Saloperies de Grimoires

24/02/2007

La proximité lui faisait du bien. La chaleur et la force de Quinlan agissait sur lui comme une barrière contre le monde extérieur, contre les enjeux et les déceptions. Son quotidien s'était complètement envolé alors qu'ils se tenaient enlacés, tout juste maître d'eux-mêmes. Clemens se délectait de cette intimité qu'il n'avait plus connue depuis si longtemps. Son rapport à son propre corps n'avait été que douleurs depuis le printemps et il réalisait tout juste combien cela lui avait manqué. Il redécouvrait des sensations qui se mêlaient à des réflexes nouveaux. C'était une autre forme de nouveau départ. Le gémissement puis le murmure du guérisseur firent écho dans sa tête, témoins du désir qui s'éveillait. Il frissonna à nouveau, sans rien dire, mais sans chercher à se dégager non plus.

« Si on se lance sur qui a maltraité qui, alors je crois que je dois également plaider coupable. »

Après tout, ils s'étaient mutuellement poussés dans leurs retranchements et forcés à la confidence. Ils avaient agis comme deux béliers essayant de se repousser sans rien provoquer d'autre qu'un rapprochement toujours plus important. Deux hommes fiers et qui se voulaient infaillibles, qui n'avaient pas eu d'autres choix que de s'avouer leurs vices et leurs faiblesses. Clemens se lova encore un peu plus contre son aîné, alors que le mordillement de son oreille le faisait bouillir intérieurement. Il refusait de perdre le contrôle, pas maintenant, quand de trop nombreuses pensées rationnelles rageaient encore dans son esprit. Les doutes brisaient encore et toujours ses montées d'adrénaline. En un sens, il aurait du partir et s'éclaircir les idées, faire le point. Sauf que ça aurait exigé de lui une force qu'il n'était pas sur de posséder.

Pourtant, il fut déçu lorsque Quinlan rompit l'étreinte. Il rouvrit les yeux et chercha le regard du guérisseur, incertain de l'attitude à adopter. Son cœur battait avec force dans sa poitrine alors qu'ils se retrouvaient face à face, dans une situation cependant inédite. Les lèvres qui frôlaient presque les siennes, la caresse d'une main sure dans sa nuque, la chaleur étrangère qui irradiait son propre corps. Contrairement à sa volonté, Clemens commençait à perdre pied, à s'abandonner à ces sensations à la fois si familières et complètement inconnues. Ses mains remontèrent lentement le long du dos de Quinlan, dans une caresse légèrement crispée par une tension incontrôlée. Ses yeux bleus glissaient sur chaque détail de ce visage si proche, comme fascinés.

L'Allemand ferma les yeux. Il écouta un instant le battement puissant de son cœur, si fort qu'il lui donnait l'impression de vouloir s'échapper. A l'aveugle, il revint chercher un baiser, se redressant juste un peu pour que leurs deux visages se rejoignent enfin. Il hésita moins que la première fois, mais prit son temps, jouant avec douceur. Il n'aurait pu dire si la tension s'évacuait par ce geste ou au contraire, montait encore. Ses lèvres quittèrent finalement la bouche de Quinlan, glissant le long de son cou, s'immobilisant à la naissance de l'épaule. Il souffla son plaisir, puis s'écarta à nouveau.

Il observa son partenaire un instant, puis sourit, l'air un peu désabusé. Il avait la volonté de dire quelque chose, sans savoir par où commencer. Il ouvrit la bouche puis se ravisa et soupira. Finalement, il rit un peu pour lui-même.

« J'ai l'impression d'avoir dix-sept ans. »

Une lueur amusée dansait dans ses yeux bleus, ça pouvait paraître ridicule, mais pas si éloigné de la vérité. Il se tenait là, à moitié allongé sur un canapé, enlacé avec quelqu'un qui le fascinait, tout en essayant de mettre des mots sur des sensations qui lui flambaient l'esprit. Une de ses mains quitta le dos de Quinlan pour remonter s'engouffrer dans ses cheveux. Oh et puis au fond, qu'est ce qu'on en avait à faire, des mots ? Il n'avait rien d'autre à demander, là, maintenant, dans cette étreinte qui était pourtant tout sauf simple.

Le câlin ne fut pas rompu bien longtemps. Quinn ne comptait pas laisser partir Clemens si facilement. Il voulait juste le regarder en face, c'est tout. Sa main glissant dans son dos fit frissonner Quinlan, qui se rapprocha jusqu'à poser son front contre le sien dans un demi-baiser. Ils restèrent un moment en équilibre avant de basculer à nouveau. Ce fut un de ces baisers doux, pleins d'une lenteur calculée et loin d'être désagréable, des baisers que Quinlan affectionnait et qui étaient devenus trop rares pour lui. Trop souvent avec ses conquêtes, un simple baiser était un moyen plus qu'une fin, juste un hors d'oeuvre. Les baisers de Clemens étaient si différents, si intenses que Quinn avait la sensation qu'il pourrait en sortir repu, sans rien demander d'autre.

Les lèvres de Clemens abandonnèrent les siennes pour aller se nicher dans son cou, lui arrachant un soupir au passage. Jamais Quinn n'aurait cru qu'on pourrait le mettre dans tous ses états avec si peu. Il pensait avoir passé l'âge, avoir vécu trop de choses pour que ce soit encore efficace. Il était du genre à avoir besoin de plus que ça… Ou du moins c'était ce qu'il pensait.

Alors, quand Clemens lui avoua se sentir comme un ado, il rit également.

— Dix-sept ans, pour toi, c'était hier !

Son rire se mua en un large sourire où ses yeux brillaient.

— Et puis, dix-sept, t'es gentil. Je dois en avoir quinze là. Ouais, je suis précoce.

Qu'il soit capable de plaisanter compte tenu des circonstances était un excellent signe. Gardant ce je-ne-sais-quoi qui illuminait son regard et son visage, il serra Clemens contre lui, un peu plus, comme si sa vie en dépendait, et se pencha en arrière jusqu'à être complètement allongé. Il l'imita en plongeant lui aussi ses doigts dans la tignasse de l'autre, beaucoup plus jouissive à caresser que la coupe désespérément courte de Quinlan.

Allongé avec Clemens sur lui, il se prit à caresser ses cheveux de sa main droite et à longer la ligne de sa colonne vertébrale de l'autre main. Il ne fit rien de plus. Il n'en ressentait pas le besoin, quoi qu'en dise son corps, et n'avait de toute façon pas envie de traiter Clemens comme n'importe lequel de ses plans cul. De toute façon, il doutait qu'il soit d'accord.

Le regard de Quinlan se posa un peu par hasard sur les grimoires, toujours présents. Ils pouvaient bien les insulter, rager dessus, avoir envie de les brûler, ces amas de parchemins avaient eu une influence plus grande qu'ils n'auraient pu l'imaginer. Si tant est qu'un grimoire puisse imaginer quoi que ce soit. Dans le cas de celui de Clemens, ce n'était pas exclu après tout.

Les yeux de Quinn sautèrent ensuite jusqu'au Docteur, qui était en train de s'endormir sur une étagère. Il ouvrit grand les yeux en sentant ceux de son humain sur lui, et miaula faiblement.

— Depuis quand j'ai besoin de la bénédiction d'un foutu chat, sérieux…?

Ce n'était qu'un murmure, mais il était définitivement amusé. Ne se sentant pas insulté le moins du monde, le Docteur se terra de nouveau dans ses pattes avant et s'endormit. Caressant toujours les cheveux de Clemens dans un câlin qui durait beaucoup trop longtemps, Quinlan se sentit partir aussi. Il ferma les yeux, profitant de ce câlin qui était l'exception à la règle : Quinlan détestait les câlins.

24/02/2007

Clemens rit volontiers à la remarque, accrochant le regard de Quinlan d'un air espiègle.

« Certes, mais je ne pense pas que tu aurais apprécié la version des dix-sept ans. Petit con insolent entouré de sa cour de fans hallucinés... »

Il fit une courte pause pour écouter la remarque du guérisseur, et rit à nouveau.

« Note que l'insolence, ça n'a pas vraiment changé. Mais je comprends mieux maintenant, j'ai toujours eu un truc pour les gens plus jeunes... »

Allongé contre Quinlan, il profitait lui aussi de ce moment en apparence simple, partage d'une tendresse qu'aucun d'eux n'aurait cru trouver ensemble. Son intérieur dansait de sensations étonnantes, tandis que la chaleur de son aîné se répandait dans tout son corps. Clemens ferma les yeux, laissant une main courir le long du bras musclé du guérisseur, en une caresse fine et discrète. Il laissait la situation le submerger, noyé sous la conviction que ce moment avait définitivement quelque chose d'unique et qu'il ne se répéterait pas le lendemain. La valeur se trouve dans la rareté, mais comment la gérer pour quelque chose de si intense, qui rendait presque dépendant ?

Quand il rouvrit les yeux, ce fut pour découvrir le regard de Quinlan ailleurs, posé sur les grimoires. L'Allemand suivit le geste, soudainement perplexe. Il en avait presque oublié qu'ils étaient venus ici pour travailler sur leurs recherches et s'aider sur quelques points communs. Ils avaient partagés leurs théories, mais leurs travaux en soi n'avaient pas vraiment avancé, sans compter le décryptage des traités qui eux, restaient toujours aussi insolubles que la nuit précédente. Cependant, l'esprit ronronnant et apaisé de Clemens recommençait à faire des associations d'idées complètement loufoques. Et de passer de leurs recherches à une sorte d'union tout à fait…

Le miaulement le fit presque sursauter mais eut le démérite d'interrompre sa réflexion naissante. Il sourit au murmure amusé de Quinlan et se laissa glisser sur le flanc, afin de pouvoir enveloppé son aîné dans ses bras. L'homme fort, flamboyant et sulfureux qu'il prétendait être se donnait tant à leur câlin que Clemens commençait à s'en vouloir d'être sur le point de l'interrompre. Son regard se posa sur le Docteur, essayant de trouver une excuse pour garder sa réflexion personnelle encore un moment. Le chat endormi semblait à présent tout aussi apaisé qu'eux, comme si une connexion particulière le reliait intégralement aux états d'âmes de son maître. Quel drôle d'animal…

« Quinlan… ? »

L'étudiant avait simplement murmuré, laissant le guérisseur sortir de sa transe, sans le brusquer. Il attendit que le regard noisette croise à nouveau le sien avant de continuer.

« Est-ce que tu sais si les morsures de loup-garous affectent les animaux ? Et par extension, si elles pourraient affecter les Animagus… ? Ou les autres 'créatures humaines' ? »

Son regard flottait de Quinlan aux grimoires, alors que le repos aidait de nouvelles pièces à se mettre en place dans son esprit. Il était reparti sur des questions d'essence, et il se demandait comment il avait pu ne pas y penser plus tôt. Depuis le début, ils s'intéressaient à la source, au problème de base. Mais les conséquences ne pouvaient-elles pas aussi renseigner sur la cause… ?

Quinn haussa les sourcils. Peut-être qu'il n'aurait pas aimé la version plus jeune de Clemens, effectivement, mais il n'allait pas le lui dire. Du moins, pas de cette manière.

— Ouais ça n'a pas vraiment changé hein, et pas que pour l'insolence… Petit con, tu l'es toujours (je dois te rappeler le cours que tu m'as pourri ?) et je parie qu'avec ces yeux et ces muscles tu dois encore avoir un paquet de groupies qui te courent après.

Pas qu'il fut jaloux, cela dit. Il en était presque même flatté, et heureux pour Clemens d'avoir autant de succès. Mais il restait quand même un petit con insolent. Point. Quant à Quinlan…

— Je ne savais pas que tu fantasmais sur les appareils dentaires et les boutons d'acné.

S'il avait pu voir Quinlan quand il avait quinze ans, Clemens aurait sûrement couru dans la direction inverse. Le guérisseur avait toujours eu des yeux magnifiques, mais pour le reste… Le monosourcil et la gueule de pizza, c'était quand même pas terrible.

Lointaine était cette époque pourtant. Quinlan soupira, en se disant que même s'il n'était pas encore croulant, il n'était plus tout jeune. Contrairement à Clemens, qui ne devrait même pas se sentir aussi vieux lui-même. Cette blessure l'avait fait grandir trop vite et il avait l'air de se considérer totalement adulte alors qu'il n'avait que vingt ans.

Ce dernier se glissa sur le côté, et Quinn lui laissa un peu de place pour le faire, sans pour autant rompre l'étreinte. Il avait encore envie de le sentir contre lui et de caresser sa peau nue, surtout qu'il n'allait pas tarder à avoir froid, une fois que l'effet des huiles serait passé.

Apparemment, ça n'avait pas l'air de le gêner, pas encore, puisqu'il enchaîna sur autre chose. Pile quand Quinlan allait s'endormir… Bon, ok. Il rouvrit les yeux, et tourna la tête vers Clemens, lui faisant signe de parler. Ce qu'il dit alors l'étonna.

— Je ne sais pas avec certitude, mais je ne pense pas non. Si on continue à utiliser ton axiome de l'essence, ça voudrait dire que la lycanthropie cible principalement l'essence humaine prototypique sorcière. Un moldu attaqué meurt dans 99% des cas, ce qui vient renforcer l'idée que moldus et sorciers, même s'ils sont très proches génétiquement au point d'être capables de se reproduire entre eux, ont une essence différente. Reste à savoir ce qu'il se passe avec les nés-moldus et les cracmols.

Quinlan se perdit dans ses pensées un instant, tout en se disant que sa théorie ne tenait pas la route. Comment se faisait-il que les sorciers étaient capables d'utiliser la magie et pas les moldus ? Où était la différence, et où se situaient les ponts qui permettaient de passer de l'un à l'autre ? Reparti en mode recherches intensives, Quinn s'arrêta un instant, juste le temps de faire remarquer quelque chose à Clemens.

— Je te préviens : si ça va plus loin et que tu me sors des questions à 10 000 gallions alors qu'on s'envoie en l'air…

Il fit une pause, et se rendit compte que ce qu'il allait dire n'était pas tout à fait vrai. Il rectifia.

— …Je vais y répondre, en fait. J'en serais capable. Je suis plutôt multitâche.

Quinn fronça les sourcils, rendu perplexe par son propre cheminement de pensée. Et il se mit à rire. On aurait pu croire qu'ils allaient travailler ET s'envoyer en l'air ensuite, mais s'ils étaient capables de faire les deux, pourquoi s'en priver ?

24/02/2007

Clemens jeta un faux regard offusqué à Quinlan lorsqu'il lui re-balança son insolence dans la tronche. Il ne le faisait pas exprès, en réalité, c'était juste que la curiosité et le besoin de savoir prenait toujours le pas sur tout le reste. La hiérarchie, les conventions, c'était tellement surfait et autant de barrières qui empêchaient de progresser. Il était persuadé que seul le respect était important, et il était d'ailleurs tout à fait capable de reconnaître qu'il pouvait être un petit con sans expérience. Néanmoins, il était incapable de se laisser réduire au silence par une espèce de patate toute grossie de son autorité. Sérieusement.

« Ose venir me dire que tu ne l'as pas aimé, ce cours ! Tu serais mort d'ennui si je n'avais pas été là. »

Le sourire radieux qui souligna cette phrase ne pouvait être perçu comme quoique ce soit d'autre que provocateur.

« Quant aux groupies, c'est possible. Mais c'est comme pour tout le monde, si elles n'ont pas au moins deux gouttes d'esprit, elles sont inexistantes. »

En plus d'être insolent, il se donnait même le luxe d'être sacrément exigeant avec son entourage. En contrepartie, il n'avait strictement aucunes limites pour ses amis. Si Isolde lui avait envoyé un hibou en lui demandant un coup de main pour aller enterrer un cadavre, il n'aurait même pas hésité une seconde. Par contre, il aurait sans doute posé un paquet de questions. On était curieux ou on ne l'était pas. Amusé par cette pensée, Clemens laissa glisser un doigt sur le visage de Quinlan, débarrassé de toutes les impuretés d'une adolescence depuis longtemps révolue. A quinze ans, nul n'avait un visage parfait. Ça ne l'avait jamais particulièrement dérangé… D'autant qu'à l'époque, c'était tout de même plus sa réputation de joueur qui le rendait populaire, plutôt que sa belle gueule.

Heureusement, il avait toujours eu un esprit plutôt vif, surtout depuis que Rowan s'évertuait à lui mettre du plomb dans la tête et à l'intéresser à des domaines moins pratiques et rocambolesques. En un sens, ça n'avait pas aidé son entourage, car plus il découvrait des sujets sur lesquels il pouvait rebondir, plus ses associations d'idées devenaient farfelues. C'était déjà fatigant pour lui certains jours, alors pour ses interlocuteurs… Il n'osait même pas imaginer. C'était d'ailleurs sans doute ce que devait ressentir Quinlan en ce moment précis, tiré de son demi-sommeil par les élucubrations d'un jeunot trop passionné pour rester oisif.

La réponse de son aîné le laissa songeur une minute. Avant même de partir sur les humains magiquement modifiés, songer aux moldus et aux cracmols aurait été beaucoup plus logique. Encore un signe qu'il connaissait décidément bien mal les loups-garous.

« On entre dans un débat encore plus complexe, là… Est-ce que qui que ce soit a déjà fait des recherches à ce sujet ? »

La question était un peu rhétorique. Il se doutait bien qu'au vu de l'intérêt que la majorité des sorciers portaient aux moldus, le sujet n'avait jamais été très approfondi, sinon, la communauté magique en aurait forcément entendu parler. Certains spécialistes des moldus avaient bien du se poser la question, mais il n'aurait pas été particulièrement étonnant que les différents Ministères de la Magie réprouvent la démarche et s'arrangent pour la censurer. Quinlan rompit le silence. Clemens resta un instant interdit. Puis il éclata de rire. La tête appuyée contre l'épaule du guérisseur, il eut besoin d'une belle poignée de secondes pour retrouver son sérieux.

« Quand on voit ce que ça donne alors qu'on essaie juste de travailler… Ça m'étonnerait pas, en fait. »

Mais chaque chose en son temps. Là il était bien, détendu, sans la moindre idée de ce que pourrait être ce 'plus loin' ni comment il en viendrait à se développer. L'évolution d'une potentielle relation avec Quinlan était encore assombrie par de trop nombreuses questions sans réponse et tant qu'elles le restait, Clemens se refusait à parier sur l'avenir. Ce qui était significatif en soi, vu qu'il pariait à peu près sur n'importe quoi. Son visage s'assombrissait peu à peu, alors que le trouble s'insinuait petit à petit dans ses veines. Il relança la machine à questions, histoire de se redonner contenance.

« Donc si la lycanthropie ne touche que les sorciers… On a affaire à une nouvelle essence que je n'avais pas envisagée. L'essence humaine en soi ne suffit pas, il y a l'essence humaine magique et humaine non-magique, quelque part. Si on part dans une telle théorie, on risque de se retrouver avec une sacrée paire de complications sur les bras. »

L'Allemand eut un geste d'agacement, puis se laissa retomber contre Quinlan avec un soupir. Leurs recherches étaient décidément loin d'être abouties.

Quinlan se marra en voyant la tête faussement indignée de Clemens. Cette fois il avait compris que c'était une blague, et que l'étudiant en jouait volontiers. Et puis, ce qu'il dit n'était pas stupide : Quinn se serait fait chier comme un véracrasse mort si ce n'était la présence de Clemens et de ses questions moisies. Quant aux groupies… la remarque fit sourire Quinlan de façon presque niaise. Il était flatté.

— Cérébral jusqu'au bout hein ?

Ça promettait d'être drôle, très drôle même. La preuve en était que même allongés à se faire des papouilles comme un couple d'ados, Clemens trouvait le moyen de repartir sur les questions qui l'agitaient. Des questions d'ordre science de la magie et métamorphose, bien sûr. Quinlan fut surpris, mais lui répondit : ça ne servait à rien d'essayer de temporiser ou de faire taire un esprit comme celui de Clemens. Ou du moins, d'essayer de le faire de façon frontale. Et puis, il n'y avait aucun mal à se concentrer de nouveau sur ce qui était censé les réunir de prime abord : le TRAVAIL. Cette vieille rengaine périmée.

La question de Clemens amena Quinlan à se poser la question de la différence entre sorciers et moldus, un point qu'il souhaitait aborder dans sa thèse, sans pour autant savoir comment, ni sans vouloir trop s'apesantir dessus. Il en avait simplement besoin pour expliquer que si sorciers et moldus étaient vu comme étant de la même espèce, alors il n'y avait pas plus de raison de faire une différence entre sorciers et loups-garous, ou sorciers et vampires. Capillotracté, mais ça pouvait se tenir. Sa démarche était juste totalement biaisée parce qu'il partait des conclusions qu'il voulait obtenir mais ça… Le problème était que personne n'avait fait de recherches là-dessus, et que personne n'était près d'en faire. Ils n'auraient sûrement pas assez d'une vie et de deux cerveaux pour répondre à toutes leurs interrogations, mais ils pouvaient au moins mourir en essayant. C'était une perspective qui n'était pas déplaisante, en fait.

Un peu comme celle d'avoir ce genre de conversations en plein acte. Ça allait leur tomber sur le coin de la figure, tôt ou tard. Et le fait que Clemens ne renvoie pas à la tronche de Quinlan le fait que ça n'irait peut-être pas plus loin que le câlin passionné et habillé sur le canapé avait rassuré le guérisseur. Ce n'était peut-être pas complètement mort, en fait. Oui, même après tout ce qui venait de se passer, le pessimisme de Quinlan lui faisait penser qu'il n'y aurait rien de plus. Quand on est pessimiste, on n'est jamais déçu.

Du coup, de nouvelles images lui vinrent à l'esprit, du genre de celles qui n'arrangeaient pas la fiesta d'hormones dans son pantalon. Légèrement incommodé, Quinlan bougea son bassin en espérant que ça ne gênerait pas Clem outre mesure. Il avait déjà dû s'en rendre compte de toute façon, en comptant les hauts et les bas, ça devait bien faire une heure que Quinn était 'prêt'.

Mais retour à la lycanthropie et à l'essence.

— À vrai dire, j'ai peut-être sorti une connerie. Je crois que la lycanthropie touche les moldus, seulement ça les tue au passage. Comme s'ils étaient incapables de supporte la magie. Je ne sais pas du coup si on peut parler d'essence vraiment différente…

Ce qui l'emmerdait un peu pour sa thèse mais soit.

— Sinon, on ne peut pas expliquer les nés-moldus et les cracmols. Il y a peut-être quelque chose dans les gènes, encore qu'il faille étudier plusieurs familles. Vu le tabou autour des cracmols et l'interdiction de parler du monde sorcier, ça aussi, ça relève de l'impossible.

Ils étaient plutôt ambitieux dans leurs recherches, peut-être un peu trop. Ils n'en verraient pas le bout s'ils ne se donnaient pas une ligne à suivre dès le départ.

— Après, pour la lycanthropie sur un vampire ou un animagus, ce serait rapidement vérifiable avec des expériences. Mais faudrait être cinglé pour faire ça. Peut-être même que ça a déjà été fait… C'est aussi pour ça que je creuse du côté de la magie noire en fait.

Dit-il, tout en déposant un baiser sur le front de Clemens et en lui caressant le cuir chevelu. Leur relation promettait d'être… Elle promettait. C'était déjà pas mal.

— Tu n'as pas froid ?

Quinlan s'inquiétait pour Clemens : il était venu avec un pull qu'il n'avait retiré que pour se faire masser et le massage était fini depuis un moment déjà. Ce serait con qu'il tombe malade alors qu'il était venu voir un guérisseur…!

24/02/2007

Plus passionné que cérébral, en réalité. Il n'était pas dans la réflexion en toutes situations, et le passé avait largement prouvé que Clemens pouvait être très con. Surtout quand l'alcool venait jouer un rôle dans l'affaire. Néanmoins, il s'attachait tellement aux personnes qui éveillait son esprit et sa curiosité, qu'il n'avait plus de temps pour les relations superficielles. Ça avait encore été partiellement vrai du temps de Poudlard, mais la maturité aidant, il s'en était de plus en plus détaché… et surtout, il n'avait rencontré des gens intéressants que vers la fin de sa scolarité. Ou peut-être était-ce seulement qu'il n'avait su les reconnaître qu'à ce moment-là ? Difficile à dire. Il se contenta de hocher la tête d'un air approbateur en guise de réponse à Quinlan. Il était inutile de se lancer sérieusement sur leurs adolescences.

Clemens logea sa tête dans la nuque de son aîné, conscient que cette étreinte devait exiger de lui une bonne dose de contrôle. Une petite voix au fond de sa tête lui soufflait de se relever, de remettre son pull et de retourner s'installer dans un fauteuil. D'établir à nouveau une distance physique, à défaut de pouvoir retrouver une distance émotionnelle. Mais il n'en avait pas le courage. Même à travers un t-shirt, l'Allemand pouvait sentir la chaleur de Quinlan l'irradier ou les battements de son cœur dont le rythme irrégulier s'affolait quand leur proximité se faisait plus sensuelle.

Pour un peu, il aurait laissé glisser ses lèvres le long du cou du guérisseur, juste histoire de voir s'il parvenait à garder son sérieux et à expliquer son point de vue. La perspective d'entendre à nouveau ce murmure grave soufflé au creux de son oreille, ce 'Tu me rends fou', fit frémir l'étudiant. Clemens redressa la tête et s'abstint de continuer dans la provocation. Il ne voulait pas en arriver à ce point où il serait obligé de repousser Quinlan car il l'aurait lui-même amené au-delà de ces propres limites. Il était certes provocateur, mais pas à ce point-là.

Il força son esprit à se concentrer sur une seule idée et celle liée au travail de préférence.

« Comme si ils étaient incapables de supporter la magie ou… l'inverse ? Peut-être est-ce la magie qui les aide à tolérer la morsure et la transformation. Ça ne nous avance pas sur la question de l'essence, mais bon. »

Même s'il n'y connaissait pas grand-chose, ça lui paraissait spontanément plus logique. Sinon, pourquoi est-ce qu'un enfant né-moldu se trouvait subitement capable d'utiliser la magie ? La question était similaire pour la reproduction entre un sorcier et un moldu. Le reste de l'argumentation se basait à nouveau sur des spéculations, ce qui fit grimacer Clemens. Plongé dans sa réflexion, il laissa machinalement une main courir le long du torse de Quinlan. Leurs recherches se basaient beaucoup trop sur des données inconnues, ils étaient en quelque sorte une étape trop loin. Ils avaient supposé une base théorique sans pour autant avoir les moyens de la vérifier.

« Maintenant que le monde sorcier s'est ouvert au monde moldu, ce genre d'informations devrait se faire de plus en plus faciles à trouver, non ? Et puis le Ministère doit bien avoir des registres de Cracmol ou un truc du genre. Ok, je me doute que n'importe qui n'y aurait pas accès mais sous un bon couvert, ça doit pouvoir s'obtenir, non ? »

La suite, ça se corsait un peu. On ne pouvait pas vraiment dire que les animagus ou les vampires courraient les rues.

« Quelque part, je suis certain que ça a déjà du arriver, même si on n'est pas au courant, par hasard. Les animagus ne sont officiellement pas fréquent, mais au vu de l'interêt limité que leur porte le Ministère ces derniers temps, je ne serais pas plus étonné qu'il y en ait deux fois plus que ce qu'on ne croit. Quant aux Vampires… Il doit bien y en avoir un qui s'est fait bouffer par un loup-garou dans une forêt transylvaine, encore faut-il retrouver sa trace. »

Clemens se passa une main dans les cheveux. Avoir un paquet de certitudes personnelles ne les aideraient pas outre-mesure.

« C'est vrai que Tu-Sais-Qui est réputé pour avoir mis des loup-garous dans son camp… Tu penses qu'il a pu, lui ou ses partisans, conduire ce type d'expérience ? Et d'ailleurs, si on reste dans le même fil d'idée, est-ce que la lycanthropie est héréditaire… ? Ce n'est pas non plus un cas de figure qu'on rencontre tous les jours, tu vas me dire. »

Comme à son habitude, le flot de question et la réflexion qui s'emballait faisait flamber tant son esprit que son corps. Il sentait cette excitation subtile monter en lui, tandis qu'il posait des yeux brillants sur Quinlan… qui le sécha avec une question tout à fait terre-à-terre. En soi, il avait raison. A force de se promener torse nu, il risquait de prendre froid. Sauf que lové comme il l'était contre le son aîné, il recevait amplement sa dose de chaleur.

« Pas vraiment, mais ça ne va sans doute pas tarder. »

Clemens tenta de se redresser sans déranger son aîné. Installé comme il l'était, quitter le canapé était une manœuvre qui allait l'obliger à un peu de souplesse s'il ne voulait pas provoquer complètement Quinlan. L'Allemand lui déposa un baiser à la naissance de la mâchoire puis entreprit d'aller récupérer son pull.

Quinlan l'ignorait mais il était une vraie bouillotte vivante, alors il n'avait pas vraiment à s'inquiéter pour Clemens. Déjà en temps normal il avait facilement chaud, mais là, il était carrément en ébullition. Pour un peu, il aurait presque viré son t-shirt pour se mettre torse nu lui aussi. En attendant, il se contentait de passer une main distraite dans le dos de Clemens, caressant sa peau nue avec douceur. Il lui ferait bien un deuxième massage, maintenant qu'il y pensait, même si ce serait un massage d'un tout autre genre.

Mais lui aussi, il devait se concentrer sur quelque chose de plus sérieux.

— C'est pas non plus quelque chose de vérifiable. C'est comme se demander qui du dragon ou de l'oeuf est arrivé le premier. Autant essayer d'enculer une fée.

Un peu comme toute leur réflexion, puisqu'elle restait basée sur du vent. Ceci dit, Quinlan ne pensait pas que leur conversation soit totalement inutile. Elle permettait au moins de trouver des pistes, quitte à devoir les invalider dans la seconde. C'était un jeu de renvois qui les aiderait sûrement à y voir plus clair.

— Les informations sont plus accessibles mais je doute que le Ministère voient mes recherches d'un bon oeil. Je m'attends déjà à ce qu'on me tombe dessus, à vrai dire.

Sa paranoïa était totalement justifiée, vu les lois qui passaient en ce moment même au Ministère. C'était une ère de crise où les gens avaient peur, et où ils étaient prêts à faire n'importe quoi et accuser n'importe qui de tous les maux du monde. Sa vision plutôt originale des choses n'aurait jamais été acceptée. Pire même, ça pouvait carrément être un motif d'emprisonnement à Azkaban, et Quinlan en avait conscience.

Pour le couplet sur les animagus, il ne répondit rien : même s'il y en avait plus que prévu, il fallait quand même aller les dégoter — ce qui ne serait pas simple puisque justement, ils se planquaient — et voir s'ils résistaient à une morsure de loup-garou. Paye ta déontologie. Et pour les vampires, l'idée de Clemens était déjà plus réalisable, même si Quinn n'avait pas vraiment envie de passer ses vacances en Roumanie.

— C'est pas con, mais je suis pas sûr que ça soit faisable. Et puis, c'est pas comme si c'était le coeur du problème. Enfin, je sais même plus où il est là. À force de parler, on s'éloigne un peu…

Il soupira.

— Pas que parler de ça me dérange, au contraire.

Ce n'était qu'un petit interlude, nécessaire à Quinlan pour se recentrer sur sa problématique et surtout, sur le moyen de prouver que ce qu'il avait déjà envie d'appeler l'axiome de Neubach était un cadre théorique viable. Le reste de ses recherches en dépendait. Enfin, s'il s'investissait autant, il pourrait même renommer cet axiome Neubach-Fitzsimmons. Ça avait de la gueule.

La suite des réflexions de Clemens fut moins floue pour Quinn, cela dit. Pour une fois, il avait la réponse à la question de l'Allemand.

— Ce n'est pas héréditaire. Les femmes sont souvent stériles ou font des fausses couches à cause de la pleine lune. Les hommes ne semblent pas transmettre la lycanthropie. Quant aux reproductions sous forme animale, elles donnent lieu à des loups. Certes un peu plus gros, rusés et agressifs que des loups classiques, mais ça reste des animaux. Il y en a à Poudlard.

Quinlan se perdit dans ses pensées un instant, en profitant encore une fois pour se tourner vers Clemens et frôler son front de ses lèvres.

— En restant dans ton axiome et vu les faits observables, on pourrait presque dire que l'essence hybride du loup-garou est hétérogène : soit animale, soit humaine et qu'elle se transmet dans son état courant.

N'empêche que l'idée même de ce genre d'expériences faisait gerber Quinlan. Il était prêt à en tirer des conclusions pour alimenter ses recherches, mais de là à cautionner, fallait pas rêver non plus.

Avec tout ça, Clemens allait refroidir et chopper une pneumonie. Quinn lui en fit la remarque et du coup l'étudiant se leva… non sans laisser un baiser derrière lui. Un léger sourire sur les lèvres, Quinlan se redressa pour lui permettre de se lever plus facilement. Lui, par contre, il avait chaud. Il aurait bien tombé le t-shirt, mais se demandait comment ça allait être pris. Déjà que son jean n'arrivait pas à camoufler l'étendue de son désir, si en plus il se foutait à moitié à poil… Clemens allait fuir avec la queue entre les jambes. Enfin, façon de parler.

— Au fait, le massage, ça t'a aidé ou…?

Il avait bien compris que ça l'avait détendu, assez pour qu'il lui roule un gros patin en se collant à lui, mais concrètement, est-ce que ça avait fait taire sa douleur ? Sans vraiment s'en rendre compte, Quinn tendit sa main pour attraper la sienne, rechignant à rompre tout contact avec lui. Ah, si seulement il pouvait dormir ici cette nuit…

24/02/2007

Clemens se releva d'un geste fluide, enjambant Quinlan rapidement, mais pas suffisamment pour qu'il n'ait pas le temps d'y réagir. Le guérisseur retenu sa main sans qu'il ne puisse se résoudre à éviter le contact. Il referma ses doigts et exerça une pression le temps d'une seconde, sans se retourner cependant, puis il laissa glisser la main de son aîné pour enfin aller récupérer son pull. L'Allemand était loin d'avoir froid en réalité, mais il avait interprété la question comme une demande de reformer la distance. Avec un soupir, il s'habilla, profita un instant de la douceur de la laine sur sa peau, puis retourna s'installer à l'autre extrémité du canapé.

La question à propos du massage le surprit. Ses yeux bleus accrochèrent le regard de Quinlan, à la recherche d'une trace de doute ou d'incertitude, d'un quelque chose qui le poussait à chercher encore une fois de la confirmation. L'étudiant sentait encore ces mains expertes qui courraient le long de ses muscles, y délogeant chacune des tensions qui le lancinaient depuis trois mois. La chaleur de l'huile combinée à l'odeur réconfortante suivie de cette étreinte intense lui avait fait un bien déraisonné. Clemens ferma les yeux un instant, se remémorant le souffle de son aîné dans sa nuque…

« Ca m'a fait bien plus de bien que tu ne sembles le croire. »

Il sourit et rouvrit les yeux. L'interrogation l'avait à nouveau envoyer voguer dans une semi-réalité vaporeuse et il dut faire un effort pour se recentrer sur les réflexions de son aîné. Il les avait laissée en suspens le temps de se rhabiller, histoire de se donner un peu plus de temps pour y répondre. Il manquait sérieusement d'une base de médicomagie qui lui permettrait de lancer des théories qui se tenaient dans la longueur. Clemens se gratta le menton d'un air songeur.

« Le cadre théorique n'est pas le seul problème, de toute évidence. Tu penses qu'il serait possible d'atteindre les données du Ministère avec une excuse bidon ? Ou sous couvert de recherches qui ne poseraient pas problème ? Si ton nom est déjà connu, c'est évidemment plus problématique, mais il y a sans doute moyen de trouver un quelconque chemin détourné... »

C'était vrai qu'à force de partir dans des associations d'idées tordues, ils partaient de plus en plus dans une espèce de débat à la fois philosophique et metamagique. Pour autant, on ne pouvait pas dire que leurs réflexions étaient inutiles. Chacun d'entre eux se basant sur un cadre et des acquis différents continuaient de fournir des pistes à l'autre de manière complètement involontaire. Quinlan ne pouvait de toute façon rien faire dans l'immédiat pour l'aider à devenir un animagus, donc se lancer dans une grande discussion sur les essences de divers cas particuliers n'était pas la pire chose qu'il pouvait faire. Sans rien dire du fait que, plus ils parlaient, plus l'étudiant avait l'impression de voir des parallèles se former entre l'être de l'animagus et celui du loup-garou.

« Au vu de ce qu'on a jusqu'à présent, c'est sans doute la meilleure conclusion qu'on peut tirer. Les loups-garous, tout comme les vampires d'ailleurs, ne sont ni seulement humains, ni seulement loups ou… ou je ne sais pas quoi. Les vampires peuvent eux aussi se reproduire avec des humains normaux… Enfin, des sorciers en tout cas, je n'en sais rien pour les moldus. Ça collerait assez avec le principe d'essence hybride, mais sans recouper complètement avec l'hétérogénéité dont tu parles. Ce qui tient sans doute au fait qu'on ne peut pas isoler du vampire une part humaine et une part animale. »

Sa réflexion paraît encore une fois en vrille. Clemens lança un regard d'excuse au guérisseur, soudainement plus convaincu qu'il était vraiment en train de l'aider dans ses recherches.

« Tu as une idée de comment tu pourrais prouver tes suppositions ? Je veux dire, outre en décryptant ton grimoire. Parce que globalement tu travailles dessus sans avoir aucune idée des avancées qu'il pourrait t'apporter... »

Évidemment, et c'était souvent le cas quand on faisait des recherches. On accumulait des informations à droite et à gauche en espérant qu'une assez grande masse de données dessinerait des liens et des relations entre les différents conclusions. Quinlan était encore trop au début de ses travaux pour qu'un modèle puisse se dessiner.

« Désolé, j'ai l'impression que je t'embrouille plus que de raison. »

Clemens se lova à nouveau dans la chaleur et le confort de ce pull qu'il affectionnait tant pour se concentrer.

« Si on récapitule, tu veux prouver que les loups-garou ne sont rien que des humains et donc, rien ne justifie de les mettre à l'écart et de les abhorrer comme la société le fait jusqu'à présent. Et notre réflexion nous a amené à supposer qu'ils ont une essence hybride et hétérogène qui les différencie partiellement de l'humain lambda, sans en faire une autre espèce ou une autre créature pour la cause. Les preuves en seraient que… loups-garous et humains peuvent se reproduire sous certaines conditions et que la lycanthropie n'affecte que les humains. C'est ça ? »

Son esprit était un peu enfumé de sensations trop diverses. Leurs différentes avancées dataient de maintenant… combien ? Plusieurs heures ? Il n'en savait rien. Il s'était passé trop de choses entre les deux et Clemens n'était pas sur d'avoir retenu chaque détail de leurs réflexions. Après tout, Quinlan lui avait donné bien plus à penser que la simple lycanthropie.

La réponse de Clemens fit sourire Quinlan, qui ne put s'empêcher d'aller chercher plus loin sur ce coup-là. Peut-être qu'il ne devrait pas, mais c'était plus fort que lui.

— Je parle de la douleur, bien sûr. Parce que pour le reste, il y a bien des façons dont je pourrais 't'aider'.

Il rit pour lui-même, content de sa connerie tout en redoutant à moitié la réaction de Clemens. D'un côté il ne voulait pas le brusquer, mais de l'autre, il ne se gênait pas pour lui claquer des sous-entendus dans les pattes. C'était une chose de plaisanter à propos de sexe, mais une toute autre de le faire avec quelqu'un qui savait que vous n'étiez pas dénué de toute arrière-pensée. Quinlan soupira et reprit son sérieux, même s'il garda son petit sourire.

Récupérer les données du Ministère sous un faux prétexte était tout à fait faisable, et c'était bien le genre de Quinlan de réussir ce genre de tour de passe-passe. Au pire, il saurait à qui s'adresser. Il hocha lentement la tête.

— Il y a toujours un moyen d'obtenir ce qu'on veut, c'est juste une question de risque à prendre. Ou d'argent à perdre.

Après tout, il s'était bien procuré des grimoires un peu bizarres en faisant jouer les bonnes relations et en ayant assez de gallions pour les monnayer. Ça devait être pareil pour les registres du Ministère. Ce n'était pas une mauvaise piste. Pas comme cette histoire d'essence hétérogène : Clemens fit remarquer que pour les vampires, l'essence était certes hybride, mais sans avoir deux facettes bien distinctes. Quinlan réfléchit un instant, perplexe.

— Peut-être que c'est parce que le vampire n'a pas de part animale du tout. Il aurait l'essence humaine et… autre chose ? Après, rien ne nous dit qu'il n'y a qu'une sorte d'essence hybride.

Oui enfin, c'est un peu facile de prendre plein de choses totalement différentes pour leur claquer le même nom en disant 'oui mais en fait c'est au cas par cas'. Niveau rigueur scientifique, on a vu mieux quand même. Bref, de ce côté, Quinlan n'avait pas l'impression d'avoir avancé. La prochaine remarque de Clemens ne lui ôta pas vraiment cette sensation.

— J'avoue que je n'en ai aucune idée. J'étais parti pour essayer de définir l'humanité et ce qui fait qu'on considère les vampires ou les créatures de l'eau comme non-humains même s'ils sont humanoïdes, en mélangeant les loups-garous dans le lot l'air de rien. Et tu es apparu avec tes histoires d'essence, ce qui m'a permis d'y voir plus clair.

Il sourit doucement et se rapprocha de Clemens. Il avait bien envie de le prendre dans ses bras de nouveau, mais décida de changer la donne. Il se retourna et s'allongea sur lui, posant sa tête sur ses cuisses. Maintenant qu'il avait réussi à nouer un contact, il rechignait à s'en passer.

— C'est un bon résumé. Même si la façon dont tu le dis me donne l'impression que je me goure complètement. Ou que quelque chose m'échappe encore.

Quinlan se lova un peu plus contre Clemens : cette fois c'était lui le chat qui réclamait des câlins.

— Ce qui me fait penser… Tu n'as pas beaucoup avancé de ton côté. Comment on pourrait savoir si l'essence du bouquin est réellement inanimée ? Tu crois qu'en lui balançant des sorts au pif, on peut parvenir à quelque chose ?

Cette façon pour le moins originale de faire lui arracha un petit rire.

— C'est pas super rigoureux côté méthodologie, mais les plus grandes découvertes l'ont été par hasard alors bon… Qu'est-ce qu'on y perd ?

Quinn eut un large sourire amusé, comme celui d'un enfant le matin de Noël. Ce qu'il pouvait être bête, quand il s'y mettait !

24/02/2007

Tiens, pour une fois, les sous-entendus n'avaient pas été mal compris. Clemens ne put s'empêcher de sourire lui aussi. Le massage avait soulagé la douleur, mais sa phrase était clairement ouverte à une interprétation plus large. Il ne se risquerait pas à donner plus de détails, mais se contenta de jeter un regard flamboyant à Quinlan. Puis il détourna les yeux, ne laissant qu'un demi-sourire équivoque trahir sa pensée.

« Oui. J'avais compris. »

Mine de rien, la conversation retourna se centrer autour de leurs recherches, sans parvenir à dissiper la tension qui grandissait à nouveau. Chez Clemens, en tout cas. La pique de son aîné le poussait à se demander quelles étaient les différentes façons qu'il pourrait utiliser pour ' l'aider' et d'après ce qu'il avait pu percevoir depuis le début de l'après-midi, Quinlan était décidément quelqu'un d'imaginatif. La situation semblait s'inverser, l'étudiant perdait peu à peu prise sur la direction de ses pensées, tandis qu'une avalanche de sensations et d'images traversaient sa tête. Son regard croisa celui du guérisseur par inadvertance, et bien qu'il était conscient que celui-ci était en train de parler, il eut juste envie de traverser à nouveau la distance qui les séparait et de le réduire au silence.

« Souvent les deux, surtout dans une situation aussi tendue politiquement. J'imagine que je n'ai pas besoin de te le dire, mais tu as intérêt à avoir des intermédiaires de confiance… ou très anonymes. »

Il n'avait jamais mis les pieds dans une situation véritablement dangereuse. Certes, certains de ses paris étaient clairement illégaux, mais dans le pire des cas, il s'en serait sorti avec une amende salée. Des recherches sur les loups-garous pouvaient facilement être détournées afin de présenter les intentions du chercheur comme très éloignées de la vérité, et dans ce cas-là, la prison était envisageable. Lors des rencontres de duels illégales, la plupart des participants étaient masqués, ou du moins encapuchonnés. Clemens ne connaissait même pas le visage de ses intermédiaires dans le milieu. Personne n'essayait de savoir, c'était comme un pacte commun, si personne ne sait, personne ne parle. Tout ce qu'il savait, c'était comment les contacter… Et encore. Après trois mois hors du milieu, il était probable que ses informations ne soient déjà plus les bonnes.

Clemens grimaça, il avait espéré que Quinlan trouve une parade pour complèter le trou dans leur théorie des essences. Malheureusement, ce qui semblait fonctionner pour un type de créature était invariablement remis en cause par l'exemple suivant. Les vampires n'avaient pas de part animale. Sauf si ?

« Ca va peut-être paraître con, mais aucune légende n'est entièrement basée sur du vent. Les moldus construisent leurs mythes du vampire en lien avec la chauve-souris… Je suis d'accord que leurs histoires racontent beaucoup de salades, mais ça nous ferait un chaînon manquant. Les créatures humanoïdes aquatiques correspondraient elles-aussi à ce schéma. »

Leur théorie n'en serait peut-être pas beaucoup plus avancée, mais elle n'était tout du moins pas invalidée, ce qui n'était pas si mal dans un premier temps. Le reste de sa réflexion fut annihilée par l'approche de Quinlan auquel il ne se serait plus attendue. Comme si la période de contact et de câlins était finie pour la journée. Comme quoi, ils se loupaient encore dans les sous-entendus. L'Allemand le laissa s'installer avant même d'essayer de reprendre le cours de ses idées.

« Il est probable que quelque chose t'échappe, mais à l'heure actuelle, c'est sans doute normal. Tu ne travailles pas là-dessus depuis si longtemps, si ? Tu manques d'informations et de preuves plus concrètes. Tout comme pour nos grimoires, il te manque une clé… le lien entre tous tes morceaux de théorie. »

Alors que le guérisseur se lovait plus encore contre lui, il ne put résister à la tentation de renouer le contact lui aussi. Une de ses mains glissa le long du visage de Quinlan, descendant jusqu'au cou et la naissance des épaules. Le grimoire et son essence. C'était ça, le sujet.

« Au pif, je ne pense pas. Il faudrait séparer les sorts qui n'affectent potentiellement qu'un type d'essence. Sans compter le fait que le grimoire pourrait être animé en soi, sans que certain sort ne l'affecte. Hmmm… Un sort qui fait pousser les cheveux, par exemple, ne serait d'aucun effet, même si le grimoire était à la base un animal. »

L'exemple était bidon, mais c'était tout ce qui lui était venu à l'esprit, là, maintenant.

« La solution la plus simple serait de lui balancer un simple 'Inverto' pour le faire revenir à sa forme initiale, mais étant donné que la plupart des métamorphoses basiques n'affectent pas les essences, si tant qu'elles existent réellement, c'est probablement peine perdue. On pourrait peut-être revenir aux sorts d'Animation… En toute logique, ils n'affectent que ce qui est inanimé. Si une essence animée est figée dans cette illusion de livre inanimé, le sort pourrait rester sans effet. Mais même avec ce résultat là, je ne pourrais pas exclure que ce n'est pas simplement mon sort qui est raté. »

Clemens gronda pour lui-même. Il détestait se retrouver face à une telle débauche de chemins possibles qu'il avait la sensation d'être tout de même devant une impasse. D'autant que la théorie pouvait être bonne, sans s'appliquer directement au grimoire pour la cause. Le traité avait peut-être une clé particulière et il suffisait d'un sort ou d'une action précise pour qu'il révèle ses secrets. Il soupira.

« Et ce n'est peut-être même pas la clé. Il se peut que le grimoire soit une sorte d'épreuve, ou que la clé ne soit pas magique mais simplement cryptée. J'ai l'impression d'avoir tellement de solutions possibles sous la main, que je ne peux rien faire. Et je déteste cette saloperie de paradoxe. »

Dépité, sans vouloir le montrer, il se courba pour venir poser son front contre la tête de Quinlan.

En même temps, s'il y avait bien un domaine où Quinlan était imaginatif, c'était celui-là. Il passait le plus clair de son temps libre à ça, alors il fallait bien qu'il soit créatif ! Il répondit au petit sourire de Clemens avec une expression amusée. Un peu de provocation ne pouvait pas faire de mal, si ?

Bref, retour sur le travail. Effectivement, en cherchant un peu, on pouvait tout se procurer. Quinlan devrait y réfléchir : il finirait bien par trouver un moyen sans se mettre en danger et sans y perdre toutes ses économies. Il n'y était pas encore, cela dit. Une fois qu'il serait convaincu que le jeu en vaudrait la chandelle, il se lancerait.

En attendant, il préféra s'installer tout contre Clemens, savourant de nouveau ce contact l'air de rien. Quelques minutes avait suffit faire naître le manque, et il avait l'impression Clemens était à l'autre bout du monde alors qu'il était juste à l'autre bout du canapé. Il se blottit contre lui, avant de se rendre compte — un peu tard, encore une fois — qu'il avait la tête près d'un endroit particulièrement sensible. Clemens aurait pu le virer, mais ne l'avait pas fait. C'était bon signe, non…?

Ce qui ne les empêchait pas de parler très sérieusement pour autant. Clemens fit une remarque très pertinente qui rassura un peu Quinlan sur la tournure que prenait ses recherches. Les mythes des moldus venaient généralement d'une hybridation humain/animal, et les vampires pouvaient avoir un lien avec les chauves-souris. Ouais, pourquoi pas… Quinlan n'était quand même pas convaincu.

— Possible. Mais le problème c'est que les chauves-souris boivent rarement du sang, contrairement à d'autres animaux comme les tiques ou les sangsues. J'ai aussi lu que le vampirisme tirait son origine de l'hémophilie porphyrique, une véritable maladie moldue qui ne peut être endiguée que si le patient boit du sang humain frais. Ce qui ferait que son essence humaine ne serait pas tant altérée que ça, puisque ce serait une maladie magique à proprement parler. Évidemment, si l'essence d'un vampire est assez peu troublée par rapport à celle d'un loup-garou, on peut en conclure que le vampire est malade, alors que le loup-garou est simplement différent.

En déroulant son analyse, Quinlan ne s'était pas attendu à parvenir à une telle conclusion. Pourquoi n'y avait-il pas pensé avant ? Trop enfermé dans son propre point de vue, il avait besoin de Clemens pour le forcer à changer d'angle d'attaque. Ce qu'il s'empressa aussi de faire pour lui, histoire de lui renvoyer la balle.

Évidemment, balancer des sorts au pif n'était pas une solution. Clemens lui expliqua par a+b pourquoi ça ne fonctionnerait pas, et Quinn devait avouer qu'il n'était pas sûr d'avoir bien suivi. L'Allemand parlait vite, et d'un sujet qu'il ne maîtrisait pas, sans compter cet accent, ce visage angélique et cette main qu'il avait posé l'air de rien sur son torse. Quinn était capable d'un grand self-control et d'une concentration à toute épreuve, mais là c'était peut-être un peu trop. Son esprit vagabonda un peu, juste le temps pour Quinlan de se foutre une tarte mentale. Il avait posé une question, fait une suggestion, et il n'en écoutait pas la réponse ? C'était quoi la logique là ? Il ne reprit le fil de ce que disait Clemens que sur la fin :

— Alors couche-les sur papier. Écris chaque solution possible, regroupe-les et teste-les, les unes après les autres. Quand tu sens que ça part dans tous les sens, le mieux c'est juste tout noter, de remettre de l'ordre dans ce bordel et d'y aller par étape. Enfin, c'est comme ça que je fais, généralement. Sans méthode, t'arriveras à rien. Surtout avec ta façon de raisonner complètement chaotique.

Il lui sourit tendrement et posa sa main sur la sienne. Entrelaçant ses doigts dans les siens, il la ramena vers ses lèvres pour y déposer un baiser.

— De toute façon, on a déjà dit qu'il fallait que tu te retapes tout le bouquin pour savoir si tu n'avais rien loupé. Si tu pense vraiment avoir besoin d'une clé, peut-être que c'est comme ça que tu la trouveras.

Clemens se pencha alors sur Quinlan, posant son front sur le sien. Sans attendre, le guérisseur passa une main sur la nuque de l'Allemand et l'embrassa de nouveau. Non mais sérieusement, l'après-midi recherches-papouilles, c'était un concept.

24/02/2007

Ils étaient entrés dans un domaine trop dépendant de la médecine à elle seule pour que Clemens puisse tenir le fil de la conversation. Dès qu'il avait commencé à expliquer son hypothèse, il avait eu conscience qu'elle ne tiendrait fort probablement pas la route. Néanmoins, elle avait eu le mérite de lancer Quinlan sur une réflexion dont il semblait contrôler les fils, et c'était déjà mieux que rien. Lui, par contre, les histoires d'hémophilie et des particularités biologiques de tel et tel animal, ce n'était absolument pas son domaine. Seule la conclusion du guérisseur fut suffisamment claire pour qu'il puisse se raccrocher à la réflexion.

« Je ne suis pas sur d'avoir compris tout le développement de ton idée, mais j'ai la sensation que tu viens d'atteindre quelque chose là, non ? »

Cependant, la conclusion le dérangeait quelque part. Si on s'attelait à dire que les loups-garous n'étaient pas malades, qu'il ne fallait pas les guérir et qu'on devrait leur trouver une place dans la société… Pouvait-on retourner cet argumentaire contre les vampires ? Il était bien sur possible que ce soit faux pour l'un, et vrai pour l'autre, mais pourquoi est ce qu'il était communément acquis qu'il était nécessaire de trouver un remède à la lycanthropie alors que tout le monde semblait se désintéresser du vampirisme ? Clemens laissa glisser sa main sur le torse de Quinlan sans trop y prêter attention, alors qu'il essayait de rassembler ses mots.

« L'essence troublée serait-elle forcément l'indice d'une maladie ? Ou l''essence n'est peut-être pas modifiée du tout, et c'est simplement que la maladie apporte son lot de désavantages… mais aussi d'améliorations. »

Heureusement, Quinlan lui tendit une perche pour basculer sur le sujet de la métamorphose. Beaucoup plus aisé à gérer pour lui, même si c'était un challenge supplémentaire pour le guérisseur. Le flot de ses paroles se développa au fur et à mesure de sa réflexion, les mots construisaient la théorie en s'appuyant les uns sur les autres. Clemens aimait réfléchir tout haut, s'entendre parler l'aidait à donner de la réalité à ses propos et à mieux visualiser ses idées. D'étranges associations naissaient de l'organisation de ses phrases et son esprit, comme à son habitude sautait d'un concept à l'autre sans que le lien ne soit apparent pour n'importe qui d'autre que lui.

Quin ne faisait pas exception à la règle. Sa réponse était loin du développement théorique présenté par l'étudiant, mais aussi beaucoup plus pragmatique. Il avait besoin d'organisation et de méthode pour faire avancer ses recherches. Son esprit passionné pouvait certes être très prolifique, mais sans une vue d'ensemble de ses possibilités, il ne ferait que tourner en rond. Néanmoins, le côté très professoral de la suggestion l'amusa, et d'autant plus lorsque son aîné vient entremêler sa main à la sienne.

« Tu as raison, l'enthousiasme ne suffit pas. C'est la première fois que je me trouve face à une telle quantité d'informations simultanément, et j'ai un peu de mal à les gérer. Je suis de plus en plus empêtré dans un cadre théorique alors que j'ai un esprit résolument pratique. Il faut que je revoie ma façon d'aborder mes recherches. »

Pour ce qui était du grimoire en lui-même, il n'avait en effet plus d'autres solutions. Clemens devrait le confronter à toutes leurs autres théories et vérifier si chacune d'elle pouvait être d'une quelconque utilité pour découvrir les secrets de ces 'Transformations d'un autre genre'. Il soupira. La simple perspective de passer encore des heures à griffonner autour de ce bouquin le fatiguait déjà. Machinalement, il se pencha pour s'appuyer contre Quinlan, mais le contact ne dura pas une seconde avant qu'une main ne se glisse dans sa nuque.

Il n'eut aucune idée de combien de temps ce baiser dura. Il commença en douceur et en délicatesse, presque par surprise. Une main entrelacée avec celle du guérisseur, l'autre revenant caresser son torse, Clemens sentit – plus qu'il ne l'entendit – un léger gémissement rauque lui échapper. A contrecœur, mais rendu fébrile par la tension qui avait violemment atteint un nouveau palier, il rompit le contact et se redressa. Il laissa reposer sa tête contre son épaule et s'efforça de respirer amplement et calmement.

« Il me manque forcément une clé, ou alors, ce traité est un ramassis d’âneries, mais ça serait trop étonnant. La plupart des idées sont excellentes, simplement inutiles car elles ne sont pas reliées entre elles. J'imagine bien la clé être un sort particulier, dans l'idée de ceux qui révèlent l'encre invisibles. Seulement, ça doit forcément être quelque chose de plus fin et de plus complexe... »

Quelques phrases à peine soufflées. L'étudiant manquait de toute évidence d'expérience en ce qui concernait le multi-tasking.

Ah bah au moins ils étaient deux à avoir du mal à comprendre le raisonnement de l'autre ! Cet aveu arracha un sourire à Quinlan, qui roula un peu des épaules comme pour se frotter à Clemens. Malgré son patronus et son animal totem, il avait des réflexes de félin. Sûrement la faute au Docteur.

— Effectivement, mais je ne sais pas quoi.

Le vampirisme serait une maladie à proprement parler et pas la lycanthropie ? Alors pourquoi le Ministère s'échinait-il à chier dans les bottes des lycans alors que les vampires étaient tout aussi 'dangereux' et potentiellement soignables ? Mystère. Il devait y avoir une sombre raison politique là-derrière. Quinlan n'était pas un grand amateur de théories du complot, mais il fallait bien avouer que quand on commençait à creuser, on se rendait vite compte que dans les hautes sphères, chacun avait son agenda. Et parfois, on était surpris. Celui de Quinlan avait seulement le mérite de ne pas être totalement égoïste.

Clemens enchaîna sur l'aspect d'une essence atteint d'une pathologie. Cela laissa Quinlan silencieux un moment : ce n'était pas idiot, même si totalement invérifiable, sauf en passant par des sorts ou des plantes qui ne ciblaient que ces personnes 'malades'.

— Le problème étant qu'on ne peut actuellement pas observer la nature d'une essence… On ne peut le faire qu'indirectement, avec des sorts ciblés, ou des plantes… J'en parlerai à Neal. Il aura peut-être des pistes de ce côté-là, des tulipes tueuses de centaures ou des…

Quinlan s'arrêta en plein milieu de sa phrase, se rendant compte qu'il était passé à côté d'une révélation :

— L'ail repousse les vampires, n'importe quel péon ayant assisté aux cours de Défense contre les Forces du Mal le sait. Je n'ai jamais vraiment fait le rapprochement mais…

Il aurait bien sauté du canapé pour aller chercher le livre auquel il pensait mais il était trop bien. Non, à la place il empoigna sa baguette et s'en servit comme télécommande magique. Un accio plus tard, et il avait un gros volume dans les mains. On parle bien d'un livre, oui.

— Ah ! La porphyrie érythropoïétique congénitale… Regarde les symptômes. Sensibilité à la lumière du soleil et aux ultraviolets, troubles psychiques fréquents comme l'agressivité, l'irritabilité, les dents sont déformées et les gencives se rétractent, et… l'ail est fortement déconseillé. Entre autres. Je sais pas pour toi, mais moi je pense vraiment à des vampires.

Le problème étant qu'aucun traitement n'avait été trouvé pour cette maladie. Des transfusions régulières étaient le seul moyen d'atténuer les symptômes, mais la maladie trouvant son origine dans l'incapacité du corps à fabriquer de l'hémoglobine tout en encombrant le système de molécules inutiles, il était encore impossible de la guérir.

— On dirait que la seule différence avec le pendant magique de cette maladie, c'est le fait qu'elle soit contagieuse.

Il referma le volume qu'il posa ensuite sur le sol. Et si c'était simplement une forme magique un peu mutée qui transformait les gens en vampires ? Dans ce cas, le Ministère n'avait pas totalement tort de les considérer comme étant plus humains que des loups-garous, même si l'idée d'une échelle de plus à moins humain donnait des boutons à Quinlan.

— Reste à voir à quoi ressemble une essence de vampire et si on peut faire quelque chose pour eux. P'tain ça me tue qu'on les considère comme des 'forces du mal' du coup. Cette appellation est tellement gerbante de jugement moral, quand on y pense…

Et c'était le retour du Social Justice Warrior qui sommeillait en lui. Ce n'était pas nouveau et ce n'était pas un secret mais Quinlan avait toujours vomi l'intitulé de ce cours et ce qu'il y avait dedans. Il ne s'était jamais privé de le faire savoir à ses professeurs, les trollant allègrement au passage en les renvoyant à leur propre vision étriquée du 'bien' et du 'mal'. Ça lui avait valu une bonne paire de retenues, qu'il ne regrettait pas le moins du monde.

Et la conversation passa sur la métamorphose : ce fut au tour de Quinlan de ne plus rien comprendre, si ce n'est que Clemens avait besoin d'une méthodologie plus sérieuse s'il voulait parvenir à des conclusions dignes de ce nom.

— Justement, arrange-toi pour que tu aies toujours de la pratique à faire. Si tu arrives à équilibrer les deux, tu te lasseras sûrement moins vite.

Clemens se pencha alors sur Quinlan, chose à ne pas faire s'il ne souhaitait pas être déconcentré, car le guérisseur en profita pour aller quémander un nouveau baiser. Il s'y perdit, ignorant également combien de temps il dura. Rien à carrer du temps, ça faisait longtemps qu'il s'était arrêté. Pour un peu, Quinlan se serait redressé et aurait passé ses mains sous le pull de Clemens, cherchant un contact toujours plus intime. Mais non. Le baiser prit fin, et Clemens repartit sur ses recherches. Niveau multitasking, il était quand même pas mal.

— Tu rumines, mais concrètement ça ne te fait pas avancer.

Quinlan soupira et regarda le plafond.

— Je crois qu'on est vidés pour aujourd'hui. Mentalement, au moins.

Encore une fois, il rit de sa propre connerie, serrant la main de Clemens dans la sienne. C'était une relation étrange qui s'installait entre eux, mais un peu de changement de ce côté-là ne faisait pas de mal à Quinlan. Il avait souvent couché avec ses collègues ou ses partenaires de recherches, mais là, ça n'avait rien à voir. C'était plus… complexe.

— Je réitère, tu es épuisant comme plan cul intellectuel. Mais merci. Je n'aurais pas pensé à prendre cet angle pour comparer lycans et vampires sans toi.

Merde, ça sonnait presque comme une déclaration ça…

24/02/2007

En effet, il était impossible d'observer une essence, par contre, on pouvait agir sur elle et en voir les conséquences, ce qui était déjà mieux que rien. La base de leur théorie était donc potentiellement vérifiable, une fois qu'on trouvait le bon outil. Ça sonnait simple comme ça, mais c'était déjà, en soi, une découverte majeure. D'autant que l'exemple du centaure était encore un ajout de choix à leur liste de créatures humanoïdes qui semblaient se développer selon le même schéma : une essence hybride, hétérogène, humaine et animale. Clemens ne pouvait cependant plus rien faire d'autre qu'écouter Quinlan parler. Les détails techniques ne signifiaient rien pour lui.

« Donc on aurait quand même quelque chose de semblable avec les vampires ? »

L'étudiant regarda le livre voler jusqu'à eux, soudainement perplexe. Il avait l'impression d'avoir loupé un chaînon dans l'association d'idées du guérisseur. Comme lui, son aîné pouvait sauter d'une conclusion à l'autre sans s'embêter d'une explication de base théorique. Ce qui rendait ses propos un brin hermétique pour quiconque n'était pas familier avec le domaine.

Clemens se pencha comme demandé sur le livre, si pour une fois, il était écrit dans une langue qu'il comprenait, il n'en était pas beaucoup plus avancé pour la cause. Les termes techniques le déstabilisèrent dans un premier temps, mais la paraphrase de Quinlan l'aida à y voir plus clair. Les symptômes ainsi résumés évoquaient sans défaut le vampirisme. Mais pour les moldus ? Il n'avait jamais entendu parler d'une telle affection.

« Elle est contagieuse mais en plus de ça, elle apporte aussi un minimum d'avantages au malade, non ? Il me semble avoir lu quelque part que les vampires avaient une espérance de vie deux fois plus longue qu'un humain normal. »

Il n'était pas entièrement sur de ce qu'il avançait, mais cette information traînait quelque part au fond de son cerveau. Il l'avait sans doute lu en Allemagne, quand il avait commencé ses recherches sur les essences et était tombé sur un tas de grimoires un peu bizarres qui parlaient de métamorphoses un peu extrêmes. Cependant, il était bien en peine de dire si cette conclusion était une avancée ou une barrière à leur théorie. Sous une certaine perspective, on pouvait presque considérer qu'être un loup-garou offrait certains avantages. Pas socialement, bien sur, mais si celui qui parvenait à maîtriser sa bête pouvait tout de même se métamorphose en loup… Bon, c'était sans doute un point de vue uniquement partagé par les spécialistes du domaine.

« Ils attaquent des humains tout de même. Je comprends ton point de vue, mais je comprends également qu'il soit difficile de tendre la main à celui qui essaie de te la bouffer. Ce n'est pas une excuse pour rester cloîtrer dans la défense et l'attaque pendant des siècles… Mais c'est comme pour les loups-garous. Personne ne pouvait rien y faire au 15e siècle et maintenant, le biais est si profondément ancré qu'il va falloir se lever tôt pour le changer. »

Même s'il partageait le point de vue de Quinlan, Clemens restait plus pragmatique. C'était une réaction humaine de vouloir se protéger d'un danger, plutôt que d'essayer d'aider son propre prédateur. Sans compter sur le fait que la populace de base n'avait rigoureusement aucune idée de ce qu'était la porphyrie-truc et n'aurait jamais pu tomber spontanément sur l'idée qu'ils étaient malades.

Pour ce qui était de la métamorphose, il se contenta de hocher la tête sans plus faire de commentaire. Son aîné avait raison – aaah l'expérience – pour avancer, il devait simplement revoir sa méthode de travail en profondeur et retrouver un nouvel équilibre entre pratique, théorie et frustrations diverses. C'était sans doute la plus grande avancée qu'il avait fait durant cet après-midi. A défaut d'avoir trouvé des solutions viables, il en avait tout un panel et commençait à avoir une idée claire de comment l'exploiter. Ce qui était vachement mieux que de balancer des verres par terre, si on y réfléchissait une minute.

Le baiser eut le mérite de lui offrir une pause, à défaut de lui remettre de l'ordre dans les idées. Ressortir une phrase cohérente après ça avait été un effort qui, heureusement, était resté inaperçu du côté de Quinlan. Leurs voix s'enthousiasmaient puis fondaient en un murmure si souvent depuis le début de leurs débats, que ça n'était presque plus dignes d'être remarqués.

« Tu as raison. Mine de rien, ça fait presque vingt-quatre heures que je traîne sur ce sujet. Alors même si je n'ai pas spécialement mal dormi, mon cerveau a peut-être besoin d'une pause pour classer un peu les différentes informations. »

Pour ce qui était de ses propres recherches, du moins. Les problèmes de Quinlan avaient le mérite de lui apporter une certaine fraîcheur et de le lancer sur des chemins qu'ils n'auraient sinon pas explorés. La métamorphose était certes un vaste sujet, mais il ne pouvait pas s'intéresser à chaque humanoïde existant. Les transformations de l'humain pur à l'animal simple lui prenait déjà bien assez d'énergie en temps normal… Mais bon, là, c'était différent. Travailler à deux créait une émulation toute différente.

« J'ai simplement une vision différente des choses, une autre approche. Tu m'as aussi poussé dans des réflexions que je n'aurais pas envisagées autrement. J'ai longtemps pensé que débattre avec quelqu'un dont la spécialité n'était pas la métamorphose était une perte de temps, car expliquer la base théorique est bien trop long. Mais en fait, il suffit de trouver un esprit logique et ça fonctionne de soi-même... »

Clemens laissa échapper un rire. Il avait été borné, encore une erreur de jeunesse, sans doute. Il n'était pas convaincu que son apport avait été d'un grand secours pour Quinlan, au fond, il n'avait jamais fait que renvoyer des balles porteuses de théories toutes les plus biscornues les unes que les autres. Il haussa les épaules et caressa le dos de la main du guérisseur.

« Mais tout de même, plan cul intellectuel... »

La formulation, bien qu'elle soit la sienne, le mettait quelque part mal à l'aise. Il n'aimait pas cette connotation du 'une fois', du 'non-important' et du 'répétable avec n'importe qui'. Ça avait été un reproche, claqué sous le coup de l'énervement. Ressortie dans une situation qui avait énormément évolué, alors qu'ils se tenaient à nouveau enlacé, l’appellation lui laissa une drôle d'amertume.