[Combat] Les Couloirs

Elle va bien.

La voix de Stanislas semblait si assurée qu’elle ne comprit pas pourquoi ce poids immense qu’elle sentait peser sur sa poitrine ne s’évapora pas immédiatement. Peut-être parce qu’elle ne pourrait jamais croire Astoria saine et sauve tant qu’elle ne le verrait pas de ses propres yeux. Peut-être parce qu’il restait tant de personnes dont elle devait s’assurer la sécurité – Charlie, Jasper, Hope, Cyril, Blaise, Flora et Hestia… Ou peut-être parce que la présence de Nightingale sous-entendait celle de Rowan, et qu’elle n’avait aucune idée de s’il allait s’en sortir.

Ou bien était-ce parce qu’elle vit Steven Grant courir, courir, se figer sous la menace qui se formait autour de lui, et qu’elle vit Yvain Gallant se prendre un Stupéfix à la place et mourir à sa place, enseveli sous les gravats qui tombèrent juste devant elle, qui l’empêchèrent de bouger ou même de penser ; et que ce fut à Stan d’attraper le bras du jumeau de Charlie pour éviter qu’il ne meure écrasé, lui aussi.

Cela lui rappela le banquet, l’odeur de rouille et de sel qui avait flotté à ce moment-là, et la pulpe de ses doigts qu’elle s’était arrachée en tentant d’ouvrir la porte qui la séparait de ses sœurs, et cela lui rappela aussi cette alliance formée avec Gallant pour protéger Drago, cette confiance inébranlable qu’ils avaient scellée pour protéger ce qui comptait.

Elle avait fini par l’apprécier, au bout d’un moment. La loyauté et l’abnégation étaient deux qualités qui pouvaient racheter beaucoup de choses à ses yeux.

Et cela lui rappela aussi que si ses doigts étaient constellés de cicatrices arachnéennes, ce n’était pas pour rien.

« Je vais bien, Flora » répondit-elle mécaniquement lorsque sa cousine l’invectiva, espérant couper son flot de paroles paniquées.

Sa gorge lui faisait mal lorsqu’elle parlait.

Son esprit lui faisait mal lorsqu’elle pensait. Ses yeux brûlaient – à cause du sang, pas à cause des larmes qu’elle retenait désespérément. Son monde s’écroulait, ses défenses se craquelaient, et si Stan et Flora n’avaient pas été là, elle se serait écroulée pour pleurer.

« Il faut qu’on retrouve Blaise et Charlie » articula-t-elle douloureusement. « Ils étaient dans le parc. »

Peut-être qu’elle pourrait trouver Cyril en chemin. Peut-être qu’ils allaient s’en sortir.

La devise des Greengrass ne lui avait jamais parue aussi stupide et inutile. L’honneur semblait tellement superflu alors que les sorts de mort avaient effleurés son bras, alors que Greyback avait détruit son visage, alors qu’elle n’était pas certaine de revoir ses amis.

« Il faut les retrouver » répéta-t-elle en faisant demi-tour, en tentant de forcer Stan à avancer. « On ne peut pas les laisser seuls. Il faut les retrouver. »

De revoir sa famille. Mais pour elle, c’était presque la même chose. Comme Poudlard était son second foyer, et qu’elle l’avait vue brûler, se faire tailler en pièces et dépecer.

Blaise. Lui aussi, il était son foyer. Il était dans le Parc.

Elle n’arriverait jamais aussi loin, dans cet état. Mais il fallait bien tenter.

Les plaies infligées à sa peau, par le Flagellum de McWood, ne cessaient de l’élancer. De s’inscrire en sa chair par un souvenir éternel. De distraire son attention déjà vacillante. Il souffrait, en vérité, de toutes les ardeurs encaissées en ce soir horrible et destructeur. Sa conscience, autrefois avisée, n’agissait plus qu’avec une lenteur exagérée. Épuisée.

L’adrénaline des combats s’effaçait petit à petit de son sang, l’obligeant à éprouver les limites de son endurance. Or, il ne pouvait guère se permettre de s’effondrer ici bas ; il devait trouver sa sœur avant tout. Réunir sa famille.

Il n’eut pas à tergiverser longtemps. Au détour d’un couloir, il l’aperçut. Entre les mains de Flora et de Stanislas. Blessée. Défigurée. La bouche sèche, il ne put que réprimer un sanglot. Quelles étaient ces estafilades rougeoyantes et détestables ? Mieux valait ne pas chercher à y répondre. « Daphné... » Rowan murmura, tremblant, alors qu’il avançait vers le trio.

Les vêtements partiellement déchirés par les coups de fouets magiques, les épaules ensanglantées et le visage maculé tant par la poussière que les larmes... Il n’avait plus rien d’un héritier de l’aristocratie flamboyante. Ni Elle. Ni aucun d’eux, en vérité. Tous, ils n’étaient plus que des survivants. « Daphné. » Il répéta son psaume jusqu’à pouvoir la toucher du bout des doigts.

Le poids écrasant de la marque des Ténèbres se fit moindre. Quelque part, dès lors, il sût. « C’est terminé. Voldemort n’est plus. »