[Event] Le banquet du maître des lieux

« Que t'arrive-t-il dans ta tête ? Tu êtes malade ou tu vouloir mourir devant le peuple ? » Benjamin laissa échapper un léger rire qui se voulait ceci dit être un peu tendu, son rôle l’exigeait. Il n'avait pas prévu que son amie vienne à son secours, il aurait pourtant dû le savoir après tout ce temps; c'était Novenka, et l'idée qu'elle ai pu laisser un être humain dans la galère n'était pas quelque chose d'envisageable. Le brun espérait néanmoins que les effluves ferreuses de son fluide vital aient pu atteindre les narines du stoïque personnage. Si ce fut le cas, il ne put relever aucune réaction, rien à part une indifférence magistralement gardée. Quel enfoiré celui-là. Vampire ou non, il ne l'appréciait pas; peut-être qu'il se trompait à son sujet, néanmoins, et peut-être que le famélique aristocrate était, au fond, un type agréable.

« J'analysais le fil de la lame, et je ne m'attendais pas à avoir quelque chose d'aussi affûté. Ou p't'être bien qu'je devient douillet avec le temps. » il sourit alors agréablement à son amie, après tout ce temps à l'avoir vu se blesser elle n'était toujours pas habitué, c'en était attendrissant. Avant qu'il ne puisse la rassurer avec l'amusement et la patience d'un grand frère pour l'occasion relégué au rang de cadet fragile, elle trébucha et se fit quasi aussitôt relever par son chevalier noir fendant l'opaque brume, monté sur son étalon aussi sombre que la nuit dont le yeux scintillaient et... bref. Une intervention pseudo-héroïque qui permit une nouvelle fois de vérifier que le jeune homme respirait sous le maigre effort que demandait l'aide à la yougoslave

« Oh anqu-... fit-t-il, toujours en Français, tandis qu'il se relevait par respect pour on amie, le champagne tape si fort que ça ou bien c'est la vue du sang qui te met mal à l'aise ? » il se fichait que l'aristocrate comprenne ou non, et il ne lui accordait pas un seul regard, visiblement un brin inquiet de cette soudaine chute. Le timbre de sa voix, ordinairement puissant, s'était fait plus douce et plus léger. L'espace d'un instant, le Sinistros songea à se retirer, mais fut rapidement rattrapé par la vision du grand pâlichon, et puis ils n'avaient pas pu terminer leur conversation et le brun était curieux d'amasser de nouvelles informations, puisque Westminbrook n'était pas le seul individu suspect sur sa liste de personne potentiellement méritante de trouver le repos éternel. Il se calma donc, se rasseyant uniquement après Novenka.

Le français releva sa manche et prêta brièvement un oeil à sa montre, elle n'était pas rutilante et n'était faite que d'un métal de la couleur de l'airain quelconque mais elle avait l'avantage de donner l'heure exacte, c'était déjà ça. Il n'était pas si tard, mais il avait faim. Un faim de sinistros. Néanmoins, seuls ses yeux purent goûter aux mets présentés et il réprima un léger soupir qu'il estompa avec un petit bâillement étouffé du revers de sa main intacte, serrant le poing de l'autre pour maintenir sa compresse improvisée.

Analyser un couteau comme s'il s'agissait d'une pauvre pièce d'un service non affuté. Benjamin était un piètre menteur, on ne met pas sur la table des couteaux qui ne coupent pas. Novenka se garda tout de même cette réflexion pour elle même, le gratifiant seulement d'un regard ostentatoire et fâcheux.
La chute réveilla en elle, la fatigue lancinante qui la torturait depuis le milieu de la soirée. Les doigts froids de Rowan se posèrent sur elle comme une douce caresse du vent un soir d'hiver. Elle se releva grâce à lui et se tourna doucement pour lui faire face. Elle remit une mèche de cheveux, tandis que son autre main agrippait encore son bras.

« Je suis navrée de t'infliger une nouvelle frayeur. »

Murmurer avec tact et délicatesse, Novenka oublia l'espace d'un instant, l'endroit où elle se trouvait. Plaisant à regarder les iris céruléens de son compagnon du soir. C'était Benjamin qui la réveilla avec sa question sur l'alcool ou la vue du sang. Elle se retourna doucement sans lâcher le vêtement de Rowan. Elle le regarda en clignant des yeux plusieurs fois, puis elle fixa Rowan.

« Je suis juste fatiguée. »

Elle baissa les yeux vers le sol. Elle sentait qu'elle ne tenait pas bien sur ses escarpins qui lui brulaient le haut du talon. Elle fit un pas en arrière, et comme elle s'y attendait son talon de chaussure céda. Dans un soupire las, elle lâcha enfin l'héritier Westminbrook pour retirer ses chaussures. La soirée n'était pas la meilleure de sa vie et la fatigue mêlé à l'inquiétude n'arrangeait pas les choses. Elle perdit plusieurs centimètres, et se surprit à penser que Rowan était plus grand que dans son souvenir. Elle prit ses chaussures dans une main, et déposa un baiser sur la joue froide de l'aristocrate.

« Je te remercie d'avoir pris la peine de me répondre, tes explications ont été douces et je me fais moins d'inquiétude au sujet de Chauncey. » Elle fixa néanmoins la porte battante derrière Rowan. « Je vais tout de même aller fouiller un peu le château avant de retrouver mon édredon. » Elle essuya la marque de rouge à lèvre qu'elle avait laissé avec le pouce. « Je te souhaite une bonne soirée et une douce nuit, Rowan. »

Elle porta enfin attention à son ami français qui, comme à son habitude, jouait de sa nonchalance. Elle posa un léger baiser sur son cuir chevelu.

« Quant à toi, arrête tes bêtises. »

Elle lui tapa gentiment l'épaule, et pieds nus elle quitta la salle avec la ferme attention de retrouver Chauncey. Laissant Benjamin seul avec Rowan... Etait-ce une bonne idée ? Ils se quitteraient sûrement plus vite que ce qu'imaginait Novenka.
Le doux besoin de sombrer dans les bras de Morphée confortablement enfoncée dans son lit, était plus vital que nécessaire. Mais d'abord, trouver Chauncey... Commençons par la cafétéria.

D'une oreille distraite, peu concernée par les déboires liés à un malencontreux couteau, Rowan avait écouté les allégations du dénommé Corvin. Les détails de l'affaire, menée d'une voix pourtant agréable et tendre, confirmèrent la futilité de la chose et son propre manque d'intérêt. Les maladresses sommaires semblaient être des vestiges usuels de l'humanité avérée des uns et des autres. Lui-même n'était pas intouchable sur ce point : il lui suffisait de considérer avec égayement ses risibles frasques lorsqu'il osait toucher un balais.

De toute évidence, le vol n'avait jamais été sa tasse de thé. Pas plus que les lames, visiblement, pour ce pauvre Benjamin. Où le parquet, avec Novenka.

« Ce sont des choses qui arrivent, surtout avec un sol excessivement ciré. Ne te tracasse pas. » Sa voix s'était élevée avec lenteur, espérant ainsi apporter un soupçon de réconfort à l'étudiante d'Abraxan. De la sollicitude. De la douceur. Des sentiments d'autant plus exacerbés qu'il sentait entre eux ce lien étrange ; ce bourdonnement de la réalité à la limite du raisonnable et du logique. À moins que ce ne fut l'emprise d'une main gracile sur son bras, qui provoqua tant de méandres incertains ?

Cet interstice ne dura pas plus que quelques instants ; dès lors que la jeune femme s'esquiva de sa proximité, le monde retrouva sa constance... Et ses duretés. Elle était épuisée ? L'ancien Serpentard acquiesça avec précaution, apte à reconnaître aisément de telles confessions. Surtout au sein d'une soirée qui n'avait eu d'ordinaire que les apparences.

L'embrassade vivement portée à sa joue parvint néanmoins à le déstabiliser. Provoquant un semblant de chancellement, aussitôt maîtrisé avec une volonté implacable – qui se savait curieusement épiée par quelques spectateurs avides de rumeurs. Et, loin derrière la nonchalance de ses traits, orchestra une discordance des battements de son cœur.

Bon sang. Lui aussi était éreinté. « Je t'en prie, Novenka. » Préoccupé, même, par des considérations davantage problématiques. « Reste vigilante, et passe une belle nuit. » Des devoirs pernicieux et détestables. Urgents.

Une fois sa compagne de mésaventure éloignée, Rowan dirigea ses iris céruléennes et inquisitrices vers son interlocuteur. « Et bien, je me permets de vous gratifier une nouvelle fois du contentement que j'éprouve à votre rencontre. Par ailleurs, j'espère que les appartements de Sinistros conviennent à vos usages. » L'ombre d'un sourire glissa brièvement sur ses lèvres. « Si jamais vous avez besoin de mes services, n'hésitez pas. En tant que président de confrérie, je suis à votre entière disposition. » Au loin, la silhouette d'Isia attira son regard. « Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de soirée. » Il s'inclina respectueusement, puis, usant de sa maîtrise aristocratique, quitta cet espace pour un autre.

À l'écart de la foule et des tables. Damoiselle Neige. Isia.