Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mar 6 Oct 2015 - 20:30

La voix d’Harmony était si peu assurée que Daphné décida de ne pas insister sur le sujet, préférant attendre que sa cadette soit assez calmée pour faire comme si de rien n’était. L’attente fut courte, cependant ; elle eut à peine le temps de prendre une nouvelle gorgée de biéraubeurre en espérant que cela l'apaiserait qu’Harmony lui débitait déjà un flot de questions et de craintes. Daphné mit quelques secondes à réagir, son regard voguant paresseusement sur les différentes personnes qui étaient dans la pièce, en en omettant soigneusement une.

« Tu ne m’importunes pas » rectifia-t-elle sans se départir de son calme à peine retrouvé. « Il vaut mieux que tu racontes tout cela à une alliée plutôt qu’à quelqu’un qui s’en servirait contre toi. »

Un sourire étirant ses lèvres, elle croisa le regard d’Harmony pour tenter de la rassurer. Elle ne releva pas le fait qu’elle s’était subitement coupée au milieu d’une phrase avant de reprendre le contrôle d’elle-même : tout cela attendrait. Dans l’immédiat, elle n’avait pas de raisons de s’inquiéter véritablement – la confirmation de l’allégeance de sa camarade ne lui était pas vitale. Pour le moment.

« Tu as eu raison. Yvain n’aurait pas dû agir ainsi avec toi, c’était inconvenant. »

Elle croisa les bras tout en prenant une autre gorgée, espérant que la douce chaleur qui l’envahissait habituellement serait présente ce soir-là. Toujours rien. Elle avait presque froid, malgré la veste qu’elle avait enfilée et les feux de cheminée qui crépitaient dans toute la salle commune pour tenter de repousser la fraîcheur du lac.

« Cependant », continua-t-elle d’un ton égal, « une simple explication peut parfois éviter des situations déplaisantes. »

S’interdisant de croiser le regard de Blaise, elle concentra toute son attention vers sa la quatrième année en tentant d’ignorer à quel point elle se sentait fatiguée, vidée de toute émotion, à quel point la biéraubeurre lui brûlait ses doigts glacés.

« Après tout, vous aviez l’air de bien vous entendre, tous les deux. »

Bien. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’Harmony continuerait à parler d'Yvain et n’aborderait pas le sujet Zabini, sinon elle risquait de rompre ses résolutions de faire comme s’il n’existait pas et de ne pas lui offrir d'excuses pour venir lui parler en croisant son regard trop souvent.

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mar 6 Oct 2015 - 21:56

Ses pas, étrangement lents et moroses, le conduisirent auprès de l’héritier Malefoy. Et de sa précieuse cour, composée de l’intrépide – désormais déprimée – Johnson et du tristement impitoyable – apitoyé ? – Zabini. Des gens qui respiraient la joie de vivre en ce jour de fête, non ? Mais si, insistez. Regardez bien. Les traits de leurs visages ne sont pas tirés par la noirceur. Ils resplendissent au contraire d’un marasme apathique. Tiède. Léthargique.

Ouais, bon, d’accord. Ils avaient autant d’enthousiasme qu’un détraqueur invité au mariage de sa cousine. C’était dire.

Yvain glissa ses doigts sur les côtés de son pantalon, certainement en quête d’un réconfort que seules des poches cousues à la main pouvaient apporter, tout en adressant un regard lasse à Blaise. Il était peut être bravement con ce soir, mais il était encore capable de capter l’hostilité aigre de l’aristocrate. Le truc pseudo-blessant que ce dernier lui servait à toutes les sauces depuis six ans. Ah. Déjà six ans ? Faudrait qu’il fasse vraiment genre de s’en plaindre, une fois. Pour lui donner un peu de grain à moudre... Sinon le pauvre allait se noyer dans sa bile.

Boarf. Allez. De toute façon, foutu pour foutu, il pouvait bien montrer que lui aussi était d’humeur maussade. Âcre. Même si tous parvenaient à le voir facilement sur son visage depuis qu’il avait quitté la piste de danse improvisée.

En guise de réponse, le jeune homme lâcha un bref grognement. Pas très consistant, d’ailleurs. Y’avait décidément des trucs à rectifier dans la machine. « Là, je ne risque plus. T’inquiète pas va. » Il lâcha ces quelques paroles sans grande conviction, tout en s’osant à suivre le regard de son camarade. Harmony. Daphné. Dans le genre, je t’enfonce le couteau dans la plaie, ça se posait-là.

Le changement soudain de sujet chez son interlocuteur attira son attention languissante. Whisky pur feu ? Ça lui faisait penser... « J’ai un vieux scotch de mon père qui traîne planqué sous le lit. On peut aussi s’en siffler. » L’alcool. La bonne mère des déprimés, des invalides et des pères de familles à la brioche gonflée de graisse devant leurs boules de cristal.

Au moins, ils pourraient se changer les idées. Tant bien même que les événements du banquet revenaient encore et toujours sur les lèvres des élèves. Preuve-en est. Les excuses de Drago. L’allure sombre d’Angel.

L’interrogation molle et imprévue de cette dernière, pleine de sollicitude, lui tira un sourire forcé. Qui ne tint pas trois secondes. « Grave besoin, je crois. » Que dire de plus, hein ? Oui. Il voulait boire. Il voulait oublier. Il voulait s’amuser. Avec ses potes. Et si son ancien bourreau devait compter dans le lot, et bien, tant pis. Personne n’allait s’en pendre le slip par la fenêtre. Puis, vraisemblablement... Si la chance était avec eux, ils ne s’en souviendraient pas demain.

De nouveau, les souvenirs du vingt-quatre décembre s’invitèrent dans leur cercle. Non mais putain. Les épaules du fils Gallant se relâchèrent de dépit. De fatigue. De regrets. Des émotions désagréables et des sensations affligées qui percèrent dans sa voix. « Ouais. » Ses yeux se tournèrent vers son blond associé. Le vieux barbu ne s’en tirerait pas comme ça. Évidemment.

Toutefois, en attendant qu’ils s’occupent de ce point... Son regard exprima toute autre chose. Pitié. Alcool ?

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mer 7 Oct 2015 - 20:20

Comme son ami était morose ! Le visage pincé & blême. S'entretenant, l'air conspirateur, avec Angel. Blaise s'étonna vaguement de leur proximité; lors de leur dernière rencontre, la jeune fille ne s'était pas montré etout-à-fait bienveillante et, à son air revêche, il devinait que les sentiments qu'elle entretenaient à leur égard ne s'étaient pas réellement adoucis; irritée et fiévreuse, elle éconduisit sèchement les railleries de Blaise. Mais il était obligeant. Et, surtout, il venait de lui faire exiger de l'alcool -- ce qui lui garantissait de pouvoir boire sans avoir à se soucier d'éventuelles remontrances de sa part.

"C'est comme tu voudras, princesse" consentit-il; amusé par son impatience; puis, s'adressant d'un air résolu à Yvain, qui, morne et dépité, semblait à peine affecté par sa remarque précédente; "Tu entends, Gallant?" C'était pourtant à Drago qu'il souriait; et ce sourire était complice; tout-à-fait carnassier; "Nos préfets veulent se défoncer." D'un geste de ses mains, il lui intima de le suivre vers les dortoirs des Serpentards; les lourdes bagues ourlées de pierres qui ornaient ses doigts miroitèrent dans la lumière. Comme Drago était encombré de sa bièraubeurre, qu'il n'était pas convenable de laisser Angel seule, et que Blaise était un individu pétri d'abnégation, il demanda avec insouciance à son meilleur ami avant de s'éloigner ; "Comme d'habitude, la bouteille ?"

S'enfonçant dans la pénombre des cachots !...comme pour silencieusement y suriner un nid de couleuvres sifflantes & frénétiques. Ce soir-là, depuis le sous-sol, étouffé par l'eau noire & trouble du lac qui se pressait impétueusement contre les fenêtres - similaire a une matière lourde & compacte, un marbre Portor - rien ne semblait vraiment réel. Une espèce de mauvais rêve.

Il durait depuis quelques jours. Elastique & suffoquant.

Dans l'écho solennel de leurs pas sur les dalles, alors qu'ils n'étaient plus que tous les deux, Blaise fit soudainement remarquer à Yvain, le ton un peu plus ouvert, quoiqu'animé de condescendance, comme s'il s'efforçait de comprendre un raisonnement trop abscons;

"C'était vraiment bizarre, ton délire, Gallant. Tu ne peux pas faire des choses pareilles avec une fille. Ou avec quiconque, en fait. Ça ne marchera jamais. Les gens normaux ne font pas ça." Lui glissant un regard concerné, il ajouta ; "et, corrige moi si je me trompe," son ton docte, bien sûr, ne trahissait aucun doute de sa part: "Mais Sharen est en quatrième année, exact..?"

Il était peut être un peu présomptueux, sinon totalement imprudent, d'aborder un sujet aussi sensible avec celui qui avait été attablé en sa compagnie lors du banquet de Noël.

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mer 7 Oct 2015 - 20:59

Toute la maison Vert et Argent voulait se bourrer la gueule ce soir, on dirait. Parfait ! Blaise avait de quoi fournir, Yvain avoua posséder une bouteille, et Drago n’était pas tout à fait innocent non plus. Avec l’accord de leurs deux préfets, ils n’avaient pas grand-chose à craindre, non ? Peut-être une gueule de bois carabinée, mais ce n’était pas comme s’ils avaient cours le lendemain non plus.

Angel ne cacha pas son amertume, ce qui arracha un sourire sans joie à Drago. Il les aimait comme ça, avec du répondant, un peu revêches et carnassiers. Parfait. Sang-mêlée ou pas, Angel pouvait se révéler utile, en fin de compte. Il faudrait qu’il en parle avec Yvain, quand ce dernier aura surmonté la honte qu’il s’était collé à lui et à Harmony au passage. Non mais sérieusement… Danser, oui, mais il y avait des limites.

Et Blaise d’en rajouter à propos de l’alcool. Sa chienne avait une laisse, mais il lui faudrait encore une muselière.

— Fait attention à tes fesses, Blaise. On pourrait très bien passer de ‘se défoncer’ à ‘défoncer’ tout court. Oh, d’ailleurs, tu peux aussi remonter le coffret en merisier sous mon lit ? T’es un amour.

Il laissa donc son meilleur ami et son bras droit descendre dans les chambres pour récupérer les bouteilles et ce fameux coffret, et se tourna de nouveau vers Angel. Il avait envie de lui dire quelque chose, mais rien ne lui venait. Il n’était pas spécialement doué pour parler aux filles, en fait. Alors il se contenta de rester là, à regarder les autres danser, en espérant que sa co-préfète ait quelque chose d’intelligent à dire. Sinon, ils pouvaient bien attendre l’éthanol salvateur en silence, mais ce serait quand même un peu moins drôle.

Remarquez, niveau drôlerie… On avait fait mieux que cette soirée.

03/01/2007

Le 31 décembre 1996

Joyeuse année !

Et soudain, Harmony entendit un léger sifflement s’animer auprès de son oreille gauche. S’accentuant, au fil des secondes, jusqu’à brouiller le reste. Jusqu’à déchirer la trame du monde et du temps. Jusqu’à l’isoler.

Sans que quiconque ne puisse s’en rendre compte. Sauf peut être Daphné, trop proche et trop attentive, devant l’éclat vitreux qui s’immisça dans les yeux de sa cadette. Comme un pâle écho voilé trop semblable à un autre. Plusieurs jours auparavant. Mortel. Et définitif.

Quant à la quatrième année, ses jambes chancelèrent légèrement. La salle commune des verts et argents céda la place à une immense pièce de pierres sombres et d’étoffes grisâtres. Au centre de celle-ci, brûlait un feu vif et réconfortant, au creux d’une cheminée ouvragée. Ancienne. Aux gravures étranges et... Fantastiques ? Mystiques ?

Une voix s’éleva sur le côté, alors que la jeune Sharen se trouva incapable de tourner le visage dans la direction de celle-ci. « Ne craigniez rien, ma mie. Nous vous protégerons. » Une singulière sensation glissa dans le ventre de l’adolescente. La peur. Non pas la sienne. Mais celle de quelqu’un d’autre. Pourtant, la personne qui s’adressa à elle semblait faire preuve de bonne foi. De confiance.

Une nouvelle fois, un bruit aiguë et insupportable se manifesta à Harmony. Elle seule l’entendait. Toujours plus fort. Menant l’univers à une onde si exécrable qu’on trouva aisé de le détester pour sa seule existence.

La seconde suivante, les alentours se diluaient dans le néant, avant de se parer des couleurs obscures de la réalité. Lentement, elle revenait à sa conscience et à la soirée du nouvel an. De la même façon que lors de sa dernière vision...

08/06/2015

Un flot de paroles s’échappa de ses lèvres fines. Elle qui, d’ordinaire, s’efforçait de maintenir la même réserve que celle que lui donnait en exemple son aînée, n’avait pu le contenir. Elle était trop bouleversée. Depuis qu’elle s’était liée d’amitié avec Yvain, trop de sentiments contraires l’animaient au point de tordre son estomac. Sa réaction, plus tôt, avait été la déchirure, le résultat de toutes ces tensions contraires.

La voix posée de Daphné la rasséréna quelque peu. Elle avait eu peur que l’aristocrate guindée ne supporte pas ce trop-plein de sentiments mal maîtrisés. Après tout, les relations entre Daphné et Harmony n’avaient jamais été véritablement amicales - elles restaient cordiales. D’ailleurs, le choix de vocabulaire de la belle blonde en témoignait. Elle avait bien dit “alliée”.

Elle sourit puis appuya l’opinion de sa cadette. Yvain avait eu un comportement anormal, contraire à toute bienséance ou même au respect de son amie. Harmony hocha la tête. Oui, il l’avait blessée. Parce qu’il n’avait pas réfléchi. Tout simplement. Il savait qu’elle n’était pas tactile, qu’elle était discrète. Elle avait fait un effort en le rejoignant sur la piste de danse. Alors qu’elle ne savait pas danser. Alors qu’elle détestait sortir du lot autrement que par la réussite intellectuelle.
Elle avait fait ça pour lui. Et il l’avait remerciée de son égoïsme déplacé.

Animée soudain d’une colère éraflée, elle osa tourner les yeux vers lui. Ses conciliabules avec la crème de leur maison prenaient fin et menés par Drago, lui, Blaise et Angel allaient vers les dortoirs. Il n’eut pas un regard pour elle. Il fallait croire que cette petite fête n’était pas assez bien pour eux. Pas assez amusante.
La petite troupe passait devant les première année encore en train de danser. La tristesse qu’elle avait cru voir dans leurs traits n’était elle que du mépris ? Parce que les élèves plus jeunes étaient plus naïfs, fallait-il les abandonner par condescendance ? C’était extrêmement décevant.
Contraire même aux valeurs Vert et Argent.

Mais son attention fut bien vite rappelée par la gracieuse Daphné Greengrass. Egale à elle-même, la jeune fille cherchait à raisonner l’adolescente. Si elle continuait de froncer les sourcils, le courroux qui l’animait perdait déjà en intensité.
Elle n’avait pas tort. Premièrement, il s’agissait clairement d’un malentendu. Secondement, elle ne pouvait décemment pas faire la tête à Yvain. Eh oui, soudain, elle se souvenait que l’enjeu dépassait leur relation naissante. Elle ne pouvait compromettre sa place par des enfantillages.

Harmony eut alors un rictus gêné. Effectivement, ils s’entendaient bien. Et oui, ils devraient en discuter. Mais attention, c’était à lui de faire le premier pas. Elle n’allait pas s’excuser d’avoir été blessée quand même !

- Oui, c’est vrai. Mais pas avant qu’il n’ait présenté des…

Cependant, Harmony ne put finir sa phrase. Le sifflement qu’elle avait considéré comme un banal acouphène était devenu assourdissant. Son regard se perdit immédiatement dans le vide. Un voile semblait avoir été abaissé dessus.
Elle n’était plus dans cette pièce familière. Elle vacilla mais ne faillit pas. Une voix doucereuse l’interpellait d’une langue ancienne. Elle se voulait protectrice, Harmony le sentait. Mais une peur étrangère l’envahit. C’était comme si elle devenait spectatrice au plus profond de la scène. Elle se sentait comme l’enveloppe de papier autour d’une personnalité qui n’était pas la sienne. Ces sentiments ne lui appartenaient pas. Pas plus que ces visions. Ces… souvenirs ?

Le bruit prit place à nouveau, martelant son crâne. Il était si puissant, et pourtant il continuait de s’amplifier. Elle n’espérait plus qu’une chose. Qu’il prenne fin. Que tout s’arrête. Tout.
Alors seulement, lentement, elle reprenait conscience. Ses iris pâles reprirent la mesure de cette pièce familière, de ce visage connu qui l’observait fixement. Ses yeux étaient pourtant restés ouverts pendant ces quelques secondes qui l’avait éloignée de la réalité. A moins que ce qu’elle ait vu soit tout sauf un rêve ?

Epuisée, elle ne pouvait dire mot. A nouveau, elle perdit l’équilibre. Cette fois-ci, elle s’effondra.

09/04/2015

Angel n’était apparemment pas la seule à vouloir se mettre bien ce soir. Les garçons étaient du même avis qu’elle : il manquait quelque chose à cette soirée. Et très vite on avait trouvé la solution pour régler ce petit problème. D’ailleurs Blaise, accompagné d’Yvain venait de partir chercher quelques bouteilles. La préfète se retrouva alors avec son homologue masculin.

Le silence s’installa alors entre les deux. C’est vrai qu’ils n’avaient jamais pris le temps de se parler vraiment. En dehors de quelques engueulades durant les réunions des Préfets, Angel et Drago ne se connaissaient pas plus que cela en réalité. Et même si la jeune fille avait, en temps normal, le contact facile, aujourd’hui, elle n’avait pas spécialement envie de sourire ou faire sourire. D’ailleurs ce soir, tout le monde semblait maussade, y compris le blondinet. Elle profita donc de ce petit moment seul pour lui demander ce qui le tracassait

- C’est quoi toi, ta raison de cette envie de boire ? A ma connaissance, Alicia n’était pas forcément une de tes grandes amies non ?

Elle se doutait que son manque de joie n’avait pas vraiment un lien avec la disparition d’Alicia. Alors si ce n’était pas ça, quel était son problème à lui ?

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mer 14 Oct 2015 - 16:40

Du coin de l’œil, elle put voir les silhouettes de Blaise et Yvain – une association étrange et risquée, de son point de vue – s’évanouir dans les escaliers qui menaient aux dortoirs. Hésitant entre le soulagement de ne plus avoir Blaise sous les yeux et les regrets de ne pas avoir tenté de régler cette situation désagréable, elle se consola en se convainquant que, quoi qu'il en soit, tout était de la faute de son ami.

La voix d’Harmony attira de nouveau son attention, et elle croisa les bras contre sa poitrine pour tenter de garder un peu de chaleur, sa biéraubeurre à moitié vide pendant dans une de ses mains glacées. Elles se tenaient face à face, et Daphné regardait si attentivement sa comparse pour s’assurer qu’elle allait mieux qu’elle ne put manquer le voile qui obscurcit ses yeux pâles. Pas plus qu’elle ne manqua le fait qu’elle s’était interrompue au beau milieu d’une phrase.

« Harmony ? »

Son regard était dérangeant, atone et absent, et la pâleur naturelle d’Harmony ne faisait qu’accentuer la ressemblance avec les cadavres des élèves tombés lors du 24 Décembre – cette simple pensée lui donna envie de vomir, ravivant des images qu’elle avait espérées enfouies loin, très loin derrière des couches et des couches d’auto-persuasion et de souvenirs futiles, bien moins désagréables.

« Harmony ? »

Sa voix n’était qu’un murmure maîtrisé, et pourtant Daphné sentait la panique qui commençait à l’inonder, abaissant toutes ses défenses soigneusement érigées au fil des jours comme si elles n’avaient été que des châteaux de cartes. D’abord Astoria et Hope, et maintenant… Harmony.

Respire. Contrôle-toi.

Apposant ses mains sur les épaules de la jeune fille, autant pour la tenir que pour s’accrocher à elle, elle s’efforça de garder son calme. Des scénarios grotesques inondaient son esprit – biéraubeurre empoisonnée, possession, malaise – et cela ne faisaient que déclencher un flot si continu d’adrénaline en elle que ses bras en tremblaient.

Fais quelque chose.

Au moment où elle ouvrait la bouche pour appeler Drago à l’aide, le visage d’Harmony reprit des couleurs et ses paupières papillonnèrent. Puis, presque immédiatement, elle s’effondra. Daphné la rattrapa à bout de bras, arrêtant sa chute avant qu’elle ne touche le sol, manquant d’être emportée par le poids mort qu’était maintenant la Serpentard. Elle ne la maintenait plus que par les aisselles, et cette position était loin d’être empreinte de distinction.

« Drago, j’ai besoin d’aide. »

Sa voix si calme et froide tranchait avec la panique qui allumait son regard d’une étincelle crue et inhabituelle, mais n'eut aucun mal à couvrir le bruit de la musique.
En revanche, elle ne parvenait plus à soutenir le poids du corps délié qu’elle portait.

« Aide-moi à l’allonger sur un des sofas. »

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mer 14 Oct 2015 - 19:31

Du bout des doigts, Yvain frôla sa propre gorge avec mélancolie. S’ils pouvaient noyer le piteux souvenir de cette soirée de merde dans l’alcool, il en était. Complètement. Et tant pis pour le règlement. De toute façon, même leurs préfets s’en torchaient le chaudron...

L’insistance de Blaise attira de nouveau son regard, aussi éteint et morose que les précédents. Information reçue. Il agita sa main libre en guise de réponse – même ses gestes manquaient terriblement de motivation – et il gagna la suite de son camarade sans grande conviction. Sans but ?Si. Ne serait-ce que pour récupérer leurs bouteilles et le coffret de son blond cadet. Et se foutre ensuite une cuite mémorable. Rien de bien difficile à faire, non ?

Alors qu’ils se déplaçaient conjointement vers le dortoir des garçons, le fils Zabini se décida à briser le silence. Ses remarques – vagues et peu assimilables sur le moment – passèrent trop brièvement dans l’esprit du septième année. Ça ne changeait rien à la réalité. Ni à ses désagréables résultantes. Il avait grave merdé. Point. Que pouvait-on en dire de plus ?

« Ouais, je me doute. » Il lâcha ses quatre mots comme on lance un caillou dans l’océan. Dénudé de tout intérêt. De toute implication émotionnelle. Ça lui passait littéralement à côté. Seule la nomination de Sharen lui fit pincer les lèvres. Est-ce qu’il arriverait à se faire pardonner ? « Oui, c’est ça. » Putain, qu’il avait été con à enfreindre les limites de leur proximité.

Sans s’intéresser davantage à ce sujet épineux – il aurait bien le temps de se morfondre sur sa misérable vie et ses bêtises plus tard – Yvain fit un rapide détour par sa chambre, pour récupérer le précieux scotch de son père. Puis, ne souhaitant aucunement s’attarder là, il se dépêcha à aider Blaise dans le lieu de repos des sixièmes années.

Alcools ? Récupérés. Boîte en merisier ? Également. Parfait.

Alors qu’ils repartaient en sens inverse, il finit par relancer la conversation.... En espérant la conclure de manière définitive ? Une once de regret persistait néanmoins dans sa voix. Un brin de culpabilité. De souffrance, aussi, sûrement. « Enfin. Ça fait longtemps qu’on sait que je suis bizarre. » Il eut un sourire triste et lointain. « Je vis bien avec. » Sauf quand je merde de façon magistrale. « Même si ça veut dire que je vais finir bouffé par mes chats dans une maison isolée du Pays de Galles. » Ouais. Bon. Rectification. Il finirait de toutes les façons possibles et imaginables. À part celle-ci.

Un grand mage noir ne pouvait pas être dévoré par ses propres félins. Impossible. Ça n’avait pas assez de swag. Et quitte à crever, autant le faire bien et en grande pompe. Genre. En faisant exploser Londres avec. Une mort si exubérante et maléfique que tous les livres d’histoires s’insurgeraient de sa folie pendant les prochains siècles.

Plutôt pas mal comme ambition.

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Mer 14 Oct 2015 - 22:40

Yvain n’était pas exactement réactif. Si le jeune homme pinça les lèvres à la mention d’Harmony, il se contenta d’admettre laconiquement la remarque de Blaise, sans même en extirper le perfide sous-entendu; secouant la tête, résigné, son insolent cadet feula dans un rire railleur;

“Tu as vraiment besoin de whisky, mec.”

Yvain se retirait dans sa chambre alors que Blaise pénétrait au sein du dortoir des sixièmes années, où il ôta machinalement sa veste de costume, qu'il laissa choir sur son lit, avant de se pencher vers sa lourde malle, frappée de gravures arachnéennes; il en retira, dans un tintement aigu, froid, les deux bouteilles de whisky pur feu ; estampillées, flamboyante, de la mention : OGDEN'S OLD FIREWHISKY.
Prenant le parti, aussitôt, d'en dégrafer la bouteille pour la porter à sa bouche - car l’occasion, n’est-ce pas, s’y prêtait ; car il n’allait pas supporter le silence plus longtemps, le silence des chambres vides & le silence qui avait acceuilli le massacre des corps lors du banquet & le silence rétif, feme, de Daphné Greengrass. Blaise réalisait, alors que l'alcool tannait sa gorge avec la fureur d'une brûlure, qu'il n'avait pas mangé quoique ce soit depuis le déjeuner, où Diane Zabini avait tenu à l'emmener dans ce « restaurant sophistiqué » et « tellement original ».

(Diane Zabini n’avait pas déjeuné. Diane Zabini craignait de se faire empoisonner. une terreur éreintante, sifflante, qui lui faisait vomir ses repas.)

Lesté de ses deux bouteilles, la bouche tiède de whisky, soudainement, il se dirigea vers le lit de Drago. Du dessous, retira le coffre ; le porta distraitement à son oreille, comme pour y percevoir du bruit ; un cri strident ; un piaillement, éventuellement ; mais ne se formalisa pas du silence. N'essaya pas, même, d’inciser le couvercle de l’écrin de le prendre avec lui; d'en estimer le contenu ; sa confiance en Drago le tuerait probablement un jour. Il indiqua à Yvain, d’un mouvement de main, de se saisir de la bouteille - lui intimant en lui remettant, “prends ça, Gallant”; à peine impérieux; presque complice dans son enthousiasme.

Efficacité. Une bouteille dans chacune de ses mains, ses bagues carillonnant sous le verre des goulots, et le coffre fermement enclavé entre sa taille et son arrière-bras, la démarche de Blaise était absolument nonchalante alors qu’il flanquait Yvain. Celui-ci, à la surprise de Blaise, offrit dans le silence compact des couloirs une confidence morose; oh ! le jeune homme était définitivement affligé. A cette curieuse offrande, le présent de sa mélancolie pesante, poisseuse, Blaise demeura perplexe ; devait-il réconforter Yvain Gallant ? Il porta une seconde fois la bouteille à ses lèvres pour en boire une généreuse gorgée. Haussa les épaules avec indolence.

“Et bien, si l’on relativise,” suggéra-t-il, conciliant, “tu es beaucoup moins bizarre qu’avant, déjà.” Il faisait référence, bien sûr, à la merveilleuse transfiguration du jeune homme; Blaise avait été suffisamment impressionné pour progressivement cesser ses persécutions puériles...plus ou moins. Pour l'occasion, il le dispensa d'une remarque supplémentaire; plaisanta; “Non, ce qui serait vraiment tragique, en revanche, c'est de mourir au Pays de Galles.”

Sur ces considérations, ils gagnaient finalement la salle commune; et le sourire frivole étiré sur la bouche de Blaise disparu considérablement alors qu'il balayait la salle du regard; les réminiscences du banquet comme d'insidueuses moqueries -- et Harmony effrondrée auprès de Daphné. Il glissa un coup d'oeil désarçonné à Yvain, et ce coup d'oeil désarçonné signifiait que sommes nous censés faire ? Fendant la foule de sa haute silhouette, il s'approcha, perplexe; tendu; observant attentivement ses camarades concentrés autour du corps lâche d'Harmony alors qu'il se délestait de sa charge sur la table voisine. S'avançant finalement avec réserve - offrant par sa présence une aide éventuelle; interrogeant Drago, la voix basse et rauque; “OK, que s'est-il passé ?” Que s'est-il encore passé, trahissait sa phrase.

Dans son esprit, une pensée lointaine notait aussi que, sur son corps à jeun, les effets de l'alcool commençaient à s'épanouir tout-à-fait.

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Jeu 15 Oct 2015 - 10:02

Harmony et Daphné en grande discussion, Blaise et Yvain en mission pillage de chambres, Drago était donc resté tenir compagnie à Angel. Il la connaissait mal, et il ne s’entendait pas spécialement bien avec elle, mais rien n’était vraiment définitif dans cette vie. Il s’en était bien rendu compte à Noël, quand des vies avaient été balayées d’un coup, si rapidement. De l’extérieur, ça avait l’air si facile, si fragile… Avec un soupir désabusé, il reprit de sa biéraubeurre.

Il fut alors désarçonné par la question d’Angel. Un peu vexé aussi : ce n’était pas parce qu’il ne connaissait pas personnellement Alicia Davis qu’il ne pouvait pas être triste, non ? Même si ce serait mentir que d’affirmer une telle chose. La vie pour Drago n’était pas simple, et ça lui arrachait la gueule de rappeler en quoi. Mais face à une telle question, il ne put s’empêcher de jouer la carte du sarcasme agressif.

— Non mais ça me rend pas heureux pour autant. Et tu m’excuses si je trouve ça difficile de faire la fête pendant que mon père est enfermé.

Ça lui faisait mal d’en arriver là, de devoir utiliser cet argument comme une défense alors que le fait de le rappeler lui faisait horriblement mal. Se sentant à nouveau déprimé, Drago s’éloigna imperceptiblement d’Angel. Il savait qu’elle pouvait leur être une alliée précieuse mais… Là il n’avait pas le cœur et le courage de se forcer. Il allait descendre dans les chambres pour rejoindre Blaise et Yvain quand il entendit Daphné l’appeler.

Harmony était dans ses bras. Trop focalisé sur sa propre peine, il n’avait même pas remarqué que sa jeune cadette avait besoin d’aide. Se précipitant vers elle et Daphné, il ne masqua pas son désarroi. Pourquoi fallait-il que ce soit toujours sur eux que ça tombe !? Est-ce qu’on ne pouvait pas laisser les Serpentards tranquilles deux minutes ? Quand Daphné émit l’idée d’allonger Harmony sur un des canapés, Drago s’exécuta sans mot dire. Il posa délicatement la jeune fille sur le sofa, et cala sa tête avec un oreiller.

— Ça va…?

Il alla lui chercher un verre d’eau au buffet, et s’apprêta à le lui ramener quand Blaise et Yvain firent enfin leur réapparition. Se dirigeant vers Harmony, Drago répondit à son meilleur ami :

— Elle a fait un malaise, je crois.

Puis, regardant la petite blonde, il lui offrit le verre et amena un guéridon tout près d’elle, au cas où elle voudrait le poser. Le préfet poussa un très long soupir alors qu’il se relevait, et regarda ses deux meilleurs amis dans les yeux.

— J’ai vraiment besoin d’un remontant…

Le juron qu’il n’avait pas prononcé était lisible sur le moindre de ses traits. Toutes ces histoires l’épuisaient.

08/06/2015

Les lueurs chaleureuses des bougies vacillaient. Après avoir retrouvé prise sur la réalité quelques secondes, elle défaillit. Son état d’inconscience éveillée avait fait chuter sa tension. Le retour au présent, trop brusque, avait provoqué son évanouissement soudain.
Elle restait toutefois consciente et percevait la voix de Daphné, ferme, appelant le préfet à l’aide. Drago accourut, sans un mot. Harmony sentait son corps être soulevé. Au prix d’un effort ridicule, elle parvint à ouvrir les yeux et comprit qu’il l’avait prise dans ses bras et la déposait sur l’un des sofas. Une fois allongée, elle voulut instamment se relever.

Elle devinait déjà l’agitation qu’avait généré son malaise. Chez beaucoup, l’impression qu’elle donnait devait remuer des souvenirs douloureux et trop récents. Elle ne supportait pas d’être le centre de l’attention. Surtout dans un tel état de faiblesse.
Il lui fallut quelques secondes avant de pouvoir s’appuyer sur les coudes et retrouver une position correcte. Au terme de celles-ci, elle planta son regard dans les yeux inquiets de son aînée. Elle devait la rassurer.
Ce n’était rien.

Il lui fallait trouver une excuse. Un prétexte valable à son étourdissement. Daphné ne la croirait peut-être pas. Elle n’avait aucune idée de sa réaction physique à l’illusion et son aînée avait certainement remarqué quelque chose d’étrange. Mais pour les autres, elle devait éloigner l’idée d’un phénomène magique. C'était un simple malaise vagal.

Elle pressa la main de Daphné, un petit sourire se voulant rassurant sur les lèvres. La confiance entre elle provenait d'une solidarité lentement construite et d'une estime -qu'elle espérait - mutuelle.
Le toucher chaleureux, amical, la revigorait déjà et elle se tournait vers Drago pour le remercier de sa sollicitude.

- Merci. Je suis désolée, je me suis sentie mal. Je n’ai pas beaucoup mangé à midi, j’étais un peu faible. Ça va déjà mieux…

Et c’est alors qu'elle aperçut, derrière lui, les silhouettes masculines qui entouraient Angel. Blaise et Yvain étaient de retour dans la salle commune. Si sa réponse était adressée à Drago, en réalité, ses yeux pâles recherchaient le regard d'Yvain.

- Ne vous inquiétez pas.

Malgré la fatigue, ses mots surent trouver une fermeté qui invitait à la croire. Au delà du prompt oubli par ses pairs de cet épisode troublant, elle espérait qu'il n'y trouve pas un souci supplémentaire. Elle allait bien. Yvain, lui, était rongé par une peine sourde, qui avait jusqu'à sapé sa bonhommie habituelle. Elle ne pouvait pas se permettre d'en rajouter.

Elle était convaincue que sa chute aurait provoqué un élan d'angoisse chez le jeune homme. Elle le savait. Elle était tout autant persuadée qu'elle pourrait le faire disparaître aussitôt, si elle gardait une attitude sereine.

Elle le devait. Cela avait été une faute de ne pas avoir pu lui épargner la vue de son malaise.

09/04/2015

Sa question semblait avoir froissé le blondinet, qui lui répondu avec un sarcasme digne de Zabini, lui disant amèrement qu’il ne pouvait être heureux tout en sachant que son père était à Azkaban… Elle se retint de lui dire, que s’il y était c’était forcément pour quelque chose…Et puis elle n’aurait même pas eu le temps de le faire puisqu’il la laissa en plan et s’en alla vers son dortoir lorsque la voix de Daphnée s’éleva. Angel se tourna alors vers elle pour voir qu’elle tenait Harmony qui semblait être inconsciente. Que se passait-il encore ? ça n’allait pas recommencer quand même ?!! Elle sentit son cœur s’accélérer et les images du banquet défilèrent dans sa tête.

- Non … pas encore …

Dit-elle à haute voix, restant impuissante devant ce qui se passait. Drago alla prêter main forte à Daphnée et ils furent rejoints par Blaise et Yvain qui venait de revenir avec les bouteilles. Harmo semblait émergée petit à petit, essayant tant bien que mal de rassurer tout le monde. Elle disait qu’elle avait eu un petit malaise car elle n’avait pas bien mangé. Pourquoi la préfète n’arrivait pas à la croire ? il fallait qu’elle ait une petite conversation avec sa cadette plus tard. Là il lui fallait à boire et tout de suite…

Elle se dirigea vers le bar pour récupérer des verres et revint le petit groupe. Elle demanda à Yvain d’ouvrir une des bouteilles et commença à servir les verres avant de les tendres vers chacun.

- Je pense qu’on en a tous besoin là …

Il s’agissait de la bouteille de Whisky Pur feu. Une fois tout le monde servit, elle se prit à son tour un verre qu’elle but. Le liquide lui brula la gorge avant de lui donner une sensation de bien-être. Enfin…

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Ven 16 Oct 2015 - 18:18

Au bout de quelques minutes, Harmony sembla s’éveiller d’un très long songe et tenta presque aussitôt de se redresser, son regard lié à celui de Daphné avec détermination. Celle-ci, assise à ses côtés, continuait à la scruter, faisant à peine attention au monde qui gravitait autour d’elles, craignant que ce qu’elle avait vu réapparaisse soudainement. Harmony semblait être consciente de l’attention protectrice que son aînée lui portait, car elle lui saisit la main et la serra en ébauchant un sourire rassurant.

Daphné lui répondit par une expression pincée et inquiète, promesse d’une conversation à venir. Le vide qui avait envahi les yeux de sa camarade, juste avant qu’elle ne s’écroule, ne parvenait pas à s’effacer de ses pensées, et ses inquiétudes étaient aussi présentes en elle que la fraîcheur des cachots qui s’infiltrait dans sa veste élégante, la forçant à la resserrer de sa main libre.

« Attends un peu avant de te relever » ordonna-t-elle avec, tout de même, une certaine douceur.

Relevant finalement la tête pour voir à qui Harmony s’adressait, Daphné s’aperçut de la présence d’Yvain et Blaise – apparemment, ils ne s’étaient pas entretués dans les cachots. Non, ils avaient ramené leur Whisky Pur-Feu, qu’Angel s’empressa de servir après être allée chercher des verres, avant de, tout aussi rapidement, en avaler le contenu. Mais ce n'était pas son problème, après tout.

Pas de Whisky pour elle, la biéraubeurre était amplement suffisante. Elle étouffa un soupir, et la chercha des yeux ; elle ne parvenait pas à se rappeler ce qu’elle en avait fait, son esprit trop accaparé par le malaise d’Harmony pour imprimer l’information. Elle ne tarda pas à la repérer, cependant, posée avec tant de hâte sur une des tables rondes qui servaient habituellement à travailler qu’elle avait éclaboussé une des tentures.

Daphné reporta son attention sur la quatrième année, avisant la pâleur inhabituelle de sa camarade.

« Tu veux que je t’apporte quelque chose à manger ? » demanda-t-elle en se relevant du sofa.

Elle lissa soigneusement sa robe en se redressant, et sourit lorsque sa cadette accepta – elle avait craint, pendant quelques instants, qu’Harmony refuse son aide. Daphné se dirigea vers le buffet, attrapant sa biéraubeurre au passage, se faufila entre Blaise et Drago sans s’arrêter – sans respirer – son regard braqué sur les morceaux de cake qu’elle comptait ramener à sa camarade.

Sujet: Re: Aux douze coups, on oublie ? - LIBRE Dim 18 Oct 2015 - 23:07

À la constatation railleuse du jeune Zabini, le septième année avait vaguement hoché la tête. Plus par principe que par une réelle volonté d’y apporter une réponse. De toute façon, que pouvait-on ajouter à une telle remarque ? Franchement ? D’autant plus si elle se trouvait juste ? Oui. Voilà. Rien de neuf sous la lune du Royaume-Uni. Il avait seulement grave besoin de Whisky. Normal quoi.

Son petit détour effectué sans perdre une seconde, le jeune homme avait soutenu Blaise dans sa périlleuse entreprise – des bouteilles et un coffret, que diable ! – avant qu’ils ne retournent, d’un pas leste et faussement enthousiaste pour le plus âgé, vers la salle commune. La petite conversation que les deux Serpentards échangèrent alors sur le chemin, déprimante et insipide, sonna néanmoins presque amusante à leurs oreilles.

Mourir au Pays de Galles. Ouais. Ça craignait.

C’est sur cette pensée, ô combien stupide et insignifiante, qu’ils déboulèrent dans la grande pièce allouée aux festivités. Dont l’atmosphère, curieusement moite et pesante, collait à leur peau dans un silence pétrifié. Éreintant. Et pour cause.

Les iris d’Yvain se posèrent au loin sur la silhouette inanimée de sa précieuse alliée. De sa charmante cadette. De la petite Sharen. Harmony.

Son cœur rata un battement. Un deuxième. Son souffle lui-même manqua à son cycle, forçant ses veines tendues à bourdonner dans des oreilles trop attentives. Les siennes. Aucunes autres. L’instant suivant, l’angoisse, saisissante et glaciale, rampa le long de sa nuque. Et ses yeux d’un ocre troublé par une terreur innommable, restèrent fixés sur les bras pendants de la blonde adolescente. Des membres pâles et maigres.

Comme au banquet.

Il commença à étouffer. À manquer d’air. À suer. À trembler. C’est à peine s’il fit attention à la demande de la préfète, s’exécutant en un automatisme trop carré et formel pour être sain. Pour être lui. Tant sa conscience s’effondrait dans l’épouvante et la douleur. Jusqu’à ce que sa propre bouche devienne sèche et âpre, rendant chaque respiration plus intense. Plus insupportable. Plus audible pour tous.

Lorsqu’elle commença à bouger et à revenir auprès d’eux, son visage pétrifié se tordit d’un soulagement mêlé de souffrance. Ses membres, endoloris par la crispation, se délièrent suffisamment pour lui permettre quelques pas lents et incertains. Quatre mots formulés, assurés et fermes, cognèrent contre son esprit. Ne pas s’inquiéter.

Elle semblait si sûre de ses propos... Comment en douter ? Un mouvement attira brièvement son attention volatile sur le côté : l’héritière Greengrass venait de s’éloigner.

Yvain ne chercha pas plus loin. Tremblant légèrement, il vint prendre la place laissée libre. Sans un mot, la gorge toujours nouée par la terrible émotion qui lui vrillait le cœur, il tenta vainement de formuler le prénom de sa camarade. N’y parvenant pas, en dépit de tous ses efforts, en dépit de la sérénité rayonnante qui lui faisait face, des gouttes perlèrent au coin de ses yeux.

Quand il parvint finalement à articuler, d’une voix faible, des larmes roulèrent sur ses joues. « Harmony... » Il s’accrocha à la vérité qu’elle lui offrait si aisément. Et son souffle abandonna la rudesse de la panique au profit d’un rythme plus apaisé.