Tenue Correcte Exigée

24/02/2007

Ne pas partager sa pizza, quel égoïsme ! Clemens avait observé Quinlan un instinct pour être certain de la limite entre le sérieux et la blague. Ils s’étaient suffisamment bouffés autour de sous-entendus mal compris pour qu’il se montre prudent, à présent. Surtout quand on parlait véritablement de nourriture. Ça aurait été un de ces combles… Il laissa le guérisseur s’installer, cherchant rapidement une bouteille de vin qui lui convenait, avant de venir s’asseoir également. Voraces comme ils l’étaient tous deux, le moment du repas se déroulait généralement dans un silence presque religieux. Pour autant, le Sinistros ne se privait pas d’être joueur, et s’étendait mine de rien au dessus de la table vers l’assiette de son aîné, quand celui-ci lâcha une phrase. Mine de rien. Importante.

Du bout de sa fourchette, l’Allemand emporta un morceau de la fameuse pizza royale, avant de se laisser retomber dans son fauteuil. Manger allait lui donner encore une minute de réflexion quant à sa réponse. Le sujet était très délicat, mais c’était sa barrière personnelle. Il n’avait encore jamais parlé de son entourage et de sa vie de famille avec ses amis du monde sorcier. Pour le Nouvel An, il avait décidé de mettre fin à la langue de bois… Haveirson les liait de cette manière étrange où la confiance et la loyauté étaient les seules valeurs sur lesquelles on pouvait encore compter. Ses invités, choisis avec soin, méritaient selon lui d’entrer dans la confidence, et pourtant, en parler spontanément restait terriblement difficile.

“Tu fais bien de me le rappeler, tiens.”

Clemens leva un sourire un peu forcé vers Quinlan. Il n’avait pas vraiment oublié de le lui dire, seulement ce n’était pas une simple adresse à écrire sur un bout de papier. Répondre à la question revenait à éclairer tout un pan de son passé, dont son amant ne savait strictement rien. A l’inverse, ses amis connaissaient déjà le gros de l’histoire, pour avoir simplement été ses camarades d’école. A Poudlard, nombre de Serpentards aimaient à lui rappeler qu’il était le fils d’une traîtresse à son sang. Ce genre d’accusations ne passait inaperçu nulle part, même chez les nés moldus. Il s’était imaginé tout raconter au moment où ses amis franchiraient la porte. Ils avaient accepté l’invitation, s’en réjouissaient visiblement, et avaient attendus les informations avec patience. Quinlan, lui, posait des questions.

“Ce sera chez moi, à Londres.”

Du bout de sa baguette, il écrit l’adresse exacte dans l’air, à quelques centimètres de la table. Les lettres brillantes restent visibles quelque secondes avant de s’évaporer au dessus de leurs assiettes. Cependant, cette simple information ne justifiait pas le secret dont il avait entouré sa fête. Clemens prit son courage à deux mains, et posa ses couverts avant d’entamer une explication qui se promettait un peu longue.

“Ça n’a l’air de rien comme ça, mais c’est un secret plutôt bien gardé… Aucun membre de notre entourage magique n’a jamais mis les pieds dans cet endroit et si mes parents n’avaient pas été absents pour les vacances, ça aurait été hors de question. Enfin, pas à cause d’eux, à cause des implications.”

Il releva les yeux vers Quinlan, réalisant que ses explications n’étaient pas très sensées.

“Mon père est moldu, il est patron d’un bar qui marche plutôt très bien et a une excellente réputation. Personne ne se doute qu’il est marié à une sorcière et que son fils est un sorcier. Nous tenons à ce que ça reste comme ça. Ma mère a des relations plutôt délicates avec le monde magique… Elle vient d’une famille de sang-pur très influente, mais elle a refusé le mariage arrangé qu’on organisait pour elle et a commencé à travailler au Ministère en tant que Oubliator. Déjà ça, c’est pas très bien passé… Mais vivre à Londres a continué de lui ouvrir l’esprit, et quand elle a rencontré mon père, immigré allemand serveur dans un bar… Elle a compris que ce serait l’homme de sa vie. Je te laisse imaginer le scandale, il parait que ça a fait un foin monstre.”

L’Allemand s’interrompit pour avaler un morceau de pizza et remettre un peu d’ordre dans ses idées.

“Bref, la conséquence directe a été de réagir contre chacune des traditions dans lesquelles ma mère a été élevée. Ma famille valorise l’effort, le travail, la sociabilité, le contact humain. Nous avons toujours vécu presque comme des moldus et à l’allemande, forcément. Mon père a fini par racheter le bar où il travaillait, le voilà patron, et c’est là que nous vivons, juste au dessus de la salle. C’est un endroit fantastique si tu veux mon avis, très cosmopolite. J’y ai souvent donné un coup de main pendant l’été. J’y traîne depuis que je suis gamin, de toute façon.”

Clemens sourit doucement à l’évocation de ces souvenirs alors qu’il gambade au milieu des clients. Occasionnellement, un des habitués le hissait sur ses genoux et le laissait observer son jeu de cartes. Son père, ravi de voir ce fils presque hyperactif se tenir tranquille pour dix minutes ne voyait pas d’inconvénient à ce qu’on lui enseigne le poker à dix ans. A treize, il mixait déjà des cocktails… qui étaient parfois des désastres. Car s’il pouvait mélanger, il ne pouvait pas goûter.

“Par contre, on rentre toujours en Allemagne pour les fêtes de fin d’année, et on ferme le bar. Ça ne pose donc pas problème que mes amis de confiance viennent profiter de l’endroit, tant qu’on ne fait pas filtrer une atmosphère de magie pure dans la rue. Je t’avoue que je ne suis pas tout à fait tranquille, c’est difficile de dévoiler un secret qu’on t’a intégré dans la peau depuis vingt ans.”

D’un regard brillant, mais apaisé, Clemens chercha les yeux noisettes de Quinlan, appréhendant un peu d’y lire une réaction. Le secret était lourd, mais le dévoiler n’était pas aussi périlleux qu’il aurait pu le croire. Après tout, il ne cherchait qu’à protéger les siens.

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Jeu 10 Sep 2015 - 10:22

Oui et bien il y a des choses qui ne se partagent pas dans la vie : la brosse à dents, les dés et la bouffe. Mais comme l’avait dit Quinlan, il voulait bien faire un effort pour Clemens. Il accueillit sa réaction avec un sourire, essayant de lui dire que si c’était une blague, elle ne l’était qu’à moitié. Quinn avait vraiment horreur qu’on pique dans son assiette, du moins sans avoir demandé avant.

Au moins avait-il prévenu, donc quand il vit s’approcher la fourchette de son plat, Quinn ne fut pas surpris, et le tendit même pour que Clemens récupère sa part sans en mettre partout. Innocemment, le guérisseur lui avait posé une question à propos du Nouvel An, et encore une fois il avait l’impression de déchaîner les foudres du ciel. Pourtant, Clemens avait bien dit qu’il leur donnerait l’adresse de vive voix, et les vacances approchaient… Si Quinn ne demandait pas, il n’aurait jamais l’information à temps. Ç’aurait été un très sale coup du destin que Quinlan soit absent à la fête organisée par Clemens simplement parce que ce dernier était reparti en Allemagne avant de pouvoir lui communiquer le lieu de rendez-vous. Ç’aurait été terriblement cruel. Aussi cruel que de le laisser attendre toute une nuit après avoir envoyé une lettre qui n’avait pas été lue à temps.

Clemens réfléchit un moment avant de répondre. Pourtant, aux oreilles de Quinlan, ça n’avait rien de bien dramatique : chez lui, ok. Rien de plus normal, non ? Et puis il se souvint de sa réaction dans le jardin anglais, quand il avait mentionné ses longues lettres. Il avait eu la sensation de dire une connerie, que quelque chose était mal passé. Clemens n’était pas spécialement à l’aise pour parler de sa famille alors… Est-ce que tout ceci avait un rapport ?

Il nota mentalement l’adresse, espérant s’en souvenir assez bien pour retrouver l’endroit dans la capitale, et continua à manger sa pizza en attendant la suite. Car ce n’était pas fini, n’est-ce pas ?

C’était une pelote sur laquelle on avait tiré un fil : l’histoire des parents de Clemens se déroula devant les yeux de Quinlan, qui comprenait de mieux en mieux tout le secret qui entourait sa vie de famille. Un sang-mêlé, mais d’une mère au sang noble… Ça n’avait pas dû être facile, effectivement. Lui-même était sang-mêlé, mais la famille de son père, les Fitzsimmons, n’étaient plus considérés comme une famille de sang-pur à proprement parler depuis bien longtemps. Selon un certain Severus, ils avaient fait partie de l’élite sorcière irlandaise à une très ancienne époque, mais s’étaient toujours traîné ce ‘Fitz’ qui marquait leur bâtardise. Son père n’avait jamais eu à fuir un mariage arrangé, ni à subir les foudres du reste de sa famille ou de la société magique toute entière. Pour les Neubach, ça avait dû se passer tout autrement.

— Je vois… Ta mère doit être quelqu’un de très courageux pour envoyer tout valser comme ça.

Quinlan esquissa un petit sourire, tout en continuant à dévorer sa pizza. Il n’irait pas jusqu’à dire que tout s’expliquait, mais il comprenait un peu mieux le secret que Clemens entretenait autour de sa famille, et se rendit compte de l’étendue de l’indélicatesse dont il avait fait preuve lors de leurs retrouvailles. Il ne savait pas trop comment s’excuser cette fois-ci, et préférait presque ne pas remettre ce sujet là sur la table. À la place, Quinn enchaîna plutôt sur le fait que pour un sorcier… il était quand même pas mal moldu lui-même.

— Faire une pause dans la magie ne me fera pas de mal de toute façon, je t’avoue. Je peux largement me passer de baguette pendant une soirée ou deux… Enfin, de la mienne. La tienne, je n’en suis pas si sûr…

Et hop, une petite plaisanterie bien moisie histoire de détendre l’atmosphère. Après avoir ri de ses propres conneries, Quinn sirota un peu de son cuba libre.

— Merci pour l’invitation.

Maintenant qu’il savait exactement quelle valeur elle avait, il était en mesure de le remercier correctement. Chaque mot avait été empesé d’une véritable reconnaissance et doublé de la confiance aveugle que Clemens pouvait avoir en Quinlan.

24/02/2007

Clemens s’était attendu à toutes sortes de réactions. Il en avait craint certaines, espéré d’autres, mais sans surprises, il avait échoué à deviner ce que penserait Quinlan. C’était une constante de leurs échanges même si, de soirées en soirées, l’écart devenait un peu moins grand. Il restait un espoir qu’ils parviennent finalement à se comprendre du premier coup, en un simple échange de regard, comme ils l’avaient fait lors d’une nuit à la cafétéria. Cette pensée le fit sourire intérieurement. C’était étrange que tout ait commencé sur une compréhension et un partage si intense qu’ils en étaient devenus transcendants… alors qu’au quotidien, ils ne parvenaient qu’à enfoncer des portes ouvertes et se blesser involontairement. Cette fois au moins, s’il était déçu, il n’était néanmoins blessé. Ils s’amélioraient.

“Très courageuse… Oui. Peut-être un peu folle, aussi. S’imposer en tant que femme de caractère il y a vingt ans, tout en révélant sa condition à un presque étranger a été une sacrée prise de risques. On en a souvent parlé, elle ne comprend même pas comment elle a osé faire ça.”

Le commentaire n’était pas très constructif, mais la remarque de Quinlan l’avait touché. Sa mère était souvent traînée dans la boue pour ce qu’elle avait infligé à sa famille, alors que des deux, c’était surement elle qui avait souffert le plus. Clemens avait un respect immense pour elle, et entendre cette même opinion transparaître dans la voix de son amant lui faisait du bien. Malgré quelques problèmes, sa vie de famille avait été plutôt simple et heureuse, et il l’en chérissait d’autant plus. Si Quinlan avait trouvé l’histoire banale, l’Allemand en aurait été profondément affecté.

Tout ce qu’il avait espéré à vrai dire, était que le guérisseur accepte l’histoire sans rien dire, comme un cadeau précieux qu’on pose en sécurité. Il n’y avait pas de commentaires à faire sur le passé, car on ne pouvait pas le changer. Clemens avait appris à vivre avec, bien qu’il ait une drôle de façon de le montrer - ou de le cacher, justement - d’autant qu’il n’en avait que rarement subit les conséquences directes. Par contre, il se serait réjouit de voir une quelconque étincelle voler dans les yeux de Quinlan, une joie particulière à l’idée de passer le Nouvel An dans un lieu hors norme. Le Cloud Atlas était à ses yeux l’un des plus beaux bars de Londres, même s’il avait conscience d’être tout sauf objectif à ce sujet. Il comprit la blague comme une prise de distance.

“Rien ne nous empêche de faire usage de magie, tant que ça ne se voit pas à l’extérieur… Tout ce que vous voulez, cela dit, tant qu’on ne touche pas à l’alcool. Les cocktails ne sont vraiment bons qu’à la manière moldue, il y a une finesse dans l’artisanat que la magie ménagère ne peut véritablement pas atteindre.”

Un sourire espiègle se dessina finalement sur son visage. La plaisanterie avait beau être à ras des pâquerettes, elle n’en était pas moins une invitation au jeu. Clemens s’ancra dans les yeux de Quinlan et fit mine de réfléchir. Mine seulement, car il n’était pas naïf; avec la semaine de vacances et la séparation qui s’annonçait… Les visites se succéderaient sans doute dans cet appartement. Une chaleur désagréable se répandit dans son ventre à cette idée, mais il fit de son mieux pour ne rien laisser paraître.

“Quant au reste… On risque d’avoir des rattrapages à faire, alors.”

Faire la fête en présence d’un cercle restreint d’amis allait sans aucun doute leur permettre une proximité qu’ils ne s’autorisaient pas en temps normal. Ou que Clemens refusait, du moins. Par contre, l’exacte même raison remettait également la possibilité d’une véritable intimité, à moins que les festivités ne se prolongent… Cette fois, l’Allemand s’était réellement plongé dans la réflexion. La tête légèrement penchée sur le côté, il adressa un sourire tendre et sincère en réponse aux remerciements de Quinlan. Il pensait aux détails de son accueil, à comment il présenterait son amant à ceux qui le connaissaient sous un autre visage, aux éventuelles tensions qui pourraient faire surface autour de Anna, aux… Il laissa échapper un soupir. Quelle folie, cette fête.

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Jeu 10 Sep 2015 - 17:17

Quinlan ne trouvait pas l’histoire des parents de Clemens banale, bien au contraire. C’était lui qui avait une histoire familiale des plus classiques ou presque… Aucun de ses parents n’avait dit merde à son éducation élitiste pour aller vivre sa vie avec la personne qu’il ou elle aurait choisi. Rien que pour ça, la mère de Clemens avait tout le respect de Quinlan. Alors, quand il lui dit que même elle ne savait pas trop comment elle avait pu faire une chose pareille, le guérisseur détourna le regard et sourit de manière énigmatique.

— Il y a des choses, des personnes qui peuvent nous faire faire n’importe quoi.

En bien ou en mal ? De qui parlait-il, de Clemens, ou de Roxanne ? Ou parlait-il de lui-même, qui se retrouvait à entretenir une relation encore à définir avec un homme essentiellement hétéro ? Il est parfois difficile d’expliquer certaines choses, surtout si l’amour venait s’en mêler. Quelque part, c’était ça qui le rendait si beau, et si redoutable.

Quant à la soirée du Nouvel An, si Clemens y tenait, Quinlan pouvait très bien se passer de magie. Il trouvait même ça reposant parfois, de faire les choses à la façon moldue. Mettre un t-shirt et un jean et aller au cinéma, aller à la piscine du coin, danser tout simplement dans les clubs moldus où la seule magie était celle de l’éclairage et de la séduction.

Il fut quand même un peu surpris quand Clemens lui dit que la magie n’était pas interdite, sauf pour l’alcool. Quinn fronça les sourcils, ne voyant pas immédiatemment où le Sinistros voulait en venir. Ah… les cocktails !

— Oh pour ça je pense que je te laisserai faire. Après tout, c’est toi le spécialiste… Au pire tu m’en apprends quelques uns au début de la soirée, que je puisse prendre le relai quand tu seras trop bourré pour continuer.

Le sourire joueur de Quinlan marquait une autre plaisanterie. Elle volait certes un peu plus haut que le coup de la baguette, mais ce n’était quand même pas du très haut niveau. Sous-entendre qu’un mec élevé dans un bar tenait moins bien l’alcool que vous… Il fallait en avoir, des gonades. Le sourire de Quinlan s’élargit.

— J’ai très hâte de me rattraper alors.

Cela dit, une inconnue demeurait. Le guérisseur ignorait totalement que ses questions pouvaient très facilement déclencher l’apocalypse, mais puisqu’on parlait Nouvel An et logistique…

— Sinon, ce sera possible de dormir sur place, ou je nous réserve un hôtel ?

Généralement, quand il fêtait le Nouvel An, Quinlan n’était pas frais avant le 2 au moins : il lui fallait au moins une deuxième nuit pas trop loin avant de reprendre la route — ou de transplaner. Comme il n’organisait pas l’édition 1997, c’était une question qu’il se devait de poser. Et ça lui ferait un peu mal de lâcher Clemens pour aller dormir chez une de ses connaissances londoniennes.

De toute façon, cette soirée, c’était une boîte de Pandore. Maintenant que Quinlan avait commencé à en parler, il n’arrivait plus à s’arrêter.

— On sera nombreux… Qui viendra ?

Quinlan ne s’attendait pas à ce que Clemens lui balance un chiffre faramineux puisque ça se passait dans un endroit quasi-secret, mais s’ils avaient le bar pour eux seuls… Ce serait con d’être seulement quatre à en profiter.

24/02/2007

Clemens prit un air résolument choqué, mais suffisamment forcé pour rendre son amusement limpide. Le bar, c’était son domaine. Quand il travaillait avec son père, il occupait plus volontiers cette place-là que celle de serveur, où on se faisait constamment embêter. Derrière le comptoir, il pouvait jouer le virtuose des délices, improvisant de nouvelles créations pour les clients habitués, observant les réactions dans tous les coins de la salle. Même si il n’avait pas été l’hôte de la soirée, il n’aurait laissé personne d’autre jouer ce rôle.

“Si tu crois vraiment que je t’aurais laissé squatter derrière mon bar, tu te mets le doigt dans l’oeil. Ou n’importe quoi, n’importe où ailleurs. Et même bourré, je suis encore capable de faire des cocktails… C’est peut-être la seule chose que je sache bien faire dans ce cas-là. Peut-être voler également, mais même saoul j’ai encore assez de discernement pour me rappeler que cette expérimentation là serait une belle connerie.”

Il avait finit sa phrase sur un ton franchement amusé. Ses quelques dérives liées à l’alcool n’étaient plus un secret pour personne, et le temps de développer une résistance digne de ce nom, il avait pu se construire une belle liste de faits d’armes. Pas plus tard que fin octobre, Gareth et lui avait développé un véritable chef d’œuvre sur le terrain de Quidditch, pour les beaux reflets d’une bouteille de Whisky. Maintenant qu’il y pensait, il ne savait même pas si leurs divers pièges avaient été désamorcés… Dommage qu’il ne s’en souvienne pas, sinon, il aurait pu aller vérifier.

Avec un hochement de tête, l’Allemand s’attaqua à nouveau à sa pizza. Manger pendant le repas avait ceci de négatif qu’on oubliait souvent la nourriture tant qu’elle était encore chaude. Les mots coulaient, on passait d’un sujet à l’autre et on finissait par manger froid. En tant que sorciers, ce n’était pas un problème insurmontable, mais la sensation de frustration stomacale qui s’ensuivait généralement était bien moldue, elle. Il entamait donc avec enthousiasme une nouvelle part de pizza, quand la nouvelle question de Quinlan tomba. Clemens manqua de s’étouffer et dut s’aider d’une généreuse gorgée de vin rouge avant de pouvoir lever un regard incrédule vers son aîné. Il laissa même le silence s’installer, persuadé que le guérisseur allait éclater de rire et préciser que ce n’était qu’une nouvelle blague. A la place, il lâcha une autre interrogation.

“Quinlan…”

L’étudiant reposa ses couverts avant de s’empaler avec sa propre fourchette. L’expression de son amant n’était plus guère rieuse, plutôt tourmentée, même. Clemens comprit alors que derrière les blagues et la spontanéité se cachait un malaise bien enfoui, sans doute même caché, qu’il n’aurait sans ça pas soupçonné. L’invitation et son contexte lui avaient parus si clairs… Le regard toujours incrédule, l’Allemand mit du temps avant de trouver les mots pour répondre.

“On sera chez moi. Je n’ai pas l’intention de mettre qui que ce soit dehors avant au moins l’après-midi du lendemain, et encore, ce n’est pas mon genre de mettre un invité dehors de toute façon. Et ça vaut aussi et surtout pour toi.”

Voix douce, rassurante, tout de même soulignée d’étonnement.

“Six ou sept, ça dépendra de Neal. Il y aura Rowan et Isolde. Anna aussi, tu sais, la petite Française qui a participé au premier cours de médicomagie ? Elle, donc, et Megan.”

Le simple fait d’énoncer la liste des convives lui fit réaliser qu’ils n’avaient jamais évoqué un point important : qui sait ? De son côté, il en avait parlé plutôt librement, et un peu par hasard aussi, aevc Rowan et Isolde. Cela lui avait semblé naturel et son droit le plus strict. En informer Quinlan lui paraissait cependant être un minimum, maintenant qu’ils avaient prévus de tous se retrouver dans la même pièce sans s’embêter des conventions…

“Rowan et Isolde savent ce qui s’est passé avant mon voyage. Et a forciori, qu’on a continué à se voir. Tu sais aussi bien que moi ce que sais Megan, ce qu’elle en pense par contre… C’est un mystère, mais je me fous un peu de son avis, pour être honnête. Elle a suffisamment de respect pour moi pour garder son opinion secrète si elle devait être négative. Anna ne sait encore rien, mais je l’ai malmenée la dernière fois qu’on a eu une conversation ensemble et… Enfin, même nos échanges de courriers sont plutôt houleux. Elle se tracasse beaucoup de ma vie privée, de toute façon, je crois que ça servira un peu sa curiosité, cette histoire.”

Clemens avait tenté de finir sur un brin d’humour. Néanmoins, il était évident sur son visage qu’il ne croyait pas lui-même en sa réussite.

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Jeu 10 Sep 2015 - 18:36

Il ne pouvait pas s’empêcher de se sentir un peu vexé sur ce coup… Pourtant il comprenait : Clemens avait grandi dans un bar et savait faire les cocktails. Mais quand même. L’espace d’un instant, il ne sut quoi répondre, pris un peu trop au dépourvu par la demi-plaisanterie de Clemens.

— Tu m’apprendras quand même quelques recettes avant d’aller vomir, hein ? Pour ma culture personnelle, disons.

Et après, s’il voulait lui planter des trucs dans des endroits, bon bah qu’il le fasse. Ils auraient tout le temps de voir ça plus tard, d’autant plus que Quinlan venait tout juste de péter le record de connerie avec la question la plus débile du monde. Il ne s’en rendit pas compte tout de suite, et continua à manger tranquillement… Avant de se rendre compte que quelque chose avait changé dans l’attitude de Clemens. Le verdict ne tarda pas à tomber. Dommage que Quinn ait tant de mal à faire les branchements là-haut…

Il avait envie de dire quelque chose, mais rien ne sortait. Il se contentait de regarder Clemens, sans trop savoir quoi faire ou répondre. Apparemment, ce qui n’était pas évident pour lui l’était pour le Sinistros… Ou avait-il loupé un épisode ?

Quinn n’eut pas le temps de formuler une quelconque interrogation : Clemens enchaîna alors sur la liste des invités. Et là, ce fut l’apocalypse dans la tête du guérisseur.

— Attends… Anna Delflandre ? Tu la connais ?

Dommage qu’il soit si mauvais pour camoufler ses émotions en présence de Clemens : tout sur le visage de Quinn hurlait à la catastrophe. Il n’aimait pas cette étudiante, même s’il avait un peu de mal à savoir exactement pourquoi. En fait, si, il savait, mais normalement, ça ne suffisait pas pour qu’il ne puisse pas voir quelqu’un en peinture. Oh, il y avait aussi Megan pour faire bonne mesure, mais elle, il avait appris à l’ignorer. Anna, avec ses grandes basques de journaliste, allait être difficile à ranger dans un coin.

Et la suite n’allait pas en s’arrangeant. Clemens se mit à lui énumérer qui savait et qui ne savait pas à propos de… de quoi ? Leur relation ? Est-ce qu’on pouvait l’appeler comme ça ? Ou est-ce que c’était encore un peu trop pour celui qui n’a pas le temps d’être honnête avec lui-même ? Quinlan calma ses accès d’aigreur, et écouta Clemens avec le visage le plus neutre possi…

Ouais mais non, ça n’allait pas être possible, ça.

— Anna se mêle de ce qui ne la regarde pas sous prétexte d’être future journaliste.

La voix de Quinn avait été sèche, un peu trop même, puisqu’il se reprit presque aussitôt après.

— Je suis désolé, vraiment, mais Megan c’est rien à côté d’Anna… Je la connais moins bien, mais au moins Megan n’essayait pas à tout prix d’en savoir le maximum sur moi… Je sais pas. Je sais que ce sont tes amies, mais Anna…

Attention à ce que tu vas dire.

— Anna me donne l’impression d’essayer de me foutre à poil devant témoins. J’ai un peu discuté avec elle, et elle n’est pas méchante, mais elle a une façon de poser ses questions qui me hérisse le poil, alors bon. Satisfaire sa curiosité déplacée est ma dernière envie, là tout de suite. J’ai pas envie de me retrouver en première page de la Gazette.

Dire qu’il avait failli se reposer sur elle. Dire qu’il avait failli lui demander de l’aide… Il devait vraiment être dans la merde ce jour-là, et pas tout à fait en pleine possession de ses facultés mentales.

Sentant qu’il avait sûrement été un peu trop loin dans ses propos, Quinn finit sa part et repoussa le plat vers Clemens avant de se lever pour faire quelques pas dans l’appartement. Sentant sa nervosité, le Docteur se sortit de sa sieste et miaula faiblement. Après avoir poussé un long soupir, Quinlan se prit la tête entre les mains.

— Je suis désolé mais je le sens vraiment mal là… Et tu vas lui dire quoi ?

Quinn ouvrit ses mains vers lui dans une expression de perplexité monstre.

— En même temps j’ai l’impression qu’avec elle, la seule solution c’est de ne pas répondre ou de mentir. Ne soit pas choqué si je lui dis n’importe quoi. J’ai aucune envie qu’elle connaisse le moindre détail sur ma vie. Au pire, j'irai squatter avec Isolde et Rowan, eux au moins ils m'inspirent confiance...

Euh, comment dire.

24/02/2007

La plaisanterie n’était pas vraiment passée comme telle. C’était vraiment une constante du temps qu’ils passaient ensemble. Ils discutaient de tout, et de rien, ils se détendaient, se permettaient même quelques blagues et soudainement tombait celle qui était en trop. Clemens releva la tête vers Quinlan, un sourcil levé. C’était un peu fort de prendre la mouche maintenant après ce qu’il s’était permis de dire. Il le sous-entendait poivrot, mais quand il enchaînait sur l’alcool, c’était son interlocuteur qui finissait vexé. L’étudiant ne put s’empêcher de jeter un œil vers le Cuba Libre, en se demandant quel effet avaient les spiritueux sur l’organisme du guérisseur. Il laissa tomber la blague, des questions plus importantes avaient besoin de réponses.

Le Sinistros fit de son mieux pour répondre à Quinlan, cherchant au fond de son esprit les sous-entendus que ses mots pouvaient cacher, afin de satisfaire sa véritable curiosité. Les interrogations maladroites avaient eu un côté un peu blessant qu’il s’efforçait de chasser de ses réponses. Pour une fois, ils parvenaient à parler clairement et compte tenu des circonstances… C’était une bonne chose. Clemens ne voulait pas tellement imaginer sa réaction si il avait vu Quinlan quitter la fête aux premières lueurs du jour pour aller s’installer chez quelqu’un d’autre. Non seulement, il aurait été furieux, mais aurait aussi remis beaucoup en cause, alors qu’une nouvelle fois ça n’aurait été qu’un sous-entendu incompris.

Satisfait de s’être exprimé en détail sans en faire trop non plus, il releva la tête avec un sourire. Et il rencontra l’apocalypse.

Phrase après phrase, Quinlan tint à lui expliquer en long, en large et en travers, pourquoi la présence de Anna n’était pas requise. Le voir placer la petite Française si perspicace, mais si innocente et fragile également, bien au dessus de Megan sur l’échelle de la dangerosité manqua de le faire éclater de rire. Ce serait arrivé, si la situation n’avait pas des relents de guerre mondiale. Clemens se sentait mousser. Il ne prit même pas la peine de suivre son amant du regard quand il se leva pour aller faire les cent pas dans le salon. Il le sentait mal ? La bonne blague. Parce que lui, l’hôte de la soirée, il n’était pas terrifié peut-être à l’idée de présenter à ses amis un abruti de professeur complètement têtu et borné qui sous prétexte de professionnalisme fouillait dans le boxer de ses étudiants ?

Il prit une grande inspiration, et attendit que le silence se fasse dans son dos. Il ne savait pas vraiment dire s’il était furieux, blessé, déçu ou tout à la fois. Après une longue minute où aucune parole ne fut prononcée, il daigna se retourner et jeter un regard brûlant à Quinlan.

“C’est bon, t’as fini ? Je vais lui dire qu’on s’envoie en l’air dans toutes les pièces de l’académie, et qu’on voudrait qu’elle participe. Et Rowan aussi d’ailleurs, histoire d’avoir l’autorité de notre côté. Ça t’irait ça, comme mensonge à lui servir ? Je suis sur que ça t’aidera à ne pas finir en première page de la Gazette.”

Ce n’était pas du tout ce qu’il avait prévu de dire dans la longue réflexion mentale qu’il avait échafaudée. Tanpis. Ce qui était dit était dit de toute façon, il ne pouvait pas prétendre que les mots du guérisseur ne l’avait pas atteint.

“Tu penses sérieusement que je suis à l’aise à l’idée de ramener tout ce beau monde chez moi pour la première fois ? Je ne sais pas si j’ai été assez clair avant, mais personne, personne putain, n’a connaissance de ce que je viens de te dire. Même Isolde n’a jamais mis un pied chez moi, alors qu’elle a passé des heures et des heures à Ste Mangouste. Tu crois que j’aurais invité Anna si je n’avais pas eu confiance en sa capacité à être professionnelle et à ne pas étendre les détails de notre petite sauterie dans le journal ?”

Clemens se passa la main dans les cheveux, tentant vainement de se calmer et de retrouver contenance.

“Et ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, parce que je te vois venir. J’ai envie d’organiser cette fête, et j’ai envie que vous soyez là. Chacun d’entre vous. J’ai pas dit que ça serait facile, mais tu sais, si t’as pas envie de lui répondre à Anna, t’as qu’à lui dire d’aller voir ailleurs si tu n’y es pas. C’est pas si compliqué et je t’assure qu’en ce moments, elle a d’autres chats à fouetter. Personne n’ira gratter dans ton passé si tu n’as pas envie d’en parler. Ils se diront seulement que tu es un mec avec une vie privée et qui ne les connaît pas assez pour se dévoiler. Et tout le monde trouvera ça normal.””

Finalement, il se leva et alla se planter devant Quinlan, les bras croisés. La fureur se lisait dans ses traits, contrastant franchement avec la lueur blessée dans ses yeux. Il ne savait pas ce qui avait pu se passer entre Anna et lui pour qu’il réagisse aussi fort à la présence de sa camarade de Phoenix. Clemens avait beau ne pas la connaître depuis longtemps, ils avaient déballés une franchise étonnante durant leurs deux rencontres. Et Rowan s’était épris d’elle. Il avait envie de le hurler à la tête de Quinlan, que Rowan, le manipulateur insensible et que rien ne trompait était amoureux d’elle. Si c’était pas une preuve, ça. Pendant une seconde, l’Allemand regretta d’avoir invité son amant. Regretta d’avoir cédé à sa présence, d’être revenu et d’en avoir redemandé encore.

Le sentiment s’envola. L’homme un peu perdu, presque paniqué qui battait le tapis devant lui n’avait rien du charismatique et flamboyant professeur de médicomagie que tous connaissaient. Le même discours devant un amphithéâtre et il aurait sans doute jeté un coup d’œil un peu menaçant, qui aurait contrasté avec la pique blagueuse renvoyée à l’emmerdeur. Clemens l’avait déjà vu craquer, plusieurs fois, trop souvent peut-être. Alors il craqua aussi, parce que merde. Ils étaient deux dans cette relation, le +1, ça suffisait un peu.

“Tu veux savoir ce que je comptais leur dire ? Et je dis bien leur, parce que je m’en fous qu’ils le sachent déjà. Je vous présente Quinlan, le gars qui a réussi à me faire porter des chemises en dehors des occasions officielles et devant chez qui j’ai les mains moites avant d’entrer. Ou peut-être Voici Quinlan, l’homme qui a déboulé dans ma vie sans rien demander et y a tellement foutu le bordel que j’en redemande. J’hésitais aussi avec Vous le connaissez déjà, mais ici, c’est simplement Quinlan, car il est temps que j’assume qu’il n’est pas là pour rien et ne me laisse pas indifférent. Mais maintenant je me demande ce que je dois dire. Est ce qu’à moi, au moins, tu fais confiance ?”

HRP:

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Ven 11 Sep 2015 - 6:20

HRP:

Décidément, Quinlan avait des soucis avec les amis de Clemens. Était-ce vraiment un problème de compatibilité des caractères, ou simplement qu’il ne savait pas quelle était sa place, exactement ? Autant de personnes qu’il ne connaissait que sous un jour purement pédagogique, qui allaient soudainement débouler dans sa vie… Lui qui n’avait jamais eu un entourage très fourni se sentait presque noyé. Bien sûr, il n’en avait aucune idée, n’arrivait pas à mettre un mot sur ce malaise qui l’entourait, sur cette menace qui pesait sur sa vie privée et notamment ses zones les plus sombres. Clemens avait su faire tomber ses défenses beaucoup trop vite, et de façon beaucoup trop entière. Maintenant Quinlan redoutait la moindre attaque et préférait dresser un mur là où il n’y en avait pas forcément besoin.

En pleine apocalypse, il était normal que le courroux divin s’abatte à nouveau. Mais cette fois, Quinlan n’avait pas envie de jouer les bêtes dociles et prostrées. Anna et sa façon presque insidieuse de poser ses questions, l’air de rien, la rendait d’autant plus dangereuse aux yeux de Quinlan. Ce dernier ne connaissait pas son côté fragile et doux, et aurait sûrement de la peine à le remarquer un jour, aveuglé par sa première impression des plus désagréables.

Le ‘c’est bon, t’as fini ?’ valu à Clemens un regard furieux de la part de Quinlan, parce que c’était exactement ce qu’il disait aux gamins qui s’énervaient pour rien. Comment pouvait-il croire qu’il craquait sans raison ? Peut-être n’était-elle pas si évidente, peut-être qu’il n’arrivait pas à la mettre en mots, mais elle existait. Continuant de tourner en rond, il essaya de se calmer pour écouter Clemens, mais il ne faisait que transformer son inquiétude en colère. Il avait peur, il avait besoin d’être rassuré. Pas malmené comme un gamin qui n’en faisait qu’à sa tête, même si c’était l’impression qu’il donnait.

Il resta silencieux pendant toute la tirade de Clemens, essayant d’encaisser tout en sachant qu’il ne tiendrait pas indéfiniment. Qu’allait dire Clemens ? C’était ça qui le paniquait en réalité. Comment allait-il le présenter ? Cherchant son regard sans savoir ce qu’il allait y trouver, il y planta le sien. Quinn n’était plus furieux. Il était juste totalement paumé.

— J’ai confiance en toi. Mais l’inverse n’est pas toujours vrai.

Merde, c’était sorti tout seul.

— Je ne sais pas ce que tu penses de moi, tu me le dis pas, peut-être parce que tu ne le sais pas toi-même… mais le fait est que je ne sais même pas…

Les mots lui échappaient alors qu’il luttait pour garder un semblant de calme.

— Tu peux venir ici quand tu veux, tu ne m’y verras jamais accompagné. Jamais. Comment pourrais-je y inviter quelqu’un après ce qu’il s’est passé entre nous ? Est-ce que tu me crois sans cœur à ce point ? Tu crois peut-être que les sentiments, c’est pas pour moi !? Je peux pas t’en vouloir, j’ai cru la même chose pendant longtemps. J’en ai marre, Clemens. J’en ai marre que tu me voies seulement comme un queutard qui pense avec sa bite alors que je fais tout ce que je peux pour te prouver le contraire.

Il savait qu’il allait regretter ce qu’il venait de dire, mais il n’arrivait plus à s’arrêter.

— Et tu sais quoi ? Je suis jaloux. Je suis possessif et je le sais. Je sais aussi à quel point je n’ai aucun droit de l’être et c’est pour ça que je ne le montre pas. Ne crois pas que je ne tiens pas à toi… Je sais que tu me fais assez confiance pour me parler de ta famille et m’inviter chez toi, alors je viendrai. Mais je ne sais toujours pas quelle y sera ma place.

Dans un réflexe de fuite, Quinlan n’attendit aucune réponse de Clemens et alla s’effondrer dans le canapé, la tête dans les mains. La situation lui paraissait sans issue, tellement vouée à l’échec… C’était une impasse. Une putain d’impasse.

24/02/2007

Clemens avait beau être passionnel, explosif, ne pas savoir où était les limites, ses débordements ne duraient jamais bien longtemps. Une fois sa colère exprimée, il sentit déjà les battements de son cœur se ralentir progressivement. Le calme revenait et il allait - enfin - être capable d’écouter les mots de Quinlan et d’intégrer ce qu’ils voulaient vraiment dire. Toujours planté au milieu du salon, les bras croisés, mais dans une attitude moins crispée, il resta silencieux. Seuls ses yeux suivaient les mouvements du guérisseur, indice qu’il était bel et bien à l’écoute, malgré les apparences. Lui aussi s’était apaisé, mais ses mots n’en étaient pas devenus moins durs, quoique peut-être plus rationnels.

Les premières phrases le surprirent. Il n’était pas expressif, s’emmêlait avec ses mots et étaient presque incapable d’en mettre sur ses propres sentiments, ce n’était pas nouveau, et il pensait que Quinlan l’avait compris. Après tout, ce n’était pas leur première engueulade à ce sujet et l’Allemand se crispa à nouveau. Si c’était ça que son amant voulait voir changer, ils n’étaient pas avancés : globalement, Clemens n’avait rien contre, mais il ne savait simplement pas comment s’y prendre. Quant à la confiance, le sous-entendu était un véritable canular. Comme s’il fréquenterait un de ses profs s’il n’avait pas eu confiance en lui. C’était bien là que tout avait commencé d’ailleurs, le pacte de confiance.

Le reste tomba plus à plat sur un Clemens proprement interloqué. Il ne comprenait pas vraiment comment ils en étaient arrivés à s’engueuler au sujet de Anna et à dévier autant sur leur relation. A croire que l’explosif était armé depuis longtemps et avait explosé à cet endroit-là par hasard. Les paroles s’emmêlaient toujours plus dans sa tête alors qu’il essayait de les trier et d’y voir clair. Son aîné lui livrait des informations tellement contradictoires et inattendues qu’il ne parvenait pas à les interpréter. Il se fourvoyait tellement sur ce que l’étudiant pensait.

“So ein Mist, was soll ich denn dazu sagen?”

Son regard vogua dans la pièce pendant quelques dizaines de secondes. Il évita Quinlan tant qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il allait lui rétorquer. Enfin, ses yeux se posèrent sur le canapé et son occupant. Clemens leva les mains en signe d’impuissance et tenta une réponse d’une voix hésitante.

“Bien sur que si, j’ai confiance en toi. Et je ne te dis pas ce que je pense de toi parce que je ne le fais avec personne. Il ne faut pas croire que c’est de l’indifférence pour la cause, c’est juste… c’est juste que je ne trouve pas les mots pour. Je vais me forcer, là, maintenant, parce que de toute évidence, tu en as besoin. Mais n’attends pas de moi que je le fasse spontanément parce que je.ne.le.peux.pas.”

Le Sinistros s’approcha un peu et s’assit sur le tapis. Les coudes appuyés sur la table basse, il ferma les yeux comme pour se concentrer avant de commencer à parler.

“Je ne sais pas où on va, où ça nous mène tout ça. Mais je tiens à toi. Pas seulement pour les recherches ou s’envoyer en l’air. Ne me demande pas quel mot standardisé et conventionnel colle à la situation, parce que je n’en sais rien. Je ne sais même pas s’il y en a un. Mais tu es important, assez pour que je juge normal et indispensable que tu sois présent au Nouvel An.”

Ça avait été la partie la plus facile. Maintenant, il fallait répondre à ces autres reproches littéralement tombés du ciel et qui faisait étrangement échos aux autres. Clemens rouvrit les yeux et chercha tant bien que mal le regard noisette du guérisseur. Il se redressa un peu.

“Tu te rends compte du parallèle entre tout ce que tu viens de dire ? Tu me reproches de ne pas savoir ce que je pense de toi parce que je ne le dis pas, et que ça te rend dingue ? Et puis juste après, tu m’accuses de mal te juger alors que tu avoues de toi-même ne pas le dire ?”

Malgré un certain agacement sous-jacent, l’Allemand se donnait du mal pour garder une voix calme et raisonnablement douce. Il ne voulait pas retomber dans le cercle vicieux des reproches mais là, c’était l’hôpital qui se foutait de la charité. Il essayait lui aussi de montrer à Quinlan ce qu’il pensait, parce que le montrer était plus facile que le dire. Ça ne voulait pas dire qu’il pouvait sucer de son pouce tout ce qui pouvait seulement s’exprimer en mots.

“Et je n’en sais rien Quinlan, de tout ce qui se passe sous ton crâne. Comment est-ce que je suis sensé deviner que tu ne penses invraisemblable de ramener quelqu’un ici ? Tu crois que moi, je sais exactement ce que tu penses de moi ? Dis moi comment je serais sensé le comprendre ? J’ai une plus haute opinion de toi que ce qu’on raconte à ton propos dans les couloirs, ça ne veut pas dire que j’y reste complètement imperméable. Cette réputation, on sait tous les deux que tu la mérites au moins dans les grandes lignes.”

Il était biaisé, et il le savait. C’était plus simple de se rappeler constamment que Quinlan était un collectionneur qui ne s’attachait pas. Clemens ne doutait pas qu’il y aurait un jour une chute, où toute l’affection que le guérisseur pouvait lui apporter se transformerait un jour en lassitude. Il ne voulait pas se faire d’illusions.

“Oui, je crois que les sentiments ne sont pas pour toi. C’est ce que tu m’as fait comprendre, et ce que je sais de toi. Même si tu tiens à moi, combien de temps est-ce que ça va durer ? J’ai envie de parler en nous, de simplement dire que tu as ta place dans mon entourage parce qu’on est ensemble. D’envoyer les apparences se faire foutre d’ailleurs, et venir t’embrasser dans un couloir juste parce que pourquoi pas.”

Erika. Son visage flottait devant ses yeux depuis plusieurs minutes, déjà. Clemens avait aussi ses démons et ses blessures du passé dont il ne pouvait pas vraiment se libérer. Une bouffée de haine et de rage éclata dans son ventre quand il pensa à ce nom. Toute sa mansuétude et sa compassion, ses faux-semblants…

“Je n’ai pas envie d’être à nouveau le pigeon tombé amoureux quand il n’aurait pas du.”

C’était ça, le fond du problème. Il en avait parlé avec Anna, se l’était enfin avoué, l’avouait à Quinlan aussi. Il avait mis un premier pied sur ce chemin-là, il savait qu’il était incapable de s’en empêcher et la vérité ? Il était, lui aussi, mort de trouille.

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Ven 11 Sep 2015 - 11:02

C’était toujours la même chose, à croire que l’histoire se répétait. Ils passaient indifféremment du rire aux larmes, en moins de temps qu’il en fallait pour comprendre la transition, si tant est qu’il y en ait une. Quinlan ne savait pas exactement pourquoi il avait explosé ainsi en reproches, mais dans le fond, ce n’était peut-être pas plus mal. Trop de pression avait fini par le faire craquer, et une fois qu’il eut lâché tout ce qu’il avait sur le cœur ou presque, il alla se réfugier dans le canapé. Il en attrapa même la couverture pour se fourrer dedans comme un gamin boudeur.

Et pendant tout ce temps, il avait laissé Clemens se démerder seul pour essayer de comprendre ce qu’il se passait, pour essayer de décoder ses propres paradoxes.

D’abord, Quinn fut rassuré d’entendre que Clemens tenait véritablement à lui, même s’il n’avait toujours pas les mots. Une partie de Quinlan eut un rire narquois : tout aurait été tellement plus facile s’il avait été normal.

Et la suite le lui confirma. Si seulement il avait été un mec comme un autre avec une vision bien gentille et classique du couple, et aucune autre passion que celle de la pêche en haute-mer, tout aurait été tellement plus simple. Mais voilà, il n’était pas comme les autres. La plupart du temps, c’était pratique pour envoyer les gens se faire foutre. Mais quand on finissait par se rapprocher, par en vouloir peut-être un peu plus, c’était un poids dont on avait du mal à se défaire.

Alors même si elles lui faisaient mal, les interrogations de Clemens étaient légitimes. Quinlan n’était pas d’assez mauvaise foi pour ne pas le reconnaître. Combien de temps est-ce que ça allait durer ? C’était une question qui venait le hanter lui aussi, et il se détestait de la trouver réaliste.

Les mots de Clemens avaient trouvé leur cible, et pendant toute la tirade du Sinistros, Quinlan n’avait pas bougé, évitant autant que possible son regard. Il savait que s’il le regardait, il allait s’effondrer de nouveau en larmes et il en avait marre de sangloter une chose faible et fragile. Ce n’était tellement pas lui tout ça… à moins qu’il se soit menti pendant tout ce temps ?

Et puis vint la cruelle conclusion. Quelle ironie. Chacun pensait que l’autre n’en avait rien à foutre, que tout ça n’était qu’un jeu qui ne durerait pas, et qui n’avait même pas vocation à durer, et chacun espérait pourtant le contraire. Qu’est-ce qu’ils pouvaient être cons.

Les mots résonnèrent un moment dans le crâne de Quinlan avant de trouver son cerveau. Et paradoxalement, la réponse fusa avant même qu’il ait eu le temps de la penser.

— Bienvenue au club.

Repoussant la couverture, Quinn ouvrit ses bras, en espérant que Clemens voudrait bien le rejoindre. Plus que de lui hurler dessus, il avait besoin de le sentir contre lui. Il ne se faisait pas d’illusion pour autant : ils étaient encore loin d’en avoir fini.

24/02/2007

Parler l’avait soulagé, et c’était suffisamment rare pour être relevé. La plupart du temps, il se sentait forcé et dans une situation terriblement indélicate quand un ami venait gratter après ses opinions. Clemens considérait qu’elles lui appartenaient entièrement et qu’il les exprimeraient de lui-même quand il le jugerait bon. Ca n’arrivait que rarement, malheureusement, et l’obligation en était plus souvent la cause que le souhait. La tête appuyée dans les mains, assis près de la table basse, l’étudiant se sentait néanmoins plus léger. Ses mots étaient peut-être mal choisis, tout comme ceux de Quinlan l’avaient été, mais le gros du problème était sur la table. A présent, il n’avait plus qu’à le régler.

La réaction de son amant lui fit comprendre que ce ne serait pas si simple. Il souffrait visiblement aussi de ce flou artistique, mais encore une fois, il se réfugiait dans la fuite après avoir lancé l’affrontement. Tassé dans son canapé, avec cette phrase qui ne valait rien dire, si ce n’est qu’aucun des deux ne valait mieux que l’autre… Clemens l’observait avec un mélange d’inquiétude et de perplexité, curieux de voir si une quelconque réaction allait venir, de savoir si Quinlan pouvait s’exprimer aussi clairement qu’il l’exigeait de la part de son partenaire. Rien ne vint, si ce n’est une invitation que le Sinistros hésita à accepter.

La discussion lui semblait plus importante que les câlins, pourtant, il finit par se lever pour partager un peu de chaleur avec le guérisseur. Il glissa un bras autour de ses épaules et lova son visage dans son cou, sans rien faire de plus que chercher la tendresse. Il avait conscience d’avoir été dur, blessant même, et ce n’était pas la première fois. Entendre son aîné exploser et paniquer avant même de chercher à exprimer le problème le rendait sauvage. Il ne pouvait empêcher son sang de bouillir dans ses veines et de lui monter à la tête, brouillant son entendement. Maintenant, il pouvait raisonner, mais Quinlan avait fuit. Où était l’issue ?

“Tu vois, c’est pour ça que je ne voulais pas en parler trop tôt. Je ne voulais pas me fixer dans quelque chose de décidé, d’artificiel. J’ai besoin de trouver mes marques avant de pouvoir refléter sur moi-même.”

Son voyage, puis son retour à l’académie l’avaient aidé. Si leur relation n’était pas encore très claire, Clemens avait néanmoins été capable de faire le point après plusieurs rendez-vous. Il commençait doucement à cerner et à comprendre ses propres sensations - sentiments ? - et même s’il ne l’avouerait pas à son amant, Anna l’y avait indirectement aidé. Avec ses questions sur l’amour et les risques qu’on acceptait de prendre, l’Allemand avait réalisé la plus grande marge d’acceptation dont il faisait preuve face au guérisseur. Combien d’autres personnes n’auraient pas du se contenter d’une remarque cassante prononcée le dos tourné, alors qu’ils le regardaient s’éloigner ? Il se redressa un peu et chercha une nouvelle fois à accrocher le regard de Quinlan.

“Au fond, je ne sais rien de toi, Quin. On est passé de prof et étudiant aux confidences violentes puis à une déroute passionnelle. Je crois que la seule discussion normale qu’on ait eu, c’était dans le jardin. Et encore, on n’avait pas vraiment bien démarré.”

Un pauvre sourire se dessina sur son visage. Il n’arrivait pas à déterminer si c’était un constat désespérant ou au contraire, un symptôme typique de l’étrangeté de leur lien. Peut-être les deux ensembles.

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Ven 11 Sep 2015 - 16:33

C’était la même chose du côté de Quinlan : il avait accumulé trop de non-dits, trop de sous-entendus mal compris, trop d’attentes qui, faute de mots, n’avaient pas pu être comblées. Parler, même si ça prenait la forme d’une engueulade, avait cela de bon qu’au moins, c’était sorti.

Mais les mauvaises habitudes sont tenaces, et Quinn s’était réfugié dans le silence. Quelque part, il savait qu’ils étaient loin d’avoir fait le tour du problème, mais sentir Clemens près de lui, dans ses bras, ne serait-ce que quelques instants lui était nécessaire. Sinon, il ne savait pas comment il pourrait poursuivre.

À la première remarque de Clemens, Quinn ne put que hocher la tête. Oui, il savait qu’il avait été insistant sur ce point, mais ce n’était pas de gaité de cœur. Ce n’était pas une excuse, mais au moins il était rassuré. D’une certaine manière, il se sentait moins seul.

Pour la seconde remarque, le guérisseur ne put s’empêcher de rire doucement. Cela dura une fraction de seconde, mais ce fut assez pour le sortir de sa torpeur.

— Préparer la guerre des chaussettes, c’est pas ce que j’appellerais normal… mais soit.

Il déposa un baiser sur le front de Clemens, comme pour se donner du courage. Allez. T’as des trucs à dire, alors vas-y.

— …Tu peux venir ici quand tu veux, et tu n’y trouveras personne d’autre que moi. Les lieux sont maintenant trop empreints de ta présence pour que j’y admette quelqu’un d’autre. Donc c’est plus forcément la peine de prendre rendez-vous.

Bien sûr, s’il n’était pas là… Il n’était pas là, point. D’ailleurs, maintenant qu’il y pensait : s’il avait envie d’aller enfin s’encanailler, que devait-il faire ? Quelle attitude Clemens attendait de lui ? C’était une question des plus importantes pour Quinlan, mais il ne savait pas comment la poser. Car ne pas s’envoyer en l’air avec le premier venu dans son — leur ? — lit n’était pas réellement un sacrifice : c’était quelque chose qu’il faisait naturellement. Ça ne voulait pas dire qu’il n’avait pas envie d’une bonne dose de dépravation, chose dont il s’était privé pendant ces quelques semaines, par respect par Clemens, et surtout parce qu’il ne savait pas quelle réaction on attendait de lui à ce niveau-là.

— Je me doute que tu aimerais bien passer directement à la case ‘discussion normale’ mais je dois te demander encore un truc. Est-ce que tu veux savoir ?

Cette fois, il avait planté son regard dans celui de Clemens, en espérant qu’il comprendrait le sous-entendu et ne demanderait pas de précision de type ‘savoir quoi’ ? Il ne rêvait pas trop non plus, les sous-entendus n’étant pas vraiment leur fort… Peut-être qu’en enchaînant, Quinlan allait dissiper un quelconque malentendu ?

— Du peu que je sais de toi, ça n’a pas l’air d’être ton genre, mais si jamais ça devait arriver, si jamais tu… J’aime autant le savoir, le plus vite possible.

Après tout, un ‘accident’ était si vite arrivé, et puis il n’allait pas lui demander d’être exclusif quand lui ne l’était pas. Ça pouvait paraître normal et être la moindre des choses, mais Quinlan savait par expérience que c’était loin d’être évident pour tout le monde.

24/02/2007

Le câlin le revigora un peu, même si la suite dessina encore une différence. Qu’est ce qu’une conversation normale ? Pour lui, c’était une discussion où la détente était de mise, où on n’abordait n’importe quel sujet, même la guerre des chaussettes. Clemens avait voulu souligner que c’était la seule et unique occasion où ils avaient pu aborder des sujets légers sans se poser de questions. La seule fois où tout avait semblé se dérouler sans accroc, du moins, une fois les premiers drames étouffés. Pendant des retrouvailles si compliquées néanmoins, cela ne l’avait pas inquiété. Il se joignit tout de même au rire, il fallait avouer que ce passage là avait de quoi rendre perplexe l’observateur peu averti.

Son regard balaya la pièce. Les appartements de Quinlan avaient en effet subit une refonte depuis qu’il y venait régulièrement. Quelques détails y avaient été ajoutés, tant pour la décoration que pour le pratique. Clemens ne pouvait pas nier qu’il était à l’origine d’une grande part de ces transformations, mais… De là à dire que les lieux étaient imprégnés de sa présence ? Le choix de mots le surprenait trop pour qu’il parvienne à y réagir avec justesse, alors il préféra garder le silence. Il devait égaler intégrer l’implication directe de cette révélation. Il ne trouverait jamais son partenaire dans les bras d’un.e autre. Bien. Mais il ne savait pas si ça le rassérénait. L’Allemand hocha simplement la tête pour signifier qu’il avait compris.

Face à son silence, le guérisseur continua d’exprimer son propre ressenti. La question suivante le brula si violemment qu’il dut se faire violence pour ne pas briser leur étreinte et s’éloigner. Il se félicita mentalement de s’être perdu dans la contemplation du salon, car il n’aurait pu soutenir le regard de Quinlan. La jalousie lui nouait la gorge, lui rendait la langue pâteuse. Lui fit mal. Clemens ne s’était jamais imaginé que son aîné serait fidèle, et il savait qu’il ne pouvait lui demander de l’être. C’était peut-être la toute première promesse qu’il avait faite, celle de ne pas essayer de le faire changer. Pendant quelques secondes, il s’en voulut terriblement, et Quinlan continua à occuper la discussion.

Cette fois, l’étudiant leva clairement le regard vers lui, interdit. Les sous-entendus n’étaient déjà pas leur fort, alors si en plus, il se mettait à être aussi sibyllin…

“Attends, attends, si tu ne finis pas des phrases, je n’ai aucune idée de ce que je suis sensé te répondre.”

Il reprit deux secondes pour triturer la question dans sa tête, sans plus de succès que la première fois. Il enchaîna donc sur l’avis qu’on attendait de lui, avec une voix un peu hésitante qu’il ne parvint pas à libérer entièrement des accents de jalousie.

“Quant à moi… Je préfère savoir. Je ne veux pas être bercé dans une illusion d’exclusivité. Et je sais que je n’ai rien à exiger de toi, mais… De grâce, Quinlan, pas mes proches.”

Clemens détourna à nouveau le visage, sentant que la douleur et la jalousie brûlantes se melaîent dans ses yeux bleus. Il avait accepté ce pacte-là en avance, avant de penser qu’il pourrait vraiment s’attacher. Il était hors de question de revenir sur sa parole, néanmoins, il avait besoin de certaines limites, certaines choses qu’il savait ne pas supporter. Entendre parler d’une partie de jambes en l’air entre Quinlan, et Isolde… Ou pire, Luuna. Ou Freya. L’Allemand ne put entièrement camoufler un grondement au fond de sa gorge. Ils avaient beau ne plus être proche, elle avait été son premier amour, sa première fois, peut-être même sa relation la plus longue, maintenant qu’il y pensait.

Pouvait-il exiger cela ? Parce qu’il accordait de l’importance à son passé, était-ce le cas des autres ? Luuna semblait encore attachée à lui, et il doutait de la voir fondre pour le guérisseur, même avec tout son charisme. Mais qu’en était-il de Freya ? Ils n’avaient que quinze ans, à l’époque… Pourtant, l’imaginer elle soupirer entre… Il se crispa violemment. Non, il refusait même d’y penser, même si cela ne l’avançait pas beaucoup plus. Malgré la jalousie qui commençait déjà à le dévorer, il ne voyait pas comment se protéger, si ce n’était en donnant une liste noire à Quinlan… Ce serait tellement ridicule.

Ces drôles associations d’idées lui créèrent un autre pont mental. Soudainement, il comprit ce que le guérisseur avait sous-entendu sans oser le prononcer. Clemens se tourna vers lui avec une expression vaguement choquée, ou peut-être simplement étonnée. Il ne savait pas très bien lui-même.

“Je… Je crois que je viens de comprendre. Non ! Enfin, je n’aurais rien à te dire, ça n’arrivera simplement pas.”

Pour une fois, Quinlan l’avait jugé rapidement et correctement. Il n’était pas un collectionneur, ne l’avait jamais été, et ne comptait pas commencer. Il pouvait certes s’amuser à flirter un peu durant une fête ou l’autre, mais ça n’était déjà plus arrivé depuis quelques longs mois… Il ne risquait pas de s’y remettre prochainement, en plus de ça. Son humeur n’était pas vraiment à la fête, et qu’il se l’avoue ou non, il continuait à craindre le regard des autres

Sujet: Re: Tenue Correcte Exigée Sam 12 Sep 2015 - 11:22

Quinlan sentit Clemens se raidir dans ses bras, et malheureusement pas dans le bon sens du terme. Il savait que le sujet délicat de sa non-fidélité devait être abordé, et qu’il n’allait pas spécialement être agréable pour Clemens d’en discuter. Mais il le fallait bien. Le guérisseur eut au moins le courage de mettre ça sur la table, même si les mots semblaient toujours lui échapper un peu. Chose que Clemens lui fit remarquer, et à laquelle il répondit par un petit sourire gêné.

Mais déjà le Sinistros lui donnait enfin une directive claire : il voulait savoir. D’accord. Quinlan hocha la tête pour montrer qu’il avait compris, et qu’il était prêt aussi à respecter sa blacklist, aussi nébuleuse soit-elle pour le moment. Ses ‘proches’, ça restait un peu vague, tout de même… Il allait lui demander s’il avait des noms précis — il se doutait pour Isolde ou Rowan, mais y en avait-il d’autres ? — mais Clemens comprit enfin où il avait voulu en venir.

Franchement, Quinn ne savait pas s’il devait se sentir gêné ou flatté. Clemens ne lui avait jamais fait l’effet d’être quelqu’un de spécialement volage, malgré son apparente réputation de coureur, et il ressentit une pointe de culpabilité à l’idée d’avoir une exclusivité qu’il ne pouvait pas rendre. Cela dit, il était un peu envieux de Clemens : il avait l’air si sûr de lui. Quinlan n’allait pas lui dire, de peur de lui faire un affront, mais dans le fond, on n’était jamais sûr de rien, et on ne savait jamais. Dans le doute…

— Sinon, je te rassure, ça me ferait aussi un peu bizarre de flirter avec Isolde ou Rowan… Ou même Megan, même si j’avoue que l’idée m’a traversé l’esprit. Pour le reste, comme je ne connais pas bien tes amis, je pense que je vais juste me tenir éloigné de la ‘masse estudiantine’ pendant un moment.

Au cas où. Il était conscient d’avoir un passe-temps plutôt original et sujet à controverse : heureusement il pouvait encore séparer de façon assez nette sa vie avec Clemens de sa vie nocturne londonienne. Et à ce propos… Quinlan se racla la gorge, avant de reprendre la parole :

— Euh… le week-end juste avant les vacances, il y une soirée dans un club que je connais bien et je pensais y transplaner… Je voulais juste que tu sois au courant avant, d’où mes questions un peu gênantes…

Il ne demandait pas la permission, pas vraiment. Clemens avait le droit de dire que ça le faisait chier — même s’il n’en avait pas vraiment besoin, ça devait se voir — mais Quinn ne changerait pas d’avis pour autant. Il ne voulait pas blesser le Sinistros, mais il en avait fini de se retenir et de se brider. C’était comme une seconde nature pour lui, et tout le monde sait que chasser le naturel ne sert pas à grand-chose sur le long terme. Et puis, Quinlan commençait sérieusement à crouler sous le poids de sa frustration, un poids qu’il se refusait à faire porter à Clemens. D’autant plus que même si ce dernier lui passait tout ses caprices — ce qui serait sûrement loin d’être le cas — il y avait des choses qu’on ne pouvait pas faire en étant seulement deux.

À cette pensée, Quinlan parcourut le dos de Clemens d’une main caressante, avant de lui déposer un nouveau baiser sur le front. Il avait envie de le remercier, tout en se disant qu’il n’avait pas à le faire. À la place, il laissa sa bouche glisser le long de l’arête de son nez, jusqu’à presque cueillir ses lèvres. Il s’arrêta un instant avant, suspendu à quelques centimètres du visage du Sinistros. Et il se mit à sourire, les yeux brillants d’une joie à peine contenue.

— Je suis vraiment content que tu sois venu à ce cours.

24/02/2007

Il voulait savoir, même s’il avait conscience que chacun nouveau détail le blesserait un peu plus. Clemens était exclusif et veillait sur les siens avec ardeur, personne n’avait jamais échappé à cette règle. Maintenant, il allait devoir apprendre à laisser vivre Quinlan, le laisser s’abandonner à d’autres et cela le rendait malade. Il lui faisait confiance pour choisir ses partenaires avec soin, mais il avait vu avec quelle facilité on pouvait l’atteindre, malgré la façade inébranlable qu’il se plaisait à afficher. Le Sinistros ne pouvait déployer ses branches protectrices autour de son amant sans que ce soit perdu comme une enfreinte à sa liberté. Il devait réprimer ses propres réflexes et ne savait absolument pas pendant combien de temps il en serait capable.

Les mots coulaient sur lui comme s’ils ne l’atteignaient pas, alors qu’il se recroquevillait un peu plus dans les bras de Quinlan. Il voulait les noms, une partie des détails, tout en sachant que exciterait terriblement sa jalousie. Il ne pourrait s’empêcher d’en vouloir à ceux qui s’étaient en quelque sorte immiscé dans sa propre intimité. Clemens ne savait même pas encore quel degré de proximité il tolérerait entre les autres amants du guérisseur et ses connaissances. Certaines personnes, même éloignées de son entourage proche, avaient encore une valeur particulière pour lui. Il pouvait déjà s’imaginer des dizaines de raisons pour lesquelles une étreinte dépasserait ses limites.

Ses réactions ne dépassaient pas le stade du hochement de tête. Il n’avait rien à dire. Une soirée à Londres ? Très bien, il préférait ne pas s’imaginer le principe trop en détail, même s’il ne se mentait pas sur le thème de la soirée. Clemens savait qu’il ne s’agissait pas d’une demande d’autorisation, et même si ça l’avait été, il l’aurait donnée. Il était certes incapable de masquer l’étincelle de jalousie dans ses yeux, mais il savait tout de même qu’il n’avait pas le droit de l’être.

Le retour de la tendresse dissipa un peu sa crispation, et il ferma les yeux pour se détendre. La main dans son dos et leurs visages si proches appelaient tant au rapprochement, que l’étudiant ouvrit les yeux avec un peu de surprise quand il réalisa que le baiser ne viendrait pas. Quinlan le fit néanmoins sourire, la joie dans son regard appelant une lueur espiègle et heureuse dans ses yeux bleus. Clemens franchit la distance qui les séparait encore, l’embrassant avec délicatesse et douceur.

“Moi aussi.”

Il se laissa ensuite aller contre le fauteuil, cueillant le retour au calme. La tension et l’énervement qu’il niait depuis des jours s’envola soudainement, laissa la place au poids de la fatigue sur ses épaules. Clemens ferma les yeux à nouveau, et poussa un long soupir. Il était apaisé, mais épuisé. Malgré tout, il prit la main de Quinlan dans la sienne pour attirer son attention sur ce qu'il allait dire. Une de leur craintes n'avait pas encore été mise à plat.

"Tu sais, si tu appréhendes un peu le Nouvel An... Ca m'aiderait que tu me dises pourquoi. Et comment je peux organiser le début de la soirée pour que tu y trouves ta place."