[Combat] La Lisière de la Forêt

Dans un élan désespéré, Isolde s’était ruée derrière un arbre encore intact, bouclier provisoire qui lui assurerait de reprendre son souffle à quelques mètres de distance du champ de bataille. Elle tourna aussitôt la tête pour s’assurer que Clemens et Luna étaient sains et saufs.

- Vous allez bi…

Ils ne l’avaient pas suivie. Paniquée, elle sortit la tête de derrière sa cachette… et son coeur loupa un battement. Elle fit un pas en arrière par réflexe, comme pour échapper à la vue d’un prédateur, mais ses yeux ne pouvaient quitter le visage blafard du serpent ; alors que son rire achevait de lui ôter toute humanité. Pétrifiée comme ses amis, elle regarda le sort fuser en direction de Freya - qu’entendait-il par “tu m’appartiens”? - et les hurlements de la Sinistros la glacèrent.

Ils n’avaient aucune chance. Elle se sentait comme à nu devant ce Sorcier qui signait de sa marque les massacres et les scènes d’horreur en première page de la Gazette, mais dont on croit toujours, à tort, être prémunis. Et voilà qu’à quelques mètres d’elle se dressait la pire menace du monde sorcier - devant elle, une Née-Moldue qui représentait l’ennemi intérieur à abattre pour bon nombre de ses partisans.

La fougue de Clemens la figea encore plus, et elle s’attendit à voir la foudre les frapper. Puis les hurlements de Freya cessèrent pour laisser entendre la menace de Phineas. Et la colère se mêla à la peur alors que son ami tombait avec un cri de douleur. Son coeur s’emporta à un rythme de plus en plus effréné alors que ses doigts se crispaient sur sa baguette et que son visage blême de peur s’empourprait face à l’imprécation pleine de hargne du Mangemort.

Enfin, sa détermination acheva de prendre le pas sur la panique qui menaçait de la submerger. Moins emportée que Clemens, elle n’en était pas moins féroce quand il s’agissait de défendre ses proches, bien que la pensée du piteux état de son ami ne l'aida pas à se concentrer. Isolde avait toujours été rancunière ; mais pour la seconde fois de sa vie, elle se sentait devenir violente. Phineas voulait du cuisant ?! Surgissant de derrière sa cachette, elle cria d’une voix implacable et teintée d’une agressivité rare chez la Phénix :

- Incendio !

Mais son agitation trop grande l'empêcha de se concentrer suffisamment, et sa baguette ne produisit pas même une ébauche d'étincelle. Profitant de la distraction offerte par les géants, elle se rua vers son ami. Une grimace d’inquiétude barra son visage à la vue de celui, blessé et gonflé, de Clemens. Ses mains fébriles fouillèrent son sac à la recherche d’un remède pour le soulager, en vain. Elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont soigner les effets de ce sort qu'elle n'avait encore jamais vu en action, et se tourna vers Luna, cherchant dans son regard une idée providentielle.

Et elle hurlait – un son délectable et ravissant – à un point si appréciable qu’il en jubila devant tous. Freya Nightingale, réduite à une seule tonalité ; celle de la souffrance. Celle de la mort. « Ploie devant ton- » Un Diffindo manqué attira son regard brûlant de haine et d’excitation mêlées. Cette tignasse ; ce visage aux traits marqués par la témérité... Ils ne lui étaient pas inconnus.

Oh. Non. Loin de là. « Neubach. » Il lâcha le nom dans un rire qui en disait long ; un éclat moqueur et sordide partagé par ses yeux. Ces derniers se posant de nouveau, jusqu’à la dernière seconde, sur le corps secoués de spasmes de la traîtresse. « Meurs. » Le Seigneur des Ténèbres leva sa baguette, mais il fut vivement déconcentré de sa tâche par trois mammifères volants et sombres. Les lèvres déformées en un rictus mauvais, il extermina une à une les créatures, en dépit des légères griffures encaissées ; ce temps dérobé l’empêcha cependant d’achever Nightingale.

Ou de se défendre face à Graup.

D’un coup de la main, le frêle géant envoya valser le seul vrai Maître à travers la Lisière. Dans une rage folle et littéralement démente, il s’écrasa dans des fourrés ; et se releva dans le même temps, écumant d’une ardeur noirâtre et explosive. « Tuez les-tous ! N’acceptez aucune reddition ! Je ne veux pas un seul de ces fous en vie après notre conquête... »

Sans se soucier des impacts éprouvés par son enveloppe charnelle, Lord Voldemort avança de nouveau vers Poudlard. De sa position, l’effondrement de la Grande Salle lui conféra même une jouissance volatile. C’est alors que la silhouette fuyante d’un jeune homme basané attisa sa folie ; sa hargne ; sa vengeance. « Aucun de vous n’échappera à son destin. » Ses doigts s’agitèrent d’une euphorie toute caractéristique contre le bois de sa férule.

Il n’eut même pas besoin d’ouvrir la bouche. Horrendus Somnium.

Résumé:

Sortilège:

Statistiques:

Le Seigneur des Ténèbres n’avait pas besoin de lui demander de ployer devant lui ; Freya était déjà à genoux. Les muscles filés de plomb, son esprit incapable de trouver l’échappatoire qu’elle cherchait désespérément, elle était enfermée dans son pire cauchemar et cela la terrorisait, et ses membres tremblaient, et elle était incapable de se lever. Son épouvantard n’avait pas toujours la même forme – il pouvait tout autant se matérialiser comme étant des chaînes qui s’enroulaient autour d’elle ou comme une immense cage, impossible à traverser – mais il avait toujours le même sens ; qu’un jour elle se retrouve incapable d’avancer.

Les seules pensées qu’elle parvenait à avoir étaient qu’elle était soulagée que ses parents ne soient pas là pour être les témoins de sa chute, et que ceux qui disaient qu’il fallait toucher le fond pour remonter à la surface étaient des idiots. Des putains d’idiots qui ne s’étaient jamais retrouvés face au Seigneur des Ténèbres.

Alors, agenouillée dans l’herbe de son école, elle attendit la sentence inexorable en silence – après tout, son temps avait toujours été compté depuis l’instant où…

« Et ta propre douleur, tu l'aimes aussi !? Diffindo ! »

Clemens.

Clemens jeta un sortilège à son ancien Maître, avant d’être tout de suite secondé par une gamine ; et tout se passa si vite qu’elle n’eut pas le temps de relever la tête vers l’ancien Serdaigle (mais avait-il cessé, un jour, d’en être un ? De sentir l’exaltation qui bouillonnait dans ses veines, de sentir cette soif que les avaient toujours tous deux poussés un peu plus vers l’avant chaque jour ?). Lorsque le jeune géant lui offrit une distraction inespérée – si elle mourrait, au moins, elle aurait eu l’occasion de voir un Mage Noir se faire baffer par un géant, et ça c’était plutôt appréciable – qu’elle utilisa immédiatement pour laisser ses pensées incohérentes la guider vers un embryon de plan.

Elle pouvait se relever, le pousser à s’enfuir, et… Beurk venait de toucher Clemens.

Cette vision brisa le fil confus de pensées qu’elle tentait à tous prix de suivre, avec l’acharnement de celle qui était persuadée qu’il s’agissait de sa seule bouée alors qu’elle n’avait qu’à tendre la main pour s’agripper à un rocher. Ce n’était pas le Doloris, ou même la vision de Voldemort, qui l’avaient entravée ; elle l’avait fait toute seule.

Alors son corps concéda à lui obéir de nouveau, et elle se dirigea tout droit vers Clemens à la suite d’Isolde sans véritablement s’accorder le temps de la réflexion ; sa main s’apposa tout de suite sur sa joue boursouflée, reproduisant les gestes échangés lors de cette entrevue dans l’Allée des Embrumes.

Il lui semblait entendre le cliquetis d’une horloge. Loin, très loin.

« T’es vraiment un grand malade » articula-t-elle, sa voix dérapant sous le coup de la tension.

Il avait attaqué le putain de Seigneur des Ténèbres alors qu’elle se morfondait. Il semblait d’ailleurs avoir décidé de laisser à ses sbires le soin de l’exécuter, puisqu’il marchait tranquillement vers les ruines du Château.

Ruines étaient sans doute le bon terme, étant donné qu’elle vit, au loin, toute une partie de Poudlard s’écrouler dans le Lac.

Putain.
Rowan.

Il était un roi.

(Savait-il.)

Avec insolence, il disait je suis un putain de prince charmant, et, sa voix rauque, il glissait à Daphné dans la courbe de sa nuque, là où la chair est vulnérable & brûlante, lisse et opaline, princesse.

Mais il s'agissait de la parure des rois, qu'il présentait effrontément au monde - des saphirs et des émeraudes ciselés qui moiraient dans la lumière, et reflétaient en fragments colorés les sortilèges assénés avec rage dans la lisière chaotique.

Et c'était la tenue d'un roi qu'il offrait au regard du monde, les épaules droites et le menton hautain, la bouche étirée dans le plus suffisant des sourires : il connotait l'arrogance, comme le connotait le pli minutieux de sa chemise de coton égyptien, les soies veloutées de ses cravates, la coupe irréprochable de ses vêtements.  

Blaise Zabini était un riche héritier, et son père était mort avant même qu'il ne naisse ; il était né roi.

Et il n'était pas mort, après avoir été heurté par le sortilège du Seigneur des Ténèbres ; simplement il n'était plus le roi & ne jouissait plus des égards dont jouit le roi.

Cela avait été aussi rapide que la chute d'une couronne sur un sol de marbre de Carrare.

Soudain, il était le fils de la Veuve Noire, celle sur laquelle les plus terribles rumeurs avaient été susurrées, écrites, répétées ou feulée ; et il n'était rien d'autre que ça.

Celui qui l'aidait à empoisonner des époux, glissant dans leurs breuvages les venins les plus fielleux ; celui que Daphné Greengrass, imitant l'expression glacée de sa mère, observait avec l'effroi que l'on accorde aux maux les plus terribles, ces maladies implacables qui assassinent les enfants vertueux en agonies terribles ; celui qui s'était engagé à offrir à la pythie son allégeance, son égide et sa violence ; animé par une barbarie mystique, il sacrifiait pour elle les pauvres garçons qui, sous ses poings, voyaient de briser en traînées collantes les os délicats de leurs visages - à la façon dont les chats usent des charognes d'oisillons en guise de présent, la robe sanglante de leurs plumes plus pourpre qu'une rose française.

Celui qui portait des bagues en guise de trophées lugubres, arrachés aux doigts crispés par la mort des époux malchanceux ; celui qui était dangereux, disait-on ; qui avait l'attitude des animaux rendus fous par l'odeur du sang, défiante et farouche, hostile et infiniment mauvaise, hargneuse.

Celui qui lisait dans le regard de Charlie Grant une répulsion, similaire à celle que provoque une plaie suppurante et mortelle, enfoncée dans la chair malade comme la morsure d'un monstre.

Oh! Il détestait les regards, cuisants comme autant de brûlures. Il les avait toujours détesté.

« Putain, qu'est ce que tu regardes, Grant ? Barre-toi. », cracha-t-il.

Contre toute attente, Charlie avait réussi à s'extirper quelques instants du centre de la bataille, plutôt dangereux ; elle ne s'était pas vraiment arrêtée dans sa course, dans sa fuite, même épuisée ─ cette lisière était immense, par Merlin ─ tandis que son souffle était irrégulier & saccadé. Pourtant elle fut prise d'une panique soudaine lorsqu'elle entendit la voix glaçante du Mage Noir & son visage perdant tout à coup sa contenance. Blaise.

D'un mouvement fluide, Grant se retourna pour faire face pour la énième fois à ce chaos, auquel ils auraient déjà du échapper depuis belle lurette. Elle n'aperçut pas immédiatement la silhouette imposante de son ami, alors qu'il aurait du être sur ses pas, tout proche ; alors que le « on se casse » d'il y a quelques minutes s'adressait bien évidemment à elle ; mais tout autant à lui. Scrutant activement le terrain de verdure, elle le remarqua finalement, immobile, un air définitivement mauvais.

« Blaise ! » hurla-t-elle, prise d'une panique insoutenable ; étrangère aussi, parce qu'elle n'avait pas l'habitude de s'inquiéter pour Zabini. Elle courait vers lui, alarmée, tandis que d'une simple phrase il stoppa toute activité de son cerveau. De son corps. Ses membres s'arrêtèrent de bouger au moment où elle fut trop près de lui.

Elle plissa les yeux. Son ton était méprisant ; et, ce n'était pas la première fois ─ lors de sa soudaine revenue des vacances dans le hall, les retrouvailles de Charlie & Blaise furent animées ; sa mâchoire fermée & contractée, les veines de son cou métissé dissimulées par ces cols de chemises de gosse de riches tendues un court instant, en avait suffisamment témoignées. Cette fois, c'était différent ; c'était blessant. Il avait été visé & touché par le Seigneur des Ténèbres, et il n'était pas dans son état normal.

« Blaise ─ Putain, ressaisis-toi, c'est moi ; Charlie. Tu sais, ton amie » lâcha-t-elle alors, en colère elle aussi par le manque de tact, bien qu'involontaire de son ami. Ses yeux s'étonnèrent un instant de voir le responsable de l'état de l'italien fuir, tel un chiot apeuré par les représailles. Seigneur de mes fesses, ouais.

Puis, elle reposa son regard sur le visage agité de Blaise, dégainant rapidement sa baguette ─ sa réaction était imprévisible, s'il se sentait en danger. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. « Finite ! » cria-t-elle, avec autant de conviction possible.

L’intervention de la blonde fuyante brise son emprise maléfique ; et il en hurle de frustration. Se retournant vivement vers Phineas et Bellatrix, il siffle avec cruauté son ordre. « Je veux la tête de cette gamine... Et n’oubliez pas Nightingale. » Puis, dans un épais nuage d’ombres et de désespoirs, il quitte la Lisière pour gagner le parc.

Son ultime vengeance ne peut attendre. Pas plus que la chute de Poudlard.

Résumé:

Statistiques:

La rage brûlait autant dans son corps que chaque centimètre carré de son visage. La flamme était montée en lui, aussi brutalement qu'un volcan entre en éruption, lorsqu'il avait reconnu les cris de douleur de Freya. Sa Freya. Malgré les années qui les avaient séparés, les regards en chien de faïence, les doutes, elle avait toujours eu ce statut particulier et si doux que l'on accorde à son premier amour. Sa main tremblait légèrement, toujours serrée sur sa baguette, alors qu'il goûtait avec langueur la fraîcheur de l'herbe. Il aurait tant souhaité se laisser aller à la torpeur pour oublier cet échec cuisant à plus d'un terme.

Il avait échoué à protéger les siens. Isolde. Freya. Rowan. Où était donc Rowan ? Pourquoi Freya était-elle là ? Et Daphné ? Il avait juré à son meilleur ami de veiller sur elle, pourtant, aucune pensée ne lui était venue pour la blonde héritière durant l'attaque. L'Allemand ferma les yeux et laissa échapper un gémissement, à nouveau brutalement déçu par lui-même.

Clemens avait vaguement conscience de la présence de sa meilleure amie à ses côtés, il sentait son inquiétude à travers la fébrilité de ses gestes. Il tenta vainement de lui sourire, pour la rassure, incapable cependant de faire se mouvoir ses traits boursouflés. Et ce sourire eut après tout été un simple mensonge, car la voix de Voldemort prononçant son nom le glaça profondément ; tous ses secrets, ses montages pour tenir les Ténèbres à l'écart de la famille avaient été vains. Il savait. Un terrible soir lui revint en mémoire.

Rowan, à genoux devant lui, dans la pénombre de leur chambre de Sinistros. Les accents vaincus qui faisaient tressauter la voix de son meilleur ami, la haine dans sa voix, seulement justifiée à demi, alors qu'il observait l'ami devenu ennemi, bientôt redevenu frère. L'Allemand ferma les yeux, sa main se détendit sur sa baguette, prêt à abandonner pour un instant au moins les doutes de ce monde.

« Freya. »

L'émotion dans sa voix le rattacha à la réalité pour quelques secondes supplémentaires. Il la chercha à tâtons, parvenant finalement à trouver son poignet, à peine conscient qu'il était de la délicate caresse du son visage en souffrance. Il sentit le sol trembler, alors que le pan de mur s'effondrait dans le lac, fracas assourdissant qu'il ne parvint néanmoins pas vraiment à comprendre. Comme par réflexe, par crainte de tomber, ou que les hasards du combat les séparent, ses doigts se crispèrent sur la chair de sa comparse.

« Où… sont… ils ? »

Chaque mot traversa ses lèvres avec lourdeur, mal articulés par sa mâchoire gonflée. Voldemort les avaient laissés derrière eux, mais il restait encore le géant, le fou aux gris, et la Lestrange. Et puis les jeunes, les écoliers, et leurs amis chers, peut-être inconscient de la tournure que prenait le monde et bien en sécurité… Quelque part. Clemens se redressa sur un coude, sa baguette pointée vers un horizon qu'il discernait mal, indécis.

Je suis le Chef des Géants.

Accroupie près de Clemens, Isolde tentait de jauger les dégâts. Elle ne connaissait pas en détail les effets de ce sort, et priait seulement pour qu’ils puissent s’extraire tous de ce bordel le plus vite possible. Elle se pencha dans un sursaut d’inquiétude en voyant ses yeux se fermer et sa baguette glisser ; mais la présence de Freya le ranima, calmant la Phénix. Pour la première fois depuis la rentrée, la présence de la Sinistros ne l’incommodait pas. La douleur de Freya quelques minutes auparavant lui inspira une grande bouffée de sympathie, guidant sa main jusqu’à son épaule pour une douce étreinte.

- Ca va toi ?

Leurs assaillants étaient toujours debout, eux, et les rires glacés du Seigneur des Ténèbres crispèrent involontairement la main de la jeune. Elle jeta un regard effrayé à Clemens à l’écoute de son nom, et les menaces la repoussèrent, frissonnantes, contre la souche dans son dos. Elle avait trouvé le courage de se battre, mais sa peur n’avait évidemment pas disparu. Tout son esprit était contentré sur la recherche d’une échappatoire, et les mots de Charlie parvinrent à peine à ses oreilles. Mais où fuir ? Interdite, elle regarda la Grande Salle plonger dans le lac. Son esprit concentré sur sa propre survie et celle de Clemens et Luna lui avait fait presque oublier le reste du château, l’espace d’un instant.

Alors qu’elle ouvrait la bouche pour répondre à Clemens, des nombreux pas se firent entendre. Cette fois-ci porteur d’espoir. Et finalement, les secours qu’elle désespérait de voir arriver surgirent dans la clairière dévastée. Alors les Mangemorts étaient en déroute ! Le géant disparut aussitôt sans demander son reste, alors que les Aurors encerclaient Bellarix et Beurk. Elle en aurait presque dansé de soulagement si elle n’avait pas été si proche de s’écrouler. Mais elle ne pouvait pas flancher maintenant. Pas encore. Pas avant de s’assurer que ses proches étaient en vie.

Et pas avant d’avoir écarté une dernière menace. Elle entendit l’énorme tronc fendre l’air avant de le voir. Tombant droit sur leur cachette de fortune. De toute la force qui lui restait, elle leva sa baguette et cria :

- Reducto !

Le rondin rétrécit jusqu’à devenir une petite branche qui tomba mollement près d’eux, et la Phénix retomba lourdement contre la souche. Elle laissa leurs assaillants aux bons soins des Aurors, incapable de plus se battre, à peine consciente de leurs actions et de la bourrasque qui accompagna la fuite de Bellatrix et de Phinéas, son cerveau englué dans un semi-brouillard ; souhaitant seulement s’allonger, fermer les yeux et se réveiller en sécurité, loin du marasme de la forêt. Aussi épuisée mentalement que physiquement, elle abandonna la lutte et ferma les yeux.

Après quelques secondes de repos, elle revint à la réalité pour constater leurs états respectifs. La faible lumière de la lune donnait à leurs figures couvertes de terre un air encore plus fantomatique, faisant cruellement ressortir par contraste le rouge de leurs blessures. Ils arboraient tous des mines épouvantables, mais ils étaient tous en un seul morceau, et plus ou moins en état de marcher. De nouveau, les pensées d’Isolde s’envolèrent vers le château.

Mysie, Yvain, Hope, Perséphone, Eleonora et tant d’autres…

Prenant appui sur la souche, elle se redressa sur ses jambes légèrement flageolantes. D’une voix rendue rauque par la poussière et l’émotion, elle s’adressa à ses camarades.

- On rentre au château ?

C’était lapidaire, mais c’était tout ce qu’elle arrivait à dire dans l’instant. Même défoncé et à moitié écroulé, le château lui semblait un refuge plus agréable que les bois.

Elle tendit une main à qui en avait besoin, et quand Clemens fut debout, elle l’attira à lui pour le prendre doucement dans ses bras. Malgré son état de choc, et son esprit terriblement inquiet pour les habitants du château, une toute petite pointe d’espièglerie perça dans ses mots  murmurés, comme un réflexe, malgré la sincère peur que trahissaient ses mots.

- Clemens, tu sais que je te soutiendrai toujours… mais sérieusement, la prochaine fois qu’on croise un Seigneur des Ténèbres, fais lui juste un petit coucou.

Elle n’avait aucune idée du temps écoulé depuis le début de l’attaque. Est-ce que les élèves avaient pu être évacués ? Avec une énergie aussi nouvelle qu’éphémère, elle suivit les autres en direction des Aurors toujours postés entre eux et le château.