endosser, cependant. On verra bien !

À mesure que la lumière déclinait, le froid commençait à prendre davantage de mordant et je sentais le bout de mon nez, mes joues et mes oreilles se mettre à geler. L'idée d'un peu de chaleur et d'un repas réconfortant me plaisait bien.

- Est-ce que t'es occupé ce soir? Si ça te dit, on pourrait manger ensemble...

Je voulais pas avoir l'air de lui sauter dessus en mode "maintenant que t'es là passons tout notre temps ensemble", mais comme j'avais aucune occupation de planifiée ce soir et puisqu'on était là, je me suis dit qu'on pourrait en profiter.

Anton fut tellement surpris que Lanalia prenne ses mains dans les siennes qu'il ne réagit pas et n'osa pas bouger. Pour lui, il était assez étrange que la jeune femme agisse de la sorte alors qu'il ne s'était jamais réellement rien passé entre eux, si ce n'était des gestes ou des regards s'apparentant à plus que de l'amitié. Il la laissa donc faire, la situation le mettant quelque peu inconfortable. Il s'en cacha se pendant très bien puisque son interlocutrice ne sembla rien notifier. Il emprunta la même position que la jeune femme pour se retrouver face à elle. Il s'éclaircit un peu la gorge avant de reprendre.

- Oui... même si je suis persuadé que tu es une très mauvaise malade...

Il imaginait Lana allongée au milieu de l'infirmerie en train de crier quelques besoins que ce soit et gémir de douleur pour un petit rhume. Il lui rendit son sourire avant de lui aussi baissé les yeux, il se devait à lui même de détourner son regard de ce sourire enchanteur, voir manipulateur. Elle ne l'aurait pas... il résisterait.

- Je ne pense pas que le Comte - qui qu'il soit - tolère des étudiants qui seront inutiles pour le Monde Magique.

Son regard s'assombrit quelque peu. Sa famille et lui ne partageaient pas vraiment les même croyances quant au contexte actuel. Il savait que Lanalia croyait en un avenir meilleur. Qu'elle se battrait pour que le Bien triomphe du Mal. Il savait cela parce que sa famille l'avait élevée dans cet idéal qu'elle devait défendre. Pour Anton, les choses étaient plus compliquées, sa vision des choses biaisée. Il devait trouver son chemin et sa voie pour choisir son camp, car il n'était pas encore sur à 100% de l'avoir choisi.

Il leva son regard vers l'Académie. Il savait que sa mère avait essayé de l'empêcher à tout prix de rejoindre les bancs de l'école car il serait plus difficile à endoctriner à distance. Les idées véhiculées par la famille Costello s'évaporeraient au cours de chaque trimestre et elle n'aurait que le temps des vacances pour s'assurer qu'il suivait les traditions familiales de mépris et de distinction par le haut.
En cela, la présence de la belle blonde lui faisait du Bien. De la sorte, il parvenait à s'imaginer peut-être meilleur qu'il ne l'était. Du moins, elle le poussait vers la Lumière quand sa mère et son père le tirait toujours plus bas, vers les Ténèbres. Il savait qu'en son fond, beaucoup de cette noirceur existait et il n'était pas sur de pouvoir y faire grand chose. Ou qu'il en avait envie.

Il fut tiré de sa torpeur par une voix douce qui s'adressait à lui et de grand yeux bleus le scrutant.

- Oui si tu veux...

Il réfléchit un instant et eu une idée. Il dessina un sourire en coin à destination de Lana. Il savait que l'idée lui plairait. Elle lui avait déjà plus quelques années auparavant quand ils s'étaient ennuyés au tournoi de Cambridge. Il enroula ses doigts autour des moufles de l'étudiante et la tira vers lui pour qu'il la suive.

- Suis-moi... Lui souffla t-il.

La réponse d'Anton, d'abord un peu détachée, m'a presque fait regretter de lui avoir proposé de manger avec moi ce soir. "Si tu veux..." c'était, dans mon dictionnaire personnel, pas très loin de "si tu insiste" ou "Ok whatever, comme tu veux". Encore une fois, je me sentais dans une valse avec lui. Aussitôt que j'avançais le pied, il reculait le sien dans un mouvement fluide et instantané. Et quand il avançait le sien, je reculais le mien dans un miroir parfait. Et tous deux, nous valsions sur un rythme parfois rapide et d'autres fois plus lent, dans une indécente harmonie qui nous conduisait l'on ne savait vraiment où.

Et comme il avait reculé son pied avec cette réponse un peu détachée, il a fait un pas devant dans cette valse métaphorique en prenant ma main dans la sienne pour m'entraîner quelque part, me murmurant de le suivre après m'avoir lancé un sourire en coin qui m'a fait sourire à mon tour. Dieu qu'il pouvait être beau.

Je l'ai suivi sans me faire prier et sans rien ajouter, me demandant ce qu'il avait en tête et étant tout à fait prête à me laisser surprendre. Un peu de piquant dans ma vie, c'était à la fois ce dont j'avais besoin et ce qu'il était toujours capable de m'offrir. Je pense que c'était ce que j'allais chercher dans ma relation avec lui. Une distraction, mais aussi une présence qui me sortait de l'ordinaire, quelqu'un avec qui je pouvais m'amuser tout en étant parfois plus sincère et plus honnête dans mes discussions qu'avec quiconque dans mon entourage. Il fallait dire que le nombre de fois où on avait abusé de l'alcool ensemble avait sûrement aidé, puisqu'il n'y avait rien comme ça pour délier les langues.

Dans tous les cas, je pense qu'Anton savait comment pimenter ma vie et la rendre excitante. Je ne savais pas trop ce que moi je lui apportais... une distraction lors de ces mondanités assommantes, oui sans doute, mais je pouvais pas m'empêcher de me demander si mon attitude de gamine, ma spontanéité ou ma joie de vivre naïve lui tapaient sur les nerfs de temps en temps. Après tout, il n'avait pas été habitué à ce genre de chose dans son entourage, de ce que j'avais pu comprendre avec le temps.

- Où on va ? ai-je fini par demander sur un ton curieux, simplement pour couper court à mes pensées qui semblaient vouloir s'envoler.

Il sentait la main - ou plutôt la moufle - de Lana dans la sienne, et regretta à cet instant qu'elle ait décidé de se couvrir les mains. Mais peu lui importait tant qu'elle le suivait. Il la regarda furtivement du coin de l'oeil alors qu'ils avançaient vers une destination qui était inconnue à la jeune femme. Elle semblait perdue dans ses pensées, loin de la surface de la situation. Anton se demandait ce qui pouvait bien lui traverser l'esprit en cet instant et questionna ses actions. Il lui semblait n'avoir rien fait qui perturberait lia bienséance mais on ne savait jamais. Beaucoup de ces choses avaient la fâcheuse tendance à lui échapper. Il restera légèrement la pression de sa main sur celle d cela belle blonde pour la ramener hors de ses pensées. Il sourit en croisant ce regard toujours aussi pétillant et curieux.

A vrai dire, l'endroit dans lequel il l'emmenait n'existait pas vraiment. Il voulait juste s'éloigner du champs de vision des autres élèves suffisamment pour passer une soirée tranquille sans être vu. Il voulait faire cela en souvenir du bon vieux temps, lorsque, pendant les mondanités pompeuses et trop guindés, les deux jeunes gens dérobaient des bouteilles de champagne pour aller les boire dans un lieux plus discret et moins collet-monté.

Le bruit de leur pas sous ses pieds le ramena à la réalité. Ils étaient arrivés dans ce qui devait être une clairière, entouré de quelques arbres, les abritant des regards. Anton abaissa sa baguette et fit voler jusqu'à lui un vieux morceau de tissu rapiécé.

- Tu la reconnais ?

Pour toute réponse, il balança le morceau de toile qui vint se planter dans le sol pour former un triangle parfaitement isocèle. Il avait trimbalé sa vieille tente magique presque partout avec lui pendant des années, il lui avait posé le sortilège de diminution pour qu'elle soit aussi grande qu'un mouchoir en tissu.
Il sourit à Lanalia en espérant que la "surprise" lui ferait plaisir. Il tira un des ponts cachant l'entrée et la laissa entrer à l'intérieur. L'endroit, comme tout espace magique, était rempli de tout ce qu'il fallait pour passer une soirée confortable. Un feu de cheminée crépitait doucement au milieu de la pièce, réchauffant l'atmosphère déjà tamisée par les lanternes qui brulaient, disséminées aux coins de la pièce. Au milieu, les deux vieux poufs qui les avaient accueilli tant de fois trônaient dans l'attente d'être occupés.  

- En souvenir de ces dernières années...

il esquissa un sourire en espérant ne pas s'être trompé dans ses plans. Il voulait que Lanalia passe une bonne soirée et, bien qu'ils aient souvent partagés de bons moments, ceux-ci étaient toujours spontanés et sans préparation. Anton s'aperçu vite qu'il ne connaissait que très partiellement les goûts e la belle blonde et douta ainsi de son idée. Peut-être que celle-ci aurait préféré manger dans un restaurant plus chic en tête à tête ? Il l'ignorait. Mais c'était trop tard et il n'avait plus qu'à espérer qu'elle ne soupire pas d'exaspération face à sa proposition.

- J'espère que ça te plait... Souffla t-il en trouvant un intérêt nouveau pour une des lanternes accrochées au plafond de cette tente démesurément grande et cosy à la fois. Car même s'il tentait de garder tout contenance - en général il était plutôt doué pour cela -, il n'osa pas croiser le regard de Lana avant d'avoir eu des éléments de réaction qui lui indiquerait s'il s'était royalement planté ou pas.