Les Brèves Matinales

14h30. Mars tire sa révérence sur une note sanglante. Depuis tôt ce matin, nos correspondants dans tout le pays ne cessent de nous faire parvenir des informations laconiques à propos d’interventions de type “raid” en divers endroits de la Grande-Bretagne. Après plusieurs heures d’investigations et l’interrogation de témoins laissés pour compte par la police moldue et les tireurs d’élite de baguette, les premiers détails nous parviennent enfin. Toutes les histoires semblent concorder et ainsi confirmer ce qu’il s’est réellement passé durant cette journée noire pour nos communautés.

En divers endroits du pays, les dénommés mangemorts ont fait des descentes dans des lieux publics fortement fréquentés par la population moldue ou ceux de nos compatriotes sorciers en faveur d’une stabilisation pacifique de la situation. Plusieurs blessés ont déjà été dénombrés, notamment dans un important centre commercial du centre de Edimbourg, dans un bar de Sheffield ainsi qu’aux abords de la cathédrale de Canterburry. D’autres actions plus mineures ont été menées dans des zones plus reculées, avec pour seuls résultats des dégâts matériels. Les autorités tant moldues que sorcières encouragent leurs compatriotes à rester chez eux tant que la situation n’est pas sous contrôle. Un centre de crise a été mis en place pour recueillir les témoignages et prendre soin des victimes.

15h45. Nos correspondants londoniens, ville jusqu’à présent épargnée par les raids de mangemorts, nous annoncent qu’une série de cris et de mouvements de foules viennent d’attirer l’attention sur la British National Gallery. Plus d’informations à venir.

16h30. Le musée était bondé de visiteurs et d’excursions scolaires moldues, ce qui a causé de violentes réactions de peur et la fuite désordonnée de nombreux enfants, paniqués par l’apparition d’une dizaine de silhouettes encapuchonnées. Les blessés sont actuellement évacués par les services médicaux, en un effort conjugué pour traiter les blessures standards et les maux d’origine magique. Plusieurs victimes sont dans un état grave.

19h. À Londres, le calme est peu à peu revenu. Malgré les premières craintes, il semble que le centre de l’Initiative pour la Concorde ait été épargné, probablement grâce à la lourde surveillance policière qui l’entourait ouvertement. Le dernier rapport de Ste-Mangouste fait état de cinq blessés magiques graves, ainsi que d’un décès : un des gardiens du musée aurait succombé des suites d’une surcharge magique due à une trop grande quantité de sortilèges cumulés. Il s’était interposé entre les mangemorts et un groupe d’écoliers, rescapés avec quelques égratignures. Du côté moldu, deux accompagnants seraient encore entre la vie et la mort après une chute du premier étage du musée. Les autres victimes seraient rentrées chez eux après une offre de prise en charge psychologique.

21h30. Notre correspondant nous informe du décès tragique d'une des victimes de l'attaque contre la British National Gallery, ayant succombé à ses blessures quelques minutes plus tôt. Il s'agirait d'un écolier moldu en sortie scolaire, âgé de seulement onze ans. Toutes nos pensées vont à la famille et aux proches de cette jeune victime.

Les attaques précédemment menées par les mangemorts ont été fermement condamnées par Jonathan Carwood et John Mayor, qui se sont réunis pour l'occasion en un conciliabule secret à Londres. Il a été officiellement décrété que des patrouilles mêlant des sorciers aux moldus seront affectés aux zones considérées comme fragiles. De plus, l'accès aux différents services du ministère de la magie et au chemin de traverse est désormais entièrement soumis à un contrôle d'identité.
Selon le témoignage d'un individu proche des forces déployées, il serait même envisageable d'utiliser des sortilèges avancés de contrôle sur les baguettes, afin de repérer les éventuels suppôts de Celui-dont-on-ne-prononce-pas-le-nom par le biais de leurs incantations interdites.

Nul doute que les gouvernements espèrent ainsi démanteler les ennemis de la paix, et ramener un tant soit peu d'ordre au sein du Royaume-Uni.

Nouvelle de 10h :
Les interrogatoires dirigés par Jonathan Carwood se succèdent les uns aux autres, impliquant uniquement les dignitaires de l'aristocratie sorcière. À ce sujet pour le moins excitant et troublant, des rumeurs très confuses circulent jusqu'à nos oreilles : les Sang-Purs sont-ils tous liés aux sombres exactions des Ténèbres ? Et, plus encore, faut-il se débarrasser de la menace qu'ils représentent pour la survie de nos concitoyens ?

Les avis sont excessivement partagés et conduisent souvent à des dissensions mémorables. Les uns veulent la fin de cette caste aisée et dépravée, dont les mœurs désavoués méritent d'être affichés aux yeux de tous, tandis que d'autres s'échinent à défendre ces gardiens du passé à la survie incertaine. En l'état, les directives du gouvernement sorcier semblent décidées à s'attirer l'animosité de ses vieux soutiens.

Nouvelle de 11h :
La nouvelle vient de tomber en grande pompe, provoquant la stupeur et le courroux des hautes instances magiques du Royaume-Uni. La France – et plus exactement le pouvoir sorcier français – vient de dénoncer « la dangereuse politique » de Carwood à l'encontre des vieilles lignées et, surtout, sa « coopération sordide et plus que douteuse avec les moldus » (citation exacte, tirée du communiqué).
Les transactions commerciales entre les deux gouvernements ont été suspendues, ainsi que toutes autres formes de liens. Les ressortissants français sont invités à quitter « une terre de trahison et d'ignominie, embourbée dans des contradictions déplorables » dans les prochaines vingt-quatre heures.

Par ailleurs, ce même pouvoir a enjoint ses voisins européens à boycotter les productions anglaises et à rapatrier leurs citoyens.

Il ne suffit pas d’être vendredi pour que le 13 soit porteur de malheur. Du moins, c’est ce qui se murmure dans les campagnes devonnaises depuis tôt ce matin. Nos correspondants, toujours en place autour de Exeter afin de suivre l’évolution de l’enquête autour des mystérieuses disparitions du mois dernier, ont rapidement remonté le fil de ces rumeurs. Tôt ce matin, un agriculteur moldu a découvert le corps sans vie d’une femme entre les premières pousses printanières. La police moldue a été dépêchée sur place, rapidement suivie par les forces d’intervention magique qui ont vu là un espoir de mettre une nouvelle pièce au puzzle de leur enquête.

Pour rappel, les investigations autour du manoir Crabbe piétinent depuis plusieurs semaines. L’évaporation des membres de la famille reste toujours inexpliquée, malgré de féroces interrogatoires des proches et voisins qui n’ont su donner aucunes informations aux enquêteurs. L’examen, long et méthodique, du manoir n’a lui non plus fourni aucune piste de recherche à la brigade spéciale mise sur pied par le Ministère. Ces derniers jours, les détracteurs des familles sang-pures murmuraient que les Crabbe s’étaient probablement éloignés du devant de la scène pour échapper au remaniement des autorités magiques par Jonathan Carwood. Certains allaient même jusqu’à prétendre qu’ils devaient s’être réfugiés au sein même du quartier général de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom.

L’identification du corps a néanmoins remis en cause toutes ces théories. Elizabeth Jannice Crabbe a été officiellement déclarée comme décédée, le douze avril aux alentours de vingt-heures. La cause de la mort n’a pas encore été révélée, mais nos reporters nous ont rapporté que nulle blessure n’était visible sur le corps sans vie de Madame Crabbe, si ce n’est une extrême maigreur, le teint cireux et creusé, ainsi que des lèvres excessivement gercées. D’après l’un de nos correspondants, auparavant attaché de presse à Sainte-Mangouste, ces traits pourraient être des indicateurs d’une mort par inanition ou déshydratation.

Malheureusement, cette découverte n’a pour l’instant pas permis de dévoiler de quelconques indices pour remonter la trace du reste de la famille. Le patriarche Crabbe, ainsi que les parents de Madame Elizabeth J. Crabbe et deux cousins de Vincent sont aujourd’hui encore considérés comme disparus. Avec le sauvage assassinat de Vincent à Pré-Au-Lard, la découverte du corps de sa mère semble sonner le glas définitif de la dynastie Crabbe. Nul ne sait encore ce qu’ils ont du endurer — ou ce qu’ils endurent encore.

L’évènement n’avait nullement été annoncé par la direction de Poudlard, pourtant, personne ne semblait ignorer la venue de Jonathan Carwood à Poudlard. La rumeur s’était répandue comme une traînée de poudre dans les couloirs de l’école depuis l’heure du petit déjeuner. Nul n’aurait su dire qui était à l’origine du ragot, ni même si il y avait eu une origine unique, mais les lèvres se répétaient cette information exaltante de salle de classe en salle de classe. La simple perspective poser les yeux sur ce grand homme du Monde Magique, descendu ici bas parmi nous, simples écoliers, avait rendu les masses impatientes de voir le banquet vespéral arriver.

Quand les portes à double battant se sont enfin ouvertes, il était déjà installé, juste à la droite de Minerva McGonagall. Le grand fauteuil de bois ouvragé, ordinairement occupé par Dumbledore, était toujours vide. Beaucoup avait parié que notre directeur serait de retour pour une telle occasion, mais les soupirs de déception se firent entendre, de-ci, de-là. Si l’école se fait peu à peu à l’absence de son mentor, sa présence continue de planer comme une ombre bienfaitrice.

La directrice affichait une mine sérieuse et réservée, comme à son habitude, mais c’était loin d’être le cas chez le reste du corps professoral. Severus Rogue affichait un faciès sombre, sans que cela n’étonne personne. Cependant, les regards courroucés que Horace Slughorn et Filius Flitwick jetaient en direction de notre prestigieux invité suffirent à faire naître de nouvelles rumeurs. Carwood tend à ne descendre de son piédestal de popularité que chez les familles fortement liées à l’aristocratie, mais nul n’aurait supposé que les professeurs de potions et de sortilèges partageaient de telles véhémences. Sybille Trelawney et Pomona Chourave, quant à elles paraissaient encore plus enjouées que d’habitude, si tant est que ce soit possible. La divinatrice n’avait de cesse de proposer des lectures des lignes de la main, persuadée apparemment que ce jour faste était propice à des annonces prestigieuses.

Et, à la surprise générale, on vit le Baron Sanglant plâner à travers toute la Grande Salle, sortant de sa réserve habituelle, pour aller saluer l’homme qu’il nomma “Le gant de fer dont la communauté magique avait enfin besoin.” La curiosité et l’impatience continuèrent ensuite de grandir, de minutes en minutes jusqu’à ce qui nous sembla à tous être une éternité, avant que Jonathan Carwood ne se lève et s’avance, visiblement seul et sans gardes du corps.

“Chers élèves, chers professeurs,

Je suis ravi de pouvoir partager avec vous ce repas serein et fastueux, bien éloigné des tracas qui secouent notre monde. Si la plupart de ces violences restent circonscrites en dehors des murs de Poudlard, les terribles accidents de ces dernières semaines ne cessent de nous rappeler que la sécurité cesse dès que l’on franchit les portes qui mènent au monde extérieur. Ainsi, je déplore bien entendu la mise en quarantaine de Poudlard, mais elle m’apparaît, aujourd’hui bien plus encore que hier, comme un mal nécessaire pour vous préserver.

Notre jeunesse a besoin d’une éducation forte et sans failles pour construire le monde de demain qui sera, je l’espère, un peu plus proche de l’idylle dont nous rêvons tous. Je suis donc présent ici ce soir pour vous annoncer que les mesures de coopération entre l’école Poudlard et le Ministère de la Magie ont été, d’un commun accord, renforcées. De nouvelles mesures vont être prises pour faire de vous les héros de demain, en commençant par une occasion exceptionnelle pour certains d’entre vous, d’ici la fin de ce mois. Pour les autres, je tiens à vous rappeler que vous avez tout le soutien du Ministère sur le chemin de l’indépendance et de l’altruisme. Prenez votre futur en main, menez-le du bout de votre baguette et devenez des sorciers accomplis !

Je vous encourage avec ferveur à dépasser le cadre des apprentissages théoriques qui sont nécessaires à une école. Soyez imaginatifs, entreprenants, fidèles à vos valeurs et vous serez récompensé. Je suis convaincu, et c’est là toute la raison qui explique ma place en cette position, que la vigilance et le travail main dans la main sont les clés pour un avenir meilleur. Nous avons confiance en vous, et nous vous prions, d’avoir confiance en nous, car c’est unis que nous serons forts face à l’adversité.

Enfin, et ce sera mon dernier point avant de vous rendre à des considérations plus matérielles, j’ai le bonheur de vous annoncer que le mystère de la sinistre attaque que vous avez subie durant le banquet de Noël a été élucidé. Celui qui se fait nommer le Sacrifié ne semble pas avoir autant rejeté l’influence magique qu’il aimait à le prétendre. Les aurors en place pour votre sécurité ont enquêté ces dernières semaines et sont parvenus à prouver que cet être infâme était à l’origine des sortilèges d’Imperium qui ont poussé vos camarades à lever la main sur vous. À présent que ce criminel a été appréhendé, vous pouvez donc retrouver la paix et être assuré qu’il ne subsiste aucune menace entre les murs de Poudlard.

Ceci dit… que le festin commence !”

Et ce fut sur ces paroles chaleureuses et réconfortantes que Monsieur Carwood mit fin à son discours, nous rendant à notre repas au milieu des commentaires exaltés de nos camarades.

Justin Finch-Fletchley, président du Club de Journalisme, correspondant.