Discussions de colocataires

Samedi soir, 21h presque l'heure du couvre-feu. Clemens était perclus de crampes, allongé sur son lit, la tête dans les nuages. Il ne pouvait même plus vraiment dire ce qu'il avait fait de sa journée. Il s'était levé tard, avait passé du temps ici et là, l'esprit complètement flou. Il avait revécu la soirée de la veille, au cimetière, de nombreuses fois, essayant de se souvenir des moindres détails, de comprendre comment la situation avait dérapé à ce point. Il était juste descendu à Avalon pour boire un thé... Et voilà. D'une main distraite, le jeune homme se caressa le nez, un vague souvenir de douleur flottant aux limites de sa conscience. Il ne s'était même pas préoccupé de savoir si Isolde l'avait réparé correctement. Cependant, au fur et à mesure que la soirée avançait, son esprit devenait plus clair. Certains détails lui étaient apparus, comportements qu'il n'avait pas relevé dans le feu de l'action.

Un mince sourire se dessina sur le visage de l'Allemand, alors qu'il jetait un oeil à la porte de sa chambre. Rowan s'était glissé tôt hors de la pièce ce matin-là et il ne l'avait pas vu de la journée. Pensif, Clemens se redressa sur ses propres polochons et attrapa sa baguette qui trainait sur sa table de nuit. Il y avait deux ou trois choses dont il souhaitait parler avec son colocataire et il attendait son retour de pied ferme - ou presque, avachi qu'il était en travers de son lit, cheveux décoiffés, chemise ouverte. L'usuelle expression espiègle de l'ancien Serdaigle avait fait son retour, ne laissant aucun doute au fait qu'il avait quelque chose derrière la tête. Il pointa sa baguette sur un des oreillers de son ami et murmura: " Evanesco". Il regardait à présent le lit avec une pointe d'envie. "Ev.." L'Allemand s'interrompit en entendant la porte s'ouvrir.

" Guten Abend, Herr Rowan." le salua-t-il, la voix modelée par l'amusement.

Subjugué par divers cauchemars au cours de son sommeil, Rowan avait jugé sa nuit comme ayant été relativement éprouvante. Un brin trop pour lui. Les images de la veille été venues se glisser dans ses songes avec des relents macabres. Les silhouettes des mangemorts défilaient autour de l’immatérielle église, en cercle et en silence. Lui était piégé au milieu, prisonnier de sa défaite. L’un des apôtres de celui-dont-on-ne-prononce-pas-le-nom brisait alors la continuité de la cérémonie pour se précipiter dans sa direction. Enchaînant les Endoloris, il retirait ensuite son masque pour admirer son œuvre de dévastation.

Le visage de son père se dévoilait ainsi. Fanatique. Loin du sorcier aimant et instruit qu’il connaissait depuis sa tendre enfance...

En définitive, Rowan avait passé une nuit fort désagréable, suintante d’angoisse. De ce fait, dès son réveil, il avait quitté la chambre... Peu enclin à devoir se remémorer ce mauvais rêve en présence de son colocataire.

Après une longue journée d’étude à la bibliothèque, à se concentrer sur la linguistique espagnole pour étouffer une anxiété latente, le jeune homme revenait vers ses quartiers. Un épuisement certain frôlait son esprit depuis plus d’une heure, et il estima inévitable de se coucher le plus rapidement possible.

Dès que l’ancien Serpentard se glissa à l’intérieur de la chambrée, la voix de Clemens lui parvint. Cela ne l’étonna pas plus que de mesure, il était habituel qu’ils se saluent. Toutefois, le ton que son camarade employa sonna comme un singulier avertissement à ses oreilles.

Exténué mais inébranlable, Rowan le salua d’un bref mouvement de tête avant de déposer quelques livres sur sa table de chevet. Puis, il s’assit sur son lit, rivant son regard céruléen vers l’Allemand.

« Guten Abend. » Il marqua une courte pause, commençant à défaire ses vêtements. « Wie geht es dir ? » Une formule d’usage si commune... Mais difficile pour lui d’articuler autre chose. Autant revenir à l’anglais, au moins ne risquait-il pas d’avancer des étrangetés à cause de la fatigue. « Je ne pensais pas que tu allais m’attendre. Tu as besoin de repos, je me trompe ? »

Clemens ne lâchait pas son colocataire du regard, alors que celui-ci posait ses livres et vaquait à ses préparations pour se coucher. Il était sur que Rowan devait avoir remarqué son ton espiègle, il ne connaissait trop bien. Evidemment, son ami savait se montrer inébranlable face aux sous-entendus de Clemens. C'était probablement en partie pour ça que les deux s'entendaient si bien, d'ailleurs. Il sourit à la réponse en allemand, au moins l'atmosphère restait légère et détendue malgré la fatigue évidente sur le visage de l'ancien Serpentard. Redressé sur un coude, jouant toujours avec sa baguette, l'Allemand laissa passer un instant avant de répondre au sous-entendu bien articulé de son camarade.

" J'ai plus ou moins végété toute la journée. Je commence seulement à avoir les idées claires. " Il fit rouler les muscles de ses épaules et étira sa nuque. " Le physique devra surement récupérer un peu plus longtemps, mais j'en ai vu d'autres. "

Ses yeux clairs, pétillants, suivait toujours chaque mouvement de Rowan, ne laissant aucun doute sur le point auquel il avait les idées claires. Il restait par ailleurs parfaitement immobile dans son avachissement, ne laissant aucun doute quant au fait qu'il n'avait pas l'intention de dormir dans les minutes qui suivaient. Néanmoins, Clemens hésitait un peu. Son ami était visiblement fatigué, une certaine inquiétude se trahissait dans ses mouvements. Son visage ne laissait certes rien paraître, mais ils se connaissent trop bien pour pouvoir se cacher un malaise.

" Je tenais à t'attendre, tu es parti tellement tôt, ce matin... J'espérais pouvoir te changer un peu les idées. " Son expression souriante était teintée d'excuse. " Et assouvir ma curiosité quant à la demoiselle qui t'accompagnait hier, je dois avouer... "

Malgré sa concentration apparente, à peine troublée par la sensation assourdissante de la fatigue, Rowan laissa s'échapper un vague soupire. Son camarade ne lui semblait pas aussi exténué qu'il l'avait imaginé avant de rejoindre leur chambre... Au contraire.

L'allemand l'attendait.

Souhaitait-il évoquer les événements de la veille ? L'ancien Serpentard n'en douta pas, bien qu'il fût à mille lieux d'imaginer le fond même de la pensée de Clemens.

Rowan retira son haut avec nonchalance puis il se passa une main dans les cheveux, posément. Tout en écoutant les propos de son colocataire, il ne put pas s'empêcher d'esquisser un bref sourire.

« Je n'en attendais pas moins de toi, je dois l'admettre. Tu es prodigieusement résistant. »

De toute évidence, face à des mangemorts, il valait mieux pour eux tous que ce soit le cas. Vraiment. Écartant cette réflexion de son esprit, le jeune homme se massa le front du bout des doigts. Autant fixer son attention sur autre chose.

Cela ne tarda pas. Clemens ne perdait jamais le Nord.

« La demoiselle ? » Rowan leva brièvement un sourcil, percutant aussitôt. « Anna. » Il marqua une courte pause. « Je suis curieux de savoir ce qui t'intéresses. Dis-moi tout. »

L'image de la petite française lui parvint. Il s'en amusa. Toutefois, il n'arrivait pas à cerner l'intérêt de son camarade pour cette information. Simple curiosité ? Non. Pas chez son vieil ami. Que croyait-il trouver ?

« Je n'en attendais pas moins de toi, je dois l'admettre. Tu es prodigieusement résistant. »

Clemens sourit à son ami, à la fois touché par son commentaire, et en même temps, amusé par la rondeur du propos. Rowan avait cette façon de s'exprimer qui pouvait faire passer n'importe quelle phrase pour un commentaire. L'Allemand jalousait parfois un peu ce talent pour l'expression et la rhétorique que possédait son ami. Beaucoup le pensaient guindé, voir hypocrite, mais il n'avait que très rarement été amené à douter de la sincérité.

Son colocataire semblait surpris par la question, plus que Clemens ne s'y serait attendu. Peut-être avait-il une espèce de sixième sens pour ce genre de choses, mais malgré le tohu-bohu qui avait régné au cimetière, il n'avait pu s'empêcher d'être frappé par la proximité des deux jeunes gens. Il était habitué à voir son ami plutôt solitaire, et le croiser deux fois dans la même semaine avec la même fille, dont à une occasion que rien ne justifiait d'un point de vue scolaire... Cela avait attisé sa curiosité.

Il observa Rowan un instant, avant de préciser le fond de sa pensée. N'avait-il véritablement aucune idée de ce qui amenait son ami à entamer cette conversation ?

" Il n'est pas fréquent de te voir en compagnie d'une jeune fille aussi fréquemment, Rowan. Encore moins avec une telle complicité et une attitude visiblement protectrice. " Son ami, en tant que véritable gentleman était évidemment toujours correct envers qui que ce soit, et il ne doutait pas qu'il aurait été protecteur envers d'autres personnes dans la même situation. Néanmoins... Anna, semblait jouir d'un statut particulier.

" Je veux dire... Tu as pris part à une bataille de boue. Toi, Rowan Philipp Westminbrook. Dans une bataille de boue. N'essaie pas de me faire croire que quelque chose en toi n'a pas changé. "

Clemens avait prononcé sa dernière phrase d'un ton presque affectueux. Il était amusé.

Une fois complètement dépouillé de son accoutrement de la journée, l'ancien Serpentard se glissa dans les étoffes du lit jusqu'à la taille. Il rangea avec flegme les vêtements en question, excessivement méticuleux dans le moindre de ses gestes. Prenant tout son temps, il déposa ceux-ci sur le sol.

Il écoutait d'une oreille son camarade, ne sachant pas véritablement s'il devait se montrer précautionneux ou non. Après tout, il n'avait rien à lui cacher... Quoi que le sujet, sans être capable d'expliquer l'origine de cette appréhension, provoquait en lui un pressentiment anxiogène. Troublant.

Rowan se passa une main sur la joue, réfléchissant. Cela ne dura que quelques instants, car il prenait déjà avec poigne l'un des ouvrages qu'il avait emprunté l'heure d'avant. On pouvait y lire comme intitulé La diplomatie péruvienne à l'heure de la prédominance du Brésil : entre stratégie du langage et protocole des élites sorcières de l'Amérique du Sud.

« A t'entendre, j'ai l'air d'être un fieffé misanthrope... Surtout vis-à-vis de la gent féminine. » Il ouvrit le traité et y jeta un œil brièvement, conservant une expression indéchiffrable malgré la douceur de sa voix. « Ce n'est pas la première fois que je prends la décision de protéger l'une de mes camarades. »

Le jeune homme s'arrêta net. Vela. Bon sang, pourquoi ce souvenir lui venait-il maintenant ? Impromptu et envahissant. Personne n'était au courant de cette histoire, en dehors de lui-même et de Heath. Trop complexe à gérer du temps de Poudlard, il avait préféré en conserver le secret. Cela valait-il encore le coup aujourd'hui ? Pour préserver sa tranquillité, assurément. Toutefois, Clemens était un ami de confiance...

Bien que Rowan ne laissa rien paraître, son esprit s'agita. Le brutal rappel à l'image de la petite française ne fît qu'accentuer son malaise. Une sensation étrange, furtive, sembla caresser sa maîtrise de lui-même pourtant si bien rodée...

Deux femmes dans sa tête... C'en était deux de trop.

« Je t'avoue que je suis déconcerté par ton analyse. Je n'ai guère envisagé cette... Perspective. » Il marqua une courte pause, fronçant les sourcils plus pour lui-même que pour son colocataire.

« Qu'y a-t-il de si différent en moi, pour que tu t'en inquiètes autant ? »

Incapable de saisir ce nouvel avertissement, le jeune homme lança un regard perplexe vers Clemens.

Son esprit bouillonnait, son attitude, par contre, se faisait de plus en plus paisible et maîtrisée au fur et à mesure que de très discrets détails trahissaient l'agitation chez Rowan. Clemens posa sa baguette sur sa table de nuit, d'un geste précis et mesuré, avant de s'asseoir en tailleur sur son édredon, le regard soudainement songeur. Couché sur son lit, un obscur traité dans les mains, son ami semblait garder une certaine distance avec la discussion. Pourtant, l'Allemand ne put qu'être frappé par le sous-entendu qui flottait dans la réponse de son colocataire. Ce n'était pas la première fois qu'il prenait la décision de protéger une camarade ? Dans la théorie, il n'en doutait pas le moins du monde. Dans la pratique... Ce ton sûr, marqué, presque un peu vexé, même, faisait de toute évidence référence à un évènement précis. Un évènement dont Clemens n'avait pas connaissance.

" Ne te méprends pas sur mes propos. Nous nous connaissons depuis trop longtemps pour que je puisse encore te croire misanthrope. Néanmoins... Il est difficile d'accéder à l'homme qui se cache derrière l'étudiant sérieux, inébranlable. " Il fit une pause, se remémorant les premiers temps de leur amitié, qui se résumait encore à des échanges cordiaux autour de la langue allemande. Il avait fallu de nombreuses semaines avant qu'il ne pense à Rowan avec le mot ami. " Je ne te le reproche pas. Je constate."

Le jeune homme avait eu une légère hésitation. Il était taraudé par le sous-entendu et brûlait de poser une question à ce sujet. Il avait cependant conscience d'être déjà un peu intrusif, de bousculer son ami avec une discussion inhabituelle. Dans ce sens-là, du moins. Il n'avait pas été rare que lui parle de ses nouvelles connaissances parmi la gent féminine. L'Allemand chassa l'interrogation de son esprit, si l'ancien Serpentard jugeait nécessaire de l'éclairer, il serait capable de le faire sans un coup d'éperon indiscret. Après tout, être amis ne signifiait pas qu'on ne devait avoir aucun secret l'un pour l'autre.

Clemens concentra à nouveau ses yeux clairs vers son ami, chez qui la perplexité était à présent clairement déchiffrable. Il ne semblait pas comprendre les raisons dont découlait cette conversation. Le jeune homme choisit ses mots avec soin, avant de répondre.

" Je ne m'inquiète pas, Rowan. J'ai l'impression que cette jeune fille, Anna, elle t'apporte quelque chose qui... " Il s'arrêta une seconde, frustré de ne pas réussir à apporter suffisamment de précisions dans ses propos. " J'ai l'impression qu'elle t'a touché plus que n'importe qui auparavant. Comme si les barrières que tu construis autour de toi n'existait pas pour elle. "

Le jeune homme avait mis beaucoup de douceur dans ses derniers propos, craignant de vexer son ami. Ce n'était pas son but, loin de là. Sa curiosité était née d'une certaine joie à l'idée que quelqu'un l'apprécier simplement pour ce qu'il était. L'Allemand se renfrogna rapidement après avoir parlé, douteux soudainement de ses propres paroles.

" Aber vielleicht irre ich mich ja auch " marmonna-t-il pour lui même.

Le jeune homme tenta de cerner sa concentration, avec une rigueur qu’il espérait implacable, sur l’ouvrage qu’il tenait entre les mains. Son esprit devait être focalisé dans la moindre de ses dimensions sur une tâche ardue, au risque de se retrouver pleinement fragilisé par... Un mirage persistant. Comme un parfum de femme, capiteux. Enivrant.

Il luttait contre cet impossible songe, apparenté au plus terrible avertissement. Intérieurement aux prises de sentiments conflictuels que son visage ne laissait guère apparaître, l’ancien Serpentard s’acharnait pour maintenir l’équilibre plus précaire que prévu de ses protections. Ces dernières, si huilées et fonctionnelles d’habitude, semblaient pour la première fois... Chancelantes.

Figé dans une nonchalance équivoque, Rowan se força à feuilleter les premières pages du traité. Bien malgré lui, la silhouette de son ancienne protégée, demoiselle Pendragon, se manifesta encore plus durement à son intellect.

Il voulut résister. Y parvenir coûte que coûte. Pourtant... Il céda sous le poids de l’effervescence de son esprit.

Sans rien laisser transparaître, ni sourire ni soupire, le jeune homme ferma les yeux un court moment. En silence. Presque en dehors du temps et du monde. Une coulée d’air ardente et grisante pénétra dans sa gorge et se faufila jusqu’aux tréfonds de son âme. Vela.

Il se la représentait dans toute sa magnificence, d’une blondeur délicate et d’une entêtante volonté. Une personnalité étincelante qu’il avait toujours estimé et admiré, sans en comprendre les raisons. Une sorcière habile mais fragilisée par sa mise à l’écart, que Rowan avait voulu sauver. Faire briller. Resplendir.

Il lui aurait presque donné le monde.

Incapable de mesurer l’imminente émotion qui montait le long de son dos, il eût un terrible sursaut lorsque l’ouvrage lui échappa des mains. Et tomba sur le côté du lit.

L’ancien Serpentard arbora une expression aussi confuse que médusée. Comment avait-il pu... S’absenter de la sorte ? Ne rien prévoir ? Que lui arrivait-il pour se perdre ainsi ?

D’une poigne douloureuse, il stabilisa son égarement, tentant de se canaliser autant que de conserver son masque inébranlable. Il craignait de le voir céder face à cette soudaine instabilité psychologique. Avec un flegme calculé, Rowan récupéra son livre.

C’est là que Clemens enchaîna sur Anna. L’agitation se raviva en lui, clairsemée des éclats rieurs et brûlants de vie de la petite française, qu’il appréciait tant. Bon sang... S’agaçant de ces troubles, il pinça ses lèvres tandis que son regard céruléen se plantait dans celui de son ami.

La perplexité s’effaçait derrière un désarroi latent.

Pourquoi son corps réagissait de la sorte ? Qu’est-ce que sont ces palpitations, ces égarements ? Il ne comprenait pas. Ne gérait pas. Une vague angoisse le frôlait en ces instants.

Gardant contenance, Rowan inspira profondément. Sa voix, douce et maîtrisée, risquait pourtant de le trahir par quelques accents imprévus.

« Disons que cette jeune femme est... Singulièrement perspicace. Je pense pouvoir dire qu’elle m’a prise au dépourvue, lors de notre première rencontre. » Il fit mine de reprendre sa lecture. « De ce fait, elle a attisé ma plus profonde curiosité. Elle m’impressionne. C’est pourquoi nous nous côtoyons... » Une fragile pause. Hésitante. « Il est vrai que... Sa présence me détends. »

Anna. Vela. Deux femmes. Omniprésentes. Troublantes.
Sentant une crispation lui venir, le jeune homme jugea avec force une décision prévenante. Il devait en parler. Maintenant.

« Clemens. » Les mots eurent du mal à quitter ses lèvres. « Je ne sais pas pourquoi, ni comment, et je ne me l’explique pas, jamais. Mais... J’en ai besoin. Je me sens le devoir de protéger ces sorcières... Elles... » Il s’arrêta brusquement. « Il n’y a pas de raison logique à cette décision. Déjà à l'époque de Poudlard... »

Après qu'il eut finit de parler, le silence régna un moment dans la chambre. Dans d'autres endroits de la tour résonnaient parfois une voix, étouffée, un claquement de porte. L'atmosphère entre les deux hommes était comme oppressante, stagnante, la pression que la conversation avait installé dans la pièce était presque palpable. Clemens remua les épaules, mal à l'aise. Il réalisa seulement à ce moment-là que Rowan avait laissé échapper son livre et l'avait récupéré, surpris, comme si l'objet était vivant. Il chercha une trace d'émotion, un détail pour l'éclairer sur le visage de son ami. Aussi loin qu'il pouvait s'en souvenir, il n'avait jamais été témoin d'une telle inattention de sa part. Lui qui était d'ordinaire si contrôlé, si... calculé, même. L'Allemand était irrésolu, presque médusé.

Ses yeux rencontrèrent alors le regard bleu clair, profond, métallique et indéchiffrable de son colocataire. Une étincelle les traversa, lueur énigmatique qui n'aida pas le jeune homme à interpréter la situation. Il réalisait à présent à quel point il avait mal jugé les évènements. De toute évidence, ses questions avaient réveillé et remué un historique bien plus lointain et complexe que ce qu'il avait imaginé de prime abord. Cette anecdote, qu'il avait voulu aborder de manière joueuse semblait amener les deux amis à des révélations autrement plus importantes. Rowan soupira et reprit la parole, brisant enfin le silence qui devenait assourdissant.

" ... prise au dépourvue... curiosité... m'impressionne... "

Certains mots résonnèrent plus que d'autre dans l'esprit de Clemens. Il réveilla les souvenirs, douloureux, difficiles de la veille, cherchant chaque mouvement et chaque détail que sa mémoire pouvait lui servir à propos de l’occurrence "Anna". En arrière-plan, il distinguait toujours Rowan, plus clairement. Il n'avait, en réalité, pas véritablement observé la jeune fille, son attention toujours directement dirigée vers le connu, y remarquant l'insolite, l'inhabituel. Son psyché refusait de lui fournir les réponses qu'il cherchait. En quoi était-elle si différente ?

L'Allemand sursauta et revint au présent lorsque son nom claqua dans le silence. Prononcé presque avec douleur. L'urgence se ressentait dans chacun des mots, articulés avec effort, appuyés de signification. Le jeune homme fronça les sourcils, déstabilisé par les paroles de son ami. Ces notions de besoin et d'irrationnel étaient si rares qu'il les avait presque crue absentes du paradigme "Rowan". La phrase s'interrompit dans le vide, inachevée. Clemens ne savait quoi dire, quoi demander.

" Il y a là quelque chose que je ne sais pas... N'est-ce pas ? " murmura-t-il.

Plus le jeune homme songeait à son incompréhension et à ses deux camarades féminines, plus les réactions de son corps lui semblaient étrangères. Il sentait une vive et fulgurante impression s’étendre à sa poitrine, semblable à une douloureuse coulée de lave qui dévorait jusqu’à la moindre parcelle de sa peau. Toujours ardente et impérieuse.

Impossible à maîtriser.

Cette vague de chaleur incontrôlable le mettait face à un désarroi terrible. Inimaginable. Jamais, de toute sa vie, Rowan avait été touché par une émotion si singulière... Du moins, il ne s’était jamais laissé emporter aussi loin.

A l’instar de son enveloppe charnelle, son intellect s’usait aussi en de fragiles stratagèmes quant à l’effervescence qui l’acculait. Malgré tous les efforts dont il faisait preuve, usant de réflexion et de concentration, le jeune homme était bien incapable de saisir l’origine de son mal...

Toutes ces choses lui échappaient. Autant que la situation.

Son regard toujours ancré dans celui de Clemens, l’ancien Serpentard se décida à reprendre la parole, à voix basse.

« En effet, mon ami. » Inutile de reculer maintenant. « Je vais te faire part d’une révélation pour le moins... Déstabilisante. » Comment aborder autrement cette annonce ? Comment seulement l’y préparer ?

« Lors de ma seconde année à Poudlard, j’ai pris une décision impromptue. Je me suis mis à protéger une élève de Serpentard, discrètement. Je l’ai soutenu anonymement tout au long de sa scolarité. » Intérieurement, il hésita. « … Pendant sept ans. »

Un malaise certain lui pesait soudainement sur la gorge. Les mots étaient bien en deçà de la réalité. Et il n’y avait qu’un seul moyen pour pouvoir vraiment l’expliquer.

De ses habits précautionneusement rangés, le jeune homme tira son focalisateur d’Orme et le pointa vers l’armoire où il rangeait ses affaires.

« Accio coffret. »

Une fois ce dernier entre ses mains, Rowan l’ouvrit et en sortit une missive manuscrite datée d’il y a au moins quatre ans. Il toucha cette dernière de la pointe de sa baguette.

Les mots s’élevèrent dans les airs et prirent la forme de frêles moineaux voletant autour d’une silhouette. Celle de Vela.

« Je ne suis jamais arrivé à cerner ce besoin. Déjà à l’époque... » Un nouveau mouvement du poignet, et une deuxième forme s’ajouta à la première. Celle de la petite française ? « Il en est de même aujourd’hui... » Il se tût un court instant avant de se corriger. « Non. C’est pire. J’ai cette nécessité pour Anna... Et aussi pour la précédente. »

Après quoi, Rowan ferma les yeux un moment, frôlé par une doucereuse mélancolie.

« Est-ce de la folie, Clemens ? Parfois, je me le demande... »

Tension.

Clemens ne pouvait lâcher des yeux son ami. Il en était arrivé au point où il n'osait plus ni bouger, ni prononcer le moindre mot. Rowan semblait lancé dans un processus profondément personnel et intime, dont les rouages un peu rouillés peinaient à se mettre en route sans accroches. Il pouvait imaginer à quel point son ami était aux prises avec lui-même pour parvenir à s'adonner à de telles confidences alors qu'après de longues années d'amitié, il n'avait jamais rien laissé paraître. Jamais rien sous-entendu.

Inquiétude.

Une révélation déstabilisante. L'Allemand ne réussit pas à déchiffrer les émotions qui traversaient le visage de son interlocuteur. Elles étaient trop vives, fluides, ne se laissaient saisir que par flashs entre les retours de l'expression inébranlable, maitrisée et habituelle. Il ne pouvait concevoir ce que Rowan puisse lui cacher et qui soit la source d'une confidence si... théâtrale ? Il restait parfaitement silencieux alors que les mots se frayaient un chemin dans son esprit, se sentant à la fois trahi et bercé par l'incompréhension. Tous ces secrets semblaient avoir une place royale au centre de la vie de son ami. Comment avait-il pu n'avoir aucuns doutes ? Le connaissait-il si mal ? L'image qu'il avait toujours perçue de l'ancien Serpentard était-elle l'oeuvre d'un faussaire ?

Incompréhension.

Ses yeux bleus fusaient de son ami au coffret. Du coffret à la lettre. De la lettre à la silhouette. Une silhouette de femme, qui lui était inconnue ou, du moins, trop imprécise pour qu'il puisse la reconnaître. Tout cet apparat... Ce n'était pas qu'un sentiment, une émotion vivace, pour une seule personne. Il y avait là quelque chose de bien plus profond, précis, construit. Clemens se leva et se dirigea, d'un pas lent et mesuré vers la fenêtre. Il se perdit pendant quelques minutes dans la contemplation du parc, de la nuit elle-même. La parfaite immobilité de l'obscurité et des étoiles avait quelque chose d'apaisant. Il se passa une main sur le visage, cherchant une contenance, une maîtrise inspirée de celui même qui la lui avait fait perdre. Un léger soupir lui échappa, puis il se détourna de la fenêtre. Il prit la parole d'une voix composée, les mains croisées derrière la tête, son regard clair accroché à une cible indéterminée.

" De qui s'agit-il, Rowan ? Comment l'as-tu soutenue ? Pour quelle raison ? " Il fit une pause et chercha le regard de son ami. " Comment puis-je juger, en sachant si peu ? Ta conviction importe de toute façon plus que mon opinion. "

De plus en plus exténué par la pression grandissante de pensées intrusives et fortuites, Rowan éprouva le besoin absolu de faire place nette dans son esprit. S’il ne réagissait pas maintenant, il risquait d’être définitivement emporté par une force abstraite et impétueuse. Il serait alors incapable de répondre aux dernières interrogations de son ami...

Sans préavis, il referma violemment l’ouvrage qu’il tenait entre les mains depuis le début de leur conversation. L’intensité du claquement le rasséréna. Seul le sortilège lié à la missive persista à cet effort éprouvant. Retentissant.

Le jeune homme expira profondément, son naturel nonchalant revenant au galop. Ses poumons se libéraient d’un poids mystérieux, quoi que brûlant. Tout en pinçant les lèvres, il leva sa main vers les oiseaux de lettres et de ponctuations, les caressant.

Le sujet était inévitable. Mais il avait besoin d’ouvrir ici-bas sa boîte de Pandore. Clemens pouvait tenir le choc. Du moins, il espérait que ce soit le cas.

« Il s’agit de Vela. Vela Pendragon. » Son regard glissa sur la silhouette à peine reconnaissable de la jeune femme, qu’il avait invoqué quelques instants plus tôt. « Les autres élèves de notre maison ne lui témoignaient que mépris et affronts... Son supplice m’a ébranlé. » Des souvenirs plus sereins remontèrent à ses yeux. « Tu connais autant que moi, Clemens, le puritanisme des sangs-purs. Surtout de ceux à Serpentard. » Il se tût avant de reprendre, une pointe de culpabilité dans la voix. Il ne put s’empêcher de penser à son père, lui si à cheval sur la qualité du sang et la perpétuation du lignage... « J’étais semblable à eux, à cette époque. Toutefois... Je voyais bien le talent et la détermination chez elle. Son statut de sang mêlé ? Je ne pouvais le nier face à mes camarades, mais... Anonymement, j’ai tout fait pour qu’elle réussisse. »

Un sourire insolite lui vint.

« Régulièrement, je lui ai écrit des poèmes, des missives, pour la soutenir et l’encourager dans sa voie. Tous les Noëls à Poudlard je lui transmettais mes vœux et un cadeau, pour lui dire que quelqu’un veillait sur elle. » Il marqua une pause. « J’en avais besoin. Elle le méritait. »

Rowan chercha du regard son colocataire, ce dernier s’étant déplacé à proximité de la fenêtre. Il avait été tant absorbé par lui-même que ce détail lui avait échappé...

« Cela dit, je n’ai jamais eu le courage de lui dire... Je craignais et je crains toujours de passer pour un aliéné. » Avec calme, il posa le traité de diplomatie sur la table de chevet. « Quant à elle... Elle ne sait pas que c’est moi... Lors de sa dernière année, je lui ai envoyé une lettre pour lui dire adieu et lui souhaiter le meilleur à venir dans sa vie. »

Les deux silhouettes de mots finirent par s’estomper, ne laissant que quelques moineaux.

« C’était il y a si longtemps. Je ne pensais pas la revoir à Haveirson. Tout comme je n’imaginais pas me retrouver face à une française aussi... Décapante. »

Un autre sourire lui échappa tandis que le souvenir du corps-à-corps avec Anna le berçait. Un contact d’à peine plus de quelques secondes... Il se ravisa. Ce n’était pas sérieux.

« Ai-je encore toute ma tête, à tes yeux, maintenant que tu es au courant de mon plus dramatique secret ? » A défaut de plus, il essayait l’humour...

[HJ : Pardon, Rowan x) ].

Clemens était resté parfaitement immobile à mi-chemin entre la fenêtre et son lit, pendant que Rowan lui déclamait les détails de son mystérieux secret. Son regard était fixé sur son ami, son expression absolument impassible au fur et à mesure qu'il traitait les informations qui lui étaient ainsi livrées. Des lettres, des poèmes, du soutien. Prétendre qu'on était quelqu'un pour se faire passer pour un autre, protéger une réputation. Le puzzle prenait soudain forme dans son esprit. Il s'arrêta un instant sur le nom de Vela, auquel il essaya d'accrocher une image, une référence plus parlante. Cette fille lui était cependant inconnue. L'Allemand se détourna complètement de son ami lorsque celui-ci eut finit sa confession, les épaules remuées d'un soubresaut.

Il éclata de rire.

Le rire remuait sa gorge, embaumait son esprit. L'inquiétude lui avait tellement serré le cœur, la façon dont chaque mot avait été amené lui avait fait craindre le pire, à chaque fois un peu plus. Le jeune homme finissait d'épuiser sa tension par le rire, la tête dans les mains, sans cependant pouvoir retenir les sons qui devaient retentir pour chacun de leurs camarades de Sinistros. Son hilarité était intense et sincère, empreinte de soulagement. Clemens fit quelques pas chancelant pour se rapprocher de son lit à baldaquin et s'y appuya d'un bras, alors qu'il essayait plus ou moins vainement de retrouver le contrôle sur lui-même. Plusieurs minutes furent nécessaires avant que le jeune homme ne retrouve son sérieux, essuyant d'une main les quelques larmes qui avaient coulé le long de ses joues.

Il se redressa complètement, enfin, et posa les yeux sur Rowan, toujours immobile sur son lit. L'Allemand se laissa tomber à côté de lui, ses yeux clairs toujours pas débarrassés de leur lueur rieuse.

" Pardonne-moi, Rowan. Ce n'était vraiment pas ce à quoi je m'étais attendu. " Il respira profondément avant de reprendre la parole, de sa voix espiègle, légère, habituelle. " Tu es donc en train de me confier que non seulement tu es humain, mais en plus, tu es quelqu'un de bien ? "

Clemens avait lui aussi bien connu les moqueries des Serpentards vis à vis des sang-mêlés. C'était probablement une des raisons pour laquelle les deux Sinistros avaient mis tant de temps à devenir amis. Son colocataire avait longtemps prétendu être quelqu'un d'autre, du moins en public et d'après les conclusions à tirer de cette discussion, même dans une certaine intimité. Depuis qu'ils avaient appris à se connaître, il n'avait cependant plus jamais douté des valeurs morales de son ami.

" Plus sérieusement. Maintenant que nous ne sommes plus à Poudlard et que tu n'as plus rien à prétendre vis-à-vis de ta maison, je ne comprends même pas pourquoi tu laisses ce secret te peser autant. " Il fit une nouvelle pause, chercha ses mots, tentant de ne pas vexer son ami plus que son fou-rire avait déjà pu le faire. " Une telle manigance est inhabituelle pour un adolescent, certes. Mais nous sommes tous adultes à présent, capables de comprendre les raisons qui t'ont poussées à agir. Ce geste est d'un altruisme incomparable et celui, ou celle, qui s'attaque à toi en utilisant cette histoire... n'est pas digne de ton amitié, Rowan."

Il se tourna vers son ami, un léger sourire sur les lèvres.

Le dramatique de la situation vola en éclat dès que Clemens se laissa gagner par un rire détonant. Rowan en resta sans-voix, immobile. Profondément perplexe.

Le comique de ses propos lui échappait d’une façon surprenante, et même en repassant précautionneusement le moindre des mots qu’il avait précédemment avancé... Rien ne le percuta. Qu’est-ce qui lui échappait une nouvelle fois ?

Incapable de cerner les circonstances, le jeune homme se repositionna sur son lit. Son dos toucha le bois sculpté, le perturbant. N’était-il pas censé avoir un coussin ? Il secoua lentement la tête, perdu, lorsque son ami s’installa à ses côtés. Le regard de ce dernier brillait intensément. De l’amusement ?

L’ancien Serpentard pencha légèrement son visage sur le côté, ses yeux clairs se focalisant sur son camarade. Les réponses qui suivirent le déstabilisèrent quelque peu. S’il ne se maîtrisait pas autant, il en aurait presque rougi de pudeur...

« Je... » Il rassembla ses pensées une bonne fois pour toute. « … J’ai l’impression d’avoir une perception pathétique de mes propres réalisations. » Était-il alors... Humain ? Si son besoin n’avait rien d’associable à la folie...

Ce serait-il trompé sur toute la ligne ? Depuis toujours ?

Plus attentif que jamais, Rowan perça de son regard inquisiteur l’attitude et les allégations de Clemens. Certes, il avait toujours eu un comportement alambiqué... Mais comment pouvait-il se justifier ? Son père, aimant mais déterminé, n’avait jamais cessé de garder un œil sur ses fréquentations, d’autant plus féminines. Qu’il se retrouve un jour fiancé de force à une Sang-Pur ne le surprendrait même pas. Alors, évoquer ne serait-ce que l’existence de Vela à ce dernier...

Et que dire de la réaction de la jeune femme ?

« Je crains que mon esprit ne soit trop encombré. » Lui, altruiste ? « Je commence à comprendre ce que tu avances... Je me prends trop la tête, n’est-ce pas ? » Sans être vexé, le jeune homme assimila les informations.

« En un sens, ça me rassure. J’apprécie ces deux jeune filles... Vela est adroite, et Anna... D’une fraîcheur incomparable... Et si tu ne me vois pas comme un déséquilibré, il n’y a aucune raison qu’elles n’en fassent pas autant.» Il marqua une courte pause. « Même si je n’ai guère envie que ma petite histoire s’ébruite... Après tout, je suis plus efficace dans la pénombre. » Un sourire lui vint, sibyllin.

Devant le regard un peu perplexe et perdu de son ami, Clemens se sentit mal. Sa réaction avait été spontanée et incontrôlée, comme un barrage qui soudainement cède et laisse couler un trop plein d'émotions. Néanmoins, il devait garder à l'esprit que ces confessions portaient sur un sujet lourd de signification pour Rowan. Ses éclats de rire avaient pu être perçus comme une moquerie, traitant avec une légèreté déplacée la confiance qui lui avait été reconnue. Il prit cependant le parti de laisser la parole à son colocataire, il avait probablement besoin d'un peu de temps pour digérer le retournement de situation. Doucement, d'une manière contrôlée et presque hésitante, sa voix brisa le silence.

L'Allemand secoua la tête à ces premières paroles. Pathétique. Si quelqu'un dans toute cette académie n'était pas pathétique, c'était véritablement Rowan. Dans un certain sens, il se trouvait même au dessus de la mêlée, doté de valeurs oubliées de ce monde débauché et indélicat où la haine et les préjugés écrasait tout sens d'humanité. Cette société faisait passer pour faible, voire même dégénéré, les concepts d'altruisme et de bonté au point qu'un homme puisse cacher pendant près de dix ans des actes qui n'avaient pourtant rien de répréhensible. Et cela allait même plus loin que les cacher, c'était les craindre. Clemens était peiné.

" Je ne sais pas si tu te prends trop la tête ou si tu crains avec justesse le regard des autres. "

La réflexion valait la peine d'être débattue. Son colocataire enchainait cependant déjà avec ses conclusions suivantes et Clemens l'écouta avec attention, ses yeux vifs toujours à la recherche de traces d'émotions sur le visage de l'ancien Serpentard. Une impression de paix et d'apaisement le couvrit lorsqu'il y découvrit un léger sourire. Rassuré, il répondit d'une voix légère.

" Ce... projet t'appartient en quelque sorte. Il n'y a que toi qui peut décider avec qui et comment le partager. Je suis convaincu que tu n'es pas un déséquilibré et je ne peux même pas concevoir que quiconque le pense. On pourrait trouver l'idée folle, voire déplacée, mais nul ne pourrait nier que tes intentions étaient bonnes. "

Clemens songea un instant à ce qui se passerait si un étudiant, ou n'importe qui d'autre, venait à entendre parler de cette histoire et l'utilisait pour s'en prendre à son ami. Involontairement, ses muscles se tendirent.

" Crois-moi, celui qui essayerait de te nuire au départ de tes instincts protecteurs aurait a faire à moi... " Il s'adoucit et ajouta, amusé. " Même si c'est une femme."